CA Chambéry, ch. soc., 4 mars 2003, n° 02-01306
CHAMBÉRY
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Arve Intérim (SA)
Défendeur :
Feppon ; Forlin
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rogier
Conseillers :
MM. Boulmier, Gallice
Avocats :
Mes Ribes, Grosso
Par ordonnance de référé en date du 31 mai 2002 à laquelle il convient de se rapporter pour l'exposé des faits et de la procédure, le Conseil de prud'hommes d'Annecy, sur saisine de la société Arve Intérim du 21 mai 2002 limitée aux seules violations des clauses de non-concurrence :
- a pris acte que cette dernière ne poursuivait plus l'instance à l'encontre de Monsieur Feppon,
- l'a déboutée de ses demandes en liquidation de l'astreinte sus visée à l'encontre du seul Monsieur Forlin pour un montant de 23 019,95 euro jusqu'au 14 mai 2002 et en élévation de la dite astreinte à la somme journalière de 457,35 euro à compter du 15 mai 2002 et en paiement de frais irrépétibles.
La société Arve Intérim a interjeté appel de cette décision le 14 juin 2002. Elle demande la réformation de l'ordonnance entreprise et sollicite la liquidation de l'astreinte prononcée par une précédente ordonnance de référé du 14 décembre 2001 jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir et que soit élevé l'astreinte à la somme journalière de 500 euro à compter du même arrêt. Elle sollicite le versement d'une somme de 2 000 euro pour frais irrépétibles.
Messieurs Forlin et Feppon sollicitent quant à eux la confirmation de l'ordonnance du 31 mai 2002, au motif que les clauses de non-concurrence insérées dans leur contrat de travail sont nulles faute de prévoir une contrepartie financière.
Motifs de la décision
Attendu qu'en application du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et des dispositions de l'article L. 120-2 du Code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ;
Qu'une clause de non-concurrence n'est dès lors licite que si elle comporte notamment obligation pour l'employeur de verser une contrepartie financière, un salarié ne pouvant en effet être privé de son libre droit au travail sans une compensation significative ;
Que l'exigence d'une telle contrepartie répond à l'application de proportionnalité entre le droit légitime de l'ex-employeur de protéger les intérêts de son entreprise et le droit de l'ex-salarié d'exercer librement une activité professionnelle, droit qui suppose une indemnisation dés lors qu'il y a une restriction à celui-ci du fait de l'existence d'une clause de non-concurrence ;
Que cette exigence d'une contrepartie financière est tout aussi nécessaire lorsque la rupture du contrat de travail résulte de la démission du salarié auquel est imposé par l'employeur une obligation de non-concurrence ;
Que le contrat de travail conclu sans détermination de durée peut en effet cesser à l'initiative d'une des parties contractantes, l'article L. 122-4 du Code du travail consacrant un principe d'ordre public du droit à la démission qui ne saurait ainsi priver le salarié de son droit à contrepartie financière ;
Attendu en l'espèce que la société Arve Intérim, qui exploite une agence de travail temporaire sous l'enseigne Alp'inter à Rumilly, a employé respectivement depuis le premier décembre 1997 et le 22 novembre 1999 Messieurs Forlin et Feppon, l'un comme directeur d'agence et l'autre comme agent technico-commercial ;
Que tous deux ont démissionné par courrier du 28 mai 2001 avec effet au 30 juin pour Monsieur Forlin, par courrier du 13 juillet 2001 avec effet au 17 août pour Monsieur Feppon ;
Que le contrat de travail de ces deux salariés comportait une clause de non-concurrence prévoyant notamment qu'en cas de licenciement autre que pour faute grave ou lourde, la société Arve Intérim se réservait la possibilité, soit de lever la clause, soit de la maintenir en payant pendant la durée de non-concurrence une indemnité égale à 20 % de la moyenne mensuelle de la rémunération versée aux salariés pour la première année et de 10 % pour la deuxième année ;
Qu'aucune contrepartie financière n'était donc prévue en cas de démission des salariés, la société Arve Intérim, qui n'a pas levé la clause et l'a au contraire rappelée à Monsieur Forlin et Feppon lors de leur départ de l'entreprise, n'ayant d'ailleurs procédé à aucun versement à ce titre ;
Que pour ce seul motif les clauses de non-concurrence, qui limitent les possibilités d'emploi de Messieurs Forlin et Feppon, sont donc nulles, faute de prévoir une contrepartie financière en cas de démission et ce nonobstant les dispositions moins favorables de l'accord national des entreprises de travail temporaire relatifs aux salariés permanents qui ne sauraient dés lors trouver application ;
Qu'il ne peut donc être reproché à Messieurs Forlin et Feppon une violation de la clause de non-concurrence insérée dans leur contrat de travail respectif comme cela est également jugé par un autre arrêt du même jour sur appel d'une ordonnance de référé du 14 décembre 2001 ;
Que l'ordonnance déférée sera donc confirmée et la société Arve Intérim déboutée de toutes ses demandes en liquidation et élévation d'astreinte, étant précisé que sa saisine par assignation du 21 mai 2002 est limitée aux seules violations des clauses de non-concurrence ;
Attendu que la société Arve Intérim, qui succombe en ses prétentions et supportera les dépens, ne peut prétendre à l'application à son profit des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme l'ordonnance déférée du 31 mai 2002 et déboute la société Arve Intérim de toutes ses demandes, Condamne la société Arve Intérim aux dépens d'appel.