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Décisions

CJCE, 17 septembre 2002, n° C-513/99

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Concordia Bus Finland Oy Ab

Défendeur :

Helsingin kaupunki , HKL-Bussiliikenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rodríguez Iglesias

Présidents de chambre :

M. Jann, Mme Macken

Avocat général :

M. Mischo

Juges :

MM. Gulmann, Edward, La Pergola, Wathelet, Schintgen, Skouris

Avocats :

Me Savia, Savola, Williams

CJCE n° C-513/99

17 septembre 2002

LA COUR,

1 Par ordonnance du 17 décembre 1999, parvenue à la Cour le 28 décembre suivant, le Korkein hallinto-oikeus a posé, en application de l'article 234 CE, trois questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 2, paragraphes 1, sous a), 2, sous c), et 4, ainsi que 34, paragraphe 1, de la directive 93-38-CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications (JO L 199, p. 84), telle que modifiée par l'acte relatif aux conditions d'adhésion de la république d'Autriche, de la république de Finlande et du Royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21, et JO 1995, L 1, p. 1, ci-après la "directive 93-38"), et de l'article 36, paragraphe 1, de la directive 92-50-CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Concordia Bus Finland Oy Ab (ci-après "Concordia") à Helsingin Kaupunki (ville d'Helsinki) et à l'entreprise HKL-Bussiliikenne (ci-après "HKL"), au sujet de la validité d'une décision de la liikepalvelulautakunta (commission des services marchands) de la ville d'Helsinki portant attribution du marché relatif à la gestion d'une ligne du réseau d'autobus urbains de cette dernière à HKL.

Le cadre juridique La réglementation communautaire

La directive 92-50

3 L'article 1er de la directive 92-50 dispose:

"Aux fins de la présente directive:

a) les `marchés publics de services' sont des contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre un prestataire de services et un pouvoir adjudicateur, à l'exclusion:

[...]

ii) des marchés qui sont passés dans les domaines mentionnés aux articles 2, 7, 8 et 9 de la directive 90-531-CEE et des marchés qui répondent aux conditions de l'article 6 paragraphe 2 de la même directive;

[...]"

4 L'article 36 de la directive 92-50, intitulé "Critères d'attribution du marché", est libellé dans les termes suivants:

"1. Sans préjudice des dispositions législatives, réglementaires ou administratives nationales relatives à la rémunération de certains services, les critères sur lesquels le pouvoir adjudicateur se fonde pour attribuer les marchés peuvent être:

a) soit, lorsque l'attribution se fait à l'offre économiquement la plus avantageuse, divers critères variables selon le marché en question: par exemple, la qualité, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison et le délai de livraison ou d'exécution, le prix;

b) soit uniquement le prix le plus bas.

2. Lorsque le marché doit être attribué à l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur indique, dans le cahier des charges ou dans l'avis de marché, les critères d'attribution dont il prévoit l'application, si possible dans l'ordre décroissant de l'importance qui leur est attribuée."

La directive 93-38

5 L'article 2 de la directive 93-38 prévoit:

"1. La présente directive s'applique aux entités adjudicatrices:

a) qui sont des pouvoirs publics ou des entreprises publiques et qui exercent une des activités visées au paragraphe 2;

b) qui, lorsqu'elles ne sont pas des pouvoirs publics ou des entreprises publiques, exercent, parmi leurs activités, l'une des activités visées au paragraphe 2, ou plusieurs de ces activités, et bénéficient de droits spéciaux ou exclusifs délivrés par une autorité compétente d'un État membre.

2. Les activités relevant du champ d'application de la présente directive sont les suivantes:

[...]

c) l'exploitation de réseaux destinés à fournir un service au public dans le domaine du transport par chemin de fer, systèmes automatiques, tramway, trolleybus ou autobus ou câble.

En ce qui concerne les services de transport, il est considéré qu'un réseau existe lorsque le service est fourni dans les conditions déterminées par une autorité compétente d'un État membre, telles que les conditions relatives aux itinéraires à suivre, à la capacité de transport disponible ou à la fréquence du service;

[...]

4. La fourniture au public d'un service de transport par autobus n'est pas considérée comme une activité au sens du paragraphe 2 point c), lorsque d'autres entités peuvent librement fournir ce service, soit d'une manière générale, soit dans une aire géographique spécifique, dans les mêmes conditions que les entités adjudicatrices.

[...]"

6 Aux termes de l'article 34 de la directive 93-38:

"1. Sans préjudice des dispositions législatives, réglementaires ou administratives nationales relatives à la rémunération de certains services, les critères sur lesquels les entités adjudicatrices se fondent pour attribuer les marchés sont:

a) soit, lorsque l'attribution se fait à l'offre économiquement la plus avantageuse, divers critères variables suivant le marché en question: par exemple, le délai de livraison ou d'exécution, le coût d'utilisation, la rentabilité, la qualité, le caractère esthétique et fonctionnel, la valeur technique, le service après-vente et l'assistance technique, l'engagement en matière de pièces de rechange, la sécurité d'approvisionnement et le prix;

b) soit uniquement le prix le plus bas.

2. Dans le cas prévu au paragraphe 1 point a), les entités adjudicatrices mentionnent, dans les cahiers des charges ou dans l'avis de marché, tous les critères d'attribution dont elles prévoient l'application, si possible dans l'ordre décroissant d'importance.

[...]"

7 L'article 45, paragraphes 3 et 4, de la directive 93-38 énonce:

"3. La directive 90-531-CEE ne produit plus d'effets à partir de la date de mise en application de la présente directive par les États membres et cela sans préjudice des obligations des États membres en ce qui concerne les délais visés à l'article 37 de ladite directive.

4. Les références faites à la directive 90-531-CEE s'entendent comme faites à la présente directive."

La réglementation nationale

8 Les directives 92-50 et 93-38 ont été transposées en droit finlandais par la julkisista hankinnoista annettu laki (loi sur les marchés publics) 1505-1992, telle que modifiée par les lois 1523-1994 et 725-1995 (ci-après la "loi 1505-1992").

9 En vertu de l'article 1er de la loi 1505-1992, les autorités nationales et municipales, ainsi que les autres entités adjudicatrices visées par ladite loi, sont tenues d'en respecter les dispositions pour organiser un concours et garantir aux participants un traitement égal et non discriminatoire.

10 Selon l'article 2 de la loi 1505-1992, les entités adjudicatrices sont, notamment, les autorités communales.

11 L'article 7, paragraphe 1, de la loi 1505-92 dispose, d'une part, que l'achat doit être effectué aux conditions les plus avantageuses et, d'autre part, que l'offre à retenir est celle qui est la moins chère ou la plus avantageuse sur le plan économique global.

12 Les procédures de passation de marchés publics en Finlande sont régies de manière plus détaillée par les décrets 243-1995 sur les marchés de biens et de services et les marchés forfaitaires de construction supérieurs à un certain plafond ainsi que 567-1994 sur les marchés des collectivités dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications supérieurs à un certain plafond, tel que modifié par le décret 244-1995 (ci-après le "décret 567-1994").

13 L'article 4, paragraphe 1, du décret 243-1995 exclut de son champ d'application les achats auxquels s'applique le décret 567-1994. L'article 1er, paragraphe 10, de celui-ci exclut de son champ d'application les achats auxquels s'applique le décret 243-1995.

14 L'article 43 du décret 243-95 dispose:

"1. L'entité adjudicatrice doit accepter soit l'offre qui, conformément aux critères d'appréciation du marché proposé, est globalement la plus avantageuse du point de vue économique, soit l'offre la moins chère. Les critères de l'appréciation économique globale peuvent être, par exemple, le prix, le délai de livraison ou de production, les frais de fonctionnement, la qualité, les coûts prévisibles pendant la durée de vie du bien, les caractéristiques esthétiques ou fonctionnelles, les avantages techniques, les services de maintenance, la sécurité d'approvisionnement, le soutien technique et les considérations environnementales.

[...]"

15 De même, l'article 21, paragraphe 1, du décret 567-1994 prévoit que l'entité adjudicatrice doit choisir, entre toutes les offres, celle qui est la plus avantageuse sur le plan économique global, en fonction des critères d'appréciation du bien, du service ou du forfait proposé, ou l'offre la moins chère. Les critères d'appréciation utilisés aux fins de l'évaluation économique globale peuvent être, par exemple, le prix, le délai de livraison, les frais de fonctionnement, les coûts prévisibles pendant la durée de vie du bien, la qualité, les caractéristiques écologiques, esthétiques ou fonctionnelles, les avantages techniques, les services de maintenance et le soutien technique.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

L'organisation des services de transport par autobus de la ville d'Helsinki

16 Il ressort de l'ordonnance de renvoi que le conseil municipal d'Helsinki a décidé, le 27 août 1997, de soumettre progressivement à l'adjudication l'ensemble du réseau d'autobus urbains de la ville d'Helsinki de manière à ce que la première ligne attribuée commence à fonctionner au début du service d'automne de l'année 1998.

17 En vertu de la réglementation relative aux transports en commun de la ville d'Helsinki, la responsabilité de la planification, du développement, de la réalisation, de l'organisation en général ainsi que de la tutelle de ces transports en commun est confiée, sauf disposition contraire, à la joukkoliikennelautakunta (commission des transports en commun) et à la Helsingin kaupungin liikennelaitos (entreprise de transports de la ville d'Helsinki, ci-après l'"entreprise de transports"), qui est subordonnée à ladite commission.

18 Selon la réglementation applicable, c'est la commission des services marchands de la ville d'Helsinki qui a la charge de statuer sur l'adjudication des services de transports en commun urbains en fonction des objectifs approuvés par le conseil municipal d'Helsinki et la commission des transports en commun. En outre, l'office d'approvisionnement de la ville d'Helsinki est chargé de l'exécution des opérations relatives aux marchés de transports en commun urbains.

19 Quant à l'entreprise de transports, elle est une entreprise commerciale municipale qui, d'un point de vue fonctionnel et économique, est divisée en quatre unités de production (autobus, tramways, métro ainsi que voies et immeubles). L'unité de production concernant les autobus est HKL. L'entreprise de transports comprend également une unité principale de groupe, constituée d'une unité de planification et d'une unité administrative et économique. L'unité de planification joue le rôle d'un donneur d'ordres en ce qui concerne la préparation des propositions à présenter à la commission des transports en commun, les lignes à soumettre à l'adjudication et le niveau des services requis. Les unités de production sont distinctes du reste de l'entreprise de transports sur le plan économique et possèdent des comptabilités et des bilans séparés.

La procédure d'appel d'offres en cause au principal

20 Par lettre du 1er septembre 1997 et par un avis publié dans le Journal officiel des Communautés européennes du 4 septembre 1997, l'office d'approvisionnement de la ville d'Helsinki a sollicité des offres pour la gestion du réseau d'autobus urbains de la ville d'Helsinki, selon des itinéraires et des horaires précisés dans un document comportant sept lots. Le litige au principal concerne le lot n° 6 de cet avis de marché relatif à la ligne n° 62.

21 Il ressort du dossier que, selon ledit avis de marché, l'adjudicataire serait l'entreprise qui ferait l'offre la plus avantageuse pour la municipalité sur le plan économique global. Cette appréciation devait tenir compte de trois catégories de critères, à savoir le prix global demandé pour l'exploitation, la qualité du matériel (autobus) et la gestion par l'entrepreneur en matière de qualité et d'environnement.

22 En ce qui concerne d'abord le prix global demandé, l'offre la plus intéressante devait obtenir 86 points et le nombre de points des autres offres était calculé selon la formule suivante: nombre de points = coût de l'indemnité d'exploitation annuelle de l'offre la plus intéressante divisé par l'offre considérée et multiplié par 86.

23 Ensuite, quant à la qualité du matériel, un soumissionnaire pouvait obtenir un maximum de 10 points supplémentaires sur la base de certains critères. Ainsi, de tels points étaient attribués notamment pour l'utilisation d'autobus ayant, d'une part, des émissions d'oxyde azotique inférieures à 4g/kWh (+2,5 points/bus) ou inférieures à 2g/kWh (+3,5 points/bus) et, d'autre part, un niveau sonore inférieur à 77 dB (+1 point/bus).

24 En ce qui concerne enfin l'organisation de l'entrepreneur en matière de qualité et d'environnement, des points supplémentaires devaient être accordés pour un ensemble de critères qualitatifs ainsi que pour un programme de préservation de l'environnement attestés par une certification.

25 L'office d'approvisionnement de la ville d'Helsinki a reçu huit offres concernant le lot n° 6, dont celles de HKL et de Swebus Finland Oy Ab [(ci-après "Swebus"), devenue ultérieurement Stagecoach Finland Oy Ab (ci-après "Stagecoach"), puis Concordia]. L'offre de cette dernière comportait deux propositions, désignées par A et B.

26 La commission des services marchands a décidé le 12 février 1998 de choisir HKL comme exploitant de la ligne constituant le lot n° 6, son offre ayant été considérée globalement comme la plus avantageuse sur le plan économique. Il ressort de l'ordonnance de renvoi que Concordia (à l'époque Swebus) avait fait l'offre la moins chère, obtenant 81,44 points pour sa proposition A et 86 points pour sa proposition B. HKL avait obtenu 85,75 points. En ce qui concerne le matériel, c'est HKL qui a obtenu le plus de points, soit 2,94 points, Concordia (à l'époque Swebus) ayant obtenu 0,77 point pour sa proposition A et -1,44 point pour sa proposition B. Les 2,94 points obtenus par HKL à ce titre comportaient des majorations maximales en raison d'émissions d'oxyde azotique inférieures à 2 g/kWh ainsi que pour un niveau sonore inférieur à 77 dB. Concordia (à l'époque Swebus) n'a pas obtenu de points supplémentaires au titre des critères relatifs aux émissions d'oxyde azotique et au niveau sonore des autobus. HKL et Concordia ont obtenu le maximum de points pour leurs certificats de qualité et d'environnement. Dans ces conditions, c'est HKL qui a obtenu globalement le plus grand nombre de points, soit 92,69. Concordia (à l'époque Swebus) a été placée au deuxième rang, ayant obtenu 86,21 points pour sa proposition A et 88,56 points pour sa proposition B.

Le déroulement de la procédure devant les juridictions nationales

27 Concordia (à l'époque Swebus) a formé un recours en annulation contre ladite décision de la commission des services marchands devant le Kilpailuneuvosto (conseil de la concurrence) (Finlande), en faisant notamment valoir que l'attribution de points supplémentaires à un matériel dont les émissions d'oxyde azotique et le niveau sonore sont inférieurs à certaines limites est inéquitable et discriminatoire. Selon elle, des points supplémentaires ont été attribués pour l'utilisation d'un type d'autobus qu'un seul soumissionnaire, à savoir HKL, avait en réalité la possibilité de proposer.

28 Le Kilpailuneuvosto a rejeté ce recours. Il a considéré que l'entité adjudicatrice a le droit de définir le type de matériel dont elle souhaite l'utilisation. La fixation des critères de choix et de leur pondération devrait toutefois se faire de manière objective, en tenant compte des besoins de l'entité adjudicatrice et de la qualité du service. Le cas échéant, cette entité devrait être en état de justifier le bien-fondé du choix et de l'application de ses critères d'appréciation.

29 Ladite juridiction a relevé que la décision de la ville d'Helsinki de donner la préférence aux autobus peu polluants relève de la politique écologique, qui vise à réduire les nuisances pour l'environnement engendrées par la circulation des autobus. Cela ne constituerait pas un vice de procédure. Si ce critère était appliqué de manière non équitable envers un concurrent, une intervention serait possible. Toutefois, le Kilpailuneuvosto a constaté que tous les concurrents avaient la possibilité, s'ils le souhaitaient, d'acquérir des autobus fonctionnant au gaz naturel. Il a donc conclu qu'il n'a pas été apporté la preuve de ce que le critère en question aurait été discriminatoire envers Concordia.

30 Concordia (à l'époque Stagecoach) a saisi le Korkein hallinto-oikeus d'un pourvoi visant à obtenir l'annulation de la décision du Kilpailuneuvosto. Selon elle, l'attribution de points supplémentaires aux autobus les moins polluants et les moins bruyants favorisait HKL, seule entreprise soumissionnaire qui avait en pratique la faculté d'utiliser un matériel susceptible d'obtenir ces points. En outre, elle faisait valoir que, dans le cadre de l'appréciation globale des offres, il ne saurait être question de tenir compte de ces facteurs écologiques qui n'ont aucun rapport direct avec l'objet de l'appel d'offres.

31 Dans son ordonnance de renvoi, le Korkein hallinto-oikeus relève d'abord que, afin de déterminer si c'est le décret 243-1995 ou le décret 567-1994 qui est applicable au cas d'espèce, il convient de rechercher si le marché en cause au principal relève du champ d'application de la directive 92-50 ou de celui de la directive 93-38. À cet égard, il constate que l'annexe VII de la directive 93-38 fait mention, pour la république de Finlande, tant des entités publiques ou privées qui gèrent les services d'autobus sous le régime de la laki luvanvaraisesta henkilöliikenteestä tiellä (loi sur les transports de personnes par route soumis à autorisation) 343-91 que de l'entreprise de transports qui gère le métro et le réseau de tramways de la ville d'Helsinki.

32 La juridiction de renvoi relève ensuite que l'examen de l'affaire requiert également l'interprétation de dispositions du droit communautaire aux fins de savoir si une municipalité, lorsqu'elle attribue un marché tel que celui en cause au principal, est en droit de tenir compte de considérations écologiques concernant le matériel proposé. En effet, si les arguments de Concordia quant aux points attribués en vertu des critères d'environnement ainsi qu'à d'autres titres étaient admis, cela signifierait que le nombre de points obtenus par son offre B dépassait celui obtenu par HKL.

33 Le Korkein hallinto-oikeus constate, à cet égard, que les articles 36, paragraphe 1, sous a), de la directive 92-50 et 34, paragraphe 1, sous a), de la directive 93-38 ne mentionnent pas les questions d'environnement dans la liste des critères de détermination de l'offre économiquement la plus avantageuse. Or, dans ses arrêts du 20 septembre 1988, Beentjes (31-87, Rec. p. 4635), et du 28 mars 1995, Evans Medical et Macfarlan Smith (C-324-93, Rec. p. I-563), la Cour aurait dit pour droit que le pouvoir adjudicateur est libre, pour déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse, de choisir les critères d'attribution du marché. Néanmoins, ce choix ne pourrait porter que sur des critères visant à identifier l'offre économiquement la plus avantageuse.

34 La juridiction de renvoi se réfère enfin à la communication de la Commission, du 11 mars 1998, intitulée "Les marchés publics dans l'Union européenne" [COM(1998) 143 final], dans laquelle la Commission considère qu'il est licite de tenir compte de considérations d'environnement aux fins de choisir l'offre la plus avantageuse sur le plan économique global, dans la mesure où l'organisateur de l'appel d'offres tire lui-même un avantage direct des propriétés écologiques du produit.

35 C'est au vu de telles circonstances que le Korkein hallinto-oikeus a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) Les dispositions relatives au champ d'application de la directive 93-38-CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications [...], et, en particulier, son article 2, paragraphes 1, sous a), 2, sous c), et 4, sont-elles à interpréter en ce sens que ladite directive trouve application à la procédure suivie par une municipalité, en tant qu'entité adjudicatrice, dans le cadre d'un marché relatif à l'exploitation d'un service d'autobus urbains, dès lors que :

- la municipalité a la charge, sur son territoire, de la planification, du développement, de l'exécution et de l'organisation en général, ainsi que de la tutelle, des transports en commun, que

- la municipalité dispose, en vue d'effectuer les tâches précitées, d'une commission des transports en commun et d'une entreprise municipale de transports qui est subordonnée à cette commission, que

- l'entreprise municipale de transports possède une unité de planification, agissant en tant que donneur d'ordres, qui prépare à l'intention de la commission des transports en commun des propositions portant sur les lignes à mettre au concours et sur le niveau de qualité de service à exiger, et que

- l'entreprise municipale de transports dispose d'unités de production, distinctes sur le plan économique du reste de l'entreprise et, entre autres, d'une unité qui est spécialisée dans le transport par autobus et participe à des appels d'offres y relatifs ?

2) La réglementation communautaire relative aux marchés publics, et, en particulier, l'article 36, paragraphe 1, de la directive 92-50-CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics [...], ou la disposition similaire (article 34, paragraphe 1) de la directive 93-38-CEE, est-elle à interpréter en ce sens qu'une municipalité qui organise, en tant qu'entité adjudicatrice, un appel d'offres portant sur l'exploitation d'un service d'autobus urbains peut intégrer, parmi les critères du marché à conclure sur la base de l'offre économiquement la plus avantageuse, outre le prix proposé, la gestion écologique et qualitative de l'exploitant ou plusieurs autres caractéristiques du matériel, également la réduction des émissions d'oxyde azotique ou du niveau sonore, selon les modalités figurant dans l'appel d'offres, de sorte que, si les émissions d'oxyde azotique ou le niveau sonore de certains véhicules sont inférieurs à un certain plafond, des points supplémentaires peuvent être attribués aux fins de la comparaison des offres ?

3) Si la réponse à la question précédente est affirmative: les règles du droit communautaire relatives aux marchés publics sont-elles à interpréter en ce sens que l'attribution de points supplémentaires au titre des propriétés susmentionnées du matériel en matière d'émissions d'oxyde azotique ou de niveau sonore est néanmoins interdite dès lors qu'il apparaît d'emblée que la propre entreprise de transports de la ville organisatrice de l'appel d'offres, qui gère le réseau d'autobus, a la possibilité de proposer un matériel qui satisfasse les conditions imposées, possibilité que, en raison des circonstances, seules de rares entreprises du secteur ont par ailleurs ?"

Sur les questions préjudicielles

36 Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que, ainsi qu'il ressort de l'ordonnance de renvoi, les moyens invoqués par Concordia à l'appui de son pourvoi devant le Korkein hallinto-oikeus sont tirés uniquement de la prétendue illégalité du système de notation des critères relatifs au matériel prévus dans l'appel d'offres en cause au principal.

37 Ainsi, par ses deuxième et troisième questions, la juridiction de renvoi demande en substance, d'une part, si l'article 36, paragraphe 1, de la directive 92-50 ou l'article 34, paragraphe 1, sous a), de la directive 93-38 permettent d'intégrer, parmi les critères du marché public à conclure sur la base de l'offre économiquement la plus avantageuse, la réduction des émissions d'oxyde azotique ou du niveau sonore des véhicules de sorte que, si ces émissions ou ce niveau sonore sont inférieurs à un certain plafond, des points supplémentaires peuvent être attribués aux fins de la comparaison des offres.

38 D'autre part, elle demande également si les règles énoncées par lesdites directives, et notamment le principe d'égalité de traitement, permettent la prise en considération de tels critères lorsqu'il apparaît d'emblée que la propre entreprise de transports de la ville organisatrice de l'appel d'offres compte parmi les rares entreprises ayant la possibilité de proposer un matériel qui satisfasse auxdits critères.

39 Or, force est de constater que les dispositions des articles 36, paragraphe 1, sous a), de la directive 92-50 et 34, paragraphe 1, sous a), de la directive 93-38 sont libellées de manière substantiellement identique.

40 En outre, ainsi qu'il ressort de l'ordonnance de renvoi, il n'y a eu, dans le cadre du litige au principal, aucune interrogation sur la réglementation nationale ou communautaire applicable.

41 En effet, ainsi qu'il résulte du libellé de la première question, le Korkein hallinto-oikeus interroge la Cour non pas sur l'applicabilité de la directive 92-50, mais uniquement sur l'applicabilité de la directive 93-38 au litige au principal.

42 Dès lors, il convient de considérer, d'une part, que les deuxième et troisième questions portent sur la conformité de critères d'attribution des marchés, tels que ceux en cause au principal, avec les dispositions pertinentes de la directive 92-50 et, d'autre part, que, par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la réponse à ces questions serait différente dans l'hypothèse où la directive 93-38 serait applicable. Il s'ensuit qu'il y a lieu d'examiner successivement les deuxième et troisième questions puis, en dernier lieu, la première question.

Sur la deuxième question

43 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande en substance si l'article 36, paragraphe 1, sous a), de la directive 92-50 doit être interprété en ce sens que, lorsque, dans le cadre d'un marché public relatif à la prestation de services de transports urbains par autobus, le pouvoir adjudicateur décide d'attribuer ce marché au soumissionnaire ayant présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, il peut prendre en considération la réduction des émissions d'oxyde azotique ou du niveau sonore des véhicules de sorte que, si ces émissions ou ce niveau sonore sont inférieurs à un certain plafond, des points supplémentaires peuvent être attribués aux fins de la comparaison des offres.

Observations soumises à la Cour

44 Concordia estime que, dans une procédure de marché public, les critères de décision doivent, selon le libellé des dispositions du droit communautaire pertinentes, toujours être de nature économique. Si l'objectif du pouvoir adjudicateur est de satisfaire des considérations d'ordre écologique ou autre, il y aurait lieu de recourir à une autre procédure que celle de l'appel d'offres public.

45 En revanche, les autres parties au principal, les États membres ayant présenté des observations et la Commission soutiennent qu'il est permis d'intégrer des critères d'ordre écologique parmi ceux qui président à l'attribution d'un marché public. Ils se réfèrent, tout d'abord, aux articles 36, paragraphe 1, sous a), de la directive 92-50 et 34, paragraphe 1, sous a), de la directive 93-38, qui n'énuméreraient qu'à titre d'exemple des éléments que l'entité adjudicatrice peut prendre en considération lorsqu'elle attribue un tel marché; ensuite, ils renvoient à l'article 6 CE, qui exigerait l'intégration de la protection de l'environnement dans les autres politiques de la Communauté; enfin, ils font référence aux arrêts précités Beentjes ainsi que Evans Medical et Macfarlan Smith, qui permettraient à l'entité adjudicatrice de choisir les critères qu'elle considère comme pertinents lorsqu'elle procède à l'appréciation des offres soumises.

46 En particulier, la ville d'Helsinki et le Gouvernement finlandais relèvent qu'il est de l'intérêt de cette dernière et de ses habitants que les émanations nocives soient limitées le plus possible. En effet, pour la ville d'Helsinki elle-même, qui est responsable de la protection de l'environnement sur son territoire, il en découlerait des économies directes, notamment dans le secteur médico-social, qui représenterait environ 50 % de son budget global. Les facteurs qui contribuent, même de manière modeste, à améliorer l'état de santé global de la population lui permettraient de réduire ses charges rapidement et dans des proportions considérables.

47 Le Gouvernement hellénique ajoute que le pouvoir d'appréciation conféré aux autorités nationales, quant au choix des critères d'attribution des marchés publics, suppose que ce choix ne soit pas arbitraire et que les critères pris en considération ne violent pas les dispositions du traité CE et, notamment, les principes fondamentaux consacrés par celui-ci, tels que le droit d'établissement, la libre prestation des services et l'interdiction des discriminations fondées sur la nationalité.

48 Le Gouvernement néerlandais précise que les critères d'attribution des marchés publics appliqués par le pouvoir adjudicateur doivent toujours présenter une dimension économique. Il estime, cependant, que cette condition est remplie au principal, la ville d'Helsinki étant à la fois le pouvoir adjudicateur et l'organisme responsable financièrement de la politique de l'environnement.

49 Le Gouvernement autrichien fait valoir que les directives 92-50 et 93-38 instaurent deux restrictions essentielles au choix des critères d'attribution des marchés publics. D'une part, les critères choisis par l'entité adjudicatrice doivent être en rapport avec le marché à attribuer et permettre de déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse pour cette dernière. D'autre part, lesdits critères doivent être susceptibles d'orienter le pouvoir d'appréciation reconnu à l'entité adjudicatrice sur une base objective et ne pas comporter d'éléments de choix arbitraire. En outre, selon ce Gouvernement, les critères d'attribution doivent être directement liés à l'objet du marché, avoir des effets objectivement mesurables et être quantifiables sur le plan économique.

50 Dans le même sens, le Gouvernement suédois soutient que le choix dont dispose l'entité adjudicatrice est limité, dans la mesure où les critères d'attribution doivent être en rapport avec le marché à attribuer et appropriés pour déterminer l'offre la plus avantageuse d'un point de vue économique. Il ajoute que ces critères doivent également être conformes aux règles du traité relatives à la libre circulation des marchandises et des services.

51 Selon le Gouvernement du Royaume-Uni, les dispositions des articles 36, paragraphe 1, de la directive 92-50 et 34, paragraphe 1, de la directive 93-38 doivent être interprétées en ce sens que, dans l'organisation d'une procédure d'attribution pour l'exploitation de services de transport par autobus, une autorité ou une entité adjudicatrice peut, parmi d'autres critères d'attribution du marché, prendre en considération des critères environnementaux pour apprécier l'offre économiquement la plus avantageuse, pour autant que ces critères permettent une comparaison de toutes les offres, qu'ils sont liés aux services à fournir et ont été publiés à l'avance.

52 La Commission considère que les critères d'attribution des marchés publics qui peuvent être pris en considération pour apprécier l'offre économiquement la plus avantageuse doivent remplir quatre conditions. Selon elle, de tels critères doivent être objectifs, applicables à toutes les offres, strictement liés à l'objet du marché concerné et comporter un avantage économique au bénéfice direct du pouvoir adjudicateur.

Appréciation de la Cour

53 Il y a lieu de rappeler que l'article 36, paragraphe 1, sous a), de la directive 92-50 prévoit que les critères sur lesquels le pouvoir adjudicateur peut se fonder pour attribuer les marchés peuvent être, lorsque l'attribution se fait à l'offre économiquement la plus avantageuse, divers critères variables selon le marché en question, tels que, notamment, la qualité, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison et le délai de livraison ou d'exécution, le prix.

54 Afin de déterminer si et dans quelles conditions le pouvoir adjudicateur peut, conformément audit article 36, paragraphe 1, sous a), prendre en considération des critères de nature écologique, il importe de constater, en premier lieu, que, ainsi qu'il ressort clairement du libellé de cette disposition et, notamment, de l'emploi de l'expression "par exemple", les critères pouvant être retenus à titre de critères d'attribution d'un marché public à l'offre économiquement la plus avantageuse ne sont pas énumérés de manière limitative (voir également, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2001, SIAC Construction, C-19-00, Rec. p. I-7725, point 35).

55 En deuxième lieu, ledit article 36, paragraphe 1, sous a), ne saurait être interprété en ce sens que chacun des critères d'attribution retenus par le pouvoir adjudicateur afin d'identifier l'offre économiquement la plus avantageuse doit nécessairement être de nature purement économique. En effet, il ne saurait être exclu que des facteurs qui ne sont pas purement économiques puissent affecter la valeur d'une offre au regard dudit pouvoir adjudicateur. Cette constatation est également corroborée par le libellé même de cette disposition, qui fait expressément allusion au critère relatif au caractère esthétique d'une offre.

56 Par ailleurs, ainsi que la Cour l'a déjà jugé, la coordination au niveau communautaire des procédures de passation des marchés publics vise à supprimer les entraves à la libre circulation des services et des marchandises (voir, notamment, arrêt SIAC Construction, précité, point 32).

57 Compte tenu de cet objectif et eu égard également au libellé de l'article 130 R, paragraphe 2, premier alinéa, troisième phrase, du traité CE, qui a été transféré par le traité d'Amsterdam, dans une forme légèrement modifiée, à l'article 6 CE, et qui prévoit que les exigences de la protection de l'environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et des actions de la Communauté, il convient de conclure que l'article 36, paragraphe 1, sous a), de la directive 92-50 n'exclut pas la possibilité pour le pouvoir adjudicateur d'utiliser des critères relatifs à la préservation de l'environnement dans le cadre de l'appréciation de l'offre économiquement la plus avantageuse.

58 Néanmoins, cette constatation ne signifie pas que tout critère de cette nature peut être pris en considération par ledit pouvoir.

59 En effet, si l'article 36, paragraphe 1, sous a), de la directive 92-50 laisse au pouvoir adjudicateur le choix des critères d'attribution du marché qu'il entend retenir, ce choix ne peut toutefois porter que sur des critères visant à identifier l'offre économiquement la plus avantageuse (voir, en ce sens, au sujet de marchés publics de travaux, arrêts précités Beentjes, point 19; Evans Medical et Macfarlan Smith, point 42, ainsi que SIAC Construction, point 36). Une offre se rapportant nécessairement à l'objet du marché, il s'ensuit que les critères d'attribution pouvant être retenus conformément à ladite disposition doivent, eux aussi, être liés à l'objet du marché.

60 À cet égard, il convient de rappeler d'abord que, ainsi que la Cour l'a déjà jugé, afin de déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur doit, en effet, pouvoir apprécier les offres soumises et prendre une décision sur la base de critères qualitatifs et quantitatifs variables selon le marché en question (voir, en ce sens, au sujet de marchés publics de travaux, arrêt du 28 mars 1985, Commission/Italie, 274-83, Rec. p. 1077, point 25).

61 En outre, il ressort également de la jurisprudence qu'un critère d'attribution qui aurait pour effet de conférer au pouvoir adjudicateur une liberté inconditionnée de choix pour l'attribution du marché à un soumissionnaire serait incompatible avec l'article 36, paragraphe 1, sous a), de la directive 92-50 (voir, en ce sens, arrêts précités Beentjes, point 26, et SIAC Construction, point 37).

62 Ensuite, il importe de relever que la mise en œuvre des critères retenus pour déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse doit avoir lieu dans le respect de toutes les normes procédurales de la directive 92-50, et notamment des règles de publicité qu'elle contient. Il s'ensuit que, conformément à l'article 36, paragraphe 2, de celle-ci, tous les critères de ce type doivent être expressément mentionnés dans le cahier des charges ou dans l'avis de marché, si possible dans l'ordre décroissant de l'importance qui leur est attribuée, afin que les entrepreneurs soient mis en mesure d'avoir connaissance de leur existence et de leur portée (voir, en ce sens, au sujet de marchés publics de travaux, arrêts Beentjes, précité, points 31 et 36, ainsi que du 26 septembre 2000, Commission/France, C-225-98, Rec. p. I-7445, point 51).

63 Enfin, de tels critères doivent respecter tous les principes fondamentaux du droit communautaire et, notamment, le principe de non-discrimination tel qu'il découle des dispositions du traité en matière de droit d'établissement et de libre prestation des services (voir, en ce sens, arrêts précités Beentjes, point 29, et Commission/France, point 50).

64 Il résulte de ces considérations que, lorsque le pouvoir adjudicateur décide d'attribuer un marché au soumissionnaire ayant présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, conformément à l'article 36, paragraphe 1, sous a), de la directive 92-50, il peut prendre en considération des critères relatifs à la préservation de l'environnement pour autant que ces critères sont liés à l'objet du marché, ne confèrent pas audit pouvoir une liberté inconditionnée de choix, sont expressément mentionnés dans le cahier des charges ou dans l'avis de marché et respectent tous les principes fondamentaux du droit communautaire, notamment le principe de non-discrimination.

65 S'agissant de l'affaire au principal, il convient de constater, d'abord, que des critères ayant trait au niveau des émissions d'oxyde azotique et au niveau sonore des autobus, tels que ceux en cause dans ladite affaire, doivent être considérés comme liés à l'objet d'un marché qui porte sur la prestation de services de transports urbains par autobus.

66 Ensuite, des critères consistant en l'attribution de points supplémentaires aux offres répondant à certaines exigences environnementales spécifiques et objectivement quantifiables ne sont pas de nature à conférer au pouvoir adjudicateur une liberté inconditionnée de choix.

67 Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu'il a été indiqué aux points 21 à 24 du présent arrêt, les critères en cause au principal ont été expressément mentionnés dans l'avis de marché publié par l'office d'approvisionnement de la ville d'Helsinki.

68 Enfin, il convient de relever que le point de savoir si les critères en cause au principal respectent, notamment, le principe de non-discrimination devra être examiné dans le cadre de la réponse à apporter à la troisième question préjudicielle, dont il fait précisément l'objet.

69 Dès lors, eu égard à l'ensemble des considérations précédentes, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l'article 36, paragraphe 1, sous a), de la directive 92-50 doit être interprété en ce sens que, lorsque, dans le cadre d'un marché public relatif à la prestation de services de transports urbains par autobus, le pouvoir adjudicateur décide d'attribuer un marché au soumissionnaire ayant présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, il peut prendre en considération des critères écologiques, tels que le niveau d'émissions d'oxyde azotique ou le niveau sonore des autobus, pour autant que ces critères sont liés à l'objet du marché, ne confèrent pas audit pouvoir adjudicateur une liberté inconditionnée de choix, sont expressément mentionnés dans le cahier des charges ou dans l'avis de marché et respectent tous les principes fondamentaux du droit communautaire, notamment le principe de non-discrimination.

Sur la troisième question

70 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande en substance si le principe d'égalité de traitement s'oppose à la prise en considération de critères liés à la protection de l'environnement, tels que ceux en cause au principal, en raison du fait que la propre entreprise de transports de l'entité adjudicatrice figure parmi les rares entreprises ayant la possibilité de proposer un matériel qui satisfasse auxdits critères.

Observations soumises à la Cour

71 Concordia fait valoir que la possibilité d'utiliser des autobus fonctionnant au gaz naturel, qui étaient, en pratique, les seuls à satisfaire au critère supplémentaire de réduction des émissions d'oxyde azotique et du niveau sonore, était très limitée. En effet, à la date de l'appel d'offres, il n'aurait existé, sur tout le territoire de la Finlande, qu'une seule station-service délivrant du gaz naturel. La capacité de celle-ci aurait permis d'approvisionner environ quinze autobus fonctionnant au gaz. Or, juste avant l'appel d'offres litigieux, HKL aurait passé commande de onze autobus neufs fonctionnant au gaz, ce qui signifierait que la capacité de la station était entièrement utilisée et qu'il n'était pas possible d'y approvisionner d'autres véhicules. En outre, cette station-service n'aurait eu qu'un caractère provisoire.

72 Concordia en conclut que HKL était l'unique soumissionnaire ayant réellement la possibilité de proposer des autobus fonctionnant au gaz. Elle propose donc de répondre à la troisième question que l'attribution de points en fonction des émissions d'oxyde azotique et de la réduction du niveau sonore des autobus ne saurait être admise, à tout le moins dans le cas où l'ensemble des opérateurs du secteur concerné n'ont pas la possibilité, même théorique, de proposer des services ouvrant droit à cette attribution.

73 La ville d'Helsinki fait valoir qu'elle n'avait aucune obligation de soumettre à la procédure d'adjudication ses propres transports par autobus, que ce soit au titre de la réglementation communautaire ou de la législation finlandaise. En effet, étant donné qu'une adjudication engendre toujours des travaux et des coûts supplémentaires, elle n'aurait eu aucun motif raisonnable d'organiser cette adjudication si elle avait su que seule l'entreprise dont elle est propriétaire aurait la possibilité de proposer un matériel remplissant les conditions fixées par l'avis de marché ou si elle avait vraiment voulu se réserver l'exploitation de ces transports.

74 Le Gouvernement finlandais estime que l'appréciation de l'objectivité des critères fixés dans l'appel d'offres en cause au principal relève, en définitive, de l'appréciation de la juridiction nationale.

75 Le Gouvernement néerlandais fait valoir qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour que les critères d'attribution doivent être objectifs et qu'il ne saurait être opéré aucune discrimination entre les soumissionnaires. Cependant, aux points 32 et 33 de l'arrêt du 16 septembre 1999, Fracasso et Leitschutz (C-27-98, Rec. p. I-5697), la Cour aurait effectivement jugé que, lorsque, à l'issue d'une procédure de passation de marchés publics, il ne reste plus qu'une seule offre, le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu d'attribuer le marché au seul soumissionnaire jugé apte à y participer. Il n'en résulterait pas pour autant que, s'il ne reste plus qu'un seul soumissionnaire en raison des critères d'attribution appliqués, ceux-ci sont illicites. En tout état de cause, il appartiendrait à la juridiction de renvoi de déterminer si, dans l'affaire au principal, la concurrence a été effectivement faussée.

76 Selon le Gouvernement autrichien, l'emploi des critères d'attribution en cause au principal peut, en principe, être admis, et cela même dans le cas où, comme dans le litige soumis à la juridiction de renvoi, seul un nombre relativement restreint de soumissionnaires est en mesure d'y satisfaire. Il semblerait toutefois que, selon la jurisprudence de la Cour (arrêt du 22 septembre 1988, Commission/Irlande, 45-87, Rec. p. 4929), il existe une limite à l'admissibilité de certaines normes écologiques minimales, dès lors que les critères employés restreignent le marché de la prestation ou du produit à fournir à un point tel qu'il ne subsiste plus qu'un seul soumissionnaire. Rien n'indiquerait cependant que tel serait le cas au principal.

77 Le Gouvernement suédois fait valoir que le fait de tenir compte du critère relatif aux émissions d'oxyde azotique de la manière dont cela a été fait dans l'affaire au principal a impliqué que le soumissionnaire qui disposait d'autobus fonctionnant au gaz ou à l'alcool a été récompensé. Selon ledit Gouvernement, rien n'empêchait les autres soumissionnaires d'acquérir de tels autobus. Ces véhicules seraient disponibles sur le marché depuis de nombreuses années.

78 Le Gouvernement suédois considère que le fait de donner des points supplémentaires en raison des faibles émissions d'oxyde azotique et d'un niveau sonore peu élevé des autobus que le soumissionnaire se propose de mettre en circulation ne constitue pas une discrimination directe, mais s'applique indistinctement. En outre, cette bonification ne semblerait pas être indirectement discriminatoire au sens où elle aurait eu nécessairement pour effet de favoriser HKL.

79 Selon le Gouvernement du Royaume-Uni, la directive 93-38 n'interdit pas l'attribution de points supplémentaires dans l'évaluation des offres lorsqu'il est connu d'avance que peu d'entreprises peuvent potentiellement obtenir ces points supplémentaires, pour autant que l'entité adjudicatrice a fait connaître, au stade de l'avis de marché, cette possibilité d'obtenir de tels points supplémentaires.

80 La Commission estime que, compte tenu des divergences de vues des parties dans le cadre du litige au principal, elle n'est pas en mesure de déterminer si les critères retenus dans l'affaire au principal violent le principe d'égalité de traitement des soumissionnaires. Il reviendrait donc à la juridiction de renvoi de se prononcer sur cette question et de déterminer, sur le fondement d'indices objectifs, pertinents et concordants, si lesdits critères ont été arrêtés dans le but exclusif de choisir l'entreprise finalement retenue ou s'ils ont été déterminés à cette fin.

Appréciation de la Cour

81 Il y a lieu de constater que le devoir de respecter le principe d'égalité de traitement correspond à l'essence même des directives en matière de marchés publics, qui visent notamment à favoriser le développement d'une concurrence effective dans les domaines qui relèvent de leurs champs d'application respectifs et qui énoncent des critères d'attribution du marché tendant à garantir une telle concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 1993, Commission/Danemark, C-243-89, Rec. p. I-3353, point 33).

82 Ainsi, selon la jurisprudence citée au point 63 du présent arrêt, les critères d'attribution doivent respecter le principe de non-discrimination tel qu'il découle des dispositions du traité relatives au droit d'établissement et à la libre prestation des services.

83 En l'occurrence, il y a lieu de relever tout d'abord que, ainsi qu'il ressort de l'ordonnance de renvoi, les critères d'attribution en cause dans l'affaire au principal étaient objectifs et indistinctement applicables à toutes les offres. Ensuite, lesdits critères étaient directement liés au matériel proposé et étaient intégrés dans un système d'attribution de points. Enfin, dans le cadre de ce système, des points supplémentaires pouvaient être accordés sur le fondement d'autres critères liés au matériel, tels que l'emploi d'autobus surbaissés, le nombre de places assises et de strapontins ainsi que la vétusté des autobus.

84 Par ailleurs, ainsi que Concordia l'a admis lors de l'audience, elle a remporté l'appel d'offres concernant la ligne n° 15 du réseau d'autobus urbains de la ville d'Helsinki, nonobstant le fait que cet appel d'offres exigeait explicitement l'utilisation de véhicules fonctionnant au gaz.

85 Il convient donc de constater que, dans un tel contexte factuel, le fait que l'un des critères retenus par l'entité adjudicatrice afin d'identifier l'offre économiquement la plus avantageuse ne pouvait être rempli que par un petit nombre d'entreprises, parmi lesquelles figurait une entreprise appartenant à ladite entité, n'est pas à lui seul de nature à constituer une violation du principe d'égalité de traitement.

86 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la troisième question que le principe d'égalité de traitement ne s'oppose pas à la prise en considération de critères liés à la protection de l'environnement, tels que ceux en cause au principal, du seul fait que la propre entreprise de transports de l'entité adjudicatrice figure parmi les rares entreprises ayant la possibilité de proposer un matériel qui satisfasse auxdits critères.

Sur la première question

87 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si la réponse aux deuxième et troisième questions serait différente si la procédure de passation du marché public en cause au principal relevait du champ d'application de la directive 93-38.

88 À cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, que les dispositions des articles 36, paragraphe 1, sous a), de la directive 92-50 et 34, paragraphe 1, sous a), de la directive 93-38 sont libellées de manière substantiellement identique.

89 Il y a lieu de constater, en deuxième lieu, que les dispositions relatives aux critères d'attribution tant de la directive 93-36-CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures (JO L 199, p. 1), que de la directive 93-37-CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 199, p. 54), sont, elles aussi, libellées en des termes substantiellement identiques à ceux des articles 36, paragraphe 1, sous a), de la directive 92-50 et 34, paragraphe 1, sous a), de la directive 93-38.

90 Il importe de préciser, en troisième lieu, que ces directives constituent, dans leur ensemble, le noyau dur du droit communautaire des marchés publics et visent à atteindre des objectifs similaires dans leurs domaines d'application respectifs.

91 Dans ces conditions, il n'y a aucune raison d'interpréter de manière différente deux dispositions relevant du même domaine du droit communautaire et libellées de manière substantiellement identique.

92 Au demeurant, il convient de rappeler que, au point 33 de l'arrêt Commission/Danemark, précité, la Cour a déjà jugé que le devoir de respecter le principe d'égalité de traitement correspond à l'essence même de toutes les directives en matière de marchés publics. Or, le dossier de l'affaire au principal n'a révélé aucun élément susceptible d'établir que, en ce qui concerne le choix des critères d'attribution par l'entité adjudicatrice, l'interprétation dudit principe devrait, en l'occurrence, dépendre de la directive particulière applicable au marché en question.

93 Dès lors, il y a lieu de répondre à la première question que la réponse aux deuxième et troisième questions ne serait pas différente si la procédure de passation du marché public en cause au principal relevait du champ d'application de la directive 93-38.

Sur les dépens

94 Les frais exposés par les Gouvernements finlandais, hellénique, néerlandais, autrichien, suédois et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur les questions à elle soumises par le Korkein hallinto-oikeus, par ordonnance du 17 décembre 1999, dit pour droit:

1) L' article 36, paragraphe 1, sous a), de la directive 92-50-CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, doit être interprété en ce sens que, lorsque, dans le cadre d'un marché public relatif à la prestation de services de transports urbains par autobus, le pouvoir adjudicateur décide d'attribuer un marché au soumissionnaire ayant présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, il peut prendre en considération des critères écologiques, tels que le niveau d'émissions d'oxyde azotique ou le niveau sonore des autobus, pour autant que ces critères sont liés à l'objet du marché, ne confèrent pas audit pouvoir adjudicateur une liberté inconditionnée de choix, sont expressément mentionnés dans le cahier des charges ou dans l'avis de marché et respectent tous les principes fondamentaux du droit communautaire, notamment le principe de non-discrimination.

2) Le principe d'égalité de traitement ne s'oppose pas à la prise en considération de critères liés à la protection de l'environnement, tels que ceux en cause au principal, du seul fait que la propre entreprise de transports de l'entité adjudicatrice figure parmi les rares entreprises ayant la possibilité de proposer un matériel qui satisfasse auxdits critères.

3) La réponse aux deuxième et troisième questions ne serait pas différente si la procédure de passation du marché public en cause au principal relevait du champ d'application de la directive 93-38-CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications.