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Décisions

CJCE, 2 août 1993, n° C-107/92

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission des Communautés européennes

Défendeur :

République italienne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Due

Présidents de chambre :

MM. Rodríguez Iglesias, Zuleeg, Murray

Avocat général :

M. Gulmann

Juges :

MM. Mancini, Joliet, Moitinho de Almeida, Grévisse, Edward

CJCE n° C-107/92

2 août 1993

LA COUR,

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 1er avril 1992, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CEE, un recours visant à faire constater que la République italienne, en ayant omis d'adresser à l'Office des publications officielles des Communautés européennes pour la publication au Journal officiel des Communautés européennes un avis de marché pour la réalisation d'une barrière pare-avalanches dans la localité de Colle Isarco/Brennero, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 71-305-CEE du Conseil, du 26 juillet 1971, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 185, p. 5, ci-après "directive").

2 Le titre III de la directive prévoit, entre autres mesures, des règles relatives à une publicité adéquate des appels d'offres, de manière à ce que tous les entrepreneurs intéressés de la Communauté puissent être informés d'une adjudication et éventuellement y participer.

3 Selon l'article 12 de la directive, les avis d'adjudication doivent être envoyés à l'Office des publications officielles des Communautés européennes, qui en assure la publication au Journal officiel, au plus tard neuf jours après la date d'envoi. Le quatrième alinéa de cette même disposition précise toutefois que, dans la procédure accélérée prévue à l'article 15, ce délai de publication est de cinq jours au plus tard après la date d'envoi.

4 En vertu de l'article 14 de la directive, le délai de réception des demandes de participation et celui de réception des offres que les candidats retenus sont invités à présenter sont chacun de 21 jours au minimum, à compter respectivement de la date d'envoi de l'avis et de la date d'envoi de l'invitation écrite faite aux candidats. L'article 15 précise toutefois que, lorsque l'urgence rend les délais de l'article 14 impraticables, les pouvoirs adjudicateurs peuvent appliquer des délais réduits, à savoir douze jours à compter de la date d'envoi de l'avis, pour les demandes de participation, et dix jours à compter de l'invitation écrite, pour les offres. Cette procédure accélérée ramène donc le délai total de la procédure de publicité de 42 jours à 22 jours au minimum.

5 L'article 9 de la directive exempte une série de cas de l'application de ces dispositions en matière de publicité. Plus précisément, l'article 9, sous d), prévoit une dérogation "dans la mesure strictement nécessaire, lorsque l'urgence impérieuse résultant d'événements imprévisibles pour les pouvoirs adjudicateurs, n'est pas compatible avec les délais exigés par d'autres procédures".

6 Le 18 juin 1988, l'Ufficio del Genio Civile (office du génie civil) de Bolzano, service relevant du ministère italien des Travaux publics, a passé un marché public de travaux avec l'entreprise italienne Collini e Rabbiosi SpA pour la construction d'une barrière pare-avalanches dans la région dite "Alpe Gallina", à Colle Isarco/Brennero, sans publication préalable de l'avis d'appel d'offres dans le Journal officiel des Communautés européennes.

7 Considérant cette omission comme une infraction aux dispositions de la directive, la Commission a, par lettre en date du 24 janvier 1990, mis la République italienne en demeure de lui présenter ses observations dans un délai d'un mois.

8 La réponse donnée par le Gouvernement italien le 15 mars 1990 a conduit la Commission à lui adresser un avis motivé, le 13 février 1991. Compte tenu de l'absence de réaction à cet avis, la Commission a décidé d'introduire le présent recours.

9 La Commission estime que le Gouvernement italien n'a pas rapporté la preuve de l'existence d'une urgence impérieuse résultant d'événements imprévisibles, au sens de l'article 9, sous d), de la directive. A cet égard, elle relève tout d'abord que plus de trois mois se sont écoulés entre la présentation, le 10 juin 1988, aux autorités nationales compétentes, du rapport du service géologique du ministère de l'Environnement recommandant en l'espèce une intervention d'urgence, et le début des travaux, le 21 septembre 1988, et que, durant cette période, le Gouvernement italien aurait pu engager la procédure accélérée de 22 jours, prévue par la directive. Elle souligne ensuite que la dernière avalanche enregistrée dans la région du Brenner en 1975 ne pouvait justifier une intervention d'urgence.

10 Selon le Gouvernement italien, la position de la Commission ne tient pas compte du fait nouveau résultant du rapport géologique susmentionné quant au danger imprévisible et imminent d'avalanches dans la région. Il fait valoir que, compte tenu de l'urgence ainsi signalée, les autorités italiennes ont considéré que les travaux devaient impérativement débuter avant la fin de l'automne 1988, que, dès lors, la procédure administrative devait être menée à son terme durant le bref délai des trois mois d'été et que, partant, le respect des dispositions de la directive s'avérait impossible.

11 Pour un plus ample exposé des faits du litige, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

12 Aux termes de l'article 9, sous d) de la directive, la dérogation prévue par cette disposition, à savoir, la dispense de toute obligation de publier un avis d'adjudication, est subordonnée à la réunion de trois conditions cumulatives. Elle suppose en effet l'existence d'un événement imprévisible, d'une urgence impérieuse incompatible avec les délais exigés par d'autres procédures et, enfin, d'un lien de causalité entre l'événement imprévisible et l'urgence impérieuse qui en résulte.

13 A cet égard, la chronologie analysée en détail par l'avocat général aux points 8 et 13 de ses conclusions montre que rien ne s'opposait à ce que le Gouvernement italien respecte, en l'espèce, les délais de la procédure accélérée, prévus par la directive.

14 En conséquence, il convient d'admettre avec la Commission que le Gouvernement italien n'a pas établi l'existence d'une urgence impérieuse, au sens de l'article 9, sous d).

15 Dès lors, et sans qu'il y ait lieu de vérifier si les deux autres conditions de la dérogation étaient remplies en l'espèce, il convient de constater que, la République italienne, en ayant omis d'adresser à l'Office des publications officielles des Communautés européennes pour la publication au Journal Officiel des Communautés européennes un avis de marché pour la réalisation d'une barrière pare-avalanches dans la localité de Colle Isarco/Brennero, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de la directive.

Sur les dépens

16 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La République italienne ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête:

1) En ayant omis d'adresser à l'Office des publications officielles des Communautés européennes pour la publication au Journal Officiel des Communautés européennes un avis de marché pour la réalisation d'une barrière pare-avalanches dans la localité de Colle Isarco/Brennero, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 71-305-CEE du Conseil, du 26 juillet 1971, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux.

2) La République italienne est condamnée aux dépens.