CJCE, 4 décembre 1986, n° 252-83
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Commission des Communautés européennes, Royaume des Pays-Bas, Royaume-Uni
Défendeur :
Royaume de Danemark, Royaume de Belgique, Irlande
LA COUR,
1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 11 novembre 1983, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CEE, un recours visant à faire constater que le Royaume de Danemark
a) en prenant l'arrêté n° 459 du 10 septembre 1981 qui oblige les entreprises d'assurance communautaires à s'établir au Danemark pour pouvoir y effectuer en qualité d'apériteur des prestations de services dans le domaine de la coassurance, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 59 et 60 du traité ;
b) en prenant l'arrêté n° 459 du 10 septembre 1981 qui empêche les entreprises d'assurance communautaires non-établies au Danemark de participer à des activités de coassurance qui, en raison de leur nature ou de leur importance ou du chiffre d'affaires du preneur d'assurances, ne relèvent pas dudit arrêté, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 59 et 60 du traité ;
c) en obligeant, par la législation danoise relative au contrôle des assurances et par les arrêtés pris pour son application, les entreprises d'assurance qui ont leur siège social au Danemark, ainsi que les succursales danoises d'entreprises d'assurance qui ont leur siège social dans un autre Etat membre de la communauté, à obtenir un agrément spécial pour pouvoir effectuer dans les autres Etats membres de la CEE des prestations de services dans le domaine des assurances, notamment en qualité de coassureurs et en fixant, pour l'obtention dudit agrément, des conditions qui ne sont pas les mêmes pour les entreprises qui ont leur siège social au Danemark et pour les succursales danoises d'entreprises d'assurance ayant leur siège social dans un autre Etat membre de la Communauté, a enfreint les articles 52, 59 et 60 du traité, ainsi que l'article 6 de la première directive de coordination 73-239-CEE du 24 juillet 1973 ;
d) en appliquant, par le biais de décisions des autorités nationales les dispositions mentionnées aux points a), b) et c) ci-dessus, au lieu des dispositions des articles 59 et 60 du traité, a manqué aux obligations qui découlent de l'effet direct desdites dispositions du traité CEE et de la règle de la primauté du droit communautaire.
2. La Commission a également introduit des recours en manquement contre la République française (affaire 220-83) et l'Irlande (affaire 206-84) relatifs à la libre prestation de services dans le domaine de la coassurance. Dans ces recours, la Commission fait valoir des griefs qui concordent largement avec ceux soulevés dans la présente affaire. La Commission a, par ailleurs, introduit un recours contre la République fédérale d'Allemagne (affaire 205-84), qui comporte des griefs similaires, mais qui est également dirigé contre les obligations d'agrément et d'établissement imposées à tout prestataire de service dans le secteur de l'assurance en général.
3. Dans la présente affaire, le Royaume-Uni et le Royaume des Pays-Bas sont intervenus à l'appui de la Commission, alors que le Royaume de Belgique et l'Irlande sont intervenus à l'appui de la partie défenderesse.
4. En ce qui concerne les dispositions de la législation danoise en cause, les directives communautaires de coordination dans le secteur de l'assurance et les moyens et arguments tant des parties au recours que des parties intervenantes, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.
I - Sur la recevabilité
5. A titre liminaire, il convient d'examiner certains problèmes de recevabilité qui ont été débattus devant la Cour.
6. Le Gouvernement irlandais a fait valoir que, en introduisant l'ensemble de ces recours, la Commission tente d'anticiper sur les procédures déjà engagées par le Conseil en vertu de l'article 57, paragraphe 2, du traité. La proposition de deuxième directive concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie (JO 1976, C 32, p. 2, ci-après dénommée la proposition de deuxième directive), actuellement soumise à l'examen du Conseil, traiterait exactement les mêmes problèmes de délimitation de la libre prestation des services qui sont en cause en l'espèce. En fait, la Commission demanderait à la Cour d'assurer la mission que le traité a assignée au Conseil.
7. A cet égard, il convient de rappeler que, selon l'article 155 du traité, il incombe à la Commission de veiller à l'application des dispositions du traité. Dans l'accomplissement de cette mission, il lui appartient, si elle estime qu'un Etat membre a manqué à une des obligations qui incombent à celui-ci en vertu du traité, d'introduire un recours en application de l'article 169. Le seul fait que la proposition d'un acte législatif, dont l'adoption et la transposition en droit national seraient de nature à mettre fin à l'infraction alléguée par la Commission, se trouve déjà soumise au Conseil, n'exclut pas que la Commission introduise un tel recours en manquement.
8. Les Gouvernements belge et irlandais ont soutenu qu'en réalité la Commission met en cause la conformité avec le traité de la directive 78-473 du Conseil, du 30 mai 1978, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives en matière de coassurance communautaire (JO L 151, p. 25) et, partant, conteste la légalité de celle-ci. Or, la Commission n'aurait pas introduit en temps utile un recours en annulation contre cette directive. Ces gouvernements expriment, dès lors, des doutes sérieux quant à la recevabilité de l'action de la Commission, qui tend à remettre en cause un texte de droit communautaire réputé définitif.
9. Il y a lieu de constater que cette argumentation met en lumière une divergence d'interprétation de la directive. Dans son recours, la Commission entend celle-ci dans un sens conforme à son interprétation des articles 59 et 60 du traité, alors que les deux gouvernements comprennent la directive de manière contraire à ladite interprétation des articles 59 et 60. Or, ces problèmes d'interprétation ne peuvent être tranchés qu'au moment de l'examen du fond de l'affaire.
10. Dans ces conditions, rien ne s'oppose à ce que la Cour procède à l'examen au fond.
II - Sur le fond
A - Quant au premier grief de la Commission
11. En substance, la Commission fonde ce grief sur la thèse selon laquelle il est contraire aux articles 59 et 60 du traité d'exiger qu'une entreprise d'assurance, établie dans un Etat membre et désireuse d'exercer des activités sur le territoire d'un autre Etat membre sous la seule forme de prestations de services, dispose d'un établissement stable dans ce dernier Etat. Selon la Commission, il n'y a aucune raison de distinguer à cet égard entre la situation de l'assureur en général et celle de l'apériteur en particulier.
12. La Commission reconnaît que la directive 78-473, précitée, est ambiguë sur ce point, mais elle soutient que celle-ci doit être interprétée dans le sens de la conformité avec le traité, ce que les Etats membres ont admis dans leur déclaration commune figurant au procès-verbal de la réunion du Conseil du 23 mai 1978. Par conséquent, la directive ne pourrait en aucune manière être considérée comme obligeant l'apériteur à s'établir dans l'Etat membre où le risque est situé. Il s'ensuivrait que le Royaume de Danemark a violé les articles 59 et 60 du traité lorsque, en transposant la directive 78-473, il a uniquement dispensé les autres coassureurs, et non l'apériteur, de ladite obligation.
13. Le Gouvernement danois conteste la thèse générale de la Commission. Selon lui, il serait tout à fait conforme aux articles 59 et 60 d'exiger que toute entreprise d'assurance qui exerce des activités sur le territoire danois y ait un établissement stable. La directive 78-473 ne prescrirait la suppression de cette obligation que pour les coassureurs autres que l'apériteur. Elle autoriserait cependant expressément le maintien de cette obligation pour l'apériteur lorsque, dans son article 2, paragraphe 1, sous c), elle renvoie à la directive 73-239 du Conseil, du 24 juillet 1973, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité de l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie, et son exercice (JO L 228, p. 3). Par conséquent, la législation danoise ne violerait pas les articles 59 et 60 du traité.
14. Il est vrai que ladite disposition de la directive prévoit que "l'apériteur est agréé dans les conditions prévues par la première directive de coordination, c'est-à-dire qu'il est traité comme l'assureur qui couvrirait la totalité du risque". La directive n'indique toutefois pas dans quel Etat membre l'apériteur doit être agréé et, ainsi que la Cour l'a constaté dans son arrêt de ce jour dans l'affaire 205-84 (Commission/République fédérale d'Allemagne), un assureur, déjà agréé et établi dans un Etat membre, ne doit pas nécessairement être établi dans un autre Etat membre pour pouvoir couvrir la totalité d'un risque situé sur le territoire de ce dernier Etat.
15. Ainsi que la Cour l'a constaté dans son arrêt du 13 décembre 1983 (Commission/Conseil, 218-82, Rec. p. 4063), lorsqu'un texte de droit communautaire dérivé est susceptible de plus d'une interprétation, il convient de donner la préférence à celle qui rend la disposition conforme au traité plutôt qu'à celle conduisant à constater son incompatibilité avec celui-ci. Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu d'interpréter la directive isolément, mais d'examiner si les exigences en cause sont ou non contraires aux dispositions du traité précitées et d'appliquer le résultat de cet examen en vue de l'interprétation de la directive.
16. Selon une jurisprudence constante de la Cour, les articles 59 et 60 du traité sont devenus d'application directe à l'expiration de la période de transition, sans que leur applicabilité soit subordonnée à l'harmonisation ou à la coordination des législations des Etats membres. Ces articles exigent l'élimination non seulement de toutes discriminations à l'encontre du prestataire en raison de sa nationalité, mais également de toutes restrictions à la libre prestation de services imposées en raison de la circonstance qu'il est établi dans un Etat membre autre que celui où la prestation doit être fournie.
17. La Cour a cependant admis, notamment dans ses arrêts du 18 janvier 1979 (van Wesemael, 110 et 111-78, Rec. p. 35) et du 17 décembre 1981 (Webb, 279-80, Rec. p. 3305), que, compte tenu de la nature particulière de certaines prestations de services, on ne saurait considérer comme incompatibles avec le traité des exigences spécifiques imposées au prestataire, qui seraient motivées par l'application de règles régissant ces types d'activités. Toutefois, la libre prestation des services, en tant que principe fondamental du traité, ne peut être limitée que par des réglementations justifiées par l'intérêt général et s'appliquant à toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l'Etat destinataire, dans la mesure où cet intérêt n'est pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l'Etat membre où il est établi. En outre, lesdites exigences doivent être objectivement nécessaires en vue de garantir l'observation des règles professionnelles et d'assurer la protection des intérêts qui constitue l'objectif de celles-ci.
18. Il convient de constater que le fait d'exiger d'une entreprise d'assurance, déjà établie et agréée dans un autre Etat membre et désireuse de fournir des prestations de services uniquement en tant qu'apériteur, d'avoir un établissement stable dans l'Etat destinataire constitue une restriction sérieuse à la libre prestation des services par cet apériteur, cela d'autant plus que les activités exercées par les entreprises d'assurance en tant qu'apériteurs ont un caractère typiquement occasionnel.
19. Il s'ensuit que cette exigence ne peut être considérée comme compatible avec les articles 59 et 60 du traité que s'il est établi qu'il existe, dans le domaine de l'activité considérée, des raisons impérieuses liées à l'intérêt général qui justifient des restrictions à la libre prestation des services, que cet intérêt n'est pas déjà assuré par les règles de l'Etat d'établissement et que le même résultat ne peut pas être obtenu par des règles moins contraignantes.
20. Dans son arrêt de ce jour dans l'affaire 205-84 (Commission/République fédérale d'Allemagne, Rec. p. 3793), la Cour a constaté qu'il existe, dans le secteur de l'assurance en général, des raisons impérieuses tenant à la protection des consommateurs en tant que preneurs d'assurances et assurés qui peuvent justifier des restrictions à la libre prestation des services. La Cour a également reconnu que, en l'état actuel du droit communautaire et notamment des travaux de coordination des règles nationales à cet égard, ledit intérêt n'est pas nécessairement garanti par les règles de l'Etat d'établissement. La Cour en a tiré la conséquence que l'exigence d'un agrément séparé accordé par les autorités de l'Etat destinataire reste justifiée sous certaines conditions, pour ce qui concerne le domaine des assurances directes en général. Par contre, la Cour a estimé que l'exigence d'un établissement, qui constitue la négation même de la libre prestation des services, va au-delà de ce qui est indispensable pour atteindre l'objectif recherché et que, partant, cette exigence est contraire aux articles 59 et 60 du traité.
21. En ce qui concerne plus particulièrement la coassurance, la Cour a constaté dans le même arrêt que les articles 59 et 60 du traité ne permettent pas non plus d'exiger d'un apériteur qu'il s'établisse dans l'Etat destinataire.
22. Dans ces conditions, l'obligation posée par la législation danoise d'avoir un établissement stable dans l'Etat destinataire, seul objet des conclusions relatives au premier grief, ne peut être justifiée par rapport à une entreprise d'assurance, établie et agréée dans un autre Etat membre et désirant exercer des activités en tant qu'apériteur dans le cadre de la directive 78-473 sous la seule forme de prestations de services. Une telle exigence est contraire aux articles 59 et 60 du traité.
23. Il y a donc lieu de constater que le Royaume de Danemark a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 59 et 60 du traité en obligeant les entreprises d'assurance communautaires à s'établir au Danemark pour pouvoir y effectuer, en qualité d'apériteurs, des prestations de services dans le domaine de la coassurance communautaire.
B - Quant au deuxième grief de la Commission
24. Au cours de la procédure devant la Cour, la Commission a précisé que ce grief n'est pas dirigé contre le niveau des seuils fixés au Danemark pour certains risques faisant l'objet de la coassurance communautaire ni contre le fait que ce niveau a été fixé par le Danemark de manière unilatérale, mais contre l'existence même de tels seuils. Ce grief est donc fondé sur la thèse générale de la Commission, selon laquelle toute exigence d'agrément et d'établissement en matière de libre prestation des services dans le secteur de l'assurance est contraire aux articles 59 et 60 du traité. Comme, sur ces deux points, il ne pourrait subsister aucune différence entre les coassurances qui sont soumises aux dispositions de la directive 78-473 et celles qui ne le sont pas, les Etats membres ne pourraient pas, en transposant la directive, limiter l'exemption des obligations d'établissement et d'agrément aux coassureurs participant à des activités d'assurance lesquelles, selon la conception de chaque Etat, sont incluses dans le champ d'application de la directive.
25. A cet égard, il convient de rappeler que la Cour a constaté, dans son arrêt de ce jour dans l'affaire 205-84 (Commission/République fédérale d'Allemagne, Rec. p. 3793), que, dans le secteur de la coassurance communautaire visé par la directive 78-473, aussi bien l'exigence d'agrément que l'exigence d'établissement sont contraires au droit communautaire, alors qu'en dehors de ce secteur et en l'état actuel du droit communautaire, l'exigence d'agrément ne saurait être considérée comme injustifiée. Il convient donc d'admettre la nécessité d'un critère de distinction précise entre la coassurance communautaire et les autres activités d'assurance, et les seuils incriminés constituent justement un tel critère. L'existence de tels seuils étant ainsi justifiée, le grief n'est pas fondé.
26. Il s'ensuit que le deuxième grief de la Commission doit être rejeté.
C - Quant au troisième grief de la Commission
27. Le troisième grief comporte deux volets. D'une part, la Commission semble considérer comme contraire au traité le seul fait que la législation danoise exige des entreprises d'assurance établies au Danemark, ainsi que des succursales danoises d'entreprises d'assurance établies dans un autre Etat membre, un agrément spécial pour pouvoir effectuer des prestations de services dans d'autres Etats membres. D'autre part, la Commission soutient que les conditions pour l'obtention dudit agrément sont plus rigoureuses à l'égard des succursales danoises d'entreprises d'assurance établies dans un autre Etat membre qu'à l'égard des entreprises d'assurance établies sur le territoire danois, et que cette différence de traitement constitue une infraction au droit communautaire.
28. S'agissant du premier reproche, il convient de constater qu'aucune disposition du droit communautaire ne s'oppose à ce qu'un Etat membre soumette à un agrément les entreprises d'assurance et leurs succursales, établies sur son territoire, en ce qui concerne non seulement leurs activités exercées sur son territoire, mais également celles exercées, sous la forme de prestations de services, dans d'autres Etats membres. Une telle exigence est au contraire conforme aux principes consacrés par la directive 73-239. En effet, cette directive prévoit, à son article 7, paragraphe 1, qu'une entreprise d'assurance peut solliciter et obtenir un agrément administratif seulement pour une partie du territoire national. Dans ce cas, si elle souhaite étendre son activité au-delà de cette partie, elle est tenue de solliciter, en vertu de l'article 6, paragraphe 2, sous d), un nouvel agrément et cette demande doit être accompagnée d'un nouveau programme d'activités, conformément à l'article 8, paragraphe 2.
29. Ces dispositions, lues en liaison avec les règles relatives au contrôle de la situation financière des entreprises concernées et au retrait de l'agrément, indiquent que la directive s'inspire de la conception selon laquelle l'Etat d'établissement est autorisé à prendre en considération l'ensemble des activités des entreprises constituées sur son territoire, afin de pouvoir procéder à un contrôle efficace des conditions de leur exercice. Par ailleurs, l'article 8, paragraphe 1, de la proposition de deuxième directive prévoit expressément que toute entreprise qui veut étendre ses activités, par voie de libre prestation de services, aux territoires d'un autre Etat membre, est tenue de solliciter un agrément à cet effet auprès de l'autorité de contrôle de l'Etat d'agrément.
30. Cette partie du grief doit donc être rejetée.
31. S'agissant de la discrimination alléguée entre les entreprises d'assurance établies au Danemark et les succursales danoises de telles entreprises établies dans un autre Etat membre, il est vrai qu'en raison de la structure des arrêtés danois en cause, les règles concernant l'agrément pour l'extension des activités d'assurance en dehors du territoire national sont contenues dans des dispositions distinctes pour ce qui est respectivement des entreprises ayant leur siège statutaire au Danemark et des entreprises n'ayant qu'une succursale dans cet Etat.
32. Le Gouvernement danois a toutefois contesté le caractère discriminatoire de ces dispositions. Il a expliqué à cet égard que la législation incriminée dans son application pratique soumet les succursales d'entreprises établies dans d'autres Etats membres, précisément, à un régime plus souple que les entreprises établies au Danemark, étant donné que les premières seraient déjà soumises aux règles de leur Etat d'origine. La Commission, quant à elle, n'a pas réfuté ni même essayé de réfuter cette thèse de la partie défenderesse. Elle s'est bornée à affirmer qu'il semblerait à première vue que les conditions pour l'obtention de l'agrément sont plus favorables aux entreprises danoises qu'aux succursales d'entreprises étrangères et qu'il appartiendrait au Royaume de Danemark de fournir la preuve du contraire. Elle n'a cependant apporté aucun élément concret susceptible de justifier ses doutes.
33. Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la Commission n'a pas établi la discrimination alléguée. Cette partie du grief ne saurait donc non plus être retenue.
34. En conséquence, il y a lieu de rejeter le troisième grief dans son ensemble.
D - Quant au quatrième grief de la Commission
35. Par son quatrième grief, la Commission vise à faire constater que le Royaume de Danemark, en appliquant les dispositions incriminées dans le cadre des trois premiers griefs, a manqué à son obligation de respecter l'effet direct des articles 59 et 60 du traité et, partant, d'observer la primauté du droit communautaire.
36. A cet égard, il suffit de constater que ce reproche porte sur la mise en application de la réglementation litigieuse et ne saurait, de ce fait, être considéré comme un grief distinct. Par conséquent, il n'y a pas lieu d'y statuer séparément.
III - Sur les dépens
37. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Toutefois, selon le paragraphe 3, alinéa 1, du même article, la Cour peut compenser les depens en totalité ou en partie, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Chacune des parties ayant succombé sur certains chefs du recours, il y a lieu de compenser les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR
Déclare et arrête :
1°) Le Royaume de Danemark a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 59 et 60 du traité en obligeant les entreprises d'assurance communautaires à s'établir au Danemark pour pouvoir y effectuer, en qualité d'apériteurs, des prestations de services dans le domaine de la coassurance communautaire.
2°) Le recours est rejeté pour le surplus.
3°) Chacune des parties, y inclus les parties intervenantes, supportera ses propres dépens.