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Décisions

CCE, 11 décembre 1981, n° 82-465

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

National Panasonic (France) SA

CCE n° 82-465

11 décembre 1981

Les faits

A. L'entreprise

1. National Panasonic (France) SA (ci-après dénommée " NPF "), entreprise ayant son siège social à 93150 Le Blanc-Mesnil, 13-15, rue des Frères-Lumière, est une filiale à 100 % de la société japonaise Matsushita Electrical Trading Company, elle-même filiale de la Matsushita Electric Industrial Company, qui est le plus grand fabricant japonais de matériel électrique et électronique.

2. L'activité principale de NPF est l'importation et la commercialisation en France de produits de l'électronique de divertissement fabriqués au Japon et dans d'autres pays par Matsushita, y compris du matériel " haute fidélité " vendu sous les marques " Technics ", " National Panasonic " et " Panasonic ".

B. L'enquête de la Commission

3. Le 27 juin 1979, la Commission a procédé à une vérification au titre de l'article 14 paragraphe 3 du règlement n° 17 auprès de l'entreprise National Panasonic (UK) Ltd, également filiale de Matsushita, et qui exerce au Royaume-Uni la même fonction que NPF en France.

4. L'objet de la vérification était d'obtenir des renseignements ainsi que des preuves documentaires concernant l'imposition éventuelle par National Panasonic (UK) Ltd à ses revendeurs au Royaume-Uni d'une interdiction d'exporter du matériel " haute fidélité " vers d'autres pays membres de la CEE, ceci afin de protéger ses réseaux de vente dans ces pays contre l'effet concurrentiel d'importations parallèles.

5. Au cours de ladite vérification, des fonctionnaires de la Commission ont recueilli un certain nombre de documents ayant trait à la politique et aux pratiques de cette entreprise en ce qui concerne les exportations parallèles de matériel " Technics " et " National Panasonic ".

6. Le 24 août 1979, National Panasonic (UK) Ltd a formé un recours auprès de la Cour de justice des Communautés européennes contre la décision d'ordonner une enquête. Par arrêt du 26 juin 1980, la Cour a rejeté le recours.

7. L'examen des documents recueillis lors de ladite vérification a fait apparaître la nécessité de recueillir des renseignements complémentaires afin de connaître, de manière précise, la structure des prix pour la commercialisation dans la CEE du matériel de " haute fidélité " Technics et principalement les prix de cession aux revendeurs et les prix aux consommateurs. À cet égard, l'existence dans les différents marchés nationaux de la CEE de prix recommandés ou conseillés était d'une importance fondamentale. C'est pourquoi il a été décidé d'adresser une demande d'information sur ces points aux principales filiales nationales de distribution et aux principaux concessionnaires exclusifs opérant à l'intérieur de la CEE. Le but de cette demande était de recueillir des informations facilement comparables entre elles et qui, en ce qui concerne les marges commerciales et les prix de vente appliqués à chaque stade de la distribution, pouvaient faire l'objet d'un contrôle facile sur la base des tarifs détenus par les filiales et les entreprises de distribution.

C. La demande de renseignements

8. Le 25 mai 1981, la Commission a adressé une demande de renseignements en application de l'article 11 du règlement n° 17 aux filiales commerciales de Matsushita en république fédérale d'Allemagne, en France et au Royaume-Uni, ainsi qu'au concessionnaire exclusif de cette firme pour les Pays-Bas. Par la suite, une demande a également été adressée à la SA National Panasonic (Belgium) NV. Cette demande contenait la référence d'usage aux sanctions prévues par le règlement précité au cas où l'entreprise fournirait des renseignements inexacts.

9. La demande précisait que la Commission avait effectué le 27 juin 1979 une vérification au titre de l'article 14 paragraphe 3 du règlement n° 17 auprès de la National Panasonic (UK) Ltd, afin de vérifier si ladite entreprise avait participé à des accords ou à des pratiques concertées dont l'objet ou l'effet aurait été d'empêcher des exportations parallèles dans les autres États membres de la CEE, et que l'examen des documents recueillis faisait apparaître la nécessité de réunir des renseignements complémentaires sur la commercialisation des produits Technics dans la Communauté.

10. Dans ses lettres, la Commission demandait entre autres des précisions sur la structure des prix dans les États membres concernés. Dans la lettre adressée à NPF, ce point de la demande était formulé comme suit:

" (Nous vous prions de nous communiquer des détails concernant) . . .

2. Les tarifs publiés par votre société depuis le 1er janvier 1976 pour le matériel Technics;

Ces tarifs devront faire apparaître:

- vos prix d'achats auprès de la société productrice,

- les prix de base aux revendeurs détaillants, ainsi que toutes les remises ou rabais éventuellement accordés,

- les prix publics recommandés. "

11. La lettre mentionnait dans son avant-dernier paragraphe que la demande était adressée à NPF au titre de l'article 11 du règlement n° 17, et fixait un délai de réponse de trois semaines.

D. La réponse de NPF

12. NPF a répondu à la demande de renseignements par lettre recommandée du 15 juin 1981.

Cette lettre, signée par le président-directeur général, affirme:

" En réponse à votre demande de renseignements du 25 mai 1981, nous avons l'honneur de vous communiquer les renseignements confidentiels exposés ci-après.

1) . . .

2) Vous trouverez en annexe B les tarifs publiés par notre société depuis le 1er janvier 1976 pour le matériel Technics. Nous ne possédons aucun tarif officiel indiquant nos prix d'achats à nos fournisseurs. Ces prix d'achat nous sont communiqués à des intervalles très rapprochés et sont négociés par les départements intéressés.

Nous sommes disposés à fournir à la Commission toutes les précisions relatives aux prix d'achat appliqués à toute date qu'elle voudra bien nous indiquer.

3) L'annexe C présente un compte rendu analytique des remises et des rabais accordés à nos acheteurs.

Notre société ne recommande aucun prix public. "

13. L'annexe B est constituée des douze tarifs communiqués par NPF à ses revendeurs pendant la période visée par la demande de la Commission.

L'annexe C contenait des renseignements détaillés sur tous les rabais et remises accordés aux revendeurs sur les prix de base au cours d'une même période et indiquait de quelle manière ceux-ci avaient été modifiés à diverses occasions.

14. En agissant ainsi, NPF donnait l'impression de répondre aux demandes de la Commission relatives aux différentes catégories de tarifs, soit en fournissant des copies, soit en exposant les raisons pour lesquelles certains tarifs demandés n'existaient pas. Au cours de l'audition, NPF a déclaré que ses conseillers étaient présents dans l'entreprise pour traiter une autre affaire au moment où la demande de renseignements est arrivée et qu'ils ont été consultés sur la question, si bien que le projet de réponse a été rédigé sur avis juridique.

E. Les prix de détail de NPF en France

15. Des preuves documentaires constituées pour l'essentiel de rapports de gestion internes, de comptes rendus de réunions avec des clients importants, de rapports de visites de délégués commerciaux régionaux et d'une correspondance avec certains distributeurs font cependant apparaître ce qui suit:

1) NPF recommandait à ses revendeurs de pratiquer des prix publics - TVA de 33,33 % comprise - correspondant à l'application d'un coefficient de 1,80 sur prix de base. Des rabais allant jusqu'à 30 % du prix de base étant accordés aux revendeurs, les marges bénéficiaires effectives étaient souvent plus élevées.

16. 2) NPF exigeait que ces prix publics soient respectés pour les produits Technics et National Panasonic quel que soit le système de distribution. Les grandes surfaces et les magasins discount étaient tenus d'appliquer le même coefficient - 1,80 sur le prix de base - que celui qui était considéré comme acceptable pour les revendeurs traditionnels.

La politique de NPF se trouve résumée dans une lettre écrite le 22 septembre 1976 par le directeur commercial de l'époque: " Le point qui me semble le plus important à vous confirmer est la continuité de notre politique commerciale basée sur un respect des prix de vente conseillés quel que soit le système de distribution. "

17. 3) L'ouverture de nouveaux comptes avec certaines grandes surfaces ou avec certains magasins discounts importants a été subordonnée au respect du coefficient 1,80 imposé par NPF.

18. 4) Les prix de détail pratiqués par les chaînes de distribution les plus importantes de matériel haute fidélité ont été fixés par des accords spéciaux. Parmi les entreprises de distribution concernées figure la chaîne Darty, spécialisée dans la vente de matériel électrique et de produits de l'électronique de divertissement, qui, avec 49 points de vente en 1980 contre 19 en 1975, couvre tout le territoire de la France. Quant à la FNAC, on estime qu'avec 12 points de vente en 1979, elle détenait entre 5 et 7 % du marché français de matériel audio. NPF a négocié avec ces deux importantes chaînes de distribution les prix aux consommateurs qu'elles devraient appliquer pour chaque modèle de sa gamme.

Dans certains cas, le prix convenu était inférieur au prix de détail normal conseillé par NPF en fonction du prix de base multiplié par 1,80. Parmi les documents recueillis figurent des tableaux détaillés indiquant le prix de détail à appliquer par Darty et la FNAC pour un grand nombre de modèles.

19. 5) Les pratiques décrites ci-dessus illustrent la politique commerciale en cause appliquée par NPF; celle-ci était conçue et contrôlée au niveau de la direction de la société qui, soit était directement engagée dans la conclusion de ces accords, soit en ordonnait la réalisation, et qui était tenue informée en détail par les collaborateurs de l'entreprise de tout changement de situation.

La politique commerciale de NPF décrite ci-dessus est restée inchangée au moins jusqu'à la découverte de ces pratiques en juin 1979. La Commission ne dispose d'aucun élément de preuve permettant de dire si cette politique a été poursuivie ou abandonnée après cette date.

20. NPF a affirmé que, tenant compte des faits susmentionnés et devenue plus consciente de la nécessité de se conformer aux règles de concurrence communautaire et nationale, la société Matsushita a décidé de publier un " code de conduite " destiné à toutes ses filiales commerciales établies dans la CEE. La décision d'élaborer ces orientations a été prise vers avril 1981. Une copie de ce code devait être soumis à la Commission en temps opportun. NPF n'a pas reconnu la valeur probante des documents invoqués par la Commission en ce qui concerne sa politique de prix et a formulé toutes réserves à ce sujet.

Appréciation juridique

21. En vertu de l'article 15 paragraphe 1 sous b) du règlement n° 17, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes d'un montant de 100 à 5 000 unités de compte lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles fournissent un renseignement inexact en réponse à une demande faite en application de l'article 11 paragraphe 3 ou 5 dudit règlement.

22. Dans sa réponse, NPF a déclaré en termes clairs et non équivoques qu'elle ne recommande aucun prix public.

Comme en témoignent les documents, la politique normale de NPF telle qu'elle était conçue et appliquée au niveau de la direction commerciale de l'entreprise au cours de la plus grande partie au moins de la période visée par la demande de la Commission, consistait à veiller à ce que les revendeurs appliquent un coefficient recommandé de 1,80 sur les prix de base, les prix de détail de chaque modèle faisant, dans le cas des principaux acheteurs, non seulement l'objet d'une recommandation mais d'arrangements spécifiques. 23. Dans sa défense, NPF, tout en ne concédant aucun aveu quant à la matérialité des faits, affirme qu'elle n'a pas contrevenu aux dispositions de l'article 15 paragraphe 1 sous b) en fournissant des renseignements inexacts en réponse à une demande faite en application de l'article 11 paragraphe 3. Tout d'abord, les explications auraient été fournies spontanément par NPF et non, comme indiqué dans le règlement, en réponse à une demande puisque, dans sa demande, la Commission faisait expressément référence aux tarifs publiés et que, en fait, NPF n'a jamais publié de tels tarifs. On ne peut donc considérer que NPF aurait répondu de façon inexacte à la question qui lui avait été posée.

24. En deuxième lieu, NPF fait valoir que, dans sa déclaration, elle s'est exprimée en utilisant le présent de l'indicatif et, que, en l'absence de preuves documentaires établissant que les pratiques contestées ont continué d'être appliquées jusqu'à la date de la réponse, cette dernière ne peut être considérée comme étant inexacte.

25. Au cas où la Commission considérerait la réponse comme étant incomplète, elle aurait dû arrêter une décision en application de l'article 11 paragraphe 5 en précisant quels étaient les renseignements demandés. Se considérant cependant dans l'obligation de fournir une réponse complète, NPF entend modifier sa réponse comme suit:

" NPF n'a pas publié de listes de prix de détail recommandés pour la période prenant cours le 1er janvier 1976. "

26. La Commission rejette les arguments avancés par NPF comme étant sans importance pour l'appréciation des faits de l'affaire.

27. Tout d'abord, dans le présent cas, il ne s'agit pas de savoir si l'article 15 paragraphe 1 sous b) peut s'appliquer aux renseignements inexacts qui seraient donnés spontanément par une entreprise et non en réponse à une question particulière posée par la Commission dans sa demande de renseignements. La déclaration faite par NPF en ce qui concerne les prix de détail se rapportait directement à la question précise posée par la Commission. La Commission a en effet demandé des informations détaillées concernant des tarifs indiquant des prix de détail recommandés applicables à partir du 1er janvier 1976. La réponse fournie par NPF était faite pour expliquer que de telles listes ne pouvaient pas être fournies parce que la politique commerciale de NPF consistait à ne faire aucune recommandation de prix publics à ses revendeurs. La déclaration inexacte a été une réaction directe et, en fait, la seule réaction de la firme à la question de la Commission relative aux listes des prix de vente au détail.

28. La Commission rejette également l'affirmation selon laquelle la réponse n'était pas inexacte en raison du fait qu'elle était exprimée au présent de l'indicatif et ne se rapportait de ce fait qu'à une politique commerciale appliquée à cette date par NPF, au sujet de laquelle la Commission ne disposait pas d'éléments de preuve. Il ressort d'une façon absolument évidente du contexte fourni par la demande de la Commission et par la réponse donnée à cette demande que NPF entendait faire croire à la Commission que la politique suivie par l'entreprise de façon non discontinue depuis le 1er janvier jusqu'à la date de la réponse consistait à ne pas recommander de prix publics aux revendeurs. En effet, tout au long de sa réponse, NPF utilise le présent de l'indicatif pour parler de l'ensemble de la période visée par la demande.

D'ailleurs, étant donné que NPF a refusé de reconnaître les faits clairement établis par ses propres documents internes, il n'existe aucune preuve qu'elle a mis fin aux pratiques en question. Même si le code de conduite proposé devait représenter un réel changement de politique, il ne faut pas négliger le fait que sa publication n'a pas été décidée avant avril 1981.

29. La Commission n'estime pas non plus que la réponse aurait été seulement incomplète mais non pas inexact.

La réponse était censée fournir des renseignements complets à la demande de la Commission et aurait été effectivement considérée comme une réponse complète que la Commission aurait utilisée dans le cadre de l'action engagée contre National Panasonic (UK) Ltd en application de l'article 85 paragraphe 1 si la preuve du contraire n'avait pas été établie. Quelle que soit la position actuelle de NPF, la déclaration était censée se rapporter à la continuité de la politique suivie par ladite entreprise depuis le 1er janvier 1976.

30. La Commission n'a pas à déterminer dans quelle mesure l'amendement proposé à la réponse constituerait en soi une réponse inexacte en raison de l'impression fallacieuse qu'elle pourrait donner. Le seul point à retenir dans le présent cas est ce que NPF a déclaré dans sa réponse et non ce qu'elle voudrait actuellement avoir déclaré.

31. Pour ces raisons, la Commission estime que NPF a fourni un renseignement inexact en réponse à une demande faite en application de l'article 11 paragraphe 3 du règlement n° 17. Les faits étant pleinement connus de l'entreprise et NPF ayant de surcroît pu bénéficier de l'avis de ses conseillers juridiques au moment même où elle élaborait sa réponse, la seule conclusion à laquelle la Commission peut parvenir est que l'information inexacte a été fournie de propos délibéré et dans l'intention d'induire la Commission en erreur.

32. L'infraction est considérée comme grave. Les écarts de niveau entre les prix de détail recommandés dans les différents États membres de la CEE constituent un élément d'appréciation particulièrement important dont la Commission doit tenir compte dans son évaluation des effets économiques d'une éventuelle interdiction d'exportation telle que celle qui semble rait avoir été imposée par National Panasonic (UK) Ltd. Si la Commission avait dû admettre la réponse donnée par NPF, la perception qu'elle aurait eue de la structure des prix de vente des produits Technics dans une partie importante du territoire de la CEE en aurait été complètement déformée.

33. Pour ces raisons, il s'impose à la Commission d'infliger une amende à NPF. Compte tenu des circonstances exposées ci-dessus, il y a lieu de fixer le montant de l'amende à 5 000 Écus;

A arrêté la présente décision:

Article premier

En déclarant dans sa lettre du 15 juin 1981 qu'elle ne recommande aucun prix de vente au détail, la National Panasonic (France) SA a fourni de propos délibéré un renseignement inexact en réponse à une demande de renseignements faite au titre de l'article 11 paragraphe 3 du règlement n° 17.

Article 2

Une amende de 5 000 (cinq mille) écus, soit 30 906,70 (trente mille neuf cent six francs français et soixante-dix centimes) est infligée à National Panasonic (France) SA.

Ce montant doit être versé au compte de la Commission des Communautés européennes n° 5 770 006 5 de la Société Générale, Paris, dans les trois mois à compter de la date de notification de la présente décision.

Article 3

National Panasonic (France) SA, 13-15, rue des Frères-Lumière 93150 Le Blanc-Mesnil, France, est destinataire de la présente décision.

La présente décision forme titre exécutoire conformément à l'article 192 du traité instituant la Communauté économique européenne.

(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 2041-62.

(2) JO n° 127 du 20. 8. 1963, p. 2268-63.