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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 19 juin 2003, n° 02-01773

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Kléber Pneumatiques (SAS)

Défendeur :

Marketing Drive Paris (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Besse

Conseillers :

Mme Andreassier, M. Brisset-Foucault

Avoués :

SCP Lissarrague, Dupuis & Boccon-Gibod, SCP Merle & Carena-Doron

Avocats :

Mes Mazas, Gundermann

T. com. Nanterre, du 21 nov. 2001

21 novembre 2001

En juin 1998, la société Kléber Pneumatiques a fait appel aux services de la société Bozell Terre Lune (ci-après désignée société Bozell) pour mener une campagne de marketing destinée à " redynamiser " l'image de la marque Kleber.

Dans ce cadre, a été imaginée et réalisée une opération consistant à offrir à chaque acquéreur d'une paire de pneumatiques un appareil de photographie jetable dont le conditionnement supporterait le logo de la marque Kleber.

Pour réaliser cette opération, la société Bozell a acquis auprès de la société Felikanta, spécialiste de ce type d'objets, 30 000 appareils qui ont été mis sur le marché par la société Kléber Pneumatiques. La fourniture de ces appareils jetables a été facturée le 30 octobre 1998 par la société Bozell à la société Kléber Pneumatiques 1 011 000 F HT.

Les appareils ont été distribués fin 1998- début 1999. Par la suite, la société Kléber Pneumatiques a dû faire face aux réclamations de clients qui se plaignaient du mauvais fonctionnement des appareils distribués. Dès lors, un litige est né entre la société Kléber Pneumatiques et la société Bozell, la société Kléber Pneumatiques estimant avoir subi un préjudice résultant des dysfonctionnements des appareils.

Une tentative de règlement amiable ayant échoué, la société Kléber Pneumatiques a, par acte du 18 janvier 2000, fait assigner la société Bozell devant le Tribunal de commerce de Nanterre pour obtenir réparation de ce qu'elle estimait être le préjudice qu'elle avait subi.

Par jugement du 21 novembre 2001, le Tribunal de commerce de Nanterre a:

- Mis hors de cause la société Felinka [qui avait été mise en cause en première instance par la société Bozell],

- Mis hors de cause la société Sherpa LTD [qui avait été mise en cause en première instance par la société Felinka],

- Débouté la société Kléber Pneumatiques de ses demandes formulées contre la société Bozell,

- condamné la société Kleber pneumatiques aux dépens.

Pour motiver sa décision, le tribunal a estimé que la société Kleber pneumatiques ne rapportait la preuve, ni des défectuosités alléguées, si ce n'est sur trois appareils défectueux achetés 5,14 euros l'unité, ni du préjudice subi.

Appelante, la société Kléber Pneumatiques demande à la cour:

- D'infirmer la décision entreprise et de débouter la société Marketing Drive Paris (nouvelle dénomination de la société Bozell Terre Lune), représentée par son liquidateur amiable,

- De condamner la société Marketing Drive Paris, représentée par son liquidateur amiable, à lui payer la somme de 154 125,96 euros (anciennement 1 011 000 F) tant au titre de la garantie des vices cachés sur les appareils vendus qu'au titre du non-respect de son obligation de promouvoir l'image de la marque Kleber, et ce avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'assignation,

- De condamner la société Marketing Drive Paris, représentée par son liquidateur amiable, à lui payer la somme de 7 622,45 euros pour résistance abusive et injustifiée,

- De condamner la société Marketing Drive Paris, représentée par son liquidateur amiable, à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et à supporter les dépens.

À l'appui de son appel, la société Kléber Pneumatiques fait valoir les moyens suivants:

1) La société Bozell n'a pas respecté ses obligations contractuelles et légales. Elle devra donc restituer à la société Kléber Pneumatiques la totalité du prix versé, sans que les appareils lui soient rendus, soit 1 011 000 F, devenus 154 125,96 euros.

a) La société Bozell n'a pas respecté son obligation de fournir des marchandises exemptes de vice.

Le compte-rendu des tests effectués par le vendeur est effarant, il reconnaît lui-même les malfaçons et en a demandé les explications à son fournisseur. Par lettre adressée le 6 janvier 1999 à la société Felikanta par la société Bozell, cette dernière exprime sa "vive inquiétude" sur la qualité des appareils vendus, et indique la liste des dysfonctionnements constatés. À la date du 6 janvier 1999, quatre-vingts appareils avaient été rendus à la société Bozell pour qu'elle puisse vérifier l'exactitude des vices cachés affectant les appareils vendus, ce qui résulte de la lettre du fournisseur, la société Felikanta datée du 6 janvier 1999.

De plus, les principaux laboratoires de traitement de pellicule photo ont écrit à la société Kléber Pneumatiques pour lui faire part de la mauvaise qualité et des vices cachés affectant les appareils distribués sous son enseigne (lettre du 22 avril 1999 de la société Fujifilm et lettre du 6 mai 1999 du laboratoire Fuji, lettre circulaire du laboratoire Kodak adressée à ses clients, lettre du groupe Racine).

De nombreux clients ont en outre émis des réclamations confirmant les défauts cachés ne se révélant que lors du traitement du film.

Il est presque certain que la majorité des appareils distribués aient été atteints des mêmes vices cachés s'agissant d'un lot d'appareils fabriqués par la même personne de la même manière, mais, s'agissant d'un produit fourni en cadeau lors de promotion, il est certain que la majorité des clients ne se sont pas manifestés. La perte des appareils est la conséquence directe de l'utilisation de matériaux inadaptés qui ne peuvent être découverts qu'après l'utilisation, s'agissant d'appareils jetables.

b) La société Bozell n'a pas respecté son obligation de promouvoir l'image et la marque de la société Kléber Pneumatiques.

Les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, et elles doivent être exécutées de bonne foi. L'inexécution d'une obligation donne lieu au paiement de dommages et intérêts.

Or, la société Bozell était en charge de promouvoir l'image et la marque de Kleber. En ne vérifiant pas la qualité des produits distribués avec les logos Kleber, la société Bozell a commis une faute dans l'exécution de son contrat. La mise sur le marché des appareils fournis par la société Bozell a nui à l'image de la marque Kleber qu'elle avait en charge de promouvoir, ou à tout le moins, a annihilé les efforts entrepris en suscitant le mécontentement des clients.

2) La société Bozell a abusivement et sans justification résisté, ce qui motive sa demande de dommages et intérêts de 7 622,45 euros.

La société Bozell n'a pas exécuté la convention de bonne foi. Lorsqu'elle s'est aperçue des vices affectant les appareils fournis et des répercutions de ces vices sur l'image de la société Kléber Pneumatiques, elle aurait dû, sans attendre, rembourser l'appelante. Elle a préféré utiliser des moyens dilatoires, comme, par exemple la promesse de faire prendre en charge le dommage par son assurance. La demande de dommages et intérêts est justifiée par les nombreux déplacements, courriers et frais entraînés par la résistance abusive et injustifiée de la société Bozell.

Intimée, la société Marketing Drive Paris, anciennement dénommée Bozell Terre Lune, demande à la cour de dire l'appel de la société Kléber Pneumatiques infondé, et de condamner l'appelante à supporter les dépens, et à payer à l'intimée la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Marketing Drive Paris fait valoir les moyens suivants:

1) L'appelante ne rapporte pas la preuve de la défectuosité des appareils.

La garantie des vices cachés ne s'applique que si la réalité du vice invoqué est établie. Or, comme l'ont justement relevé les premiers juges, l'appelante ne verse aux débats que les courriers de deux laboratoires, Fuji et Kodak, ainsi que l'analyse de la société Racine.

Les laboratoires Fuji et Kodak sont des concurrents directs du laboratoire AGFA, fabricant des appareils litigieux, et leurs affirmations sont sujettes à caution et ne peuvent être considérées comme probantes. Le courrier de Kodak n'est pas daté et est trop général puisqu'il se limite à faire état des difficultés rencontrées par les laboratoires Kodak pour développer les appareils jetables "Kleber". Le courrier de Fuji est polémique et inexact puisqu'il évoque la réutilisation de "cartirdge Kodak" alors qu'il ressort des pièces versées aux débats que la pellicule utilisée était fournie par AGFA. De plus le terme produit de contrefaçon fabriqué en Chine démontre la volonté de dénigrement de l'inspiration de ce courrier. Le courrier relatif aux "trieuses Fuji" n'évoque pas une défectuosité intrinsèque du produit.

L'analyse de la société Racine est volontairement négative. Cette société est un concurrent direct de la société Felikanta qui a fourni les appareils. Au contraire, le courrier de la société Felikanta et la télécopie de la société Sherpa apportent des précisions utiles. Il en ressort que l'élément déterminant des appareils jetables, la pellicule, est un produit de marque AGFA. Le fait que le conditionnement ait été effectué en Chine ne remet pas en cause la qualité des appareils.

En réalité, seule une expertise judiciaire aurait permis de définir clairement les défaillances, et ce d'autant plus qu'elles pourraient être les conséquences du transport, du stockage par la société Kléber Pneumatiques et ses dépositaires, des conditions d'utilisation par le client ou du développement par le laboratoire.

2) Aucune faute n'est imputable à l'intimée.

La mission de l'intimée consistait à "redynamiser" l'image de marque de sa cliente par la création d'une image positive de Kleber, dans le cadre d'une stratégie globale de communication.

Or, à l'exclusion des réclamations de trois ou quatre clients, la société Kléber Pneumatiques n'a émis aucune réclamation à l'égard des prestations de la société Bozell. L'obligation de moyen incombant à toute agence de communication a été satisfaite, et ce d'autant plus que la société Bozell a immédiatement transmis à son fournisseur les réclamations de sa cliente, afin de pouvoir apporter à sa cliente les réponses et les précisions que celle-ci attendait. Les lettres du 6 janvier et 12 février 1999 démontrent que la société Bozell avait comme souci la satisfaction de sa cliente en lui proposant un avoir de 99 000 F correspondant au coût de son intervention pour l'échange des appareils litigieux si besoin était. Ces lettres ne constituent pas une reconnaissance de responsabilité, comme l'a constaté le jugement entrepris, mais une proposition de mettre en jeu la garantie du fabricant. La société Kléber Pneumatiques ne saurait faire jouer la responsabilité de la société Marketing Drive Paris, alors qu'elle n'a pas fait jouer en son temps la garantie du fabricant.

3) La société Kléber Pneumatiques n'a subi aucun préjudice.

La décision entreprise a, à juste titre, considéré que la société Kléber Pneumatiques ne justifiait d'aucun préjudice.

Effectivement, l'appelante, qui chiffre arbitrairement son préjudice à plus de 150 000 euros, ne justifie que de trois ou quatre réclamations de ses clients, pour lesquels, de surcroît, l'origine des défectuosités invoquées n'est pas justifiée, faute d'expertise judiciaire. Les courriers des laboratoires Fuji et Kodak ne peuvent constituer une justification du préjudice, et seules de nombreuses réclamations émises par de nombreux clients pourraient apporter un commencement de preuve de préjudice. En outre, la société Kléber Pneumatiques aurait du justifier de la perte de clientèle ou de chiffre d'affaire liée à cette opération pour fonder sa demande de dommages et intérêts.

Discussion

1) Sur l'inexécution de ses obligations par la société Bozell

Considérant qu'en 1998 la société Bozell a accompli pour la société Kléber Pneumatiques une prestation de marketing dont l'objectif central consistait à "redynamiser" la marque Kleber ; qu'une des composantes de cette campagne de communication commerciale consistait à offrir aux personnes achetant deux pneumatiques Kleber un appareil photographique jetable dont le conditionnement comportait le nom et le logo de la marque;

Considérant que, dans ce cadre, le prestataire de service a fourni à la société Kléber Pneumatiques un lot de 30 000 appareils photographiques destinés à être remis aux acheteurs de pneumatiques dans le cadre de cette campagne promotionnelle, que cette fourniture figure sur une facture datée du 30 octobre 1998 pour le montant de 1 011 000 F qui a été réglée par la société Kléber Pneumatiques ; qu'il n'est pas contesté que cette partie de la prestation de la société Bozell constituait une vente des appareils concernés par la société Bozell à la société Kleber pneumatiques, que dès lors le vendeur se trouvait, aux termes de l'article 1641 du Code civil "tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rend[aient] impropre à l'usage auquel on la destin[ait], ou qui dimin[uait] tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus";

Considérant qu'il ressort des lettres produites par la société Kléber Pneumatiques et émanant de laboratoires ayant eu à traiter les pellicules envoyées pour développement et tirage par les clients de la société Kléber Pneumatiques ayant reçu des appareils distribués en prime de l'achats de pneumatiques, qu'une partie au moins de ces appareils présentaient de graves défauts les rendant impropres à leur usage qui était de contribuer à améliorer l'image de la marque Kleber;

Considérant que le 22 avril 1999, le président de la société Fujifilm France écrivait dans une lettre adressée à la société Michelin (au groupe de laquelle appartient la société Kléber Pneumatiques) une lettre par laquelle il avisait cette société du fait que les appareils de type "prêt à photographier personnalisé Kleber étaient des contrefaçons fabriquées en Chine susceptibles d'altérer l'image de marque de leur distributeur et de décevoir les personnes qui avaient reçu ce cadeau";

Considérant que les responsables des laboratoires Fijilab écrivaient le 6 mai 1999 au groupe Michelin une lettre commençant ainsi :

"Depuis quelques mois, nous recevons dans nos 13 laboratoires français des appareils photographiques jetables portant la marque " Kleber" pour une opération promotionnelle."

"Nos clients nous confient ces "PAP" pour développement et tirage comme ils le font habituellement pour les autres marques de film ou d'appareils, et attendent de notre part une prestation du même niveau de qualité."

Considérant que la lettre des laboratoires Fujilab énumérait ensuite les constatations faites sur les appareils concernés : fabrication avec des pièces de récupération assemblées avec du ruban adhésif, camouflage de l'origine des cartouches au moyen d'une étiquette anonyme, film collé avec du ruban adhésif sur un morceau de film restant sur l'axe, film de qualité inférieure à celle du marché, et dépourvu de toute indication technique et sur sa marque.

Considérant que la lettre précisait que ces différents points avaient des conséquences importantes sur le résultat final car la qualité des photographies obtenues était aléatoire, qu'en effet l'absence d'identification ne permettait pas de procéder aux réglage nécessaires, que l'absence d'index empêchait les clients de commander des retirages ou des agrandissements, et, que "beaucoup plus grave, le ruban adhésif qui fix[ait] le film sur l'axe fai[sait] courir un réel danger de casse dans [les] développeuses [du laboratoire, car, dans ce cas] non seulement le film lui-même risqu[ait] d'être endommagé mais également des dizaines d'autres appartenant à d'autres consommateurs ";

Considérant que les signataires de la lettre (le directeur général et le directeur contrôle-qualité de la société laboratoire Fujifilm) concluaient comme suit:

"Vous comprendrez que nous ne pouvons prendre un tel risque et nous ne pouvons laisser penser à nos clients que notre responsabilité pourrait être mise en cause en cas d'incident. Nous vous informons donc que tous nos laboratoires refuseront désormais la prise en charge de ces appareils. Nous expliquerons à nos revendeurs qu'en dehors de la mauvaise qualité des résultats obtenus, ce produit ne répond pas aux standards du marché, qu'il ne peut pas être considéré comme un PAP normal et qu'il présente un danger non négligeable pour le reste de notre production. Nos confrères des Laboratoires et Services Kodak ont également la même approche";

Considérant que l'appelante produit également la copie d'une lettre circulaire émanant du service "Relation Clientèle" des "Laboratoires et Services Kodak" et adressée à la clientèle;

Considérant que cette lettre précise qu'elle concerne "un appareil prêt à photographier mis sur le marché par une agence dans le cadre d'une opération promotionnelle organisée pour le compte et au nom de la société Kleber qui ne répond[ait] malheureusement pas aux exigences minimales de conformité", qu'elle informe chaque destinataire que l'appareil concerné présente un important risque industriel dans la mesure où il est susceptible de perturber la chaîne de développement industriel et d'endommager les films [des] autres clients ", et qu'en conséquence les "Laboratoires et Services Kodak" ne pouvaient traiter ces appareils;

Considérant que l'intimée met en doute la crédibilité de ces correspondances au motif qu'elles émanent de concurrents de la société AGFA, d'après elle "fabricant des appareils litigieux";

Mais considérant, d'une part, qu'AGFA n'est pas mentionnée dans les pièces versées aux débats comme fabricant des appareils mais uniquement comme fabricant des films présents dans les appareils photographiques fournis à la société Kléber Pneumatiques et, d'autre part, que la qualité des films AGFA n'est pas mise en cause, même implicitement, par les sociétés Fujifilm et Kodak;

Considérant en outre qu'aucune certitude n'existe sur le fait que les pellicules concernées aient été produites par Agfa, sauf à se fier intégralement à une lettre d'une société de Hong-Kong dénommée Sherpa, qui, dans cette opération, était le fournisseur de la société Felikanta, elle-même fournisseur de la société Bozell, que la société Sherpa affirme dans une télécopie adressée le 11 janvier 1999 à la société Felikanta que les pellicules utilisées ont été fabriquées par la société Agfa, mais qu'elle n'était "pas en mesure de (...) fournir des documents confidentiels ou des factures à en-tête d'Agfa, qui pourraient prouver que les pellicules pour les appareils photos considérés viennent bien des usines Agfa";

Considérant que les lettres des sociétés Fujifilm et Kodak émanent d'entreprises dont une partie de l'activité consiste à traiter le développement de pellicules photographiques remises à cet effet par la clientèle sans distinction de marque, et donc y compris des pellicules fabriquées par des concurrents, qu'il n'existe aucun motif de soupçonner les responsables de ces entreprises de s'être prêtés à une opération de dénigrement du produit distribué par la société Kléber Pneumatiques et d'avoir pratiqué dans cette perspective un refus de vente systématique à une partie de leur clientèle ; qu'il résulte des pièces produites que les sociétés Kodak et Fujifilm ont estimé que le traitement de ces produits comportait un risque de dysfonctionnements dommageables qui motivait leur refus de développer les pellicules concernées;

Considérant que la société Kléber Pneumatiques produit également une lettre de la société groupe Racine datée du 26 janvier 1999, que la société Bozell met en doute la sincérité de son contenu au motif que la société groupe Racine aurait été en concurrence avec elle pour fournir les appareils vendus à la société Kléber Pneumatiques;

Considérant que, si ce fait peut conduire à relativiser la valeur probante du document produit, il doit être constaté que les termes de cette lettre vont dans le même sens que les courriers qui émanent des sociétés Fujifilm et Kodak, qui étaient étrangères à l'opération commerciale lancée par la société Kleber pneumatiques avec le concours de la société Bozell;

Considérant que la société Kléber Pneumatiques produit les copies de courriers émanant de clients ou concernant des clients mécontents de ne pouvoir faire procéder au développement de la pellicule contenue dans l'appareil photographique jetable distribué par la société Kléber Pneumatiques (clients Gremer, Breard, Stroh, Lord, Leclerc, Sanchez);

Considérant que l'un des auteurs de ces lettres (Melle Bréard) précise qu'après le refus exprimé par Kodak de procéder au développement, elle a pu obtenir ce service d'un autre laboratoire mais que le résultat comportait des défauts ; qu'un autre courrier fait état d'un refus de développement émanant d'un laboratoire de développement d'un magasin Carrefour (client Lord), et un autre encore du refus d'un laboratoire d'un magasin Géant Casino (client Sanchez) ; qu'il apparaît donc que des laboratoires de ces magasins de grande distribution ont adopté la même attitude que les sociétés Kodak et Fujifilm;

Considérant que ces dysfonctionnements ont été signalés à la société Bozell par la société Kléber Pneumatiques et qu'à la suite de ce signalement la société Bozell a adressé le 6 janvier 1999, une lettre à son fournisseur, la société Felikanta pour relayer les protestations de la société Kléber Pneumatiques sans en mettre en doute le bien-fondé, que cette lettre précise notamment que "sur la totalité des appareils encore en possession [de la société Kléber Pneumatiques] (environ 100 appareils), les anomalies suivantes [avaient] été détectées" (suit une liste d'anomalies);

Considérant qu'il apparaît donc que la société Bozell n'a pas contesté l'existence de dysfonctionnement sur les appareils photographiques jetables qu'elle avait vendus à la société Kléber Pneumatiques rendant ces appareils impropres à l'usage lorsque le problème lui a été signalé par sa cliente ; que la société Bozell a, de plus, écrit alors à la société Felikanta " nous vous rappelons que cet appareil photo véhicule l'image et le logo de la société Kleber et que les dysfonctionnements constatés entachent l'image et les qualités liés à cette marque";

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les appareils photographiques jetables vendus par la société Bozell à la société Kléber Pneumatiques étaient, dans une proportion indéterminée mais suffisamment importante pour que des laboratoires de développement importants disposant de réseaux étendus refusent de les traiter, totalement impropres à toute utilisation puisque la clientèle ne pouvait faire développer les photographies prises, ou rendant cette utilisation difficile et aléatoire quant au résultat obtenu;

Considérant que le faible nombre de protestation émises par des particuliers clients de la société Kléber Pneumatiques n'est pas de nature à établir que les dysfonctionnements aient été limités à quelques unités, qu'en effet, s'agissant d'objets "promotionnels" distribués sous forme de "cadeau" en annexe d'un produit beaucoup plus onéreux, il n'est pas invraisemblable que la plupart des clients n'aient pas jugé opportun de s'adresser au manufacturier de pneumatiques par une protestation écrite, ou que le réseau de distribution des pneumatiques n'ait pas intégralement répercuté les réclamations de la clientèle;

Considérant que la société Kléber Pneumatiques fonde en partie sa demande de restitution du prix sur la garantie due par le vendeur en raison du vice caché de la chose vendue ;qu'en l'espèce, si le vice est établi comme dit précédemment, la société Kléber Pneumatiques ne rapporte pas la preuve qu'elle n'était pas en mesure de détecter sans difficulté les défectuosités des appareils photographiques avant de procéder à la distribution de ces objets à sa clientèle ; qu'en effet, les défauts décrits plus haut auraient été décelés si la société Kléber Pneumatiques, est elle-même redevable d'obligations vis-à-vis de sa propre clientèle sur la qualité des produits qu'elle distribue, fut-ce sous la forme d'objets promotionnels, avait pris la précaution élémentaire, avant de distribuer les appareils à son réseau de vente, de se renseigner auprès de son fournisseur sur l'origine des appareils;

Considérant que si cette précaution élémentaire avait été prise, la société Kléber Pneumatiques aurait immédiatement découvert que ces appareils avaient une origine énigmatique, ce qui n'aurait pu qu'appeler son attention et même éveiller sa méfiance, et la conduire, compte tenu de ses obligations vis-à-vis de sa propre clientèle, à faire procéder sur un échantillon du lot fourni à un examen technique qui aurait nécessairement fait apparaître les défauts de la marchandise, tant ceux-ci étaient nombreux et flagrants comme il en résulte de ce qui précède, et notamment de la lettre de la société groupe Racine à laquelle l'appelante a demandé ultérieurement d'examiner les appareils, que cette lettre débute en effet par la phrase "ces appareils sont manifestement des appareils recyclés, a priori des appareils Fuji de 1re génération et les moyens techniques utilisés pour les reconditionner sont rudimentaires ", pour conclure qu'il s'agit d'"appareils recyclés, très bas de gamme, reconditionnés de façon non professionnelle";

Considérant que la demande de la société Kléber Pneumatiques tendant à la restitution du prix en raison du vice caché sera donc rejetée;

Considérant que la société Kléber Pneumatiques soulève également que la société Bozell n'a pas respecté son obligation de promouvoir l'image et la marque de la société Kléber Pneumatiques, et qu'en ne vérifiant pas la qualité des produits distribués avec les logos Kleber, la société Bozell a commis une faute dans l'exécution de son contrat car la mise sur le marché des appareils fournis par la société Bozell a nui à l'image de la marque Kleber qu'elle avait en charge de promouvoir, ou à tout le moins, a annihilé les efforts entrepris en suscitant le mécontentement des clients;

Considérant, effectivement, que la vente des appareils photographiques jetables à la société Kléber Pneumatiques par la société Bozell se situait dans le cadre d'une campagne destinée à améliorer l'image de la marque Kleber, que le fait qu'aient été répandus dans la clientèle de la société Kléber Pneumatiques, en association avec les pneumatiques vendus, des appareils de photographie défectueux était susceptible d'aboutir à un résultat inverse de celui recherché ; qu'en effet, la clientèle concernée pouvait associer dans son esprit la mauvaise qualité de l'objet promotionnel à celle du produit vendu, ce qui ne pouvait qu'être particulièrement dommageable s'agissant de pneumatiques, objets dont les défaillances mettent en cause la sécurité des utilisateurs;

Considérant que la société Bozell elle-même dans son courrier adressé le 6 janvier 1999 à son fournisseur, la société Felikanta et cité plus haut affirme elle même que "les dysfonctionnements constatés entachent l'image et les qualités liés à [la marque Kleber]";

Considérant dès lors qu'il est établi que la société Bozell n'a pas respecté son obligation de fournir à la société Kléber Pneumatiques des objets conformes à leur destination, que si Kleber avait effectué à réception des appareils les contrôles auxquels elle aurait dû procéder, elle aurait été en droit de refuser la marchandise livrée, qu'il est donc établi que la société Bozell n'a pas rempli l'obligation qui était la sienne;

Mais considérant que la société Kléber Pneumatiques, en acceptant la marchandise et en la distribuant, a concouru à créer pour moitié la situation préjudiciable dont elle se prévaut, et qu'elle a en effet rendu impossible la résolution de la vente qui se serait concrétisée par le non-paiement ou la restitution du prix, d'une part, et la non-livraison ou la restitution de la marchandise d'autre part, que dans ces conditions la situation de la société Bozell aurait été différente puisqu'elle n'aurait pas été privée de la marchandise, qui, même de mauvaise qualité, représentait une certaine valeur, ne serait-ce que dans la perspective d'un éventuel recours de la société Bozell contre son propre fournisseur, que par ailleurs, la société Kléber Pneumatiques aurait alors été en mesure de s'adresser à un autre fournisseur pour pallier la carence de la société Bozell pour mener à bien sa campagne;

Considérant que la cour infirmera le jugement entrepris et condamnera la société Marketing Drive Paris à rembourser à la société Kléber Pneumatiques 50% du prix payé pour la livraison des appareils litigieux, soit 50% de 154 125,96 euros, soit 77 062,98 euros;

2) Sur la demande de dommages et intérêts

Considérant, compte tenu de ce qui précède, qu'il n'apparaît pas que la résistance de la société Bozell ait été abusive ou dilatoire, qu'il ne sera donc pas fait droit à la demande de dommages et intérêts de la société Kléber Pneumatiques;

3) Sur les demandes fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et sur les dépens

Considérant qu'il convient en équité de faire droit à hauteur de 1 000 euros à la demande formée par la société Kléber Pneumatiques sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile comme indemnité des frais irrépétibles qu'elle a engagés en première instance et en cause d'appel;

Considérant que la société Marketing Drive Paris, qui succombe, sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et qu'elle sera condamnée aux dépens;

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement du Tribunal de commerce de Nanterre du 21 novembre 2001, Statuant à nouveau, Condamne la société Marketing Drive Paris à payer à la société Kléber Pneumatiques la somme de 77 062,98 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, Condamne, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la société Marketing Drive Paris à payer à la société Kléber Pneumatiques la somme de 1 000 euros, comme indemnité des frais irrépétibles que cette dernière a engagés en première instance et en cause d'appel, Déboute la société Marketing Drive Paris de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la société Marketing Drive Paris aux dépens de première instance et d'appel, et accorde à la SCP Lissarrague, Dupuis & Boccon-Gibod, titulaire d'un office d'avoué, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.