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Décisions

CJCE, 5e ch., 25 octobre 2001, n° C-49/98

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Urlaubs- und Lohnausgleichskasse der Bauwirtschaft, Finalarte Sociedade de Construção Civil Ldª, Portugaia Construções Ldª, Engil Sociedade de Construção Civil (SA)

Défendeur :

Urlaubs- und Lohnausgleichskasse der Bauwirtschaft, Amilcar Oliveira Rocha, Tudor Stone Ltd, Tecnamb-Tecnologia do Ambiante Ldª, Turiprata Construções Civil Ldª, Duarte dos Santos Sousa, Santos & Kewitz Construções Ldª

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Jann

Avocat général :

M. Mischo

Juges :

MM. Edward, Sevón

Avocats :

Mes Buchberger, Sedemund, Kühne, Wulff, Kewitz, Böken, van de Walle de Ghelcke, Brinker, Karpenstein

CJCE n° C-49/98

25 octobre 2001

LA COUR (cinquième chambre),

1 Par ordonnances des 10 février 1998 (C-49-98), 16 février 1998 (C-50-98) et 17 février 1998 (C-52-98 à C-54-98), parvenues à la Cour le 24 février suivant, et du 27 février 1998 (C-68-98 à C-71-98), parvenues à la Cour le 13 mars suivant, l'Arbeitsgericht Wiesbaden a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), quatre questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 48 et 59 du traité CE (devenus, après modification, articles 39 CE et 49 CE) et 60 du traité CE (devenu article 50 CE) ainsi que de l'article 3, paragraphe 1, premier alinéa, second tiret, sous b), de la directive 96-71-CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services (JO 1997, L 18, p. 1).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre de neuf procédures portant chacune sur le régime des caisses de congés payés prévues pour le financement des droits aux congés des travailleurs du bâtiment. Trois de ces procédures (C-49-98, C-70-98 et C-71-98) ont trait à des actions visant à faire constater l'inexistence d'un rapport de droit. L'Urlaubs- und Lohnausgleichskasse der Bauwirtschaft (caisse de congés payés du bâtiment, ci-après la "caisse") y est défenderesse. Les demandeurs y sont des employeurs établis dans un autre État membre que la République fédérale d'Allemagne, qui ont détaché en Allemagne des travailleurs et ont été mis en demeure par la caisse de verser des cotisations et de communiquer les renseignements prévus par le Verfahrenstarifvertrag (convention collective relative au régime des caisses de sécurité sociale, ci-après le "VTV") pour le calcul de ces cotisations. Les autres procédures (C-50-98, C-52-98 à C-54-98, C-68-98 et C-69-98) ont trait à des actions engagées par la caisse en vue du paiement de cotisations et de la communication de renseignements à l'encontre d'employeurs établis dans un autre État membre que la République fédérale d'Allemagne qui ont détaché des travailleurs en Allemagne.

La réglementation nationale

3 Le régime des congés payés des travailleurs de l'industrie du bâtiment est réglementé en Allemagne par le Mindesturlaubsgesetz für Arbeitnehmer - Bundesurlaubsgesetz (loi sur la durée minimale de congé des travailleurs) et par le Bundesrahmentarifvertrag für das Baugewerbe (convention collective fixant un cadre général pour l'industrie du bâtiment, ci-après le "BRTV-Bau").

4 Il est mis en œuvre grâce à un système de caisses de congés payés réglementé pour l'essentiel par le VTV. Le champ d'application du VTV et du BRTV-Bau a été étendu à l'ensemble du secteur du bâtiment par le ministre fédéral du Travail et des Affaires sociales.

5 Le secteur du bâtiment est caractérisé par le fait que les travailleurs changent fréquemment d'employeur. Pour cette raison, le BRTV-Bau prévoit que les différents rapports de travail que le travailleur a entretenus au cours de l'année de référence doivent être traités comme s'il s'agissait d'un seul rapport de travail. Grâce à cette fiction, le travailleur peut totaliser les droits aux congés qu'il a acquis auprès de différents employeurs au cours de l'année de référence et faire valoir l'intégralité de ces droits auprès de son employeur du moment, indépendamment de la durée de la relation de travail avec cet employeur.

6 Ce système aurait normalement pour conséquence de créer une lourde charge financière pour ledit employeur puisqu'il se verrait contraint de payer au travailleur des indemnités de congés même pour les jours de congé acquis auprès d'autres employeurs. La caisse a été créée afin de parer à cet inconvénient et de garantir une répartition équitable des charges financières entre les employeurs concernés.

7 À cette fin, les employeurs établis en Allemagne versent à la caisse des cotisations égales à 14,45 % de leur masse salariale brute. Ils acquièrent notamment en contrepartie des droits au remboursement total ou partiel des prestations versées aux travailleurs à titre d'indemnités de congés et de primes de vacances supplémentaires.

8 Les employeurs doivent communiquer chaque mois certains renseignements à la caisse afin de lui permettre de déterminer leur masse salariale brute mensuelle et de calculer le montant des cotisations dues.

9 En vertu de l'Arbeitnehmerentsendegesetz (loi sur le détachement des travailleurs), du 26 février 1996 (BGBl I, p. 227, ci-après l'"AEntG"), les dispositions des conventions collectives de l'industrie du bâtiment portant sur les droits aux congés payés ont été rendues applicables, avec effet au 1er mars 1996 et sous certaines conditions, aux relations de travail existant entre des entreprises dont le siège social est situé hors d'Allemagne et les travailleurs qu'elles envoient sur un chantier situé en Allemagne pour l'exécution de travaux de construction.

10 Dans ce cadre, l'article 8 du BRTV-Bau, relatif aux droits aux congés, a été modifié et le VTV a été complété, avec effet à compter du 1er janvier 1997, par une troisième partie intitulée "Régime des congés pour les employeurs établis en dehors de l'Allemagne et leurs salariés travaillant en Allemagne". Les employeurs établis hors d'Allemagne sont donc tenus de participer au régime des caisses de congés payés, ce qui se traduit, notamment, par l'obligation de verser à la caisse, jusqu'au 30 juin 1997, 14,82 % et, depuis, 14,25 % de la masse salariale brute relative aux travailleurs qu'ils ont détachés sur le territoire allemand.

11 Cependant, il existe des différences entre le régime applicable aux employeurs établis en Allemagne et celui applicable aux autres employeurs. Premièrement, contrairement à ce qui est prévu dans le cadre du régime applicable aux employeurs établis en Allemagne, l'employeur établi hors d'Allemagne ne peut faire valoir aucun droit au remboursement à l'encontre de la caisse. C'est au profit de chaque travailleur détaché que le VTV institue le droit d'obtenir de la caisse le versement des indemnités de congés.

12 Deuxièmement, les employeurs établis hors d'Allemagne doivent fournir à la caisse plus de renseignements que les employeurs établis en Allemagne.

13 Troisièmement, une notion différente de l'entreprise est appliquée selon que l'employeur est établi ou non en Allemagne. L'article 1er, paragraphe 4, de l'AEntG est rédigé en ces termes:

"Aux fins de leur rattachement au champ d'application, à raison de l'entreprise, d'une convention collective, au sens des paragraphes 1, 2 et 3, les salariés détachés en Allemagne par un employeur établi à l'étranger sont réputés constituer, dans leur ensemble, une entreprise."

14 En revanche, il ressort de l'article 7 du BRTV-Bau que, pour déterminer si un employeur établi en Allemagne est soumis aux conventions collectives de l'industrie du bâtiment, un chantier ou même les travailleurs engagés exclusivement sur un chantier ne sont pas considérés comme une entreprise. C'est à cet égard l'unité organisationnelle à partir de laquelle les travailleurs ont été envoyés sur un chantier qui constitue l'entreprise.

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

15 Des employeurs qui sont parties aux litiges au principal, huit sont établis au Portugal et un est établi au Royaume-Uni. Au cours de l'année 1997, chacun d'eux a détaché des travailleurs en Allemagne pour l'exécution de travaux de construction.

16 La caisse exige de ces employeurs qu'ils participent au régime de cotisations en vue du financement des droits aux congés des travailleurs du bâtiment. Elle invoque à cet égard le VTV et l'article 1er, paragraphes 1 et 3, de l'AEntG.

17 Afin de préparer le recouvrement des créances de cotisations prévues par ces dispositions, elle sollicite desdits employeurs la communication de certains renseignements énumérés par le VTV.

18 Estimant que la solution des litiges au principal dépend de l'interprétation de la réglementation communautaire, l'Arbeitsgericht Wiesbaden a sursis à statuer et a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) Une disposition de droit national telle que l'article 1er, paragraphe 3, première phrase, de l'AEntG est-elle contraire aux articles 48, 59 et 60 du traité CE, tels qu'ils doivent être interprétés, en ce qu'elle prévoit que les normes juridiques issues de conventions collectives étendues, concernant le recouvrement de cotisations et l'octroi de prestations en rapport avec les droits aux congés des travailleurs par l'intermédiaire d'organismes paritaires des parties à ces conventions collectives, et donc également les normes juridiques de ces mêmes conventions relatives au régime à respecter à cet égard, s'appliquent à un employeur établi à l'étranger et à ses salariés détachés dans le champ d'application territorial de ces conventions?

2) Les dispositions de l'article 1er, paragraphe 1, deuxième phrase, et paragraphe 3, première phrase, de l'AEntG sont-elles contraires aux articles 48, 59 et 60 du traité CE, tels qu'ils doivent être interprétés, en ce qu'elles entraînent l'application de normes juridiques de conventions collectives étendues

a) qui prévoient une durée de congés supérieure à la durée minimale de congés annuels prescrite par la directive 93-104-CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail,

et/ou

b) qui accordent aux employeurs établis en Allemagne le droit au remboursement, par les organismes paritaires des parties aux conventions collectives, des sommes versées au titre de l'indemnité de congés payés et de la prime de vacances, alors qu'elles ne prévoient pas un tel droit pour les employeurs établis à l'étranger mais confèrent, au lieu de cela, aux travailleurs détachés un droit direct à l'encontre de ces organismes paritaires,

et/ou

c) qui imposent aux employeurs établis à l'étranger - dans le cadre du régime de caisses sociales à respecter conformément à ces conventions collectives - des obligations, en matière de renseignements à fournir aux mêmes organismes paritaires, qui vont au-delà, de par la quantité de renseignements à communiquer, de ce qui est demandé aux employeurs établis en Allemagne?

3) La règle de l'article 1er, paragraphe 4, de l'AEntG est-elle contraire aux articles 48, 59 et 60 du traité CE, tels qu'ils doivent être interprétés, en ce qu'elle prévoit que, aux fins du rattachement au champ d'application, à raison de l'entreprise, d'une convention collective étendue - qui, aux termes de l'article 1er, paragraphe 3, première phrase, de l'AEntG, s'applique également aux employeurs établis à l'étranger et à leurs salariés détachés relevant de son champ d'application territorial -, tous les salariés de tels employeurs qui se trouvent détachés en Allemagne, et eux seuls, sont réputés constituer une entreprise, alors qu'une notion différente de l'entreprise est appliquée aux employeurs établis en Allemagne, ce qui peut, dans certains cas, entraîner une délimitation différente des entreprises relevant du champ d'application de la convention collective étendue?

4) Convient-il d'interpréter l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive 96-71-CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services, en ce sens que, eu égard aux articles 48, 59 et 60 du traité CE, tels qu'ils doivent être interprétés, la directive ne prescrit ni n'autorise, en tout état de cause, les dispositions dont les aspects problématiques ont été présentés dans les trois premières questions?"

Observations liminaires

19 Les questions posées par la juridiction de renvoi soulèvent, outre la question de l'interprétation des articles 59 et 60 du traité, relatifs à la libre prestation des services, celle de l'applicabilité de l'article 48 du traité, relatif à la libre circulation des travailleurs.

20 Il n'est pas contesté que les litiges au principal concernent des entreprises établies dans d'autres États membres que la République fédérale d'Allemagne qui ont détaché leurs propres travailleurs pour une durée déterminée sur un chantier situé en Allemagne en vue de l'exécution d'une prestation de services, ce qui implique des situations de fait relevant des articles 59 et 60 du traité.

21 Cependant, la juridiction de renvoi estime, ainsi que les sociétés Finalarte Sociedade de Construção Civil Lda et Portugaia Construções Lda, que l'article 48 du traité s'applique également aux espèces au principal étant donné que les chances des travailleurs d'être recrutés et détachés à l'étranger s'amoindrissent dans la mesure où un employeur se trouve empêché, à la suite de l'extension du régime des congés payés, d'exercer une activité en Allemagne dans le cadre de la libre prestation des services.

22 À cet égard, la Cour a constaté que les travailleurs employés par une entreprise établie dans un État membre et qui sont envoyés temporairement dans un autre État membre en vue d'y effectuer une prestation de services ne prétendent aucunement accéder au marché de l'emploi de ce second État, dès lors qu'ils retournent dans leur pays d'origine ou de résidence après l'accomplissement de leur mission (voir arrêts du 27 mars 1990, Rush Portuguesa, C-113-89, Rec. p. I-1417, point 15, et du 9 août 1994, Vander Elst, C-43-93, Rec. p. I-3803, point 21).

23 Il s'ensuit que l'article 48 du traité ne s'applique pas aux espèces au principal. Par conséquent, il n'y a pas lieu d'examiner les questions posées à la lumière de cette disposition.

24 La quatrième question porte sur l'applicabilité de la directive 96-71.

25 Sur ce point, il convient d'observer que le délai de transposition de ladite directive, dont le terme était fixé au 16 décembre 1999, n'était pas expiré au moment des faits au principal. Il n'y a donc pas lieu de procéder à son interprétation et de répondre à la quatrième question aux fins des litiges au principal.

26 Il s'ensuit que la réglementation en cause au principal doit être examinée seulement à la lumière des articles 59 et 60 du traité.

27 Par sa première question, la juridiction de renvoi cherche à savoir en substance si les articles 59 et 60 du traité s'opposent en principe à ce qu'un État membre impose à une entreprise établie dans un autre État membre, qui effectue une prestation de services sur le territoire du premier État membre, une réglementation nationale, telle que celle qui résulte de l'article 1er, paragraphe 3, première phrase, de l'AEntG, garantissant aux travailleurs détachés à cette fin par l'entreprise des droits à des congés payés. Les deuxième et troisième questions visent à établir si des aspects particuliers de cette réglementation rendent son extension à une telle entreprise incompatible avec les articles 59 et 60 du traité.

Sur la première question

28 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l'article 59 du traité exige non seulement l'élimination de toute discrimination à l'encontre du prestataire de services établi dans un autre État membre en raison de sa nationalité, mais également la suppression de toute restriction, même si elle s'applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu'elle est de nature à prohiber, à gêner ou à rendre moins attrayantes les activités du prestataire établi dans un autre État membre, où il fournit légalement des services analogues (voir, notamment, arrêts du 23 novembre 1999, Arblade e.a., C-369-96 et C-376-96, Rec. p. I-8453, point 33, et du 15 mars 2001, Mazzoleni et ISA, C-165-98, Rec. p. I-2189, point 22).

29 En particulier, un État membre ne peut subordonner la réalisation de la prestation de services sur son territoire à l'observation de toutes les conditions requises pour un établissement, sous peine de priver de tout effet utile les dispositions du traité destinées précisément à assurer la libre prestation des services (voir arrêts du 25 juillet 1991, Säger, C-76-90, Rec. p. I-4221, point 13, et Mazzoleni et ISA, précité, point 23).

30 À cet égard, l'application des réglementations nationales de l'État membre d'accueil aux prestataires de services est susceptible de prohiber, de gêner ou de rendre moins attrayantes les prestations de services dans la mesure où elle entraîne des frais ainsi que des charges administratives et économiques supplémentaires (voir arrêt Mazzoleni et ISA, précité, point 24).

31 La libre prestation des services en tant que principe fondamental du traité ne peut être limitée que par des réglementations justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général et s'appliquant à toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l'État membre d'accueil, dans la mesure où cet intérêt n'est pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l'État membre où il est établi (voir, notamment, arrêts précités Arblade e.a., point 34, et Mazzoleni et ISA, point 25).

32 L'application des réglementations nationales d'un État membre aux prestataires établis dans d'autres États membres doit être propre à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour qu'il soit atteint (voir, notamment, arrêts précités Arblade e.a., point 35, et Mazzoleni et ISA, point 26).

33 Parmi les raisons impérieuses d'intérêt général déjà reconnues par la Cour figure la protection des travailleurs (voir, notamment, arrêts précités Arblade e.a., point 36, et Mazzoleni et ISA, point 27).

34 Afin de pouvoir appliquer les réglementations de l'État membre d'accueil à des prestataires de services établis dans un autre État membre, il incombe donc aux autorités compétentes ou, le cas échéant, aux juridictions du premier État membre de déterminer, en tenant compte des principes rappelés aux points 28 à 33 du présent arrêt, si ces réglementations peuvent aboutir à une entrave à la libre prestation des services et, dans un tel cas, si elles sont néanmoins justifiées.

35 En ce qui concerne la réglementation en cause au principal, la juridiction de renvoi relève que son application aux prestataires de services établis hors d'Allemagne se traduit par une augmentation des frais et charges administratives et économiques pour ceux-ci, ce qui implique l'existence d'une atteinte à la libre prestation des services.

36 À cet égard, il apparaît notamment que lesdits prestataires de services sont tenus de respecter des formalités administratives, y compris l'obligation de fournir des renseignements à la caisse.

37 Une telle atteinte à la libre prestation des services ne peut être justifiée que si elle est nécessaire pour poursuivre effectivement et par les moyens appropriés un objectif d'intérêt général.

38 À cet égard, la juridiction de renvoi observe qu'il ressort de l'exposé des motifs de l'AEntG que cette loi a pour objectif déclaré de protéger les entreprises allemandes du secteur de la construction contre la pression croissante de la concurrence sur le marché intérieur européen et donc contre les prestataires de services étrangers. La juridiction de renvoi ajoute que, dès le début des discussions relatives au projet de cette loi, il avait été indiqué à plusieurs reprises qu'une telle loi viserait surtout à lutter contre la concurrence prétendument déloyale créée par les entreprises européennes pratiquant des salaires peu élevés.

39 Or, selon une jurisprudence constante, des mesures constituant une restriction à la libre prestation des services ne sauraient être justifiées par des objectifs de nature économique, tels que la protection des entreprises nationales (voir, en ce sens, arrêts du 26 avril 1988, Bond van Adverteerders e.a., 352-85, Rec. p. 2085, point 34, et du 5 juin 1997, SETTG, C-398-95, Rec. p. I-3091, point 23).

40 Toutefois, s'il est vrai que l'intention du législateur telle qu'elle se manifeste lors des débats politiques qui précédent l'adoption d'une loi ou dans l'exposé de ses motifs peut constituer un indice quant au but poursuivi par ladite loi, cette intention ne peut être déterminante.

41 Il incombe au contraire à la juridiction de renvoi de vérifier si, considérée objectivement, la réglementation en cause au principal promeut la protection des travailleurs détachés.

42 À cet égard, il importe de vérifier que ladite réglementation comporte, pour les travailleurs concernés, un avantage réel qui contribue, de manière significative, à leur protection sociale. Dans ce contexte, l'intention déclarée du législateur peut conduire à un examen plus circonstancié des avantages prétendument conférés aux travailleurs par les mesures qu'il a prises.

43 Ainsi que M. l'Avocat général l'a relevé aux points 82 à 107 de ses conclusions, il est possible d'identifier des avantages potentiels que la réglementation allemande pourrait conférer aux travailleurs détachés par des prestataires de services établis hors d'Allemagne.

44 En particulier, il se peut que, en vertu de la réglementation allemande, le travailleur ait droit à des jours de congé plus nombreux et à une indemnité par jour plus élevée qu'en vertu de la législation de l'État membre d'établissement de son employeur. En outre, il semble que le régime des caisses de congés payés en cause au principal présente des avantages pour les travailleurs souhaitant passer au service d'une entreprise établie en Allemagne, étant donné qu'il leur permet de conserver leurs droits aux congés.

45 Il appartient à la juridiction de renvoi d'examiner si de tels avantages potentiels confèrent aux travailleurs détachés une réelle protection additionnelle. Un tel examen doit tenir compte, en premier lieu, de la protection concernant les congés payés dont bénéficient déjà les travailleurs en vertu de la réglementation de l'État membre d'établissement de leur employeur. En effet, la réglementation en cause au principal ne peut pas être considérée comme conférant une réelle protection additionnelle aux travailleurs détachés si ceux-ci jouissent de la même protection ou d'une protection essentiellement comparable en vertu de la réglementation de l'État membre d'établissement de leur employeur.

46 En deuxième lieu, aux fins de cet examen, la juridiction de renvoi doit déterminer si, dans la pratique, il est courant que les travailleurs qui sont détachés en Allemagne afin d'exécuter un projet défini quittent leur employeur afin de passer au service d'une entreprise établie en Allemagne.

47 À cet égard, il convient de rappeler que, comme relevé au point 22 du présent arrêt, les travailleurs envoyés temporairement dans un autre État membre en vue d'y effectuer une prestation de services ne sont pas à considérer comme faisant partie du marché de l'emploi de cet État.

48 En troisième lieu, il importe que la juridiction de renvoi vérifie que, de retour sur le territoire de l'État membre d'établissement de leur employeur, les travailleurs concernés sont réellement en mesure de faire valoir leurs droits d'obtenir le versement des indemnités de congés auprès de la caisse, compte tenu notamment des formalités qu'ils doivent accomplir, de la langue qu'ils doivent utiliser et des modalités de paiement.

49 Dans l'hypothèse où la juridiction de renvoi considérerait que la réglementation en cause au principal poursuit effectivement un objectif d'intérêt général consistant en la protection des travailleurs employés par des prestataires de services établis hors d'Allemagne, il lui incomberait également d'apprécier si ladite réglementation est proportionnée à la réalisation de cet objectif, en tenant compte de tous les éléments pertinents.

50 À cet effet, devraient être mis en balance, d'une part, les charges administratives et économiques qui s'imposent aux prestataires de services en vertu de cette réglementation et, d'autre part, le surcroît de protection sociale qu'elle confère aux travailleurs par rapport à ce que garantit la réglementation de l'État membre d'établissement de leur employeur.

51 À cet égard, il serait nécessaire d'examiner si l'objectif consistant à accorder aux travailleurs détachés en Allemagne des jours de congé plus nombreux et une indemnité par jour plus élevée qu'en vertu de la législation de l'État membre d'établissement de leur employeur peut être atteint par des règles moins restrictives que celles résultant de la réglementation en cause au principal, par exemple par une obligation imposée à l'employeur établi hors d'Allemagne de payer directement au travailleur, pendant la période de détachement, les indemnités de congés auxquelles il a droit selon les normes allemandes.

52 Quant à l'objectif consistant à protéger les travailleurs détachés qui quittent leur employeur pour passer au service d'une entreprise établie en Allemagne, il appartiendrait à la juridiction de renvoi d'examiner si cet objectif pourrait être atteint en obligeant le premier employeur à indemniser le travailleur lorsqu'il quitte son service sans avoir pris les jours de congé auxquels il avait droit.

53 Il convient donc de répondre à la première question que les articles 59 et 60 du traité ne s'opposent pas à ce qu'un État membre impose à une entreprise établie dans un autre État membre, qui effectue une prestation de services sur le territoire du premier État membre, une réglementation nationale, telle que celle qui résulte de l'article 1er, paragraphe 3, première phrase, de l'AEntG, garantissant aux travailleurs détachés à cette fin par l'entreprise des droits à des congés payés, à condition, d'une part, que les travailleurs ne bénéficient pas d'une protection essentiellement comparable en vertu de la législation de l'État membre d'établissement de leur employeur, de sorte que l'application de la réglementation nationale du premier État membre leur apporte un avantage réel qui contribue, de manière significative, à leur protection sociale, et, d'autre part, que l'application de cette réglementation du premier État membre soit proportionnée à l'objectif d'intérêt général poursuivi.

Sur la deuxième question

54 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si les articles 59 et 60 du traité s'opposent à une réglementation telle que la réglementation en cause au principal quant à trois aspects spécifiques de cette dernière.

55 En premier lieu, par sa deuxième question, sous a), la juridiction de renvoi demande si la réglementation allemande, qui prévoit 30 jours ouvrés, soit 36 jours ouvrables, de congés payés par année, est disproportionnée compte tenu, d'une part, que l'objectif d'intérêt général qu'elle poursuit est déjà sauvegardé par la directive 93-104-CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (JO L 307, p. 18), et, d'autre part, qu'elle prévoit une durée de congés payés supérieure à celle prévue par cette directive.

56 L'article 7, paragraphe 1, de la directive 93-104 prévoit en effet que "[l]es États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales".

57 Sur ce point, il convient d'observer que la directive 93-104 ne prévoit que des prescriptions minimales en ce qui concerne la durée des congés payés. En effet, son article 15 dispose que "[l]a présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d'appliquer ou d'introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ou de favoriser ou de permettre l'application de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs".

58 Il appartient donc à chaque État membre de déterminer la durée de congés payés qui est nécessaire dans l'intérêt général. La République fédérale d'Allemagne ayant déterminé qu'une durée de congés payés égale à 30 jours ouvrés par année est nécessaire pour la protection sociale des travailleurs du bâtiment, les articles 59 et 60 du traité ne s'opposent pas en principe à ce que cet État membre étende ce niveau de protection aux travailleurs détachés par des prestataires de services établis dans d'autres États membres.

59 Dès lors, il convient de répondre à la deuxième question, sous a), que les articles 59 et 60 du traité ne s'opposent pas à ce que la réglementation d'un État membre qui prévoit une durée de congés payés supérieure à celle prévue par la directive 93-104 soit étendue aux travailleurs détachés dans cet État membre par des prestataires de services établis dans d'autres États membres, pendant la période de détachement.

60 En deuxième lieu, la juridiction de renvoi relève que le régime en cause au principal accorde aux employeurs établis en République fédérale d'Allemagne le droit au remboursement des sommes versées par la caisse au titre des indemnités de congés et de la prime de vacances, alors qu'il ne prévoit pas un tel droit pour les employeurs établis dans d'autres États membres mais confère, au lieu de cela, aux travailleurs détachés un droit direct envers la caisse. Elle demande donc, par sa deuxième question, sous b), si cette différence de traitement constitue une violation des articles 59 et 60 du traité.

61 La caisse et le Gouvernement allemand contestent que cette différence rende le régime en cause au principal incompatible avec le droit communautaire. Ils soulignent qu'elle est favorable à l'entreprise établie hors d'Allemagne puisque celle-ci est exemptée d'effectuer elle-même le calcul et le paiement des indemnités.

62 Sur le fondement des informations fournies à la Cour, qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, il ne paraît pas que ladite différence de traitement constitue un désavantage pour les entreprises établies dans d'autres États membres, entraînant ainsi une discrimination contraire aux articles 59 et 60 du traité.

63 En tout état de cause, force est de constater qu'il existe des différences objectives entre les entreprises établies en République fédérale d'Allemagne et celles établies dans d'autres États membres en ce qui concerne la mise en œuvre effective de l'obligation de paiement d'indemnités de congés. Ainsi, lorsqu'une entreprise établie hors d'Allemagne cesse d'y fournir des services, les autorités allemandes n'ont plus la possibilité de contrôler qu'elle a effectivement versé des indemnités de congés aux travailleurs détachés. Il s'ensuit qu'il est plus efficace que la caisse verse les indemnités de congés directement aux travailleurs détachés.

64 La différence de traitement pourrait s'expliquer par ces différences objectives et ne constituerait dès lors pas une discrimination contraire aux articles 59 et 60.

65 Il convient donc de répondre à la deuxième question, sous b), que, dans la mesure où cela est justifié par des différences objectives entre les entreprises établies en République fédérale d'Allemagne et celles établies dans d'autres États membres, les articles 59 et 60 du traité ne s'opposent pas à ce qu'une réglementation nationale accorde aux premières un droit au remboursement par la caisse des sommes versées au titre des indemnités de congés et de la prime de vacances, alors qu'elle ne prévoit pas un tel droit pour les secondes mais confère, au lieu de cela, aux travailleurs détachés un droit direct envers la caisse.

66 En troisième lieu, par sa deuxième question, sous c), la juridiction de renvoi demande si les articles 59 et 60 du traité s'opposent à ce que la réglementation en cause au principal oblige les employeurs établis hors d'Allemagne à communiquer à la caisse plus de renseignements que les employeurs établis en Allemagne.

67 La juridiction de renvoi estime que les obligations supplémentaires ainsi imposées aux entreprises établies hors d'Allemagne non seulement constituent une inégalité de traitement, mais compliquent considérablement la prestation de services en Allemagne. Elles seraient de ce fait incompatibles avec les articles 59 et 60 du traité.

68 Le Gouvernement allemand soutient pour sa part que ces modalités différentes s'imposent pour des raisons d'ordre pratique. Le contrôle des entreprises ayant leur siège hors d'Allemagne ne pourrait s'effectuer que très difficilement et ne pourrait en tout état de cause pas être réalisé avec la même intensité que le contrôle des entreprises établies en Allemagne.

69 À cet égard, il y a lieu d'admettre qu'une réglementation visant à protéger efficacement des travailleurs du secteur de la construction, notamment quant à leurs droits aux congés payés, impose que certains renseignements soient fournis. Plus particulièrement, une telle obligation peut constituer la seule mesure appropriée de contrôle au regard de l'objectif poursuivi par ladite réglementation.

70 Toutefois, il y a lieu de rappeler qu'une obligation, telle que celle qu'impose la réglementation en cause au principal, de fournir certains renseignements aux autorités de l'État membre d'accueil entraîne des frais et des charges administratives et économiques supplémentaires pour les entreprises établies dans un autre État membre (voir, en ce sens, arrêt Arblade e.a., précité, point 58).

71 Le fait que les entreprises établies hors d'Allemagne sont soumises à des obligations supplémentaires en matière de renseignements à fournir constitue donc à plus forte raison une restriction à la libre prestation des services au sens de l'article 59 du traité (voir, en ce sens, arrêt Arblade e.a., précité, point 59).

72 Une telle restriction peut être justifiée si elle est nécessaire pour protéger effectivement et par les moyens appropriés la raison impérieuse d'intérêt général que constitue la protection sociale des travailleurs.

73 En outre, le fait que les entreprises établies hors d'Allemagne ne sont pas soumises aux mêmes obligations en matière de renseignements à fournir peut être attribué aux différences objectives existant entre ces entreprises et des entreprises établies en Allemagne.

74 En revanche, l'obligation de fournir des documents spécifiques à l'État membre ne saurait être justifiée si celui-ci peut effectuer les contrôles nécessaires sur le fondement de documents tenus conformément à la réglementation de l'État membre d'établissement (voir, en ce sens, arrêt Arblade e.a., précité, point 64).

75 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la deuxième question, sous c), qu'il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, compte tenu du principe de proportionnalité, les types de renseignements que les autorités allemandes peuvent légitimement exiger des prestataires de services établis hors d'Allemagne. À cette fin, il convient que la juridiction de renvoi évalue si des différences objectives entre la situation des entreprises établies en Allemagne et celle des entreprises établies hors d'Allemagne nécessitent objectivement le surcroît de renseignements exigé de ces dernières.

Sur la troisième question

76 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande si les articles 59 et 60 du traité s'opposent à une disposition nationale, telle que l'article 1er, paragraphe 4, de l'AEntG, qui prévoit, en substance, que tous les travailleurs détachés en Allemagne par un employeur établi hors d'Allemagne, et eux seuls, sont réputés constituer une entreprise, alors qu'une notion différente de l'entreprise est appliquée aux employeurs établis en Allemagne, ce qui peut, dans certains cas, entraîner une délimitation différente des entreprises relevant du champ d'application des conventions collectives.

77 La juridiction de renvoi relève que ces deux notions d'entreprise peuvent avoir des conséquences pratiques différentes dans le cas des entreprises dites mixtes, c'est-à-dire des entreprises qui exercent en partie une activité liée au secteur du bâtiment et en partie une activité qui n'y est pas liée. Les entreprises mixtes établies en Allemagne ne sont soumises aux conventions collectives du secteur du bâtiment que lorsque le temps de travail des travailleurs affectés à ce secteur est supérieur au temps de travail des travailleurs affectés à un autre secteur.

78 Elle estime donc que l'article 1er, paragraphe 4, de l'AEntG contient une discrimination fondée sur le lieu d'établissement de l'entreprise, qui est contraire aux articles 59 et 60 du traité.

79 Le Gouvernement allemand soutient que la troisième question est irrecevable, car dépourvue d'intérêt pour la solution des litiges au principal. La juridiction de renvoi n'aurait, en effet, pas démontré que les entreprises étrangères impliquées dans ces litiges ne seraient pas soumises au champ d'application des conventions collectives si la notion d'entreprise prévue par l'AEntG était différente.

80 Cet argument ne saurait être retenu. Il suffit à cet égard de rappeler qu'il appartient au seul juge national d'apprécier la pertinence de la question posée et que seule l'absence manifeste de tout lien avec le litige au principal peut rendre une question irrecevable (voir arrêt du 3 mars 1994, Eurico Italia e.a., C-332-92, C-333-92 et C-335-92, Rec. p. I-711, point 17). Or, tel n'est pas le cas en l'espèce.

81 Il convient d'observer, quant au fond, que, à la différence des entreprises établies en République fédérale d'Allemagne, celles qui sont établies dans d'autres États membres et fournissent des services dans le secteur du bâtiment en Allemagne sont toujours soumises aux conventions collectives applicables à ce secteur et donc, notamment, à l'obligation de cotiser à la caisse.

82 Il s'ensuit que l'article 1er, paragraphe 4, de l'AEntG crée une inégalité de traitement contraire à l'article 59 du traité dans la mesure où aucune justification visée par le traité n'a été avancée.

83 Il y a donc lieu de répondre à la troisième question que les articles 59 et 60 du traité s'opposent à l'application du régime d'un État membre en matière de congés payés à toutes les entreprises établies dans d'autres États membres fournissant sur le territoire du premier État membre des services dans le secteur du bâtiment, lorsque les entreprises établies dans le premier État membre qui n'exercent qu'une part de leur activité dans ce secteur n'y sont pas toutes soumises pour leurs travailleurs occupés dans ledit secteur.

Sur les dépens

84 Les frais exposés par les Gouvernements allemand, belge, français, néerlandais, autrichien et suédois, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

Statuant sur les questions à elle soumises par l'Arbeitsgericht Wiesbaden, par ordonnances des 10, 16, 17 et 27 février 1998, dit pour droit:

85 Les articles 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE) et 60 du traité CE (devenu article 50 CE) ne s'opposent pas à ce qu'un État membre impose à une entreprise établie dans un autre État membre, qui effectue une prestation de services sur le territoire du premier État membre, une réglementation nationale, telle que celle qui résulte de l'article 1er, paragraphe 3, première phrase, de l'Arbeitnehmerentsendegesetz (loi allemande sur le détachement des travailleurs), garantissant aux travailleurs détachés à cette fin par l'entreprise des droits à des congés payés, à condition, d'une part, que les travailleurs ne bénéficient pas d'une protection essentiellement comparable en vertu de la législation de l'État membre d'établissement de leur employeur, de sorte que l'application de la réglementation nationale du premier État membre leur apporte un avantage réel qui contribue, de manière significative, à leur protection sociale, et, d'autre part, que l'application de cette réglementation du premier État membre soit proportionnée à l'objectif d'intérêt général poursuivi.

86 a) Les articles 59 et 60 du traité ne s'opposent pas à ce que la réglementation d'un État membre qui prévoit une durée de congés payés supérieure à celle prévue par la directive 93-104-CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, soit étendue aux travailleurs détachés dans cet État membre par des prestataires de services établis dans d'autres États membres, pendant la période de détachement.

b) Dans la mesure où cela est justifié par des différences objectives entre les entreprises établies en République fédérale d'Allemagne et celles établies dans d'autres États membres, les articles 59 et 60 du traité ne s'opposent pas à ce qu'une réglementation nationale accorde aux premières un droit au remboursement par la caisse de congés payés des sommes versées au titre des indemnités de congés et de la prime de vacances, alors qu'elle ne prévoit pas un tel droit pour les secondes mais confère, au lieu de cela, aux travailleurs détachés un droit direct envers ladite caisse.

c) Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, compte tenu du principe de proportionnalité, les types de renseignements que les autorités allemandes peuvent légitimement exiger des prestataires de services établis hors d'Allemagne. À cette fin, il convient que la juridiction de renvoi évalue si des différences objectives entre la situation des entreprises établies en Allemagne et celle des entreprises établies hors d'Allemagne nécessitent objectivement le surcroît de renseignements exigé de ces dernières.

87 Les articles 59 et 60 du traité s'opposent à l'application du régime d'un État membre en matière de congés payés à toutes les entreprises établies dans d'autres États membres fournissant sur le territoire du premier État membre des services dans le secteur du bâtiment, lorsque les entreprises établies dans le premier État membre qui n'exercent qu'une part de leur activité dans ce secteur n'y sont pas toutes soumises pour leurs travailleurs occupés dans ledit secteur.