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Décisions

CA Riom, ch. civ. sect. 1, 9 mars 1993, n° 987-92

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Papereux

Défendeur :

SMABTP (Sté), Garnier (es qual.), Berthon, Bert

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Alzuyeta

Conseillers :

Mmes Jean, Valtin

Avoués :

Mes Goutet, Gutton, Mottet

Avocats :

Mes Detruy, Langlais, de Boissy

CA Riom n° 987-92

9 mars 1993

Exposé du litige

Suivant déclaration du 6 avril 1992, Monsieur Guy Papereux a relevé appel du jugement rendu le 19 mars 1992, par le Tribunal de grande instance de Cusset qui l'a, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, vu le rapport d'expertise de Monsieur Turlier, débouté de sa demande de condamnation in solidum de la SA Berthon, fournisseur des tuiles de la villa qu'il a fait construire, de la SMABTP, assureur de la dite société et de Monsieur Bert, couvreur, au paiement de la somme de 283 000 F correspondant au coût de réfection de la toiture (200 000 F), au coût du changement des dallages et pavés extérieurs tâchés par la décoloration des tuiles lors des pluies (23 000 F) et à la somme de 50 000 F pour trouble de jouissance.

Monsieur Papereux demande à la cour de déclarer la société Berthon, sous la garantie de la SMABTP, et Monsieur Bert, responsable in solidum et de les condamner à lui porter et payer avec intérêts de droit à compter du jugement, les sommes suivantes :

- réfection des dalles : 23 000 F - réfection de la toiture : 200 000 F (sous réserve d'un coût plus élevé des tuiles nouvelles à poser) - préjudice d'agrément : 50 000 F - préjudice moral : 10 000 F - article 700 NCPC : 10 000 F

La SMABTP demande à la cour de déclarer Monsieur Papereux irrecevable en son appel, à tout le moins mal fondé, de le débouter ainsi que toutes parties contestantes de l'ensemble de ses prétentions à son encontre, de la mettre hors de cause tant pour les motifs du jugement de première instance que par les moyens développés devant la cour et de le condamner ainsi que tous contestants à lui payer et porter la somme de 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Philippe Garnier, ès qualité de liquidateur de la société Berthon demande de débouter Monsieur Papereux de ses demandes formées à son encontre, es qualité, et de le condamner à lui payer et porter la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Claude Bert demande également à la cour de débouter Monsieur Papereux de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer et porter la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La cour se réfère expressément au jugement querellé pour plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, et des moyens et prétentions initiales des parties.

Sur quoi

Attentu qu'il résulte du rapport d'expertise de Monsieur Turlier, désigné par ordonnance de référé, que le toit de la maison de Monsieur Papereux en petites tuiles plates vieillies ne comporte pas de gouttières, comme dans les anciennes maisons du pays, que l'eau tombe par terre dans des caniveaux japonais recouverts de graviers, sur des dalles de travertin romain et des pavés autoblocants et que les désordres proviennent du fait que les tuiles teintes superficiellement, se décolorent sous l'effet de l'eau de pluie et laissent des traces marron sur le dallage en pierre ainsi que sur les marches ou contremarches des accès à la piscine ;

Que c'est donc à juste titre que l'expert a pu conclure de la façon suivante :

" Les désordres dont se plaint Monsieur Papereux sont d'ordre purement esthétique. Ils ne compromettent pas la stabilité de l'immeuble et ne nuisent pas à sa destination. "

En conséquence, ils ne relèvent pas de la garantie décennale.

" Le préjudice esthétique subi par Monsieur Papereux et pouvant être éventuellement retenu par le Tribunal, peut être estimé à la somme de 23 000 F TTC, compris travaux de remise en état " ;

Que le premier juge a justement déduit de ce qui précède que les désordres affectant le gros ouvrage sans affecter la solidité de la destination de l'immeuble rentraient dans la catégorie des dommages intermédiaires et relevaient de la responsabilité contractuelle de droit commun des intervenants pouvant être recherché pendant 10 ans à compter de la réception des travaux, qui en l'espèce peut être fixée à la date de finition de la toiture, fin juillet 1987 ; que Monsieur Papereux est donc parfaitement dans les délais pour agir, l'assignation en référé et d'ailleurs les assignations au fond datant de l'année 1990 ;

Qu'en tout état de cause, même si, comme l'affirme Monsieur Papereux, la réception n'était pas acquise c'est encore la responsabilité contractuelle de droit commun qui devrait s'appliquer ;

Qu'il faut donc que Monsieur Papereux prouve une faute à l'encontre de son fournisseur de tuiles, la société Berthon, et du couvreur, Monsieur Bert ;

Or, attendu que l'expert a noté que le traitement superficiel subi par les tuiles pour obtenir un aspect vieilli est un procédé tout à fait classique, et que la perte de teinte " est un phénomène normal et qui reste généralement invisible car les toits sont pourvus de gouttière en basse pente ", que les tuiles utilisées sont d'excellente qualité et que leur délavage doit être à peu près terminé ; qu'ainsi Monsieur Papereux ne justifiant pas avoir avisé son fournisseur que les tuiles commandées ne seraient pas utilisées dans les conditions habituelles, puisqu'il résulte du rapport d'expertise que c'est sur la propre initiative de Monsieur Papereux qu'ont été supprimées les gouttières en basse pente du toit et qu'aucun document ni tout autre élément du dossier permettant de dire que le fournisseur avait connaissance de ce fait aucune faute ne peut être reprochée à ce dernier notamment en ce qui concerne son devoir normal de cosneil ;

Qu'en ce qui concerne le couvreur, lui non plus ne saurait se voir reprocher une faute dans le cadre de son obligation naturelle d'information ; que comme l'a relevé le premier juge, s'il n'apparaît pas contestable qu'il a eu connaissance de l'originalité de la toiture, il n'a certes pas eu conscience du risque de décoloration des tuiles phénomène généralement invisible ; qu'au surplus, il n'est pas du tout établi qu'il était informé de ce que le sol serait recouvert de dallages et de travertin romain et que ces éléments étaient d'ores et déjà en place lors de la pose de la couverture ; que l'expert a bien noté que si l'eau tombe sur les graviers, il n'y a pas de problème et que le désordre aurait pu être évité en prévoyant des caniveaux japonais entièrement périmétriques et non seulement partiels ;

Que les désordres constatés relèvent en fait de la conception générale de l'ouvrage qui n'était pas à la charge des intervenants attraits dans la présente procédure.

Qu'au surplus, Monsieur Papereux ne justifie pas que depuis le procès-verbal de constat du 30 août 1990 et surtout depuis l'expertise du 19 décembre 1990, la décoloration des tuiles se soit poursuivie et que leur aspect ne correspond pas de plus à leur aspect originaire ;

Attendu que dans ces conditions, il y a lieu de confirmer en toutes ses dispositions la décision querellée, étant précisé que la SMABTP n'établit pas que la société Berthon serait in bonis puisque c'est le liquidateur de celle-ci qui est intervenu aux débats ;

Attendu que, succombant en son appel, Monsieur Papereux sera condamné en tous les dépens ; que cependant il ne paraîtrait pas équitable de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à l'encontre de Monsieur Papereux ; que les intimés seront aussi déboutés de leur demande à ce titre, conformément aux dispositions, in fine, de l'article 75 de la loi du 10.7.1991 ;

Par ces motifs : LA COUR, après en avoir délibéré, statuant publiquement et contradictoirement, déclare recevable en la forme l'appel de Monsieur Guy Papereux. Au fond, confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Cusset du 19 mars 1992 en toutes ses dispositions dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au bénéfice de la SMABTP, de Monsieur Garnier ès qualité de liquidateur de la société Berthon, et de Monsieur Bert. Condamne Monsieur Papereux en tous les dépens qui serait recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.