Livv
Décisions

Ministre de l’Économie, 25 mai 2005, n° ECOC0500135A

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Arrêté

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Ministre de l’Économie n° ECOC0500135A

25 mai 2005

Le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et le ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et de la Ruralité,

Vu le titre III du livre IV du Code de commerce dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié fixant les conditions d'application du livre précité, notamment son article 30 ; Vu la lettre de saisine du Conseil de la concurrence du 8 août 2001 et la lettre du 21 janvier 2002 précisant le champ de cette saisine ; Vu l'avis du Conseil de la concurrence n° 04-A-08 du 18 mai 2004 ; Vu les courriers des 13 juillet, 27 septembre et 10 novembre 2004 des conseils des Brasseries Kronenbourg ;

Considérant que le ministre chargé de l'Economie a, dans sa lettre du 8 août 2001 complétée par une lettre du 21 janvier 2002, saisi le Conseil de la concurrence de onze opérations réalisées entre 1997 et 2001 par le groupe Kronenbourg, qui n'ont pas fait l'objet de notifications au sens de l'article L. 430-3 du Code de commerce précité, portant sur les entrepôts suivants : Tafanel (Paris), Blanchet SA (Paris, Villeneuve-la-Garenne), Speed Boissons (Le Buisson), Seca (Avrille), Dordogne Boissons (Marsac), Laclotre (Poitiers, Niort), Hydral Etablissements (Sarrebourg), Ferrer (Audincourt), Feuvrier Ets (Besançon, Ornans, Mamirolle), Etablissements Murgier (Belleville), et Sobodis NBS (Saint-Quentin) ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 430-1 du Code de commerce avant sa modification par la loi du 15 mai 2001 : "Tout projet de concentration ou toute concentration de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement d'une position dominante peut être soumis, par le ministre chargé de l'Economie, à l'avis du Conseil de la concurrence" ;

Considérant que, par un arrêt du 9 juillet 2003 (Sogebra-Heineken), le Conseil d'Etat a jugé "que si la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques a rendu obligatoire la notification au ministre chargé de l'Economie des projets de concentrations entrant dans le champ de l'application des articles L. 430-1 et L. 430-2 du Code de commerce et si celui-ci a, de ce fait, perdu, dans le nouveau régime issu de la loi précitée, le pouvoir de contrôler a posteriori, sauf dans les cas prévus à l'article L. 430-8 du Code de commerce, les opérations de concentration définitivement réalisées, il résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article 94 de ladite loi que le ministre a conservé ce pouvoir s'agissant des opérations de concentrations engagées de façon irrévocable avant la date d'entrée en vigueur du nouveau régime de contrôle des concentrations, laquelle résulte des dispositions combinées de l'article 94 de la loi du 15 mai 2001 et de l'article 51 du décret du 30 avril 2002, pris pour son application ; qu'il résulte des mêmes dispositions que l'examen de ces dernières opérations reste régi, dans le cas où le ministre décide de les soumettre au Conseil de la concurrence, aux règles de fond et de procédure fixées par les articles L. 430-1 à L. 430-7 du Code de commerce dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ainsi que les règlements pris pour leur application" ; que les opérations de concentration examinées dans le présent arrêté, compte tenu des dates auxquelles elles ont été réalisées, sont régies par le Code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du régime issu de la loi sur les nouvelles régulations économiques ;

Considérant que cet examen doit prendre en compte les circonstances de droit et de fait prévalant à la date de la décision, et ainsi prendre en compte les éventuelles acquisitions postérieures à celles qui ont été soumises pour avis au Conseil de la concurrence, conformément à l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 5 novembre 2003 (Société Interbrew) ; qu'il a donc été procédé à l'actualisation des données chiffrées sur la base desquelles le Conseil de la concurrence avait rendu son avis n° 04-A-08 du 18 mai 2004, lorsque celles-ci avaient connu une évolution significative ;

I. - Les acquisitions

Considérant qu'aux termes de l'article L. 430-2 du Code de commerce avant sa modification par la loi NRE (1) du 15 mai 2001, "la concentration résulte de tout acte, qu'elle qu'en soit la forme, qui emporte transfert de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens, droits et obligations d'une entreprise ou qui a pour objet ou pour effet, de permettre à une entreprise ou à un groupe d'entreprises d'exercer, directement ou indirectement, sur une ou plusieurs autres entreprises une influence déterminante" ;

Considérant que le groupe Kronenbourg, qui regroupe les activités du groupe Scottish & Newscastle dans le secteur de la bière en France acquises auprès du groupe Danone en 2000, a fait l'acquisition de la totalité du capital de trois entrepositaires grossistes :

Dordogne Boissons situé à Marsac près de Périgueux (Dordogne) en avril 1999 ;

Speed Boissons situé près de Sarlat (Dordogne), en janvier 2000 ;

Et Blanchet, comprenant trois fonds de commerce situés à Paris (17e) et Villeneuve-la-Garenne (92), en février 1996 ;

Que ces trois opérations constituent des concentrations au sens de l'article L. 430-2 du Code de commerce précité ;

Considérant que quatre des opérations sur lesquelles le ministre chargé de l'Economie a demandé l'avis du Conseil de la concurrence sont des prises de participations minoritaires au capital d'entrepositaires grossistes :

Ferrer (Montbéliard, Doubs, dont le groupe Kronenbourg a acquis [< 50] % du capital en juillet 1996) ;

Feuvrier (Besançon, Doubs, dont le groupe Kronenbourg a acquis [< 50] % du capital en 1997) ;

Kihl (Sarreguemines) et Hydral (Sarrebourg), [...] et dont le groupe Kronenbourg, précédemment actionnaire minoritaire de la société Kihl, détient [< 50] % ;

Et Murgier (Beynost Miribel, Ain, dont le groupe Kronenbourg a acquis [< 50] % du capital en 1994),

que le Conseil de la concurrence, dans son avis n° 04-A-08, note qu'une prise de participation minoritaire peut aboutir à l'exercice par l'actionnaire minoritaire, d'une influence déterminante sur l'activité de l'entreprise cible et que "l'existence de ce contrôle découle d'un faisceau de circonstances de droit et de fait", notamment lorsque l'actionnaire dispose de droits particuliers, ou de droits de veto, ou lorsque le reste de l'actionnariat est dispersé ; que le conseil apprécie dans son avis, au regard des statuts, de l'actionnariat, de la composition des organes sociaux et des modalités de gestion de chacune des entreprises en cause, qu'aucune disposition juridique "n'excède ce qui est normalement consenti à des actionnaires minoritaires afin de protéger leurs intérêts financiers et ne permet à Kronenbourg de contrôler la stratégie de l'entreprise" et qu'aucune circonstance de fait ne vient modifier cette analyse ; que le conseil souligne notamment que l'inscription d'un droit de préemption au profit du groupe Kronenbourg n'est pas de nature à modifier cette conclusion, de même que le basculement d'une grande partie des volumes de bière en fûts livrées par ces entreprises sous les marques du groupe Kronenbourg ; que le conseil conclut que ces quatre opérations ne constituent pas des concentrations au sens de l'article L. 430-2 et que cette conclusion peut être retenue ;

Considérant enfin que quatre des opérations dont le ministre chargé de l'Economie a saisi le Conseil de la concurrence concernent l'acquisition de l'intégralité du capital d'entrepositaires grossistes dans lequel le groupe Kronenbourg détenait déjà une participation minoritaire :

Laclotre, situé à Chasseneuil-du-Poitou (Vienne, 86) et sa filiale, Entrepôts Réunis du Poitou, située à Niort (Deux-Sèvres, 79), dans le capital duquel la participation du groupe Kronenbourg est passée de [< 50] % à 100 % en 1997 ;

Sobodis, situé à Gauchy (Aisne), qui possède un établissement secondaire à Soissons, dans le capital duquel la participation du groupe Kronenbourg est passée de [< 50] % à [< 50] % en août 1996, puis à 100 % en avril 1997 ;

Seca, situé à Avrille près d'Angers (Maine-et-Loire), dans le capital duquel la participation du groupe Kronenbourg est passée de [< 50] % à 100 % en juillet 1998,

Et le groupe Tafanel, dont le siège social est situé à Paris, qui exploite de nombreux entrepôts à Paris et dans la région parisienne par le biais de plusieurs filiales, et dans le capital duquel le groupe Danone, alors propriétaire du groupe Kronenbourg, avait pris en 1994 une participation à hauteur de [< 50] %, le groupe Scottish & Newcastle réalisant l'acquisition du reste du capital en 2001 ;

Que la communication de la Commission européenne relative à la notion de concentration (par. 40) précise que "une opération doit également être considérée comme une concentration lorsqu'elle entraîne un changement dans la structure du contrôle, tel le passage d'un contrôle commun à un contrôle exclusif ou une augmentation du nombre d'actionnaires exerçant un contrôle en commun" ; que le conseil examine dans son avis si l'acquisition du solde du capital de ces quatre entrepositaires a constitué un changement de contrôle ; que concernant les sociétés Laclotre, Sobodis et Seca, le conseil conclut que le groupe Kronenbourg n'exerçait aucune influence déterminante avant l'acquisition du solde du capital, qui constitue bien une concentration ; que concernant Tafanel, le conseil conclut que le groupe Kronenbourg détenait un contrôle conjoint avec la famille Tafanel sur l'entreprise, et que l'acquisition du solde du capital, permettant au groupe Kronenbourg de passer d'un contrôle conjoint à un contrôle exclusif, constitue également une concentration ; que cette conclusion peut être retenue ;

Considérant ainsi que le présent arrêté porte sur les 7 opérations de concentration suivantes : Tafanel (Paris) en 2001, Blanchet SA (Paris, Villeneuve-la-Garenne) en 1996, Speed Boissons (Le Buisson) en 2000, Seca (Avrille) en 1998, Dordogne Boissons (Marsac) en 1999, Laclotre (Poitiers, Niort) en 1997, et Sobodis NBS (Saint-Quentin) en 1997 ;

II. - La contrôlabilité des opérations

Considérant que le groupe Kronenbourg a fait valoir que ni le Conseil de la concurrence ni le ministre n'auraient la compétence ratione temporis pour se prononcer sur les acquisitions en cause, du moins celles couvertes par l'article L. 462-7 du Code de commerce (anciennement article 27 de l'ordonnance du 1er décembre 1986) aux termes duquel "le conseil ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction" ; considérant cependant que l'article 27 de l'ancienne ordonnance du 1er décembre 1986, traitant de la prescription triennale, figurait dans le titre III consacré aux pratiques anticoncurrentielles, tandis que le contrôle des concentrations faisait l'objet du titre V ; que la codification de l'ordonnance de 1986, intervenue en septembre 2000, s'est faite à droit constant, et n'a donc pu avoir pour effet d'étendre au contrôle des concentrations des dispositions relatives à la prescription des faits pouvant donner faire l'objet d'un contentieux au titre des pratiques anticoncurrentielles ; considérant également qu'il ressort de l'article L. 462-4 que "le conseil peut être consulté par le ministre chargé de l'Economie sur tout projet de concentration ou toute concentration de nature à porter atteinte à la concurrence dans les conditions prévues au titre III ci-dessus", cette consultation ne pouvant être assimilée à la "saisine" du Conseil de la concurrence prévue aux articles L. 462-5 et L. 462-6 ; que cette distinction est confirmée par l'arrêt du Conseil d'Etat du 9 juillet 2003 précité, aux termes duquel la consultation du Conseil de la concurrence en matière de contrôle des concentrations a le caractère d'un "acte préparatoire", et dans lequel le juge administratif ne soulève d'office aucun moyen d'ordre public tenant à l'incompétence du Conseil de la concurrence ou du ministre ; que, faute de dispositions spéciales, l'action de l'administration n'est pas prescrite ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 430-1 du Code de commerce ne s'appliquent que "lorsque les entreprises qui sont parties à l'acte ou qui en sont l'objet ou qui leur sont économiquement liées ont soit réalisé ensemble plus de 25 % des ventes, achats ou autres transactions sur un marché national de biens, produits ou services substituables ou sur une partie substantielle d'un tel marché, soit totalisé un chiffre d'affaires hors taxes de plus de sept milliards de francs, à condition que deux au moins des entreprises parties à la concentration aient réalisé un chiffre d'affaires d'au moins deux milliards de francs" ; que la condition relative au chiffre d'affaires n'est pas remplie en l'espèce, aucun des entrepositaires grossistes parties aux opérations visées dans la saisine n'ayant réalisé un chiffre d'affaires d'au moins deux milliards de francs à la date des opérations ;

Considérant qu'il y a, dès lors, lieu de rechercher si le seuil en parts de marché fixé par ce même texte est atteint ;

Considérant que, selon le Conseil de la concurrence, deux marchés sont concernés par les opérations : le marché des marques de bière à destination de la consommation hors domicile et le marché de la distribution de la bière aux débits de boissons ;

Considérant que, concernant le marché des bières vendues dans les établissements de consommation hors domicile, le Conseil de la concurrence note qu'il "est constant, dans la doctrine des autorités de la concurrence, de distinguer un marché de la bière destinée à la distribution alimentaire et un marché de la bière destinée à la consommation hors domicile" ; que, concernant spécifiquement la consommation de bières, la Cour de justice des Communautés européennes a précisé dans l'arrêt Delimitis/Heiniger Braü du 28 février 1991 (2) : "Du point de vue du consommateur, le secteur des débits de boissons, comprenant notamment les cafés et restaurants, se distingue de celui du commerce de détail, au motif que la vente dans les débits de boissons est associée non pas uniquement au simple achat d'une marchandise, mais également à une prestation de service et que la consommation de bière dans les débits de boisson ne dépend pas essentiellement de considérations d'ordre économique. Cette spécificité des ventes dans les débits de boissons est confirmée par le fait que les brasseries ont organisé des systèmes de distribution propres à ce secteur nécessitant des installations spéciales et que les prix pratiqués dans ce secteur sont, en général, supérieurs à ceux pratiqués pour les ventes dans le commerce de détail" ;

Considérant que, aux termes de l'avis du Conseil de la concurrence précité, le canal de distribution de la bière à destination des établissements de restauration hors domicile présente certaines spécificités, notamment le rôle de distribution intermédiaire et de services complémentaires assuré par les entrepositaires grossistes ;

Considérant que le Conseil de la concurrence note également que "ce marché est différencié au sens où la bière consommée hors domicile n'est pas un produit homogène, mais se caractérise par la variété des types de bières, d'une part, (de luxe, soit la pression, spéciale ou de spécialité), par le choix entre une bière pression et une bière en bouteilles d'autre part, et enfin, par la diversité des lieux dans lesquels le consommateur peut boire une bière ; que cette différenciation du marché ne nécessite cependant pas une délimitation plus fine des marchés pertinents puisque ces segments restent largement substituables entre eux pour le consommateur final" ;

Considérant que le marché des marques de bière consommées hors domicile est de dimension nationale, en raison des modes de consommation et des préférences des consommateurs, du point de vue de la demande, et, du côté de l'offre, de la "particularité du système de distribution en France", constitutif d'une barrière à l'entrée pour un producteur étranger qui ne disposerait pas d'un réseau de distribution implanté en France ; qu'une segmentation plus fine que l'échelon national n'est pas pertinente puisqu'en France l'essentiel de la consommation de bière hors domicile est constitué par des marques qui se situent au moins à l'échelon national, voire européen ou international ; que le Conseil de la concurrence note que le développement récent de marques régionales produites par des "micro-brasseries" n'est pas suffisant pour modifier cette analyse ;

Considérant qu'il convient ainsi de retenir un marché national des bières consommées dans des établissements de restauration hors domicile ; qu'en 2000, la valeur de ce marché s'est élevée à près de 8 milliards de francs (1,2 milliards d'euro), pour un volume total compris entre 7 et 7,5 millions d'hectolitres d'après Gira Consultants, soit 30 % du volume total des bières vendues ; que ce volume décroît régulièrement, de près de 2 % par an : ce marché représentait près de 9 millions d'hectolitres en 1990, 7,5 millions d'hectolitres en 1999, légèrement plus de 7 millions en 2001, et un peu moins de 6,5 millions d'hectolitres en 2003 (source Association des brasseurs de France) ;

Considérant que les parts de marché des brasseurs en consommation de bières hors domicile, en volume, sont les suivantes selon les estimations des opérateurs reprises par le Conseil de la concurrence :

<emplacement tableau>

Considérant que la part de marché du groupe Kronenbourg sur le marché amont des marques de bières distribuées en CHR, de dimension nationale, excède 25 % ; que, dès lors que ce seuil est dépassé sur l'un des marchés concernés par une concentration, celle-ci est contrôlable au regard de l'article L. 430-1 ;

Considérant qu'il convient également de définir les autres marchés pertinents concernés par les opérations examinées ;

Considérant que le Conseil de la concurrence, dans son avis précité, définit en second lieu un marché de la distribution des bières à destination des établissements de consommation hors domicile ; que la distribution de bières à l'égard des cafés-hôtels-restaurants présente des caractéristiques spécifiques par rapport aux autres boissons, puisqu'elle requiert l'installation d'au moins deux tirages à pression comprenant un mécanisme de froid et un mécanisme de poussée, et des opérations d'entretien et de sanitation régulières (toutes les 6 semaines) ; que ces opérations ne sont pas réalisées par le cafetier lui-même, mais réalisées et le plus souvent cofinancées par l'entrepositaire grossiste dont le CHR est client ;

Considérant également que, aux termes de l'avis précité, "le choix d'un débit de boissons en matière d'approvisionnement en boissons est largement déterminé par les conditions de livraison des bières" et qu' "une large part de ces points de vente sont financés par le brasseur et le distributeur en contrepartie d'une exclusivité, ou alors l'entretien des tirages à pression est financé par l'entrepositaire grossiste" ; que de ce point de vue, les enseignes de cash and carry (Promocash, Metro), si elles commencent à proposer des services d'entretien des mécanismes de tirage, n'offrent pas de services de livraison et de consigne, et ne constituent pas une alternative complète aux services, en particulier de cofinancement, offerts par les entrepositaires grossistes ; qu'en outre ces enseignes ne distribuent pas les bières des trois principaux brasseurs (Kronenbourg, Heineken et Interbrew), mais offrent des marques ne bénéficiant pas de la même notoriété ; que, pour ces motifs, les enseignes de cash and carry ne peuvent en l'état actuel des choses être considérées comme substituables aux entrepositaires grossistes du point de vue de la demande d'approvisionnement de bières en fûts des cafés-hôtels-restaurants ;

Considérant, en ce qui concerne la délimitation géographique de ce marché, que le Conseil de la concurrence met en évidence "une double dimension géographique" : une dimension nationale, résultant, du point de vue de l'offre, "de l'organisation en réseau de la distribution intégrée, qui lui permet de mener des campagnes nationales de promotion, d'investir dans des équipements informatiques et, concernant les autres boissons que la bière, de négocier avec les fournisseurs au niveau national", ainsi que, du point de vue de la demande, des caractéristiques de la demande des établissements chaînés et de la restauration collective, qui négocient leurs conditions d'approvisionnement au niveau national ; et une dimension locale conduisant à déterminer des zones de chalandise dans lesquelles les entrepositaires grossistes sont en concurrence pour répondre à la demande des CHR et des points de vente ;

Considérant que le Conseil de la concurrence précise cependant que cette analyse ne doit pas conduire à définir un marché de la distribution en CHR traditionnel qui serait uniquement local et un marché de la distribution clients chaînés qui serait national, dans la mesure où les produits demandés sont identiques, où la livraison aux deux catégories de clients est identique sur le plan de la logistique, et où il n'y existe pas de cloisonnement entre les deux canaux de distribution, puisque l'organisation en réseau permet de pénétrer la distribution aux clients chaînés et également a fortiori aux clients CHR traditionnels ;

Considérant qu'au plan national, les parts de marché des distributeurs actifs sur le marché de la distribution de la bière aux CHR se répartissent de la façon suivante, selon les estimations du Conseil de la concurrence (paragraphes 182 et suivants, tableau 13) :

<emplacement tableau>

Considérant qu'aux termes de l'avis du Conseil de la concurrence, "pris ensemble, les trois réseaux intégrés assurent [60-70] % de la distribution en 2000. Les indépendants représentent donc [30-40] % de la distribution de bières sur le territoire national, mais dans la mesure où la concurrence qu'ils exercent porte, à titre principal, sur les marchés locaux, ce chiffre ne rend pas véritablement compte de leur capacité concurrentielle, qui doit être analysée au cas par cas, pour chaque marché local."

Considérant que, au plan local, le Conseil de la concurrence souligne qu'un débit de boissons situé dans une ville arbitre entre un certain nombre de distributeurs répartis dans une zone géographique limitée autour de cette ville, le manque d'espace de stockage à l'intérieur des CHR nécessitant des livraisons fréquentes ; que, du point de vue de l'offre, il est également nécessaire pour les entrepositaires grossistes de limiter les périodes de "roulage à vide" des camions de livraison, en elles-mêmes plus coûteuses que les activités de livraison proprement dites, de rationaliser leurs tournées, et d'être capables d'intervenir en cas de besoin de dépannage ; que le Conseil de la concurrence évalue ce rayon d'action, sur la base du guide Vasseur, à un maximum d'une centaine de kilomètres ;

Considérant qu'il convient d'examiner l'impact des concentrations sur lesquelles le ministre chargé de l'Economie a consulté le Conseil de la concurrence, sur les marchés locaux où les entrepositaires grossistes objets de ces acquisitions sont actifs ;

Considérant que Dordogne Boissons et Speed Boissons sont actifs sur un marché, tel que défini par le Conseil de la concurrence, qui comprend "les villes de Périgueux, Brive, Sarlat et Bergerac et couvre la partie centre, sud et est du département de la Dordogne" ; que, sur ce marché, selon les évaluations du Conseil de la concurrence pour l'année 2000, les parts des différents opérateurs sont les suivantes : [30-40] % pour le réseau Kronenbourg, dont [< 10] points acquis lors de la prise de contrôle de Speed Boissons et [< 10] points lors de la prise de contrôle de Dordogne Boissons, [< 10] % pour le réseau France Boissons/Heineken, [< 10] % pour le réseau Interbrew ; que ce marché se caractérise par la présence d'opérateurs indépendants importants, n'appartenant à aucun réseau et ne travaillant de façon privilégiée avec aucun d'entre eux selon la profession, et qui représentent ensemble plus de 50 % du marché en cause ; qu'aucun opérateur n'a porté à la connaissance du ministre une modification significative de ces positions respectives depuis la date de l'examen par le Conseil de la concurrence ;

Considérant que Blanchet et Tafanel sont actifs sur un marché, tel que défini par le Conseil de la concurrence, s'étendant sur toute la région Ile-de-France ; que, sur ce marché, qui représente 1/5 de la consommation nationale de bière en CHR, les parts des différents opérateurs sont estimées de la façon suivante par le Conseil de la concurrence et par les opérateurs :

<emplacement tableau>

Considérant que Laclotre (qui disposait d'un entrepôt à Niort et d'un à Poitiers) est actif sur un marché, tel que défini par le Conseil de la concurrence, qui comprend les villes de Poitiers et Niort et la partie sud des départements de la Vienne et de Deux-Sèvres, dans un rayon de 50 kilomètres autour des deux villes ; que, sur ce marché, les parts des opérateurs peuvent être estimées, à la date de l'examen par le Conseil, comme suit : [60-70] % pour le réseau Kronenbourg, [10-20] % pour le réseau Heineken, 0 pour Interbrew, et moins de [20-30] % pour l'ensemble des opérateurs indépendants ; qu'aucun opérateur n'a porté à la connaissance du ministre une modification significative de ces positions respectives depuis la date de l'examen par le Conseil de la concurrence ;

Considérant que Seca, basé à Angers, est actif sur un marché, tel que défini par le Conseil de la concurrence, couvrant les villes d'Angers, Saumur et Cholet, dans un rayon d'un cinquantaine de kilomètres ; que sur ce marché, le Conseil a évalué les parts des différents opérateurs pour l'année 2000 comme suit : [40-50] % pour le réseau Kronenbourg contre [50-60] % en 1998, l'acquisition de Seca ayant alors pesé pour [40-50] points de parts de marché ; [40-50] % pour le réseau Heineken ; [< 10] % pour Interbrew, qui a pris le contrôle d'un opérateur en 2001 sur la zone ; et une part de marché très limitée pour les opérateurs indépendants, le plus important d'entre eux ayant une part de marché estimée autour de [< 10] % ; qu'aucun opérateur n'a porté à la connaissance du ministre une modification significative de ces positions respectives depuis la date de l'examen par le Conseil de la concurrence ;

Considérant qu'il convient de remarquer que les marchés géographiques de Poitiers-Niort et d'Angers constituent des zones de chalandise géographiquement juxtaposées et très proches ; qu'ainsi, les villes de Poitiers et d'Angers n'étant éloignées que de 120 kilomètres, certains clients de ces deux zones peuvent être achalandés par des entrepositaires appartenant à l'une ou l'autre de ces zones ;

Considérant que Sobodis est actif sur un marché local, tel que défini par le Conseil, couvrant les villes de Saint-Quentin, Laon, Soissons et Chauny, et recouvrant une grande partie du département de l'Aisne ; que, selon les évaluations du Conseil de la concurrence pour l'année 2000, les parts de marché des principaux opérateurs sont les suivantes : [55-75] % pour le groupe Kronenbourg, l'acquisition de Sobodis ayant représenté en 1998 un gain de [30-40] points de parts de marché ; 0 pour les réseaux Heineken et Interbrew, absents de ce marché ; qu'un brasseur, les Enfants de Gayant, dispose de deux entrepôts intégrés dont l'un est actif sur ce marché local, représentant environ [0-10] % du marché ; que plusieurs opérateurs indépendants sont actifs sur ce marché, et notamment Sogedib Lefranc, qui représente [10-20] % de parts de marché ; qu'aucun opérateur n'a porté à la connaissance du ministre une modification significative de ces positions respectives depuis la date de l'examen par le Conseil de la concurrence ;

III. - Analyse concurrentielle

Considérant que les opérations de concentration concernées doivent être examinées du point de vue de leur impact sur, d'une part, le degré de consolidation horizontale de la distribution de bière, et d'autre part, sur le degré d'intégration verticale des brasseurs et des distributeurs ;

Considérant que, au plan horizontal, le Conseil de la concurrence constate la réduction du nombre d'entrepositaires grossistes, liée en partie aux restructurations qui ont suivi les acquisitions réalisées par les brasseurs et en partie également à la tendance des entrepositaires indépendants à se regrouper ; que, au plan national, les acquisitions réalisées par les trois brasseurs qui ont développé une stratégie nationale d'acquisition totale ou partielle d'entrepositaires grossistes, ont pu conduire à une augmentation de la part de marché de leur réseau de distribution : de [20-30] à [20-30] % pour le groupe Kronenbourg entre 1996 et 2000, de [20-30] à [30-40] % pour Heineken et de [< 10] à [< 10] % pour Interbrew sur la même période ; que, sur certains marchés locaux considérés, les acquisitions réalisées par le groupe Kronenbourg ont eu un impact plus significatif sur le degré de concentration du marché, qui doit être également apprécié en prenant en compte les acquisitions réalisées par les deux autres brasseurs ayant mis en place une stratégie nationale d'acquisition de distributeurs, Heineken et Interbrew ;

Considérant que le Conseil de la concurrence examine si cette consolidation au plan horizontal engendre des gains d'efficacité qui lui seraient spécifiques ; que, notamment, le groupe Kronenbourg fait valoir que cette consolidation horizontale était nécessaire pour améliorer l'efficacité des tournées et réaliser des économies d'échelle ; que le Conseil de la concurrence note toutefois que ces économies sont limitées par la structure des coûts de livraison, qui nécessite le maintien de dépôts secondaires ; que le groupe Kronenbourg fait également valoir que cette structuration permet de répondre à la demande des établissements traditionnels mais aussi des établissements chaînés, qui négocient leur approvisionnement au plan national, et d'améliorer les conditions d'approvisionnement en autres boissons que la bière, grâce à une plus grande puissance d'achat ; que le Conseil de la concurrence note cependant que "la constitution de groupements de distributeurs indépendants, comme la CEB, permet d'exploiter une partie de ces gains qui relèvent de la massification des achats" et que le regroupement des indépendants permet également, en mettant en place un réseau national d'exécution de négociations centralisées, de répondre à la demande des établissements chaînés ;

Considérant, au plan vertical, que selon le conseil, "la détention de la distribution par les brasseurs est susceptible de restreindre la concurrence entre les brasseurs à la condition que cette intégration verticale constitue des barrières à l'entrée pour la distribution des bières des brasseurs non intégrés. Dans cette perspective, il semble donc logique de s'intéresser à la distribution de la bière afin d'évaluer les pouvoirs de marché, amont et aval, des structures intégrées" ;

Considérant que les opérations de rachat d'entrepositaires grossistes indépendants ont été "exclusivement le fait des brasseurs, leurs principaux fournisseurs" ;

Considérant que l'intégration verticale peut avoir pour effet de réduire l'ampleur de la double marginalisation ; que le Conseil de la concurrence relève toutefois que, concernant le réseau Elidis, "un distributeur membre d'un réseau et un indépendant, qui ont des activités comparables aussi bien en termes de volume que de portefeuilles de marques, se verront donc appliquer des conditions équivalentes. Dans ce contexte, le fait d'être intégré au brasseur ne procure pas un avantage concernant les conditions d'approvisionnement. De fait, aucun élément au dossier ne suggère que le renforcement de l'intégration verticale se serait traduit par une baisse des prix dont auraient bénéficié les CHR ou leurs clients" ;

Considérant que, comme le rappelle le Conseil de la concurrence, "en regard des gains d'efficacité mentionnés ci-dessus, l'analyse économique n'exclut pas que l'un des intérêts de l'intégration verticale puisse être, pour une entreprise, la possibilité d'évincer ses concurrents non intégrés ou au moins de les pénaliser en augmentant leurs coûts. Les pratiques peuvent consister à refuser de vendre un input à des entreprises en aval (ou à le fournir à un prix élevé). Le même type d'effet se produit, de manière symétrique, si la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter et de distribuer les produits des fabricants indépendants en amont et tente ainsi de les exclure du marché" ; que "l'intégration verticale produit alors les mêmes effets que des clauses restrictives de concurrence passées entre un fournisseur et ses distributeurs. Dans ses lignes directrices sur les restrictions verticales, la Commission européenne mentionne, parmi ces pratiques, le monomarquisme qui consiste pour le fabricant à inciter l'acheteur à s'approvisionner exclusivement ou principalement auprès d'un seul fournisseur sous l'effet d'une obligation expresse ou d'un mécanisme incitatif. Elle signale que, du point de vue de la concurrence, les clauses de ce type risquent de fermer l'accès des fournisseurs concurrents ou potentiels au marché ou de faciliter la collusion entre fournisseurs en cas d'utilisation cumulative. Comme pour les autres types de restrictions verticales, si la part de marché du fournisseur n'excède pas 30 %, ces risques sont peu probables. Toutefois, la Commission insiste également sur le risque de verrouillage du marché découlant de l'effet cumulatif de la conclusion par plusieurs grands fournisseurs d'accords de monomarquisme avec un très grand nombre de leurs fournisseurs. Elle estime qu'un tel effet cumulatif est peu probable en dessous de 50 % de part de marché cumulée pour les cinq premiers fournisseurs" ; que le Conseil de la concurrence rappelle encore, citant les lignes directrices de la Commission européenne, que "dans la mesure où il est relativement facile pour des fournisseurs concurrents de créer de nouveaux débouchés ou de trouver des acheteurs alternatifs pour le produit considéré, le verrouillage ne devrait pas poser de réel problème" ;

Considérant que, selon le Conseil de la concurrence, "au cas d'espèce, il importe donc, afin d'apprécier le risque de forclusion des brasseurs indépendants, d'évaluer les conditions de la concurrence sur les marchés aval et amont et l'existence d'alternatives aux réseaux de distribution intégrés. Il convient également d'apprécier dans quelle mesure les détaillants peuvent imposer aux distributeurs intégrés de continuer à livrer d'autres marques que celles de leurs brasseurs" ;

Considérant que du côté de l'offre, le marché des marques de bière distribuées en CHR est fortement concentré, les deux principaux opérateurs nationaux, Kronenbourg et Heineken, et le troisième opérateur, Interbrew, disposant ensemble d'une part de marché de près de [80-90] %, dont plus de [30-40] % pour le groupe Kronenbourg ; que ces trois principaux opérateurs, qui se caractérisent par la mise en œuvre d'une stratégie nationale d'acquisition totale ou partielle de distributeurs, représentent ensemble [60-70] % de la distribution de bière en fûts au plan national, dont [20-30] % pour le groupe Kronenbourg, ce poids pouvant être plus important sur certains marchés locaux ; que ces trois opérateurs se caractérisent également par une offre comprenant la gamme complète des produits (bières blondes "de luxe", blondes "spéciales", blondes "d'abbaye" et bières de spécialités, dont bières blanches, brunes et ambrées) ;

Considérant qu'à l'aval le fonctionnement du marché de la distribution de bière est caractérisé par l'existence de "contrats de bières" conclus entre les brasseurs et 70 à 80 % des points de vente CHR ; qu'aux termes de ces contrats un point de vente s'engage à vendre exclusivement les marques de bière pression du brasseur partenaire, en contrepartie de conditions financières spéciales facilitant le financement de l'installation d'un débit de boissons, son entretien et son exploitation ; que ce contrat désigne, en outre, le distributeur auprès duquel le cafetier est tenu de s'approvisionner, et qui est également chargé de l'installation et de l'entretien des mécanismes de tirage ; que ces contrats, où l'exclusivité est limitée à la bière en fût et dont la durée ne peut excéder 5 ans conformément au règlement d'exemption n° 2790/1999 du 12 décembre 1999, constituent le principal facteur de choix, pour un cafetier, des marques de bières qu'il commercialise ; que ces contrats prévoient en outre des clauses pénales en cas de demande de rupture anticipée par le point de vente, y compris en cas de cession du fonds de commerce du CHR pendant la durée de l'exécution ;

Considérant que les points de vente qui ne sont pas sous contrat de bières peuvent cependant être liés à un entrepositaire grossiste par un contrat de mise à disposition de matériel fixant les boissons pour lesquelles le point de vente s'engage à s'approvisionner exclusivement auprès de l'entrepositaire, ainsi que des engagements de volume sur la durée du contrat ; que ce type de contrat peut désigner les marques des boissons ainsi fournies ;

Considérant que les points de vente sont ainsi majoritairement liés par une relation contractuelle avec leur entrepositaire, et éventuellement avec un brasseur fournisseur ;

Considérant que les entrepositaires intégrés ont montré depuis leur acquisition, selon l'analyse développée par le Conseil de la concurrence, une tendance marquée au "monomarquisme" ; que le Conseil de la concurrence reconnaît d'ailleurs la rationalité économique de cette évolution du point de vue des brasseurs qui ont fait le choix d'acquérir des distributeurs, "les brasseurs eux-mêmes reconnaiss(a)nt qu'un des enjeux de l'acquisition des entrepôts est de "sécuriser leurs volumes" " ;

Considérant que l'existence des contrats de bière empêche la conversion immédiate des volumes des autres brasseurs pendant la durée de leur exécution ; que, toutefois, les entrepositaires intégrés ont, à l'égard de leur maison mère, l'objectif de proposer ses offres à tout CHR qui arrive à la date d'expiration de l'un ou l'autre de ces types de contrats, sachant qu'ils ont par définition un accès privilégié à ce type d'information ; que, dans ces conditions, il est extrêmement difficile pour les brasseurs tiers de développer leur clientèle, si ce n'est de renouveler leurs relations préexistantes avec leurs clients ;

Considérant en revanche que rien ne s'oppose à la conversion immédiate des volumes livrés par l'entrepositaire intégré, qui ne sont pas couverts par un contrat de bière, aux marques du brasseur acquéreur ;

Considérant que le Conseil de la concurrence observe que les brasseurs ont mis en place des mécanismes incitatifs par le biais de remises de volume, mais aussi de remises complémentaires prévues dans des "contrats de coopération commerciale" ou des "conditions générales de ristourne", qui sont fonction de la part de marché des marques du brasseur dans les ventes du distributeur, ou fonction de la progression de cette part, des objectifs atteints ou de la présence de la gamme ; que, selon des éléments complémentaires versés au dossier du ministre par CDIX, les ristournes maximales de parts de marché sont accordées par Heineken lorsque ses marques représentent [...] % du volume total distribué, par le groupe Kronenbourg lorsque ses marques atteignent [...] % du total et par Interbrew, lorsque ses marques atteignent [...] % du total ; que le Conseil de la concurrence évalue l'impact moyen de ces ristournes à [...] % à [...] % du prix de la bière lorsque la part du brasseur est supérieure à [...] % ; que, dans ces conditions, les entrepositaires intégrés ont une incitation forte à convertir le maximum de leurs volumes en bières des marques de la maison mère, afin d'améliorer ces conditions d'approvisionnement et d'ainsi mieux répondre aux objectifs annuels fixés par le groupe auquel ils appartiennent ;

Considérant que cette évolution se traduit dans les poids respectifs des marques de la maison mère et des marques des autres brasseurs dans les volumes distribués, qui ont évolué comme suit :

<emplacement tableau>

Considérant ainsi que la brasserie Météor, au 4e rang sur le marché des bières consommées en CHR, a produit des données permettant de retracer l'évolution des volumes distribués par les réseaux intégrés sur la base de leur périmètre actuel, ce qui permet de retracer l'impact des acquisitions d'entrepositaires précédemment indépendants sur les volumes distribués :

<emplacement tableau>

Données fournies par les brasseries Météor.

Considérant que Météor enregistre une baisse de ses volumes significative, qui excède légèrement, au total, la baisse en volume de la consommation de bières en CHR ; que toutefois la diminution des volumes distribués de Météor est beaucoup plus importante dans les réseaux intégrés qu'auprès des indépendants, le réseau de la CEB étant le seul à accroître les volumes distribués ;

Considérant que selon les éléments versés par Météor au dossier, seul le recours à des entrepositaires indépendants lui a permis de maintenir ses volumes totaux au plan national, mais que le changement d'entrepositaire en cas d'acquisition n'avait été possible que dans les zones où un entrepositaire indépendant était effectivement en mesure de constituer une alternative aux distributeurs intégrés ; qu'ainsi, sur le marché de l'Ile-de-France, ce brasseur ne dispose que d'un distributeur actif en région parisienne, à savoir l'établissement d'Elidis situé à Villeneuve-la-Garenne, anciennement Blanchet ; que les volumes distribués par cet entrepositaire sont passés de plus de [...] hl en 1996 à un peu plus de [...] hl en 2003 ; qu'entre-temps les brasseries Météor ont trouvé deux nouveaux distributeurs indépendants situés en région parisienne, qui leur ont permis de servir des clients situés essentiellement en Normandie, sans qu'il y ait eu aucun transfert de clientèle de l'ancien établissement Blanchet vers ces distributeurs ;

Considérant que d'autres brasseurs n'ayant pas mis en ouvre une stratégie d'intégration verticale ont indiqué des éléments concordants avec cette évolution au ministre chargé de l'Economie ; que toutefois, compte tenu du fait que leur distribution est en partie assurée par les trois principaux réseaux et dans le souci de préserver les relations commerciales existantes, ils ont souhaité que leur identité reste confidentielle ;

Considérant que les brasseurs disposent par ailleurs de la faculté, lorsqu'ils complètent leur gamme avec de nouveaux produits, de cesser de distribuer des bières de brasseurs tiers avec lesquels ils avaient passé des accords de distribution ; que le Conseil de la concurrence note ainsi que la bière Guinness a été déréférencée par le réseau Kronenbourg après que celui-ci a lancé sa propre spécialité de bière " stout ", sous la marque Beamish ; que le groupe Kronenbourg fait valoir que ce déréférencement est intervenu après que Guinness a invoqué la clause de changement de contrôle contenue dans le contrat de distribution le liant à Kronenbourg, mais que cette invocation est intervenue au moment de l'acquisition de Kronenbourg par Scottish & Newcastle, qui possédait et distribuait la marque Beamish et donc une bière directement concurrente de celle de Guinness ; qu'ainsi, l'argument selon lequel les brasseurs intégrés auraient intérêt à maintenir la distribution de bières tierces afin d'offrir une gamme complète à leurs clients pourrait avoir une certaine portée concernant le segment de clientèle constitué par les établissements chaînés, pour lesquels les marques sont un facteur de choix, mais ne se trouve pas vérifié dans les faits pour les CHR traditionnels, dont le choix d'un entrepositaires grossiste et d'un brasseur comme fournisseurs dépend essentiellement des conditions de coopération commerciale et financière qui leur sont offertes, et non des marques offertes ;

Considérant que l'accès aux points de vente, pour les brasseurs non intégrés, se caractérise ainsi par l'existence de fortes barrières à l'entrée, résultant des liens contractuels entre les points de vente et leurs fournisseurs ; que ces barrières sont renforcées lorsque sont présents des brasseurs intégrés sur les marchés locaux en cause ;

Considérant que les évolutions rappelées aux paragraphes précédents témoignent de la capacité des réseaux intégrés à réduire leur distribution de bières de brasseurs tiers, et à la limiter à un niveau très faible au regard de la situation antérieure à l'intégration verticale ;

Considérant que la concentration de la distribution au plan local et les acquisitions de distributeurs réalisées par les brasseurs ont un impact sur le marché national des marques de bières consommées en CHR ;

Considérant qu'il convient, dès lors, d'examiner les possibilités de distribution alternative qui s'offrent aux brasseurs non intégrés, et notamment la possibilité de recourir à une distribution par des entrepositaires indépendants ;

Considérant que cette possibilité semble à première vue limitée par la faible taille des entrepositaires, qui exercent dans un rayon plus réduit que les entrepositaires appartenant à un réseau intégré et disposent d'une puissance d'achat moindre ; que, comme le note le Conseil de la concurrence, ce dernier inconvénient peut cependant être pallié par l'adhésion des entrepositaires indépendants à un groupement jouant le rôle de centrale d'achat ;

Considérant également que certains entrepositaires indépendants sont réellement "multimarques" ; que les membres du groupement CDIX, précédemment regroupés au sein de la centrale d'achat CEB, indiquent ainsi que sur 1 million d'hectolitres distribués, [30-40] % relèvent des marques du groupe Kronenbourg, [30-40] % des marques Heineken, [20-30] % des marques Interbrew et [15-25] % des marques tierces des brasseurs non intégrés ; que cette répartition, comparée aux parts de marché des brasseurs sur les marchés des bières consommées en CHR, laisse apparaître un poids comparativement plus important pour les brasseurs autres que Kronenbourg, Heineken et Interbrew ;

Considérant toutefois que de nombreux distributeurs indépendants sont marqués par une forte "coloration", c'est-à-dire des relations privilégiées avec un brasseur ; que les brasseurs ont en effet mis en place des mécanismes incitatifs par le biais de remises de volume, mais aussi, au travers de contrats de coopération commerciale ou de conditions générales de ristourne, des remises complémentaires en fonction de la part de marché des marques du brasseur dans les ventes du distributeur, ou en fonction de leur progression, des objectifs atteints ou de la présence de la gamme ; que, selon les données communiquées par le groupement d'indépendants CDIX, les ristournes maximales de parts de marché sont accordées par Heineken lorsque ses marques représentent [...] % du volume total distribué, par le groupe Kronenbourg lorsque ses marques atteignent [...] % du total et par Interbrew, lorsque ses marques atteignent [...] % du total ; que, dans l'hypothèse où un entrepositaire indépendant chercherait à bénéficier, auprès de l'un ou l'autre des brasseurs, de ces conditions de ristourne, sa capacité à représenter une alternative pour la distribution des bières des brasseurs non intégrés serait alors singulièrement limitée ;

Considérant que, dans le cas du groupe Kronenbourg, des relations particulières sont également mises en place avec les entrepositaires indépendants adhérents du groupement Distriboissons, qui joue le rôle de centrale de référencement, et dans lequel Elidis détient [< 50] % ; que tout membre de Distriboissons, qu'il soit actionnaire ou affilié, s'engage à commercialiser au moins [...] % des produits offerts par l'ensemble des fournisseurs référencés par Distriboissons ;

Considérant qu'en tout état de cause l'alternative de recourir à la distribution par des entrepositaires indépendants n'est ouverte que sur les marchés locaux où ceux-ci sont actifs, ainsi que l'a souligné notamment Météor au cours de la procédure ; que, sur un marché local où le nombre et la taille des entrepositaires indépendants seraient trop réduits, ceux-ci ne peuvent offrir de relais efficace aux brasseurs non intégrés pour distribuer leurs propres marques ;

Considérant que le groupe Kronenbourg a cependant fait valoir qu'il convenait de prendre en compte les alternatives constituées par les canaux de distribution "toutes boissons", à savoir quelques marchands de vin ayant étendu leur offre à de la bière en fût pour rentabiliser leurs tournées, et les enseignes de cash and carry ; que ces dernières, qui n'incluent dans leur offre aucune solution de cofinancement aux CHR, ne peuvent constituer une alternative du point de vue des brasseurs non intégrés, dont elles ne relaient pas les contrats de bières ; que ces possibilités ne constituent pas des alternatives suffisantes pour la distribution des bières des brasseurs non intégrés ;

Considérant que, dès lors que les possibilités de distribution alternative sont limitées, il convient d'examiner si un brasseur non intégré peut créer son propre réseau intégré, sur la base d'acquisitions ou en construisant son propre réseau ex nihilo ; que le Conseil de la concurrence note que si la création ex nihilo d'un réseau d'entrepositaires grossistes ne représente pas en elle-même un investissement particulièrement lourd (de l'ordre de 200 millions d'euro selon la profession), son exploitation reste déficitaire pendant plusieurs années, jusqu'à acquérir un nombre de clients suffisant pour réaliser un bénéfice ; que le marché de la consommation de bière hors domicile est en décroissance régulière sur les dernières années, ce qui rend cette rentabilisation d'autant plus lente ; que l'acquisition de ces nouveaux clients est rendue particulièrement difficile par l'existence des relations contractuelles entre les CHR et les entrepositaires existants, et éventuellement les brasseurs ;

Considérant à cet égard que les acquisitions récentes d'entrepositaires grossistes par les brasseurs se sont faites à des prix très élevés par rapport à la valorisation usuelle de ces fonds de commerce, ce qui démontre l'intérêt d'acquérir un portefeuille de clientèle existant et non la seule infrastructure de distribution ;

Considérant enfin qu'à défaut de créer son propre réseau, un brasseur non intégré dispose de la possibilité de racheter des entrepositaires existants et indépendants d'un réseau ; que cette éventualité est toutefois limitée par leur nombre décroissant, par la capacité de surenchères sur le prix des fonds de commerce démontrée par les brasseurs intégrés lors de leurs acquisitions passées, et par le fait qu'un certain nombre d'entrepositaires indépendants (représentant au total au moins 10 % de la distribution nationale) ont déjà consenti des clauses de préemption à un brasseur, à l'occasion ou non d'une prise de participation minoritaire ; que dès lors ces entrepositaires ne peuvent constituer des cibles potentielles d'acquisition pour la constitution d'un réseau de distribution par un brasseur tiers ;

Considérant ainsi que le groupe Kronenbourg a pris des participations minoritaires dans des entrepositaires représentant au moins [< 10] % du marché national de la distribution ; que, en outre, le contrat d'affiliation au groupement de distributeurs Distriboissons, qui comprend une partie d'entrepositaires n'ayant pas ouvert leur capital à une participation minoritaire de Kronenbourg, comporte en son article 20 une clause de droit de préférence au bénéfice du groupe Kronenbourg en cas de cession ; que Heineken a également constitué des participations minoritaires dans des entrepositaires grossistes représentant [< 5] % de la distribution nationale de bières selon les estimations du Conseil de la concurrence, elles aussi parfois assorties de clauses de préférence ; que le même cas se présente pour Interbrew ; que dès lors ces entrepôts ne peuvent constituer des perspectives d'acquisition pour les tiers ;

Considérant qu'il convient enfin d'examiner la capacité des acheteurs à exercer un contrepoids, c'est-à-dire la possibilité pour les points de vente de se tourner vers un distributeur alternatif au cas où un entrepositaire intégré refuserait de les approvisionner en bière concurrente ; que de ce point de vue, si les établissements appartenant à des chaînes de restauration, qui effectuent un choix des marques proposées à leur clientèle et négocient leur approvisionnement de façon centralisée, disposent d'une capacité de négociation suffisante, tel n'est pas le cas des CHR traditionnels, très dispersés ; que pour ces derniers, le choix d'un fournisseur dépend d'abord des conditions financières et de la coopération commerciale qu'il propose, le choix des marques ne paraissant pas déterminant du point de vue de la clientèle ; que les contrats de bières permettent notamment la mise en place de remises d'un maximum de [...] % sur le prix d'achat de la bière ; que la durée de ces contrats, et des contrats de gamme, limite en tout état de cause la capacité d'un CHR à diversifier son approvisionnement ou à changer de grossiste ; qu'il ressort donc de l'examen du fonctionnement du marché que les CHR traditionnels ne sont pas en mesure de s'opposer à l'exclusion des marques non intégrées.

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le mouvement d'intégration verticale et le renforcement du degré de concentration horizontale des marchés de la distribution de la bière en CHR ont pour effet de restreindre l'accès des brasseurs tiers aux points de vente finaux ; que cet effet porte non seulement sur l'échelle locale où, selon les brasseurs non intégrés, il existe des zones dans lesquelles ils ne disposent d'aucune alternative pour assurer la distribution de leurs produits, mais aussi, compte tenu de la généralisation de ce mouvement, sur l'échelle nationale ;

Considérant que cet effet se cumule avec les caractéristiques du fonctionnement de ces marchés, et notamment l'existence des contrats de bières et des autres relations contractuelles entre CHR et entrepositaires, produisant ainsi de fortes barrières au développement des brasseurs tiers auprès des CHR ; qu'en particulier, ces relations contractuelles constituent l'un des facteurs déterminants qui limitent la capacité de contrepoids exercée par les CHR ; que dès lors, le mouvement d'intégration verticale menée par les trois principaux brasseurs aboutit à l'éviction progressive des brasseurs tiers du marché de la distribution de bière en CHR et donc du marché des bières consommées en CHR ;

Considérant que les gains d'efficacité atteints au travers de l'intégration verticale ne sont pas démontrés ; que les gains résultant de la concentration horizontale des distributeurs peuvent également être atteints au travers du regroupement d'entrepositaires indépendants au sein de centrales d'achat et de négociation ; que ceux-ci ne sont donc pas de nature à éviter les effets anticoncurrentiels de ces acquisitions ;

IV. - Analyse concurrentielle de l'impact des opérations sur les marchés locaux de la distribution de bière concernés par la demande d'avis du 8 août 2001

Considérant que la portée de ces effets anticoncurrentiels doit être appréciée sur les marchés locaux affectés par les opérations sur lesquelles le Conseil de la concurrence a été consulté par le ministre chargé de l'Economie ;

Considérant que les sept acquisitions sur lesquelles le Conseil de la concurrence a été consulté, qui constituent des concentrations, ont des effets sur cinq marchés locaux : Paris et Ile-de-France (Blanchet et Tafanel), Poitiers (Laclotre), Angers (Seca), Dordogne (Dordogne boissons et Speed boissons) et Saint-Quentin (Sobodis) ; que le Conseil de la concurrence constate des effets anticoncurrentiels sur les trois premiers de ces marchés ;

Considérant que "sur le marché parisien, l'acquisition de Blanchet porte la part de marché d'Elidis de [20-30] %, en 1996, à [30-40] %, en 2000. Ce marché est caractérisé par une prédominance des réseaux intégrés. En 2000, les réseaux intégrés assurent près de [80-90] % de la distribution de bières ([40-50] % pour Heineken, [30-40] % pour Kronenbourg, près de [< 10] % pour Interbrew). La part de marché des indépendants s'est réduite de [40-50] % à [10-20] %" ; que "le conseil est d'avis que l'acquisition de Blanchet n'apporte pas au progrès économique une contribution suffisante" pour compenser cette atteinte à la concurrence ;

Considérant que sur le marché parisien, le conseil constate que le rachat de [...] % du capital de Tafanel, s'il constitue bien une opération de concentration, "n'a pas pour effet un accroissement de la part de marché d'Elidis, qui contrôlait [conjointement] déjà ce distributeur depuis de nombreuses années" ; que dès lors le bilan concurrentiel de cette acquisition de contrôle exclusif est neutre ;

Considérant que sur le marché de Poitiers, "l'acquisition de Laclotre a permis au groupe Kronenbourg de détenir une position importante sur le marché local de la distribution de bières à destination des cafés hôtels et restaurants (de l'ordre de [55-65] %), position que le brasseur a sinon augmentée, du moins conservée, grâce à des acquisitions postérieures d'entrepôts de petite taille. La part du réseau intégré France Boissons est, quant à elle, de l'ordre de [10-20] %. Un distributeur indépendant est de taille comparable à France Boissons. Il distribue quasiment exclusivement des bières Interbrew. Au total, les distributeurs indépendants assurent [20-30] % du marché de la distribution de la bière" ; que cette structure de marché porte atteinte la concurrence et que "le conseil est d'avis que l'acquisition de Laclotre n'apporte pas au progrès économique une contribution suffisante" pour la compenser ;

Considérant que "sur le marché d'Angers, le réseau Elidis assure environ [40-50] % de la distribution de la bière aux CHR, dont la plus grande partie est réalisée par l'entrepôt dont l'acquisition fait l'objet de la saisine du ministre. La part de marché cumulée de Elidis et France Boissons est de plus de [70-80] %. En 2000, les entrepositaires indépendants distribuaient moins de [10-20] % des bières à destination des CHR" ; que le conseil ajoute que "un distributeur indépendant, Plumejeau dont la part de marché était estimée à [< 10] %, a été acquis par Interbrew en 2001, portant l'ensemble de la part de marché des réseaux intégrés à environ [80-90] %" ; que le conseil est d'avis "que l'acquisition de Seca n'apporte pas au progrès économique une contribution suffisante" pour compenser l'atteinte à la concurrence qui en résulte ;

Considérant que "sur le marché de la Dordogne, l'acquisition des entrepôts Dordogne boissons et Speed boissons a permis au réseau Elidis d'accroître sa part de marché de respectivement [< 10] % et [< 10] %, la portant à environ [20-30] %. Au total, les réseaux intégrés assurent environ de [40-50] % des ventes de bières aux CHR sur le marché concerné" ; que "le conseil est d'avis que les indépendants permettent aux brasseurs non intégrés d'avoir un accès libre au marché et que ces acquisitions ne portent pas atteinte à la concurrence" ;

Considérant que "sur le marché de Saint-Quentin, l'acquisition de Sobodis a permis au réseau Elidis de porter sa part de marché dans la distribution de bière aux CHR, de [30-40] % en 1996 à [60-70] % en 1998. France Boissons est absente sur la zone, de même qu'Interbrew. Sur ce marché, l'un des entrepôts non intégrés à l'un des trois grands brasseurs, Cardoso, appartient à un brasseur régional indépendant, Les Enfants de Gayant. Sa part de marché est d'environ [< 10] % et concerne presque exclusivement des produits de son brasseur. Un distributeur indépendant de grande taille est également actif sur ce marché : il s'agit de Sogedib Lefranc qui dessert près de [10-20] %, et qui livre quasiment exclusivement des produits Interbrew. Un autre entrepositaire, Roche Poyart, vend en majorité des bières Kronenbourg et est affilié à Distriboissons. Sa part de marché est estimée à [0-10] %" ; que le conseil note encore que "l'approche régionale conduit à des estimations plus modérées de la part de marché du réseau du groupe Kronenbourg. De plus, selon Kronenbourg, sa part de marché sur la zone de Saint-Quentin serait, depuis 1998, retombée à [55-65] %. Au total, compte tenu de la présence d'indépendants de taille significative et en dépit de leur forte coloration, le conseil est d'avis que les brasseurs non intégrés ont accès aux points de vente et que l'acquisition de Sobodis ne porte pas atteinte à la concurrence" ;

Considérant que, comme le conclut le Conseil de la concurrence, "les opérations Ferrer, Feuvrier, Hydral/Kihl et Murgier ne sont pas des concentrations au sens de l'article L. 430-2 avant sa modification par la loi du 15 mai 2001 ; (...) que les opérations Tafanel, Sobodis, Dordogne boissons et Speed boissons ne sont pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés" ;

Considérant que, selon le conseil, les acquisitions de Laclotre, Seca et Blanchet, "qui portent atteinte à la concurrence sur les marchés locaux de la distribution de la bière aux CHR (...) affectent une part significative du marché national de la bière consommée hors domicile" ;

Considérant que l'examen du fonctionnement du marché de la distribution de bière, s'appuyant sur l'avis précité du Conseil de la concurrence, permet de mettre en exergue deux types de problèmes de concurrence dont le traitement dépasse le champ des opérations sur lesquelles le ministre chargé de l'Economie a, par lettre du 8 août 2001, consulté le Conseil de la concurrence ; que ces problèmes résultent du degré d'intégration verticale des distributeurs par plusieurs réseaux de brasseurs, d'une part, et d'autre part des facteurs de rigidité qui caractérisent ce marché, et en particulier les relations contractuelles entre CHR, brasseur et distributeur ; que le titre III du livre IV du Code de commerce, relatif au contrôle des concentrations, ne fournit pas une base légale adéquate pour l'analyse de ces aspects et des éventuels remèdes nécessaires ;

Considérant toutefois qu'en ce qui concerne les marchés locaux examinés, les atteintes à la concurrence résultant des acquisitions réalisées par le groupe Kronenbourg sur les marchés de l'Ile-de-France, de Poitiers/Niort et d'Angers nécessitent que soit recherché si des mesures propres à rétablir une concurrence effective, et proportionnées aux atteintes à la concurrence relevées par le Conseil de la concurrence, peuvent être mises en ouvre ;

Considérant que le groupe Kronenbourg a procédé à des restructurations internes depuis la date des acquisitions ; qu'il est dès lors impossible que soient rétrocédés les entrepôts tels qu'ils avaient été acquis ; qu'il convient dès lors de reconstituer des fonds de commerce comprenant le matériel, le portefeuille de clientèle et les autres éléments nécessaires à l'exploitation, représentant un volume suffisant, pour en mettre en ouvre leur cession, de façon à rétablir une concurrence effective ;

Considérant que, au vu des informations fournies par le groupe Kronenbourg, il apparaît possible de procéder aux cessions suivantes :

sur le marché de l'Ile-de-France, rétrocession de l'établissement de Villeneuve-la-Garenne, compris dans l'acquisition initiale de Blanchet ; cet entrepôt a réalisé en 2003 un chiffre d'affaires de [...] millions d'euro toutes boissons et toutes marques confondues, dont 60 % réalisés via la distribution de bières en fûts, ce qui représente en volume de [...] hl ; il représente aujourd'hui un peu plus de [0-10] points de parts de marché sur la distribution de bières en Ile-de-France, dont le volume total en 2003 est estimé par Kronenbourg à [900 000-925 000] hectolitres ;

sur le marché de Poitiers et sur le marché de Niort, le groupe Kronenbourg propose une rétrocession unique, portant sur l'établissement actuel d'Elidis Poitiers, auquel seraient rattachés la clientèle située sur la zone [...] d'Angers et actuellement servie par l'établissement Elidis d'Angers ; ce nouvel ensemble représente un volume de bière de [...] hl de bières en fûts en 2003 pour l'établissement de Poitiers, et de [...] hectolitres pour la clientèle d'Angers, soit [30-40] % d'un marché de Poitiers/Niort tel qu'il ressort de l'estimation des parties, et [10-20] % du marché d'Angers tel qu'il ressort de l'estimation fournie par les parties ;

Considérant que la rétrocession de l'établissement de Villeneuve-la-Garenne aurait pour effet de ramener la part de marché du réseau Kronenbourg de [30-40] à [20-30] % sur le marché de la distribution de bières en Ile-de-France, sur la base des estimations fournies par les parties pour 2003 ; que, si l'on raisonne sur la base des données rassemblées par le Conseil de la concurrence, la part de marché du groupe Kronenbourg serait également diminuée, de [30-40] à [20-30] % ; qu'il convient également de prendre en compte, pour l'évaluation de cette cession sur le degré de concentration du marché, les cessions enjointes à Heineken dans un arrêté interministériel du même jour, pris après avis n° 04-A-07 du Conseil de la concurrence ; que dès lors, cette cession est de nature à rétablir les conditions d'une concurrence effective sur le marché en cause ;

Considérant que la cession d'un ensemble constitué d'un établissement actif sur le marché de Poitiers et d'une branche d'activité [...] du marché [...] d'Angers aurait pour effet de ramener la part de marché du réseau Kronenbourg de [60-70] à [20-30] % sur le marché de Poitiers/Niort, et de [40-50] à [20-30] % sur le marché d'Angers, tels qu'ils résultent des estimations du groupe Kronenbourg pour 2003 ; que, sur la base des données utilisées par le Conseil de la concurrence, cette cession aboutit au même résultat, les parts de marché du réseau Kronenbourg étant restées quasiment stables sur la période ; que dès lors, cette cession est de nature à rétablir les conditions d'une concurrence effective ;

Considérant que l'ensemble de ces cessions représente un volume total d'un peu plus de [80 000-100 000] hectolitres de bières en fûts (auxquels s'ajoutent les activités de ces entrepositaires en matière de distribution d'autres boissons), là où les acquisitions de nature à porter atteinte à la concurrence aux termes du présent arrêté représentaient un volume total de [175 000-200 000] hl sur la base des données de l'année 2000, ou l'équivalent d'un peu plus de [140 000-160 000] hl en 2003 si l'on rapporte ce volume à l'évolution générale à la baisse du marché de la bière sur les trois dernières années ; que considérées dans leur ensemble, ces cessions permettent ainsi de remédier aux atteintes à la concurrence sur les marchés locaux, résultant des acquisitions examinées dans le présent arrêté ;

Considérant que "le conseil est d'avis qu'à l'avenir, les prises de participation minoritaire dans le capital de distributeurs ne devraient pas être assorties de clauses qui confèrent à Kronenbourg de droit de préemption sur l'intégralité du solde du capital des distributeurs, puisque de telles clauses ont pour effet d'ériger des barrières à l'entrée sur le marché de la distribution, aucun autre acteur que le brasseur ne pouvant devenir propriétaire de l'entrepositaire-grossiste" ; que toutefois, une telle injonction, prise sur le fondement du Code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 1er décembre 1986, manquerait de base légale, s'agissant d'opérations engagées postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 16 mai 2001,

Arrêtent :

Article 1er. Les opérations de concentration réalisées par le groupe Kronenbourg et soumises à l'avis du Conseil de la concurrence en application de l'article L. 430-1 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 15 mai 2001, sont autorisées sous réserve du respect des injonctions énoncées aux articles suivants, propres à rétablir une concurrence suffisante sur les marchés concernés.

Article 2. En Ile-de-France, il est enjoint au groupe Kronenbourg de procéder à la cession de l'établissement de Villeneuve-la-Garenne.

Article 3. Dans la région de Poitiers et d'Angers, il est enjoint au groupe Kronenbourg de procéder à la cession de l'établissement Elidis de Poitiers, auquel est adjoint une partie de l'activité de l'actuel établissement Elidis d'Angers, couvrant une clientèle située [...] et représentant en 2003 un volume d'affaires de [...] hl de bières.

Article 4. Les injonctions visées aux articles précédents consistent en la cession, à un acquéreur agréé par le ministre chargé de l'Economie, des éléments suivants :

* cession du fonds de commerce de l'établissement cédé ;

transfert de l'ensemble du portefeuille clients effectivement servis par l'établissement cédé et des contrats y attachés à la date du présent arrêté, assorti d'une clause d'abstention de démarchage de ceux-ci pendant deux ans de la part du cédant ;

* transfert des salariés affectés au fonctionnement de l'établissement cédé, et notamment du personnel commercial ;

* transfert des éléments corporels (bâtiments ou baux commerciaux, matériels, camions...).

Article 5. Les injonctions visées aux articles précédents devront être exécutées dans un délai de [...] mois à compter de la notification du présent arrêté au groupe Kronenbourg. Jusqu'à l'exécution des injonctions mentionnées aux articles précédents, il est enjoint au groupe Kronenbourg d'assurer le maintien de la pleine valeur économique et concurrentielle des entrepôts objets de ces cessions.

Article 6. Le groupe Kronenbourg désignera dans un délai de [...] mois à compter de la notification du présent arrêté un mandataire indépendant, dont l'identité et le mandat seront soumis à l'agrément du ministre chargé de l'Economie, chargé de rendre compte au ministre chargé de l'Economie, tous les deux mois, de la gestion pendant la période transitoire des activités à céder et du progrès des opérations de cession, en particulier l'identification des acquéreurs potentiels ; si, au terme de la période de [...] mois mentionnée à l'article 5, le groupe Kronenbourg n'a pas procédé aux cessions enjointes aux articles précédents, le mandataire se verra confier un mandat irrévocable de cession des entrepôts mentionnés aux articles précédents.

Article 7. Le groupe Kronenbourg rendra compte tous les deux mois de l'exécution des présentes injonctions au ministre chargé de l'Economie.

Article 8. Le Directeur Général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes et le directeur des politiques économique et internationale sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté, qui sera publié au Bulletin officiel de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes.

(1) Les opérations ayant été réalisées avant la date de publication du décret d'application des dispositions de la loi NRE en matière de contrôle des concentrations, ce sont les dispositions du Code de commerce avant sa modification qui continuent de s'appliquer.

(2) Arrêt de la CJCE du 28 février 1991, Stergios Delimitis c/ Henninger Braeu AG, n° affaire C-234-89.