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Décisions

CJCE, 26 novembre 1975, n° 39-75

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Coenen, Besloten Vennootschap Generale Handelsbank, Besloten Vennootschap CIC Adviesbureau Voor Schadeverzekeringen

Défendeur :

Sociaal-Economische Raad

CJCE n° 39-75

26 novembre 1975

LA COUR,

1. Attendu que, par ordonnance du 18 avril 1975, parvenue au greffe de la Cour le 21 avril 1975, le Collège van Beroep voor het Bedrijfsleven a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, une question relative à l'interprétation des dispositions du traité CEE, notamment des articles 59 et 60, en matière de libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté;

2. Que cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige concernant l'application à un ressortissant néerlandais, résidant en Belgique et ayant un bureau d'activité professionnel aux Pays-Bas où il exerce l'activité de courtier d'assurances, des dispositions de l'article 5, paragraphe 1, lettre F, de la Wet assurantiebemiddeling (loi sur le courtage en matière d'assurances) prévoyant que la personne physique qui entend agir en qualité d'intermédiaire au sens de cette loi est tenue de résider aux Pays-Bas;

3. Que les motifs de l'ordonnance de renvoi précisent que la disposition précitée doit être comprise en ce sens que, pour exercer l'activité de courtier d'assurances aux Pays-Bas, une personne physique doit à la fois avoir un centre d'activité professionnel dans ce pays et y résider;

4. Que, la question posée tend essentiellement à savoir si les dispositions du traité, notamment les articles 59 et 60, doivent être interprétées en ce sens qu'elles font obstacle à des règles de droit interne des Etats membres assujettissant la fourniture d'une prestation à une condition de résidence telle que celle visée par la loi néerlandaise sur le courtage en matière d'assurances;

5. Attendu que l'article 59, alinéa 1, du traité dispose que les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté, tels qu'ils sont définis à l'article 60, alinéas 1 et 2, du traité, "sont progressivement supprimées au cours de la période de transition à l'égard des ressortissants des Etats membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation";

6. Que les restrictions dont l'élimination est prévue par cette disposition comprennent toutes exigences, imposées au prestataire en raison notamment de sa nationalité ou de la circonstance qu'il ne possède pas de résidence permanente dans l'Etat où la prestation est fournie, non-applicables aux personnes établies sur le territoire national ou de nature à prohiber ou gêner autrement les activités du prestataire;

7. Qu'en particulier, l'exigence, pour le prestataire, d'une résidence permanente sur le territoire de l'Etat où la prestation doit être fournie peut, selon les circonstances, avoir pour conséquence d'enlever tout effet utile à l'article 59, dont l'objet est, précisément, d'éliminer les restrictions à la libre prestation de services de la part de personnes qui ne résident pas dans l'Etat sur le territoire duquel la prestation doit être fournie;

8. Qu'il convient de rappeler à cet égard que l'article 65 précisait déjà, pour la période au cours de laquelle les restrictions à la libre prestation des services n'étaient pas supprimées, que chaque Etat membre applique ces restrictions "sans distinction de résidence" à tous les prestataires de services visés à l'article 59, alinéa 1;

9. Que si, compte tenu de la nature particulière de certaines prestations, on ne saurait denier à un Etat membre le droit de prendre des dispositions destinées à empêcher que la liberté garantie par l'article 59 soit utilisée par un prestataire dont l'activité serait entièrement ou principalement tournée vers son territoire, en vue de se soustraire aux règles professionnelles qui lui seraient applicables au cas où il résiderait sur le territoire de cet état, l'exigence d'une résidence dans le territoire de l'Etat où la prestation est fournie ne saurait cependant être exceptionnellement admise que si l'Etat membre ne dispose pas d'autres mesures moins contraignantes pour assurer le respect de ces règles;

10. Que, notamment dans le cas ou le prestataire résidant à l'étranger possède sur le territoire national où la prestation est fournie un centre d'activité professionnel chargé d'assurer cette prestation, l'Etat membre en cause dispose normalement, si ce centre est réel, de moyens efficaces pour effectuer les contrôles nécessaires sur l'activité du prestataire et assurer l'assujettissement de la prestation aux règles édictées par sa législation nationale;

11. Que, dans ce cas, l'exigence supplémentaire d'une résidence privée du prestataire sur le territoire dudit Etat apparaît comme une restriction à la libre prestation des services, incompatible avec les dispositions du traité;

12. Attendu que, pour ces raisons, il y a donc lieu de conclure que les dispositions du traité CEE, notamment celles des articles 59, 60 et 65, doivent être interprétées en ce sens qu'une législation nationale ne saurait rendre impossible, par l'exigence d'une résidence sur le territoire, la prestation de services par des personnes résidant dans un autre Etat membre, lorsque des mesures moins contraignantes permettent d'assurer le respect des règles professionnelles auxquelles la prestation est assujettie sur ce même territoire;

Sur les dépens

13. Attendu que les frais exposés par le Gouvernement français et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet de remboursement;

14. Que la procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens;

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur la question à elle soumise par le College van Beroep voor het Bedrijfsleven, conformément à la décision rendue par cette juridiction le 18 avril 1975, dit pour droit:

Les dispositions du traité CEE, notamment celles des articles 59, 60 et 65, doivent être interprétées en ce sens qu'une législation nationale ne saurait rendre impossible, par l'exigence d'une résidence sur le territoire, la prestation de services par des personnes résidant dans un autre Etat membre, lorsque des mesures moins contraignantes permettent d'assurer le respect des règles professionnelles auxquelles la prestation est assujettie sur ce même territoire.