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Décisions

CJCE, 4 décembre 1986, n° 205-84

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission des Communautés européennes, Royaume des Pays-Bas, Royaume-Uni

Défendeur :

République fédérale d'Allemagne, Royaume de Belgique, Royaume de Danmark, République française, Irlande, République italienne

CJCE n° 205-84

4 décembre 1986

LA COUR,

1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 14 août 1984, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CEE, un recours visant à faire constater que la République fédérale d'Allemagne,

a) En appliquant la Versicherungsaufsichtsgesetz (loi relative au contrôle des entreprises d'assurance, ci-après la "VAG"), dans la version de la quatorzième loi de modification du 29 mars 1983 (BGBl I, p. 377), laquelle soumet à l'obligation d'établissement et d'agrément les entreprises d'assurances de la Communauté désireuses de fournir en République fédérale d'Allemagne - par des représentants, mandataires, agents et autres intermédiaires - des prestations d'assurance directe (à l'exception des assurances de transport), et interdit aux intermédiaires d'assurance établis en République fédérale d'Allemagne de proposer à des résidents des contrats d'assurance avec des assureurs établis dans un autre Etat membre, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 59 et 60 du traité ;

b) en mettant en vigueur et en appliquant la quatorzième loi de modification de la VAG, précitée, visant à transposer la directive 78-473 du Conseil, du 30 mai 1978, portant coordination des dispositions législatives, règlementaires et administratives en matière de coassurance communautaire (JO L 151, p. 25), a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 59 et 60 du traité et de la directive susmentionnée, dans la mesure où les dispositions de la loi prescrivent pour la coassurance communautaire que l'apériteur (dans le cas de risques situés en République fédérale d'Allemagne) doit y être établi et autorisé à y couvrir également seul les risques assurés ;

c) en fixant, par l'intermédiaire du Bundesaufsichtsamt fur das Versicherungswesen (Office fédéral de contrôle des assurances) et dans le cadre de la transposition de la directive susmentionnée, des seuils trop élevés pour les risques dans les branches assurance incendie, responsabilité civile véhicules aériens et responsabilité civile générale - risques pouvant faire l'objet d'une coassurance communautaire - dans la mesure où la coassurance en tant que service est exclue de ce fait en République fédérale d'Allemagne pour les risques situés au-dessous des seuils, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 1er, paragraphe 2, et de l'article 8 de la directive 78-473 ainsi que des articles 59 et 60 du traité.

2. La Commission a également introduit des recours en manquement contre la République française (affaire 220-83), le Danemark (affaire 252-83) et l'Irlande (affaire 206-84) relatifs à la transposition, par ces Etats membres, de la directive 78-473 précitée. Dans ces recours, la Commission fait valoir des griefs qui concordent largement avec ceux soulevés sous b) et c) dans la présente affaire. Par contre, ces recours ne comportent pas de griefs qui correspondent à celui sous a), bien que, dans lesdits Etats membres, les législations générales sur le contrôle des entreprises d'assurance comportent des restrictions similaires à celles qui font l'objet de ce grief.

3. Dans la présente affaire, les Gouvernements belge, danois, français, irlandais et italien sont intervenus au soutien de la République fédérale d'Allemagne, alors que les Gouvernements britannique et néerlandais sont intervenus à l'appui de la Commission.

4. En ce qui concerne les dispositions de la législation allemande en cause, les directives communautaires de coordination dans le secteur de l'assurance et les moyens et arguments tant des parties au recours que des parties intervenantes, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

I - Sur la recevabilité

5. A titre liminaire, il convient d'examiner certains problèmes de recevabilité qui ont été débattus devant la Cour.

6. Le Gouvernement irlandais a fait valoir que, en introduisant l'ensemble de ces recours, la Commission tente d'anticiper sur les procédures déjà engagées par le Conseil en vertu de l'article 57, paragraphe 2, du traité. La proposition de deuxième directive concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie (JO 1976, C 32, p. 2, ci-après dénommée "la proposition de deuxième directive"), actuellement soumise à l'examen du Conseil, traiterait exactement les mêmes problèmes de délimitation de la libre prestation des services qui sont en cause en l'espèce. En fait, la Commission demanderait à la Cour d'assurer la mission que le traité a assignée au Conseil.

7. A cet égard, il convient de rappeler que, selon l'article 155 du traité, il incombe à la Commission de veiller à l'application des dispositions du traité. Dans l'accomplissement de cette mission, il lui appartient, si elle estime qu'un Etat membre a manqué à une des obligations qui incombent à celui-ci en vertu du traité, d'introduire un recours en application de l'article 169. Le seul fait que la proposition d'un acte législatif, dont l'adoption et la transposition en droit national seraient de nature à mettre fin à l'infraction alléguée par la Commission, se trouve déjà soumise au Conseil, n'exclut pas que la Commission introduise un tel recours en manquement.

8. Les Gouvernements français et irlandais ont soutenu qu'en réalité la Commission met en cause la conformité avec le traité de la directive 78-473 et, partant, conteste la légalité de celle-ci. Or, la Commission n'aurait pas introduit en temps utile un recours en annulation contre cette directive. Ces gouvernements expriment, dès lors, des doutes sérieux quant à la recevabilité de l'action de la Commission, qui tend à remettre en cause un texte de droit communautaire réputé définitif.

9. Il y a lieu de constater que cette argumentation met en lumière une divergence d'interprétation de la directive. Dans son recours, la Commission entend celle-ci dans un sens conforme à son interprétation des articles 59 et 60 du traité, alors que les deux gouvernements comprennent la directive de manière contraire à ladite interprétation des articles 59 et 60. Or, ces problèmes d'interprétation ne peuvent être tranchés qu'au moment de l'examen du fond de l'affaire.

10. Dans ces conditions, rien ne s'oppose à ce que la Cour procède à l'examen au fond.

II - Sur le fond

A - Quant au premier grief de la Commission

1) Sur l'objet du grief

11. Il résulte du texte même des conclusions de la Commission que le premier grief porte sur les obligations d'agrément et d'établissement imposées par la VAG à tout prestataire de service dans le secteur de l'assurance directe en général, à l'exception des assurances de transport, qui ne sont pas soumises à ces obligations, et de la coassurance communautaire qui fait l'objet des deuxième et troisième griefs. En outre, la Cour prend acte du fait que, lors de la procédure orale, la Commission a précisé que le recours ne concerne pas les assurances obligatoires.

12. En revanche, répondant à une question de la Cour, la Commission a expliqué que, contrairement aux griefs relatifs à la coassurance communautaire, le premier grief concerne également les assurances sur la vie. Au cours de la procédure orale, le Gouvernement allemand a confirmé qu'il n'a jamais mis en doute que ces assurances étaient visées par la procédure en manquement. Certains des gouvernements intervenant au soutien de la République fédérale d'Allemagne ont cependant considéré la réponse de la Commission comme une tentative d'étendre l'objet du recours, les privant ainsi de la possibilité de faire état de situations particulières au secteur des assurances sur la vie.

13. A cet égard, il convient de constater que l'avis motivé de même que la requête sont rédigés dans des termes généraux et visent des dispositions allemandes qui, elles, s'appliquent également aux assurances sur la vie. Il est vrai que ces deux documents ne mentionnent que la directive 73-239 du Conseil, du 24 juillet 1973, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité de l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie, et son exercice (JO L 228, p. 3), et la directive 78-473 précitée relative à la coassurance communautaire et non pas la directive 79-267 du Conseil, du 5 mars 1979, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité de l'assurance directe sur la vie, et son exercice (JO L 63, p. 1). Cette circonstance peut toutefois s'expliquer par le fait que, sur les points pertinents pour le présent recours, la directive de 1979 ne diffère pas de celle de 1973. Bien que les assurances sur la vie posent effectivement des problèmes spécifiques, notamment en ce qui concerne les conditions d'assurance et le placement des provisions techniques, ces problèmes peuvent être distingués de ceux des exigences d'établissement et d'agrément qui sont les seules à être contestées par la Commission dans le cadre du premier grief. Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer la réponse de la Commission comme une précision et non pas comme une extension du recours.

14. Dans sa conclusion relative au premier grief, la Commission a mentionné, de manière séparée, l'interdiction faite par la VAG aux intermédiaires établis en République fédérale d'Allemagne de proposer à des résidents des contrats d'assurance avec des assureurs établis dans un autre Etat membre. Lors de la procédure devant la Cour, la Commission et le Gouvernement britannique ont soutenu que de tels intermédiaires, en donnant des conseils sur le choix d'assurances et d'assureurs, agissent dans le seul intérêt des preneurs d'assurance. Les raisons tenant à la protection de ceux-ci, que le Gouvernement allemand a invoquées, ne pourraient donc aucunement justifier cette interdiction et cela d'autant moins que, selon ce dernier Gouvernement, la VAG n'interdit pas aux preneurs d'assurance résidant sur le territoire allemand de s'adresser directement à l'entreprise d'assurance étrangère en cause.

15. Le Gouvernement allemand a répliqué que, lorsque le preneur d'assurance s'adresse, de sa propre initiative, directement à l'entreprise d'assurance étrangère, il est conscient de renoncer à la protection de la législation de son pays. Par contre, dans le cas d'un intermédiaire établi en République fédérale d'Allemagne, le preneur d'assurance s'adresserait à une entreprise indigène qui, toutefois, exerce ses activités dans l'intérêt des entreprises d'assurance et, en l'occurrence, dans celui d'une entreprise qui n'est ni établie ni agréée en Allemagne. L'interdiction en cause constituerait donc un complément nécessaire aux exigences d'établissement et d'agrément.

16. Sur ce point, il convient de rappeler que la profession d'intermédiaire dans le secteur des assurances ne fait l'objet d'aucune réglementation communautaire permettant à la Cour de constater qu'un tel intermédiaire exerce ses activités dans l'intérêt de l'une ou de l'autre partie au contrat d'assurance. En outre, la circonstance que le contrat d'assurance a été négocié à l'aide d'un intermédiaire non mandaté par l'entreprise d'assurance étrangère ne saurait changer la nature de ce contrat en tant que prestation de service fournie par cette dernière entreprise au preneur d'assurance. Il s'ensuit que, en ce qui concerne les règles sur la libre prestation des services, l'interdiction en cause ne peut être dissociée du grief concernant les obligations d'établissement et d'agrément imposées à l'entreprise d'assurance en tant que prestataire de services et qu'il suffit donc, pour la Cour, de statuer sur ce grief.

17. Il y a donc lieu de conclure que le premier grief de la Commission concerne le secteur de l'assurance dans son ensemble, à l'exception des assurances de transport, de la coassurance communautaire et des assurances obligatoires et qu'il vise les exigences d'établissement et d'agrément imposées par la législation allemande aux assureurs communautaires en tant que prestataires de services au sens du traité.

2) Sur la notion de prestation de services en matière d'assurance

18. Selon l'article 59, paragraphe 1, du traité, la suppression des restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté s'étend à tous les services fournis par des ressortissants des Etats membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation. Aux termes de l'article 60, alinéa 1, sont considérées comme services, au sens du traité, les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes.

19. En ce qui concerne les prestations de services ainsi définies, ces articles exigent la suppression de toute restriction à leur libre circulation, sous réserve toutefois des dispositions de l'article 61 et de celles des articles 55 et 56 auxquelles renvoie l'article 66. Alors que ces dernières dispositions ne sont pas en cause dans le présent recours, le Gouvernement italien a rappelé que, selon l'article 61, paragraphe 2, la libération des assurances qui sont liées à des mouvements de capitaux doit être réalisée en harmonie avec la libération progressive de la circulation des capitaux. A cet égard, il convient toutefois de relever que déjà la première directive du Conseil, du 11 mai 1960, pour la mise en œuvre de l'article 67 du traité (JO 1960, p. 921), a prévu que les Etats membres accordent toute autorisation de change afférente aux mouvements de capitaux, requise pour les transferts en exécution de contrats d'assurance, au fur et à mesure que ces contrats sont admis au bénéfice de la libre circulation des services en exécution des articles 59 et suivants du traité.

20. Si les règles sur les mouvements de capitaux ne sont donc pas de nature à restreindre la liberté de conclure des contrats d'assurance sous forme de prestations de services en vertu des articles 59 et 60, se pose toutefois le problème de la délimitation du champ d'application de ces articles par rapport à celui des dispositions du traité relatives au droit d'établissement.

21. A cet égard, il convient d'admettre qu'une entreprise d'assurance d'un autre Etat membre qui maintient, dans l'Etat membre en cause, une présence permanente relève des dispositions du traité sur le droit d'établissement et cela même si cette présence n'a pas pris la forme d'une succursale ou d'une agence, mais s'exerce par le moyen d'un simple bureau, géré par le propre personnel de l'entreprise, ou d'une personne indépendante, mais mandatée pour agir en permanence pour celle-ci comme le ferait une agence. En raison de la définition précitée contenue dans l'article 60, alinéa 1, une telle entreprise d'assurance ne saurait donc se prévaloir des articles 59 et 60 pour ce qui est de ses activités dans l'Etat membre en cause.

22. De même, ainsi que la Cour l'a constaté dans son arrêt du 3 décembre 1974 (van Binsbergen, 33-74, Rec. p. 1299), on ne saurait denier à un Etat membre le droit de prendre des dispositions destinées à empêcher que la liberté garantie par l'article 59 soit utilisée par un prestataire dont l'activité serait entièrement ou principalement tournée vers son territoire, en vue de se soustraire aux règles professionnelles qui lui seraient applicables au cas où il serait établi sur le territoire de cet Etat, une telle situation pouvant être justiciable du chapitre relatif au droit d'établissement et non de celui des prestations de service.

23. Il convient enfin de mentionner que, le champ d'application des articles 59 et 60 étant défini en fonction des lieux d'établissement ou de résidence du prestataire des services et de leur destinataire, il peut se poser des problèmes particuliers lorsque le risque couvert par le contrat d'assurance est situé sur le territoire d'un Etat autre que celui du preneur d'assurance, destinataire des services. Ces problèmes qui n'ont pas fait l'objet de débats devant la Cour ne seront pas examinés par celle-ci dans le cadre de la présente affaire. L'examen suivant ne concerne donc que les assurances contre des risques se situant dans l'Etat membre du preneur d'assurance (ci-après dénommé "l'Etat destinataire").

24. Il découle de ce qui précède que les prestations de services qu'il faut examiner en vue de statuer sur le présent recours concernent les seuls contrats d'assurance contre des risques situés dans un Etat membre et conclus, par un preneur d'assurance établi ou résidant dans cet Etat, avec un assureur qui est établi dans un autre Etat membre et qui ne maintient aucune présence permanente dans le premier Etat ni ne dirige ses activités entièrement ou principalement vers le territoire de cet Etat.

III) Sur la conformité des exigences litigieuses avec les articles 59 et 60 du traité

25. Selon une jurisprudence constante de la Cour, les articles 59 et 60 du traité sont devenus d'application directe à l'expiration de la période de transition, sans que leur applicabilité soit subordonnée à l'harmonisation ou à la coordination des législations des Etats membres. Ces articles exigent l'élimination non seulement de toutes discriminations à l'encontre du prestataire en raison de sa nationalité, mais également de toutes restrictions à la libre prestation de services imposées en raison de la circonstance qu'il est établi dans un Etat membre autre que celui où la prestation doit être fournie.

26. Etant donné que le Gouvernement allemand et certains des gouvernements intervenant à son appui se sont référés à l'article 60, alinéa 3, pour faire valoir que l'Etat destinataire peut appliquer sa législation de contrôle également aux assureurs établis dans un autre Etat membre, il convient d'ajouter, ainsi que la Cour l'a précisé, notamment dans son arrêt du 17 décembre 1981 (Webb, 279-80, Rec. p. 3305), que ledit alinéa a pour but, en premier lieu, de rendre possible au prestataire l'exercice de son activité dans l'Etat membre destinataire sans discrimination par rapport aux ressortissants de cet Etat. Il n'implique cependant pas que toute législation nationale applicable aux ressortissants de cet Etat et visant normalement une activité permanente des entreprises établies dans celui-ci puisse être appliquée intégralement et de la même manière à des activités, de caractère temporaire, exercées par des entreprises établies dans d'autres Etats membres.

27. La Cour a cependant admis, notamment dans ses arrêts du 18 janvier 1979 (van Wesemael, 110 et 111-78, Rec. p. 35) et du 17 décembre 1981 (Webb, 279-80, précité), que, compte tenu de la nature particulière de certaines prestations de services, on ne saurait considérer comme incompatibles avec le traité des exigences spécifiques imposées au prestataire, qui seraient motivées par l'application de règles régissant ces types d'activités. Toutefois, la libre prestation des services, en tant que principe fondamental du traité, ne peut être limitée que par des réglementations justifiées par l'intérêt général et s'appliquant à toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l'Etat destinataire, dans la mesure où cet intérêt n'est pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l'Etat membre où il est établi. En outre, lesdites exigences doivent être objectivement nécessaires en vue de garantir l'observation des règles professionnelles et d'assurer la protection des intérêts qui constitue l'objectif de celles-ci.

28. Il convient de constater que les exigences en cause dans la présente affaire, à savoir les obligations imposées à un assureur, établi dans un autre Etat membre, agréé par l'autorité de contrôle de celui-ci et soumis au contrôle de cette autorité, d'avoir un établissement stable sur le territoire de l'Etat destinataire et d'obtenir un agrément séparé auprès de l'autorité de contrôle de cet Etat, constituent des restrictions à la libre prestation des services en ce qu'elles rendent plus onéreuses ces prestations dans l'Etat destinataire, notamment lorsque les activités de l'assureur dans cet Etat présentent un caractère purement occasionnel.

29. Il s'ensuit que ces exigences ne peuvent être considérées comme compatibles avec les articles 59 et 60 du traité que s'il est établi qu'il existe, dans le domaine de l'activité considérée, des raisons impérieuses liées à l'intérêt général qui justifient des restrictions à la libre prestation des services, que cet intérêt n'est pas déjà assuré par les règles de l'Etat d'établissement et que le même résultat ne peut pas être obtenu par des règles moins contraignantes.

a) Sur l'existence d'un intérêt justifiant certaines restrictions à la libre prestation des services en matière d'assurances

30. Ainsi que le Gouvernement allemand et les parties intervenant à son appui l'ont affirmé, sans être contredits par la Commission ni par les Gouvernements britannique et néerlandais, le secteur de l'assurance constitue un domaine particulièrement sensible du point de vue de la protection du consommateur en tant que preneur d'assurance et assuré. Cela résulte notamment du caractère spécifique de la prestation de l'assureur qui est liée à des évènements futurs dont la survenance ou, en tout cas, le moment de celle-ci reste incertain à l'époque où le contrat est conclu. L'assuré qui, après un sinistre, n'en obtient pas le dédommagement peut se trouver dans une situation très précaire. De même, il est, en règle générale, extrêmement difficile pour le preneur d'assurance d'apprécier si les perspectives d'évolution de la situation financière de l'assureur et les clauses du contrat, le plus souvent imposées par ce dernier, lui donnent suffisamment de garantie d'être dédommagé en cas de sinistre.

31. Il faut, en outre, prendre en considération, comme le Gouvernement allemand l'a relevé, que, dans certaines branches, l'assurance est devenue un phénomène de masse. En effet, des contrats sont conclus par un très grand nombre de preneurs d'assurance, à tel point que la sauvegarde des intérêts des assurés et des tiers lésés touche pratiquement toute la population.

32. Ces caractéristiques particulières, propres au secteur de l'assurance, ont conduit tous les Etats membres à introduire des législations soumettant les entreprises d'assurances à des règles impératives, en ce qui concerne aussi bien leur situation financière que les conditions d'assurance qu'elles appliquent, et à un contrôle permanent du respect de ces règles.

33. Il apparaît donc qu'il existe, dans le domaine en cause, des raisons impérieuses liées à l'intérêt général qui peuvent justifier des restrictions à la libre prestation des services, à condition toutefois que les règles de l'Etat d'établissement ne suffisent pas pour atteindre le niveau de protection nécessaire et que les exigences de l'Etat destinataire n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire à cet égard.

b) Sur le point de savoir si l'intérêt général n'est pas déjà assuré par les règles de l'Etat d'établissement

34. La Commission ainsi que les Gouvernements britannique et néerlandais soutiennent que, en tout cas depuis l'adoption des premières directives de coordination 73-239 et 79-267, les considérations de protection susmentionnées sont dans une large mesure sauvegardées par le contrôle des autorités de l'Etat d'établissement.

35. A cet égard, il convient de relever, à titre liminaire, que, selon leurs visas, leurs considérants et le libellé de leurs dispositions, ces deux directives visent à faciliter la création de succursales ou d'agences dans un Etat membre autre que celui du siège. Elles règlent les relations entre, d'une part, la législation et l'autorité de contrôle de l'Etat du siège et, d'autre part, celles des Etats où l'entreprise a établi des succursales ou agences, mais elles ne visent pas les activités que l'entreprise exerce sous forme de prestations de service au sens du traité. Par conséquent, il n'est pas possible d'appliquer les dispositions de ces directives à la relation entre l'Etat d'établissement, où se trouvent le siège, la succursale ou l'agence, et l'Etat dans lequel la prestation de service est fournie. Cette relation n'est visée que dans la proposition de deuxième directive.

36. Il y a cependant lieu d'examiner si les deux premières directives ont néanmoins prévu des conditions d'exercice des activités d'assurance suffisamment équivalentes dans toute la Communauté et des possibilités de contrôle suffisamment efficaces, pour que les restrictions imposées par les Etats destinataires aux entreprises prestataires de services soient supprimées dans leur totalité ou, du moins, en partie.

37. En ce qui concerne la situation financière des entreprises d'assurance, les deux directives contiennent des dispositions très détaillées sur le patrimoine libre de l'entreprise, à savoir son capital propre. Ces dispositions visent à assurer la solvabilité de l'entreprise et les directives imposent à l'autorité de contrôle de l'Etat membre du siège de vérifier l'état de solvabilité de l'entreprise "pour l'ensemble de ses activités". Cette formule doit être entendue comme comprenant également les activités exercées sous forme de prestations de services. Il s'ensuit que l'Etat destinataire n'est pas en droit de procéder lui-même à de telles vérifications, mais doit accepter un certificat de solvabilité établi par l'autorité de contrôle de l'Etat membre, sur le territoire duquel est situé le siège social de l'entreprise prestataire de services. Selon le Gouvernement allemand, qui n'a pas été contredit par la Commission, tel est le cas en République fédérale d'Allemagne.

38. Par contre, les deux directives n'ont pas procédé à l'harmonisation des règles nationales concernant les réserves ou provisions techniques, c'est-à-dire les moyens financiers qui sont immobilisés pour servir de garantie aux engagements pris en vertu de contrats souscrits et qui sont distincts du capital propre de l'entreprise. A cet égard, les directives ont expressément réservé l'harmonisation nécessaire à des directives ultérieures. Les directives 73-239 et 79-267 ont donc laissé à chaque pays d'exploitation le soin de régler selon son propre droit le calcul de telles réserves et de déterminer la nature et l'évaluation des actifs qui en constituent la contrepartie. Les actifs correspondant aux activités exercées dans l'Etat membre en cause doivent être localisés dans cet Etat et leur existence contrôlée par l'autorité de contrôle de celui-ci, bien que les directives prévoient l'obligation, pour l'Etat du siège, de veiller à ce que le bilan de l'entreprise présente des actifs congruents et équivalents aux engagements contractés dans tous les pays où elle exerce ses activités. La suppression de cette exigence de localisation n'est proposée que dans le projet de deuxième directive, qui vise notamment l'harmonisation des dispositions nationales relatives aux réserves techniques.

39. Pendant la procédure devant la Cour, le Gouvernement allemand et les gouvernements intervenus à son appui ont démontré l'existence d'importantes différences entre les règles nationales actuellement en vigueur et relatives aux réserves et provisions techniques, ainsi qu'aux actifs qui en constituent la contrepartie. A défaut d'une harmonisation à cet égard et de toute règle imposant à l'autorité de contrôle de l'Etat membre d'établissement de contrôler le respect des règles en vigueur dans l'Etat destinataire, il convient d'admettre que celui-ci est justifié à exiger et à contrôler le respect de ses propres règles sur les réserves et provisions techniques par rapport aux prestations de service fournies sur son territoire, dès lors que ces règles ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer la protection des preneurs d'assurance et des assurés.

40. Enfin, en ce qui concerne les conditions d'assurance, les deux premières directives de coordination ne comportent aucune harmonisation et laissent à chaque Etat membre d'exploitation le soin de veiller au respect de ses propres règles impératives par rapport aux activités exercées sur son territoire. La proposition de deuxième directive détermine le champ d'application de telles règles impératives et exclut leur application à certaines assurances de caractère commercial, qui sont définies de manière détaillée. Compte tenu des différences considérables entre les règles nationales à cet égard, il convient de constater que, sur ce point également et sous la même réserve, l'Etat membre destinataire est justifié à exiger et à contrôler le respect de ses propres règles par rapport aux prestations de services fournies sur son territoire.

41. Il y a donc lieu de reconnaître que, en l'état actuel du droit communautaire, les considérations sur la protection des preneurs d'assurance et des assurés qui ont été décrites ci-dessus justifient que l'Etat membre destinataire assure l'application de sa propre législation en ce qui concerne les réserves ou provisions techniques et les conditions d'assurance, dès lors que les exigences de cette législation ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer la protection des preneurs d'assurance et des assurés. Il reste dès lors à examiner s'il est nécessaire que ce contrôle s'effectue dans le cadre d'un régime d'agrément et sous la condition que l'entreprise d'assurance dispose d'un établissement stable dans l'Etat destinataire.

c) Sur la nécessité d'un régime d'agrément

42. La Commission ne conteste pas à l'Etat destinataire le droit d'exercer un certain contrôle à l'égard des entreprises d'assurance qui fournissent des prestations de services sur son territoire. Lors de la procédure orale, elle a même admis la possibilité de prévoir certaines mesures de contrôle préalables à tout exercice d'activités sous forme de prestations de services par l'entreprise concernée. Elle a toutefois maintenu que de telles mesures doivent être prises dans le cadre d'un régime moins contraignant que celui d'un agrément, sans toutefois expliciter les modalités éventuelles d'un tel régime.

43. Le Gouvernement allemand et les gouvernements intervenus à son appui font valoir que le contrôle nécessaire ne peut être exercé en dehors d'un régime d'agrément permettant un examen préalable au commencement des activités, une surveillance continue de celles-ci et la possibilité de retirer l'agrément en cas d'infractions graves et persistantes.

44. A cet égard, il convient de relever que, dans tous les Etats membres, le contrôle des entreprises d'assurance est organisé dans le cadre d'un régime d'agrément et que la nécessité d'un tel système est reconnue par les deux premières directives de coordination pour ce qui concerne les activités visées par elles. Selon les articles 6 de ces directives, chaque Etat membre fait dépendre l'accès à l'activité de l'assurance sur son territoire d'un agrément administratif. L'entreprise qui établit des succursales ou des agences dans des Etats membres autres que celui du siège doit donc obtenir un agrément auprès de l'autorité de contrôle de chacun de ces Etats.

45. Il est à noter, d'ailleurs, que la proposition de deuxième directive prévoit le maintien de ce régime. Pour chaque Etat membre où l'entreprise désire exercer ses activités sous forme de prestations de services, elle doit obtenir un agrément administratif. Si, selon le projet, cet agrément doit être obtenu auprès de l'autorité de contrôle de l'Etat d'établissement, cette autorité doit toutefois consulter préalablement celle de l'Etat destinataire en lui transmettant copie de l'ensemble du dossier. Le projet envisage en outre une collaboration permanente entre les deux autorités de contrôle permettant notamment à celle de l'Etat d'établissement de prendre toutes mesures utiles, pouvant aller jusqu'au retrait de l'agrément, pour mettre fin aux infractions qui lui ont été signalées par l'autorité de contrôle de l'Etat destinataire.

46. Dans ces circonstances, on ne saurait rejeter l'argument du Gouvernement allemand selon lequel seule l'exigence d'un agrément peut assurer, de manière efficace, le contrôle qui, compte tenu des considérations précédentes, est justifié par des raisons tenant à la protection des consommateurs en tant que preneurs d'assurance et assurés. Etant donné qu'un système, tel que celui proposé dans le projet de deuxième directive, qui confie l'administration du régime d'agrément à l'Etat membre d'établissement en collaboration étroite avec l'Etat destinataire ne peut être instauré que par la voie législative, il faut également admettre que, en l'état actuel du droit communautaire, il appartient à l'Etat destinataire d'accorder et de retirer cet agrément.

47. Il convient toutefois de souligner que l'agrément doit être accordé sur demande à toute entreprise, établie dans un autre Etat membre, qui remplit les conditions prévues par la législation de l'Etat destinataire, que ces conditions ne peuvent pas faire double emploi avec les conditions légales équivalentes déjà remplies dans l'Etat d'établissement et que l'autorité de contrôle de l'Etat destinataire doit prendre en considération les contrôles et vérifications déjà effectués dans l'Etat membre d'établissement. Or, selon le Gouvernement allemand qui, sur ce point, n'a pas été contredit par la Commission, le régime d'agrément allemand est pleinement conforme à ces exigences.

48. Il convient encore d'examiner si l'exigence d'agrément qui, selon la VAG, concerne toute activité d'assurance à l'exception des assurances de transport, est justifiée dans sa généralité. A cet égard, il a été souligné notamment par le Gouvernement britannique que la libre circulation des services est d'importance surtout pour les assurances commerciales et que, précisément pour ces assurances, les raisons de protection du preneur d'assurance invoquées par le Gouvernement allemand et les Gouvernements intervenus à son appui ne jouent pas.

49. Il découle de ce qui précède que l'exigence d'agrément ne peut être maintenue que dans la mesure où elle est justifiée par les raisons de protection du preneur d'assurance et de l'assuré invoquées par le Gouvernement allemand. Il convient également d'admettre que ces raisons n'ont pas la même importance pour tout le secteur de l'assurance et qu'il peut même exister des cas où, en raison du caractère du risque assuré et du preneur d'assurance, il n'y a aucun besoin de protéger celui-ci par l'application des règles impératives de son droit national.

50. Toutefois, s'il est vrai que la proposition de deuxième directive a tenu compte de ces considérations en excluant, notamment, les assurances de caractère commercial, définies de façon détaillée, de l'application des règles impératives de l'Etat destinataire, il faut également constater que, compte tenu des éléments de droit et de fait dont elle dispose, la Cour n'est pas en mesure d'introduire une telle distinction générale et d'en fixer les limites avec suffisamment de précision pour déterminer les cas particuliers dans lesquels les besoins de protection, caractéristiques des activités d'assurance en général, ne justifient pas l'exigence d'un agrément.

51. Il découle de ce qui précède que le premier grief de la Commission doit être rejeté dans la mesure où il est dirigé contre l'exigence d'agrément.

d) Sur la nécessité de l'établissement

52. Si l'exigence d'un agrément constitue une restriction à la libre prestation des services, l'exigence d'un établissement stable est en fait la négation même de cette liberté. Elle a pour conséquence d'enlever tout effet utile à l'article 59 du traité, dont l'objet est précisément d'éliminer les restrictions à la libre prestation des services de la part de personnes non-établies dans l'Etat sur le territoire duquel la prestation doit être fournie (voir, notamment, les arrêts du 3 décembre 1974, précité, du 26 novembre 1975, Coenen, 39-75, Rec. p. 1547, et du 10 février 1982, Transporoute, 76-81, Rec. p. 417). Pour qu'une telle exigence soit admise, il faut établir qu'elle constitue une condition indispensable pour atteindre l'objectif recherché.

53. A cet égard, le Gouvernement allemand fait observer notamment que l'exigence d'un établissement dans l'Etat destinataire met l'autorité de contrôle de cet Etat à même de vérifier sur place et d'une manière continue l'activité exercée par l'assureur agréé et que, sans cette exigence, cette autorité serait incapable d'exécuter sa mission.

54. Dans sa jurisprudence, la Cour a déjà souligné, en dernier lieu dans son arrêt du 3 février 1983 (van Luipen, 29-82, Rec. p. 151), que des considérations d'ordre administratif ne sauraient justifier une dérogation, par un Etat membre, aux règles du droit communautaire. Cette considération s'applique d'autant plus lorsque la dérogation en cause revient à exclure l'exercice d'une des libertés fondamentales garanties par le traité. En l'espèce, il ne suffit donc pas que la présence sur place de tous les documents nécessaires pour le contrôle des autorités de l'Etat destinataire soit de nature à faciliter l'accomplissement de la mission de celles-ci. Il faut encore démontrer que, même dans le cadre d'un régime d'agrément, ces autorités ne pourraient exécuter leur mission de contrôle de manière efficace sans que l'entreprise dispose, dans ledit Etat membre, d'un établissement stable possédant tous les documents nécessaires.

55. Une telle démonstration n'a pas été faite. Ainsi qu'il a été constaté ci-dessus, le droit communautaire en matière d'assurance ne s'oppose pas, dans son Etat actuel, à ce que l'Etat destinataire exige que les actifs qui correspondent aux réserves ou provisions techniques afférentes aux activités exercées sur son territoire soient localisés dans cet Etat. Dans ce cas, la présence de ces actifs peut être vérifiée sur place, même si l'entreprise ne dispose d'aucun établissement stable dans ledit Etat. Pour les autres conditions de l'activité soumises à contrôle, il apparaît à la Cour que ce contrôle peut être exercé en se fondant sur des copies de bilans, comptes et documents commerciaux, y compris des conditions d'assurance et des programmes d'activités, envoyées à partir de l'Etat d'établissement et dûment certifiées par les autorités de cet Etat membre. Dans le cadre d'un régime d'agrément, il est possible de soumettre l'entreprise à de telles conditions de contrôle dans l'acte d'agrément et d'en assurer le respect, le cas échéant, au moyen d'un retrait de cet acte.

56. Ainsi, il n'a pas été établi que les considérations admises ci-dessus et tenant à la protection du preneur d'assurance et de l'assuré, rendent indispensable l'établissement de l'assureur sur le territoire de l'Etat destinataire.

57. Pour ce qui est du premier grief de la Commission, il y a donc lieu de conclure que la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 59 et 60 du traité CEE, en soumettant, par la Versicherungsaufsichtsgesetz, à l'obligation d'avoir un établissement sur son territoire les entreprises d'assurance de la Communauté désireuses d'y fournir, par des représentants, mandataires, agents et autres intermédiaires, des prestations d'assurance directe à l'exception des assurances de transports, sous réserve toutefois des assurances obligatoires et des assurances pour lesquelles l'assureur soit maintient une présence permanente devant être assimilée à une agence ou succursale, soit dirige ses activités entièrement ou principalement vers le territoire de la République fédérale d'Allemagne.

B - Quant au deuxième grief de la Commission

58. Par son deuxième grief, la Commission cherche à faire constater un manquement aussi bien à la directive 78-473 sur la coassurance communautaire qu'aux articles 59 et 60 du traité. Ce grief se fonde cependant, tout comme le premier grief, sur la thèse que les obligations d'agrément et d'établissement sont contraires aux articles 59 et 60 du traité, en ce qui concerne l'ensemble du secteur de l'assurance. Pour la Commission, il n'y a donc aucune raison de distinguer à cet égard entre la situation de l'assureur en général et celle de l'apériteur en particulier. La République fédérale d'Allemagne aurait ainsi commis une infraction auxdits articles lorsque, en transposant la directive 78-473 en droit national, elle a uniquement dispensé les autres coassureurs, et non l'apériteur, de ces obligations.

59. La Commission reconnaît que la directive est ambiguë sur ce point, mais elle soutient que celle-ci doit être interprétée dans le sens de la conformité avec le traité, ce que les Etats membres ont admis dans leur déclaration commune figurant au procès-verbal de la réunion du Conseil du 23 mai 1978. Par conséquent, la directive ne pourrait en aucune manière être considérée comme obligeant l'apériteur à être agréé et à s'établir dans l'Etat membre où le risque est situé.

60. Pour sa part, le Gouvernement allemand renvoie à la distinction opérée par la directive 78-473 entre l'apériteur et les autres coassureurs. Les dispositions de cette directive relatives à l'apériteur, et notamment l'article 2, paragraphe 1, sous c), en ce qu'il renvoie à la directive 73-239, démontreraient que le pays du risque peut exiger que l'apériteur soit établi et agréé sur son territoire, de sorte qu'il puisse couvrir seul tout le risque. Par conséquent, la législation allemande ne violerait ni la directive 78-473 ni les articles 59 et 60 du traité.

61. Il est vrai que ladite disposition de la directive prévoit que "l'apériteur est agréé dans les conditions prévues par la première directive de coordination, c'est-à-dire qu'il est traité comme l'assureur qui couvrirait la totalité du risque". La directive n'indique toutefois pas dans quel Etat membre l'apériteur doit être agréé et il découle des constatations ci-dessus sous a) que, selon le droit communautaire, un assureur, déjà agréé et établi dans un Etat membre, ne doit pas nécessairement être établi dans un autre Etat membre pour pouvoir couvrir la totalité d'un risque situé sur le territoire de ce dernier Etat.

62. Ainsi que la Cour l'a constaté dans son arrêt du 13 décembre 1983 (Commission/Conseil, 218-82, Rec. p. 4063), lorsqu'un texte de droit dérivé communautaire est susceptible de plus d'une interprétation, il convient de donner la préférence à celle qui rend la disposition conforme au traité plutôt qu'à celle conduisant à constater son incompatibilité avec celui-ci. Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu d'interpréter la directive isolément, mais d'examiner si les exigences en cause sont ou non contraires aux dispositions du traité précitées, et d'appliquer le résultat de cet examen en vue de l'interprétation de la directive.

63. Or, en ce qui concerne le secteur de l'assurance en général, la Cour a déjà constaté ci-dessus que l'obligation d'établissement est incompatible avec les articles 59 et 60 du traité. Par conséquent, une exigence dans ce sens vis-à-vis de l'apériteur ne peut être fondée sur la directive 78-473. Il suffit donc d'examiner si l'obligation pour l'apériteur d'être agréé dans le pays du risque est conforme au droit communautaire.

64. A cet égard, il ressort de l'examen du premier grief que l'exigence d'agrément, dans l'Etat destinataire, d'une entreprise d'assurance prestataire de services ne peut être considérée comme compatible avec le traité que dans la mesure où elle est justifiée par des raisons tenant à la protection du consommateur en tant que preneur d'assurance ou assuré. Or, selon son article 1er, paragraphe 2, la directive 78-473 ne concerne que les assurances contre des risques qui, par leur nature ou par leur importance, nécessitent la participation de plusieurs assureurs pour leur garantie. En outre, selon son article 1er, paragraphe 1, la directive ne s'applique qu'aux opérations de coassurance communautaire portant sur certains des risques énumérés à l'annexe de la directive 73-239. Par exemple, elle ne concerne ni les assurances sur la vie, ni les assurances contre les accidents et la maladie, ni les assurances de responsabilité civile résultant de la circulation routière. Les assurances visées par la directive ne sont prises que par des grandes entreprises ou des groupes d'entreprises qui sont en mesure d'apprécier et de négocier les polices d'assurance qui leur sont proposées ; par conséquent, les arguments tirés de la protection des consommateurs n'ont pas la même pertinence que dans le cas d'autres formes d'assurance.

65. Il ressort également de l'examen du premier grief que l'exigence d'agrément dans l'Etat destinataire n'est pas non plus justifiée si l'entreprise prestataire de services remplit déjà des conditions équivalentes dans l'Etat membre d'établissement et s'il est instauré un système de collaboration entre les autorités de contrôle des Etats membres intéressés, qui assure un contrôle efficace du respect de telles conditions également en ce qui concerne les prestations de services. Or, comme il ressort des considérants de la directive 78-473, celle-ci vise à réaliser le minimum de coordination estimé nécessaire pour faciliter l'exercice effectif de l'activité de coassurance communautaire et la directive organise une collaboration particulière entre les autorités de contrôle des Etats membres et entre ces autorités et la Commission qui, pour les prestations de services dans le secteur de l'assurance en général, n'est prévue que dans la proposition de deuxième directive.

66. D'ailleurs, une différence de traitement à cet égard entre l'apériteur et les autres coassureurs n'apparaît pas objectivement justifiée. En effet, si c'est à l'apériteur qu'il revient de négocier le contrat et d'en assurer l'exécution, rien ne s'oppose à ce qu'il couvre une partie du risque bien inférieure à celle des autres coassureurs.

67. Dans ces conditions et pour les assurances comprises dans la directive 78-473 sur la coassurance, non seulement l'exigence d'établissement mais aussi l'obligation d'agrément de l'apériteur prévues par la VAG sont en contradiction avec les articles 59 et 60 du traité et, donc, également avec la directive.

68. Il y a donc lieu de constater que la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 59 et 60 du traité CEE et de la directive 78-473 du Conseil, dans la mesure où les dispositions de sa législation prescrivent pour la coassurance communautaire que l'apériteur, dans le cas de risques situés en République fédérale d'Allemagne, doit y être établi et agréé.

C - Quant au troisième grief de la Commission

69. Selon son libellé, le troisième grief concerne le niveau des seuils fixés en République fédérale d'Allemagne pour certains risques faisant l'objet de la coassurance communautaire. Toutefois, au cours de la procédure devant la Cour, la Commission a précisé que ce grief est en réalité dirigé contre l'existence même de tels seuils.

70. Il convient cependant de constater qu'il s'agit là d'un grief différent et plus étendu que celui formulé dans les conclusions de la requête. Sa recevabilité ne peut donc être admise. En ce qui concerne le grief initial, la Commission n'a apporté aucune argumentation visant à démontrer que le niveau des seuils fixés par la législation allemande est trop élevé.

71. Il s'ensuit que le troisième grief de la Commission doit être rejeté.

III - Sur les dépens

72. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Toutefois, selon le paragraphe 3, alinéa 1, du même article, la Cour peut compenser les dépens en totalité ou en partie, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Chacune des parties ayant succombé sur certains chefs du recours, il y a lieu de compenser les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

déclare et arrête :

1°) La République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 59 et 60 du traité CEE, en soumettant, par la Versicherungsaufsichtsgesetz, a l'obligation d'établissement les entreprises d'assurance de la Communauté désireuses de fournir dans cet Etat membre, par des représentants, mandataires, agents et autres intermédiaires, des prestations d'assurance directe à l'exception des assurances de transports, sous réserve toutefois des assurances obligatoires et des assurances pour lesquelles l'assureur soit maintient une présence permanente devant être assimilée à une agence ou succursale, soit dirige ses activités entièrement ou principalement vers le territoire de la République fédérale d'Allemagne.

2°) La République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 59 et 60 du traité CEE et de la directive 78-473 du Conseil, du 30 mai 1978, portant coordination des dispositions législatives, règlementaires et administratives en matière de coassurance communautaire, en prescrivant pour les prestations de services relevant de la coassurance communautaire que l'apériteur, dans le cas de risques situés en République fédérale d'Allemagne, doit y être établi et agréé.

3°) Le recours est rejeté pour le surplus.

4°) Chacune des parties, y inclus les parties intervenantes, supportera ses propres dépens.