CJCE, 6e ch., 6 février 2003, n° C-245/00
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Stichting ter Exploitatie van Naburige Rechten
Défendeur :
Nederlandse Omroep Stichting
LA COUR,
1 Par arrêt du 9 juin 2000, parvenu à la Cour le 19 juin suivant, le Hoge Raad der Nederlanden a posé, en vertu de larticle 234 CE, trois questions préjudicielles sur linterprétation de larticle 8, paragraphe 2, de la directive 92/100/CEE du Conseil, du 19 novembre 1992, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit dauteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (JO L. 346, p. 61).
2 Ces questions ont été posées dans le cadre dune procédure opposant la Stichting ter Exploitatie van Naburige Rechten (association pour l'exploitation des droits voisins, ci-après la "SENA") à la Nederlandse Omroep Stichting (association de radiotélévision néerlandaise, ci-après la "NOS") au sujet de la fixation d'une rémunération équitable versée, pour la diffusion de phonogrammes par la radio ou la télévision, aux artistes interprètes ou exécutants et aux producteurs de ces phonogrammes.
La réglementation communautaire
3 La directive 92/100 vise à mettre en œuvre une protection juridique harmonisée pour le droit de location, le droit de prêt et certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle.
4 Il ressort du premier considérant de la directive 92/100 que cette harmonisation vise à supprimer les différences entre les réglementations nationales lorsqu'elles "sont de nature à créer des entraves aux échanges, à provoquer des distorsions de concurrence et à nuire à la réalisation et au bon fonctionnement du marché intérieur".
5 Les septième, onzième, quinzième et dix-septième considérants de ladite directive sont libellés comme suit :
"considérant que la continuité du travail créateur et artistique des auteurs, artistes interprètes ou exécutants exige que ceux-ci perçoivent un revenu approprié et que les investissements, en particulier ceux qu'exige la production de phonogrammes et de films, sont extrêmement élevés et aléatoires; que seule une protection juridique appropriée des titulaires des droits concernés permet de garantir efficacement la possibilité de percevoir ce revenu et d'amortir ces investissements;
[...]
considérant que le cadre juridique communautaire relatif aux droits de location et de prêt ainsi qu'à certains droits voisins peut être limité à des dispositions précisant que les Etats membres prévoient les droits de location et de prêt pour certains groupes de titulaires et prévoient, en outre, les droits de fixation, de reproduction, de distribution, de radiodiffusion et de communication au public pour certains groupes de titulaires dans le domaine de la protection des droits voisins;
[...]
considérant qu'il est nécessaire d'introduire un régime qui assure une rémunération équitable, à laquelle il ne peut être renoncé, aux auteurs et aux artistes interprètes ou exécutants, qui doivent retenir la possibilité de confier la gestion de ce droit à des sociétés de gestion collective qui les représentent;
[...]
considérant que cette rémunération équitable doit tenir compte de l'importance de la contribution apportée au phonogramme et au film par les auteurs et les artistes interprètes ou exécutants concernés; [...]".
6 L'article 8, paragraphes 1 et 2, de la directive 92/100 dispose:
"1. Les Etats membres prévoient pour les artistes interprètes ou exécutants le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la radiodiffusion par le moyen des ondes radioélectriques et la communication au public de leurs exécutions, sauf lorsque l'exécution est elle-même déjà une exécution radiodiffusée ou faite à partir dune fixation.
2. Les Etats membres prévoient un droit pour assurer qu'une rémunération équitable et unique est versée par l'utilisateur lorsqu'un phonogramme publié à des fins de commerce, ou une reproduction de ce phonogramme, est utilisé pour une radiodiffusion par le moyen des ondes radioélectriques ou pour une communication quelconque au public, et pour assurer que cette rémunération est partagée entre les artistes interprètes ou exécutants et producteurs de phonogrammes concernés. Ils peuvent, faute d'accord entre les artistes interprètes ou exécutants et les producteurs de phonogrammes, déterminer les conditions de la répartition entre eux de cette rémunération."
7 La notion de rémunération équitable n'est pas précisée dans la directive 92/100.
La réglementation nationale
8 Larticle 7 de la Wet op de naburige rechten (loi néerlandaise sur les droits voisins), du 1er juillet 1993, modifiée par la loi du 21 décembre 1995 (Staatsblad 1995, p. 653, ci-après la "WNR"), dispose:
"1. Un phonogramme produit à des fins commerciales ou sa reproduction peut être radiodiffusé ou communiqué au public dune autre manière sans l'autorisation du producteur du phonogramme et de l'artiste interprète ou exécutant ou de leurs ayants droit, à condition qu'une rémunération équitable soit versée.
2. En l'absence d'accord sur le montant de la rémunération équitable, l'Arrondissementsrechtbank te s-Gravenhage saisi en première instance par la partie la plus diligente sera seul compétent pour fixer le montant de la rémunération.
3. La rémunération revient à l'artiste interprète ou exécutant et au producteur ou à leurs ayants droit et elle est répartie en parts égales entre eux."
9 L'article 15 de la WNR précise que la rémunération équitable visée à l'article 7 de cette loi doit être versée à une personne morale représentative désignée par le ministre de la Justice, chargée, à l'exclusion de toutes autres personnes, de la perception et de la répartition de cette rémunération, et que cette personne morale représente les ayants droit en toutes occasions pour fixer le montant de la rémunération et pour la percevoir ainsi que pour exercer le droit exclusif.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
10 Avant l'entrée en vigueur de la WNR, une convention avait été conclue le 16 décembre 1986 entre, d'une part, la NOS et la Stichting Radio Nederland Wereldomroep (association néerlandaise de radiotélévision mondiale) et, d'autre part, la Nederlandse Vereniging van Producenten en Importeurs van Beeld en Geluidsdragers (association néerlandaise des producteurs et des importateurs de supports de son et d'image, ci-après la "NVPI"). Aux termes de cette convention, la NOS était redevable à la NVPI, chaque année depuis 1984, dune rémunération (indexée) en compensation de l'utilisation des droits des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes. La rémunération payée par la NOS à la NVPI en vertu de ladite convention s'élevait, en 1984, à 605 000 NLG et, en 1994, à 700 000 NLG.
11 En application de l'article 15 de la WNR, la SENA a été désignée pour percevoir et répartir la rémunération équitable des droits à la place de la NVPI qui, par courrier du 23 décembre 1993, a, en conséquence, résilié la convention qui la liait à la NOS.
12 La SENA et la NOS ont, en application de l'article 7, paragraphe 1, de la WNR, cherché un accord sur le montant de la rémunération équitable à fixer dans le cadre de cette loi. Cette recherche n'ayant pas abouti, la SENA a, conformément aux dispositions de l'article 7, paragraphe 2, de la WNR, saisi l'Arrondissementsrechtbank te s-Gravenhage (Pays-Bas) aux fins de voir fixer la rémunération équitable à 3 500 NLG par heure de diffusion télévisée et à 350 NLG par heure de diffusion radiophonique, le montant réclamé annuellement devant ainsi s'élever à environ 7 500 000 NLG.
13 Se fondant sur la convention du 16 décembre 1986 et sur les montants payés en vertu de celle-ci à la NVPI, la NOS a formé une demande reconventionnelle tendant à ce que la rémunération équitable soit fixée à un montant annuel de 700 000 NLG.
14 Par deux jugements interlocutoires du 7 août 1996 et du 16 avril 1997, l'Arrondissementsrechtbank a fixé la rémunération due pour l'année 1995 à un montant de 2 000 000 NLG. Il a fait dépendre la fixation de la rémunération due pour les années suivantes d'autres informations dont il a demandé la communication.
15 En appel, le Gerechtshof te s-Gravenhage (Pays-Bas) a estimé, dans un arrêt interlocutoire du 6 mai 1999, que la question principale était de savoir comment déterminer la rémunération équitable visée à l'article 7, paragraphe 1, de la WNR, sachant que ni cette loi ni la directive 92/100 ne donnent une quelconque indication concrète sur son mode de calcul.
16 Le Gerechtshof a relevé, en premier lieu, que la directive 92/100 n'impose pas d'harmoniser la méthode de fixation de la rémunération équitable, même si la pratique suivie dans les autres Etats membres peut exercer une influence sur la solution qui sera retenue aux Pays-Bas.
17 En second lieu, il a considéré, dune part, qu'il ressort des travaux préparatoires de la WNR que la rémunération équitable doit correspondre, à peu près, à ce qui devait être payé auparavant en application de la convention entre la NOS et la NVPI et, d'autre part, que le caractère équitable, le calcul et le contrôle de la rémunération doivent être favorisés par le recours à un modèle de calcul qu'il appartient aux parties de tenter, dans un premier temps, de définir à laide de facteurs variables et fixes.
18 Le Gerechtshof a proposé les facteurs suivants:
le nombre d'heures de diffusion des phonogrammes;
l'importance de l'audience des organismes de radio et de télévision représentés par la NOS;
les tarifs conventionnellement fixés en matière de droits d'exécution et de radiodiffusion d'œuvres musicales protégées par le droit d'auteur;
les tarifs pratiqués par les organismes publics de radiodiffusion dans les Etats membres voisins des Pays-Bas;
les montants payés par les stations commerciales.
19 La SENA a introduit un pourvoi en cassation en faisant valoir que le Gerechtshof avait développé un raisonnement juridique incompatible avec la directive 92/100, en tant que celle- ci vise à introduire une notion autonome de droit communautaire appelant une interprétation uniforme, dans les Etats membres, de la notion de rémunération équitable. Elle estime que l'analyse du Gerechtshof aboutit à traiter de manière différente des situations identiques.
20 L'argumentation de la SENA soulevant des questions d'interprétation de la directive 92/100, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
"1°) La notion de rémunération équitable employée à l'article 8, paragraphe 2, de la directive est-elle une notion communautaire qui doit être interprétée et appliquée de la même manière dans tous les Etats membres de la Communauté européenne ?
2°) Si la première question appelle une réponse affirmative :
a) Selon quels critères faut-il fixer le montant de la rémunération équitable ?
b) Faut-il chercher à se référer au montant des rémunérations qui avaient été convenues entre les organisations concernées dans l'Etat membre en question ou quelles avaient coutume de verser, avant l'entrée en vigueur de la directive?
c) Faut-il ou peut-on tenir compte des attentes que l'adoption de la loi interne de transposition de la directive a suscitées chez les intéressés quant au montant de la rémunération ?
d) Faut-il chercher à se référer au montant des rémunérations qui sont versées au titre du droit d'auteur sur les œuvres musicales pour des émissions d'organismes de radiodiffusion ?
e) La rémunération doit-elle être fonction du nombre potentiel ou du nombre effectif de spectateurs ou d'auditeurs ou bien doit-elle être fonction des deux et, dans ce cas, dans quelle proportion ?
3°) Si la première question appelle une réponse négative, cela signifie-t-il alors que les Etats membres sont parfaitement libres de déterminer les critères servant à fixer le montant de la rémunération équitable ? Ou bien cette liberté connaît-elle certaines limites et, dans ce cas, lesquelles ?"
Sur la première question
21 Par sa première question la juridiction de renvoi cherche à savoir en substance si la notion de rémunération équitable au sens de l'article 8, paragraphe 2, de la directive 92/100 doit, dune part, être interprétée de la même manière dans tous les Etats membres et, d'autre part, être mise en œuvre en application des mêmes critères dans chacun de ces états.
22 Concernant, en premier lieu, la question de l'interprétation uniforme de la notion de rémunération équitable, les parties au principal, l'ensemble des gouvernements ayant déposé des observations, à l'exception du gouvernement finlandais, et la Commission s'accordent pour reconnaître que, figurant dans une directive du Conseil et ne comportant aucune référence aux droits nationaux, une telle notion s'analyse comme une disposition autonome de droit communautaire et doit être interprétée de façon uniforme sur le territoire de la Communauté.
23 Ainsi que le relève le gouvernement du Royaume-Uni, la Cour a déjà jugé qu'il découle des exigences tant de l'application uniforme du droit communautaire que du principe d'égalité que les termes dune disposition du droit communautaire qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des Etats membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute la Communauté, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l'objectif poursuivi par la réglementation en cause (voir, par exemple, arrêts du 18 janvier 1984, Ekro, 327/82, Rec. p. 107, point 11; du 19 septembre 2000, Linster, C-287-98, Rec. p. I-6917, point 43, et du 9 novembre 2000, Yiadom, C-357-98, Rec. p. I-9265, point 26).
24 Il en est ainsi de la notion de rémunération équitable qui figure à l'article 8, paragraphe 2, de la directive 92/100. Dès lors, en application du principe d'autonomie du droit communautaire, cette notion doit être interprétée de manière uniforme dans tous les Etats membres.
25 Concernant, en second lieu, la question de l'application des mêmes critères dans tous les Etats membres, il est admis par les parties au principal, l'ensemble des gouvernements ayant déposé des observations et la Commission que la directive 92/100 s'abstient de donner une définition de la notion de rémunération équitable. Il est unanimement constaté, en outre, que cette directive, si elle confie aux Etats membres le soin, dans certaines circonstances, de répartir la rémunération équitable entre les artistes interprètes ou exécutants et les producteurs de phonogrammes, ne leur donne pas mission de déterminer des critères communs dune rémunération équitable.
26 La SENA conclut de cette dernière constatation, a contrario, que le législateur communautaire a refusé aux Etats membres la possibilité de fixer de façon autonome les critères dune rémunération équitable et, par suite, le montant de cette rémunération. Elle fonde ce raisonnement sur un arrêt du 3 février 2000, Egeda (C-293-98, Rec. p. I-629), dans lequel la Cour a jugé que la directive 93/83/CEE du Conseil, du 27 septembre 1993, relative à la coordination de certaines règles du droit d'auteur et des droits voisins du droit d'auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble (JO L. 248, p. 15), organise non pas une harmonisation générale des dispositions sur le droit d'auteur, mais uniquement une harmonisation minimale. La SENA en déduit, par analogie, que la directive 92/100, qui a pour objectif spécifique d'instituer et de garantir le droit d'obtenir une rémunération équitable pour l'utilisation de phonogrammes commerciaux, prévu à son article 8, paragraphe 2, tend à harmoniser l'existence et l'étendue de ce droit.
27 Elle estime, en outre que, pour respecter cette volonté d'harmonisation, seule la valeur marchande de la prestation de location ou de prêt peut permettre de déterminer le montant dune rémunération équitable.
28 À l'appui de son argumentation, elle soutient que la directive 92/100 est fondée sur les articles 57, paragraphe 2, du traité CE (devenu, après modification, article 47, paragraphe 2, CE), 66 du traité CE (devenu article 55 CE) et 100 A du traité CE (devenu, après modification, article 95 CE) et que le choix de ces articles comme base juridique correspond à un objectif de réalisation du marché intérieur et, par conséquent, à un souci d'harmonisation des législations des Etats membres.
29 La poursuite de cet objectif permettrait notamment, selon la SENA, de lever les obstacles et les inégalités injustifiés affectant la position sur le marché des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes, et d'annuler les désavantages économiques qui pourraient résulter de la diffusion desdits phonogrammes.
30 Elle fait valoir que, dans des domaines proches, l'interprétation de la directive 92/100 par la Cour a corroboré les objectifs de cette directive, qui sont de diminuer les écarts existant dans la protection juridique accordée par les Etats membres par l'harmonisation des législations, de veiller à ce que les artistes interprètes ou exécutants obtiennent un revenu approprié et d'offrir la possibilité aux producteurs de phonogrammes d'amortir leurs investissements. La Cour aurait souligné ces points ainsi que l'importance du développement culturel de la Communauté sur le fondement de l'article 128 du traité CE (devenu, après modification, article 151 CE) dans ses arrêts du 28 avril 1998, Metronome Musik (C-200-96, Rec. p. I-1953), et du 22 septembre 1998, FDV (C-61-97, Rec. p. I-5171).
31 L'ensemble des gouvernements ayant déposé des observations, ainsi que la Commission, demandent à la Cour de constater que l'argumentation de la SENA n'est pas de nature à démontrer que le législateur communautaire a entendu, dans le silence de l'article 8, paragraphe 2, de la directive 92/100, fixer implicitement des critères uniformes pour déterminer si une rémunération est ou non équitable.
32 Ils estiment, au contraire, que la directive 92/100 a volontairement omis de prévoir un mode de calcul détaillé et normatif du niveau de cette rémunération.
33 Il convient de rappeler que la directive impose aux Etats membres de prévoir une réglementation assurant que l'utilisateur versera une rémunération équitable lorsqu'un phonogramme est diffusé. Elle indique également que la répartition de cette rémunération entre artistes interprètes ou exécutants et producteurs de phonogrammes doit être normalement fixée par voie d'accord entre ces derniers. Ce n'est que lorsque leurs négociations ne débouchent pas sur un accord sur les modalités de la répartition que l'Etat membre doit intervenir pour en déterminer les conditions.
34 Or, en l'absence dune définition communautaire de la rémunération équitable, il n'existe aucune raison objective justifiant la fixation par le juge communautaire de modalités précises de détermination dune rémunération équitable uniforme qui amènerait forcément la Cour à se substituer aux Etats membres auxquels la directive 92/100 n'impose aucun critère particulier (voir, en ce sens, arrêt du 25 février 1999, Carbonari e.a., C-131-97, Rec. p. I-1103, point 45). Ainsi, il appartient aux seuls Etats membres de déterminer, sur leur territoire, les critères les plus pertinents pour assurer, dans les limites imposées par le droit communautaire, et notamment par la directive 92/100, le respect de cette notion communautaire.
35 À cet égard, il apparaît que l'article 8, paragraphe 2, de la directive 92/100 est inspiré de l'article 12 de la convention internationale sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion, signée à Rome le 26 octobre 1961. Cette convention prévoit le versement dune rémunération équitable dont les conditions de répartition sont déterminées par la législation nationale, faute d'accord entre les divers intéressés, et indique simplement un certain nombre de facteurs, qualifiés de non exhaustifs, de non contraignants et de potentiellement pertinents, en vue de déterminer ce qui est équitable dans chaque cas d'espèce.
36 Le seul rôle de la Cour, dans une telle situation, peut être, dans le cadre d'un litige porté devant elle, d'inviter les Etats membres à faire respecter de la façon la plus uniforme possible, sur le territoire de la Communauté, la notion de rémunération équitable, laquelle doit s'analyser, au regard des objectifs de la directive 92/100, précisés notamment dans ses considérants, comme étant de nature à permettre d'atteindre un équilibre adéquat entre l'intérêt des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes à percevoir une rémunération au titre de la radiodiffusion d'un phonogramme déterminé et l'intérêt des tiers à pouvoir radiodiffuser ce phonogramme dans des conditions raisonnables.
37 Ainsi que le souligne la Commission, cette rémunération, qui représente la contre- prestation de l'utilisation d'un phonogramme commercial, en particulier à des fins de radiodiffusion, implique que son caractère équitable soit, notamment, analysé au regard de la valeur de cette utilisation dans les échanges économiques.
38 Il convient donc de répondre à la première question que la notion de rémunération équitable figurant à l'article 8, paragraphe 2, de la directive 92/100 doit être interprétée dune manière uniforme dans tous les Etats membres et mise en œuvre par chaque Etat membre, celui-ci déterminant, sur son territoire, les critères les plus pertinents pour assurer, dans les limites imposées par le droit communautaire, et notamment par ladite directive, le respect de cette notion communautaire.
Sur les deuxième et troisième questions
39 Par ses deuxième et troisième questions, la juridiction de renvoi demande en substance quels critères doivent être mis en œuvre pour déterminer le montant de la rémunération équitable et quelles limites s'imposent aux Etats membres dans la fixation de ces critères.
40 Ainsi qu'il ressort de la réponse à la première question, il n'appartient pas à la Cour de fixer elle-même les critères dune rémunération équitable ou de poser des limites générales et préétablies à la fixation de tels critères mais de fournir à la juridiction de renvoi les éléments lui permettant d'apprécier si les critères nationaux servant à fixer la rémunération des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes sont de nature à assurer leur rémunération équitable dans le respect du droit communautaire.
41 Dans le litige au principal, il résulte de l'article 7 de la WNR que, en l'absence d'un accord contractuel entre la SENA et la NOS sur le montant de la rémunération, il appartient au juge national de fixer ce montant. C'est, en application de cette législation que le Gerechtshof te s- Gravenhage a jugé que le caractère équitable, le calcul et le contrôle de la rémunération devaient être favorisés par le recours à un modèle de calcul comportant des facteurs variables et fixes: le nombre d'heures de diffusion des phonogrammes, l'importance de l'audience des organismes de radio et de télévision représentés par l'organisme de diffusion, les tarifs conventionnellement fixés en matière de droits dexécution et de radiodiffusion d'œuvres musicales protégées par le droit d'auteur, les tarifs pratiqués par les organismes publics de radiodiffusion dans les Etats membres voisins des Pays-Bas et, enfin, les montants payés par les stations commerciales.
42 Le Gerechtshof a précisé, en outre, que les parties peuvent d'abord essayer de développer elles-mêmes un modèle de calcul dont le résultat doit, dans les premières années suivant la date d'entrée en vigueur de la directive 92/100, correspondre à peu près au montant que l'organisme de diffusion payait auparavant, en vertu d'un contrat, à l'ancien organisme collecteur, si une augmentation n'est pas justifiée par la nécessité d'assurer une rémunération équitable.
43 Enfin, il a envisagé la possibilité de faire appel à des experts pour élaborer un modèle de calcul si les désaccords subsistent entre les parties.
44 Le Gerechtshof prend ainsi toutes les garanties pour respecter au mieux les dispositions de l'article 8, paragraphe 2, de la directive 92/100, à savoir assurer la rémunération équitable des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes, en privilégiant un accord contractuel sur le fondement de critères objectifs. Il appartient aux parties de pondérer ces critères en tenant compte notamment des modalités retenues dans les autres Etats membres et, en cas d'échec de la négociation entre ces parties, en prévoyant que le juge national pourra être assisté techniquement par un expert pour déterminer le montant de la rémunération équitable.
45 Le législateur néerlandais a fait ainsi le choix de laisser les représentants des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes et ceux des utilisateurs de phonogrammes fixer d'un commun accord le montant de la rémunération équitable et, à défaut d'accord, confier cette tâche au juge national, chargé de procéder en dernier lieu au calcul de ladite rémunération. Cette méthode, à la fois très protectrice du droit des parties et respectueuse du droit communautaire, permet d'établir un cadre général dans lequel pourraient s'inscrire les différents choix adoptés par les Etats membres pour le calcul du montant dune rémunération équitable.
46 Il convient, par suite, de répondre aux deuxième et troisième questions que l'article 8, paragraphe 2, de la directive 92/100 ne s'oppose pas à un modèle de calcul de la rémunération équitable des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes comportant des facteurs variables et fixes tels que le nombre d'heures de diffusion des phonogrammes, l'importance de l'audience des organismes de radio et de télévision représentés par l'organisme de diffusion, les tarifs conventionnellement fixés en matière de droits d'exécution et de radiodiffusion d'œuvres musicales protégées par le droit d'auteur, les tarifs pratiqués par les organismes publics de radiodiffusion dans les Etats membres voisins de l'Etat membre concerné et les montants payés par les stations commerciales, dès lors que ce modèle est de nature à permettre d'atteindre un équilibre adéquat entre l'intérêt des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs à percevoir une rémunération au titre de la radiodiffusion d'un phonogramme déterminé et l'intérêt des tiers à pouvoir radiodiffuser ce phonogramme dans des conditions raisonnables et qu'il n'est contraire à aucun principe du droit communautaire.
Sur les dépens
47 Les frais exposés par les gouvernements néerlandais, allemand, portugais, finlandais et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre),
statuant sur les questions à elle soumises par le Hoge Raad der Nederlanden, par arrêt du 9 juin 2000, dit pour droit :
1°) La notion de rémunération équitable figurant à l'article 8, paragraphe 2, de la directive 92/100/CEE du Conseil, du 19 novembre 1992, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle, doit être interprétée dune manière uniforme dans tous les Etats membres et mise en œuvre par chaque Etat membre, celui-ci déterminant, sur son territoire, les critères les plus pertinents pour assurer, dans les limites imposées par le droit communautaire, et notamment par ladite directive, le respect de cette notion communautaire.
2°) L'article 8, paragraphe 2, de la directive 92/100 ne s'oppose pas à un modèle de calcul de la rémunération équitable des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes comportant des facteurs variables et fixes tels que le nombre d'heures de diffusion des phonogrammes, l'importance de l'audience des organismes de radio et de télévision représentés par l'organisme de diffusion, les tarifs conventionnellement fixés en matière de droits d'exécution et de radiodiffusion d'œuvres musicales protégées par le droit d'auteur, les tarifs pratiqués par les organismes publics de radiodiffusion dans les Etats membres voisins de l'Etat membre concerné et les montants payés par les stations commerciales, dès lors que ce modèle est de nature à permettre d'atteindre un équilibre adéquat entre l'intérêt des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs à percevoir une rémunération au titre de la radiodiffusion d'un phonogramme déterminé et l'intérêt des tiers à pouvoir radiodiffuser ce phonogramme dans des conditions raisonnables et qu'il n'est contraire à aucun principe du droit communautaire.