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Décisions

CA Douai, 1re ch., 28 avril 2003, n° 01-00141

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cegedim (SA)

Défendeur :

Druart (Epoux), Herbrecht, SantNet (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Roussel

Conseillers :

Mmes Hirigoyen, Courteille

Avoués :

SCP Levasseur-Castille-Lambert, Me Quignon

Avocats :

SCP De Gaulle Fleurance, Associés, Me Ricouart Maillet.

TGI Lille, du 21 déc. 2000

21 décembre 2000

Faits et procédure:

Monsieur Druart et Mesdames Druart Houze et Herbrecht sont titulaires de la marque "SantNet", déposée le 9 novembre 1995 et enregistrée à l'INPI sous le numéro 95597 128, en classes 35, 36, 38 et 42 pour les services suivants :

"Gestion des affaires commerciales à savoir : aide à la gestion des achats pour les professionnels de la santé, aide aux entreprises industrielles et commerciales dans la conduite de leurs affaires, gestion de fichiers informatiques, comptabilité, service de gestion des commandes.

Gestion des affaires financières, informations financières, affaires financières.

Télécommunications, communications par terminaux d'ordinateurs, agences d'informations, informations en matière de télécommunications, transmission de messages et d'images assistée par ordinateur, communication par terminal d'interrogation vidéotex.

Services médicaux, informations médicales, informations dans le domaine de la santé".

La société SantNet, bénéficiaire d'une licence exclusive de la marque "SantNet", s'est constituée le 15 octobre 1997 et a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lille le 19 novembre 1997.

Il s'agit d'une société d'ingénierie médicale fondée par une équipe de médecins et d'informaticiens dont l'activité consiste dans la mise en place, l'exploitation et la gestion de serveurs télématiques dans les domaines de la santé et de l'hygiène.

La société SantNet dispose sur le réseau Internet d'une adresse "http://www.santnet.com", enregistrée auprès de l'Intenic, où elle exploite un site web qui constitue un réseau d'achat et d'information pour les professionnels de la santé.

La société Cegedim a, pour sa part, développé depuis 1969 une activité axée sur le traitement et la gestion informatisée de l'information dans le domaine de la santé et a offert à compter de 1998 un service d'accès à Internet à l'usage des professionnels de la santé à l'adresse "http//www.santenet.com", répertoriée auprès de NSI le 6 février 1998.

Par ailleurs, le 1er octobre 1998, la société Cegedim a procédé au dépôt de la marque "SantNet" enregistrée à l'INPI sous le n° 98 752 281 pour désigner dans les classes 9, 16, 35 et 38 les servies suivants :

"Ordinateurs, micro-ordinateurs, station d'échange de données informatisées, station de travail, logiciels enregistrés, programmes d'ordinateurs enregistrés, disques compacts, disques optiques, interfaces. Papier, carton et produits en ces matières à savoir : brochures publicitaires et manuels d'instruction. Aides dans l'exploitation et la direction des entreprises ; gestion de fichiers informatiques et notamment services d'archivage sur disques optiques. Transmission d'informations contenues dans les banques de données. Services de télémaintenance. Système télématique permettant d'échanger des commandes et des factures entre des fabricants et des distributeurs. Communication (transmission) par terminaux d'ordinateurs, services d'échange de données informatisées (transmission)".

Statuant sur l'assignation en contrefaçon et concurrence déloyale délivrée par les consorts Druart et la société SantNet à la société Cegedim, par jugement en date du 21 décembre 2000, le Tribunal de grande instance de Lille a :

- Fait interdiction à la société Cegedim de reproduire et d'utiliser la marque SantNet ou toute autre dénomination de nature à porter confusion avec elle, sous astreinte de 10 000 F par infraction constatée passé un délai de quinze jours à compter de la date de signification du jugement et pendant quatre mois,

- Fait injonction à la société Cegedim de procéder auprès de l'Internic aux formalités de transfert du nom de domaine "santenet.com" au profit de la société SantNet, sous astreinte de 10 000 F par jour de retard passé le délai de quinze jours à compter de la signification du jugement, et ce pendant quatre mois,

- Fait injonction à la société Cegedim de notifier le jugement à l'Internic dans le délai de huit jours à compter de sa signification à peine de la même astreinte,

- Dit qu'à l'expiration des périodes de quatre mois précitées et en cas de carence persistante de la société Cegedim, il devra être à nouveau fait droit aux demandes d'astreinte par le juge de l'exécution compétent,

- Condamné la société Cegedim à payer à Monsieur Druart et Mesdames Druart Houze et Herbrecht, la somme de 150 000 F à titre de dommages-intérêts en indemnisation de leur préjudice lié à la contrefaçon de la marque SantNet,

- Condamné la société Cegedim à payer à la société SantNet la somme de 100 000 F, à titre de dommages-intérêts en indemnisation du préjudice lié aux faits de concurrence déloyale et parasitaire ainsi que d'usage illicite de sa dénomination sociale,

- Ordonné la publication du jugement dans trois journaux aux choix de la société SantNet et aux frais de la société Cegedim, dans la limite de 20 000 F par insertion,

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- Condamné la société Cegedim à payer aux demandeurs la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Cegedim a relevé appel de cette décision le 9 janvier 2001.

Par conclusions récapitulatives déposées le 29 avril 2002, elle demande à la cour in limine litis de se déclarer incompétente pour liquider l'astreinte sauf, subsidiairement, à débouter les consorts Druart et la société SantNet de leur demande de liquidation.

Sur le fond, elle sollicite la réformation en tous points du jugement déféré, à titre principal, l'annulation de la marque première SantNet pour défaut de distinctivité, à titre subsidiaire, le débouté de l'action en contrefaçon en l'absence de tout risque de confusion et des demandes fondées sur la concurrence déloyale.

La société Cegedim réclame la somme de 23 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive outre 10 700 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives déposées le 6 décembre 2002, les consorts Druart et la société SantNet demandent à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qui concerne le montant des réparations faisant appel incident sur ce point, ils requièrent la condamnation de la société Cegedim à payer 76 224,51 euro aux consorts Druart et 76 224,51 euro à la société SantNet au titre de la contrefaçon et 304 898,03 euro à la société SantNet à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale.

Ils demandent, en outre, à la cour de :

- Prononcer la liquidation de l'astreinte relative à l'interdiction d'utilisation de la marque SantNet fixée par le jugement dont appel et condamner à ce titre la société Cegedim à leur payer la somme de 1 524,49 euro,

- Prononcer la liquidation de l'astreinte relative aux formalités du transfert du nom de domaine "santenet.com" et condamner la société Cegedim à payer à la société SantNet une somme provisoirement fixée, à la date du 11 septembre 2001, à 312 520,48 euro,

- A titre éminemment subsidiaire, si la nullité de la marque SantNet était prononcée pour défaut de distinctivité, prononcer au même motif la nullité de la marque Santenet,

- Dans tous les cas, condamner la société Cegedim au paiement de la somme de 6 097,96 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Motifs:

1- Sur l'action en contrefaçon de marque:

1-1 Sur le caractère distinctif de la marque SantNet:

Il est de principe que la distinctivité, condition de validité de la marque, n'est ni la nouveauté ni l'originalité mais s'entend du caractère arbitraire du signe par rapport aux produits ou services qu'il désigne.

La marque génétique et la marque descriptive sont ainsi exclues de la protection étant rappelé que pour être jugée telle, la marque doit désigner la catégorie, l'espèce ou le genre auquel appartient le produit ou service ou sa qualité et non pas se contenter de l'évoquer.

1-2 Sur le risque de confusion:

Force est de constater la similitude d'ensemble au plan visuel et phonétique entre les deux signes ("SantNet" et "Santenet"), la marque seconde ne se distinguant de la première que par la lettre centrale E, voyelle muette intercalée à l'emplacement même de la contraction, soit une différence à peine perceptible.

Par ailleurs, les produits ou services désignés, énumérés ci-dessus, sont pour partie, identiques pour l'autre partie similaires étant observé que la société Cegedim convient en page 19 de ses conclusions récapitulatives que les services visés au dépôt de sa marque apparaissent similaires à ceux visés au dépôt de la marque SantNet et qu'elle invoque en vain aussi bien le caractère descriptif de ces signes pour désigner la même activité de services de santé sur le net une fois la distinctivité de la marque première admise, que les services effectivement fournis, le risque de confusion devant s'apprécier en fonction des seules mentions de l'acte de dépôt.

Eu présence de signes aussi proches concernant des produits ou services identiques ou similaires, le public d'attention moyenne auquel il convient de se référer, ne peut que se méprendre sur l'origine des produits ou services en cause et ce quel que soit le degré de distinctivité de la marque première.

L'imitation est donc bien caractérisée.

1-3 Sur la sanction de la contrefaçon:

Le dépôt de la marque seconde, contrefaisante par imitation, et son usage, y compris comme nom de domaine, sont constitutifs d'actes de contrefaçon dont le tribunal a ordonné la cessation par des mesures appropriées prononcées, à juste titre, sous astreinte.

Quant à la réparation sous forme de dommages-intérêts, dès lors que les actes de contrefaçon ont provoqué indiscutablement une banalisation de la marque, source d'un préjudice qui existe nonobstant les résultats modestes de la société SantNet, le premier juge l'a justement admise et évaluée.

Le jugement mérite donc confirmation en ses dispositions relatives à l'action en contrefaçon.

2- Sur la concurrence déloyale:

L'exploitation d'un site Internet à une adresse quasi-identique correspondant, au surplus, à s'y méprendre au nom commercial et à la dénomination sociale de la société SantNet, dans le même domaine d'activités et avec la même clientèle potentielle caractérise un comportement parasitaire que le premier juge a exactement caractérisé et sanctionné sur le fondement de la concurrence déloyale par l'allocation de justes dommages-intérêts.

Les dispositions du jugement relatives à la concurrence déloyale méritent donc encore confirmation.

La mesure de publication apparaît également justifiée dans le contexte de l'espèce.

3- Sur la liquidation de l'astreinte:

Sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir, l'astreinte est liquidée par le juge de l'exécution.

Force est de constater qu'en l'espèce le tribunal n'est pas resté saisi et ne s'était pas réservé le pouvoir de liquider les astreintes prononcées.

Il convient, en conséquence, de faire droit à l'exception d'incompétence et d'inviter les consorts Druart et la société SantNet à se mieux pourvoir sur ce point.

4- Sur la demande de dommages-intérêts formée par la société Cegedim:

Succombant dans son appel, la société Cegedim doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

5- Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile:

L'équité impose d'indemniser les consorts Druart et la société SantNet de leurs frais irrépétibles d'appel dans la limite de 2 500 euro.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser la société Cegedim supporter ses propres frais.

Par ces motifs : Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Fait droit à l'exception d'incompétence en ce qui concerne la demande en liquidation d'astreinte et invite les consorts Druart et la société SantNet à se mieux pourvoir sur ce point, Déboute la société Cegedim de sa demande de dommages-intérêts et frais irrépétibles, Condamne la société Cegedim à payer aux consorts Druart et à la société SantNet la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne aux dépens d'appel avec distraction au profit de Maître Quignon, avoué, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.