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Décisions

CA Toulouse, 3e ch. corr., 8 novembre 2001, n° 01-00418

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Foulquie

Avocat général :

M. Gaubert

Conseillers :

M. Lamant, Mme Charras

Avocat :

Me Costes.

TGI Albi, du 22 mars 2001

22 mars 2001

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le tribunal, par jugement en date du 22 mars 2001, a déclaré Emmanuel D coupable de :

Abus de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne démarchée: souscription d'un engagement, du 12 juillet 2000 au 7 août 2000, à Monestiés, infraction prévue par les articles L. 122-8, L. 122-9 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 122-8 du Code de la consommation

Et, en application de ces articles, l'a condamné à:

- 3 mois d'emprisonnement avec sursis,

- 10 000 F d'amende.

Les appels:

Appel a été interjeté par

Monsieur D Emmanuel, le 27 mars 2001

M. le Procureur de la République, le 27 Mars 2001 contre Monsieur D Emmanuel

Décision :

Dans le cadre de la prospection de sa clientèle, Monsieur Emmanuel D, Directeur du X, entreprise spécialisée notamment dans le traitement des bois et l'isolation thermique, a, le 12 juillet 2000, proposé à Monsieur Philippe Vayssière un habitant de Monestiés (Tarn), âgé de 73 ans, un contrôle avec diagnostic gratuit de la charpente de sa maison.

Ayant constaté une attaque d'insectes de type xylophanes Monsieur D a présenté à Monsieur Vayssière un devis de traitement de la charpente pour un montant de 10 834, 83 F accepté par Monsieur Vayssière.

Le jour de l'exécution de ces travaux, le 28 juillet 2000, Monsieur D accompagné d'un attaché technico-commercial s'est à nouveau déplacé chez Monsieur Vayssière à qui il a présenté trois nouveaux devis d'un montant total de 45 062,95 F relatifs à des travaux de toiture.

Ces devis ont été acceptés par Monsieur Vayssière moyennant un paiement échelonné en trois mensualités. Les travaux devaient être réalisés les 28, 29 et 30 août 2000.

Le 7 août 2000, Monsieur Bernard Durand, beau-frère de Monsieur Vayssière découvrait les devis et portait plainte pour abus de faiblesse.

Il résultait de l'enquête que Monsieur Vayssière ne paraissait pas conscient de la nature des versements et du montant des chèques signés.

L'examen de son médecin traitant confirmé par un spécialiste et un expert le faisait apparaître comme atteint de troubles psychiques de type Alzheimer, avec forte altération depuis trois ans environ de ses capacités de jugement et de raisonnement. Son aide ménagère indiquait qu'il tenait des propos confus et était incapable de remplir un chèque.

Les travaux de traitement de la charpente ont été exécutés et payés. Ceux relatifs aux réparations de la toiture n'ont été ni exécutés ni réglés.

Monsieur Emmanuel D n'a pas d'antécédents judiciaires.

A l'audience Monsieur Emmanuel D assisté de son conseil conclut à son renvoi des fins de la poursuite en faisant valoir que :

- le bien fondé de la réalité des travaux élimine la notion de ruse ;

- il n'y a eu de sa part ni harcèlement ni contrainte à l'égard de Monsieur Vayssière;

- rien ne permettait à Monsieur D et aux techniciens qui l'accompagnaient de deviner que leur client était atteint de la maladie d'Alzheimer ;

- il n'est pas établi que Monsieur Vayssière se trouvait dans un état de faiblesse ou d'ignorance au moment où il a contracté, la maladie dont il est atteint ayant un processus d'évolution complexe et diversifié selon les sujets.

Le Ministère public requiert la confirmation du jugement.

Sur quoi LA COUR considère que:

Les appels, interjetés dans les forme et délai prévus par la loi, sont recevables.

L'incrimination visée à l'article L. 122-8 du Code de la consommation suppose que le prévenu ait ai conscience de la faiblesse de son co-contractant et qu'au surplus celui-ci, soit n'ait pas été en mesure d'apprécier la portée de ses engagements ou de déceler ruses et artifices, soit a été soumis à une contrainte.

En l'espèce, il n'apparaît pas douteux, au vu des éléments médicaux produits, que Monsieur Philippe Vayssière ait présenté, bien avant même ses contacts avec Monsieur D une détérioration intellectuelle de type Alzheimer.

Si les témoignages recueillis, et notamment celui de son aide ménagère, relatent des troubles du comportement de Monsieur Vayssière caractérisés essentiellement par des absences et des pertes de mémoire, force cependant est de constater qu'il ne faisait pas encore l'objet d'une mesure de protection judiciaire, continuant de vivre à son domicile.

Il faut observer que lors de sa déposition à la gendarmerie le 8 août 2000, Monsieur Vayssière se souvenait de la visite, le 28 juillet 2000 de "trois hommes de la société X basée à Portet/Garonne" et que des travaux allaient être effectués chez lui prochainement, les trois hommes avant "travaillé le jour de leur venue, sous la charpente, plaçant des tubes dans les poutres".

Les travaux ainsi décrits correspondent manifestement à ce qui se fait pour traiter une charpente contre les parasites.

Même si Monsieur D a passé deux fois deux heures avec Monsieur Vayssière - ce qu'il a reconnu non sans une certaine franchise - se trouvant vraisemblablement dans la situation de celui qui explique et présente son projet, aucun élément du dossier n'établit suffisamment qu'il a pu se persuader que Monsieur Vayssière, âgé sans être très âgé, avec le comportement et le maintien général qui va avec, n'était pas en mesure d'apprécier la portée de ses engagements.

En effet, aucune donnée médicale ne permet de considérer que les personnes atteintes de la maladie dont souffre Monsieur Vayssière présentent à ce stade des bouffées délirantes ou s'accompagnent de signes visibles de comitialité de sorte qu'en dehors d'hésitations, de répétitions ou d'oublis ponctuels pouvant être imputés à l'âge, il ne résulte pas suffisamment des éléments du dossier que Monsieur Vayssière n'ait pas été en mesure d'apprécier la portée de ses engagements, aucun indice de muse, artifice ou contrainte n'apparaissant par ailleurs et les contrats en bonne et due forme ayant été approuvés et signés, d'une écriture normale pour une personne âgée, par Monsieur Vayssière.

La relaxe sera prononcée.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ; Reçoit les appels ; Infirme le jugement rendu le 22 mars 2001 par le Tribunal correctionnel d'Albi; Renvoie Monsieur Emmanuel D des fins de la poursuite.