CJCE, 1re ch., 26 mai 2005, n° C-20/03
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Burmanjer, Alexander Van Der Linden, De Jong
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Jann
Avocat général :
M. Léger
Juges :
MM. Rosas Lenaerts, von Bahr, Schiemann
Avocat :
Me Van Der Graesen
LA COUR (première chambre),
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation des articles 28 CE, 39 CE et 49 CE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d'une procédure pénale engagée à l'encontre de MM. Burmanjer, Van Der Linden et De Jong, ressortissants néerlandais, prévenus d'avoir vendu sur la voie publique à Ostende (Belgique), sans avoir obtenu une autorisation préalable, des abonnements à des périodiques pour le compte de la société de droit allemand Alpina GmbH (ci-après "Alpina").
Le cadre juridique
3 La loi du 25 juin 1993 sur l'exercice d'activités ambulantes et l'organisation des marchés publics (Belgisch Staatsblad, 30 septembre 1993, p. 21526, ci-après la "loi sur l'exercice d'activités ambulantes"), entrée en vigueur le 18 juin 1995, prévoit, à son article 3, premier alinéa, que l'exercice de telles activités "sur le territoire du Royaume [de Belgique] est subordonné à l'autorisation préalable du ministre ou du fonctionnaire de niveau 1 délégué par lui", et que "[c]ette autorisation est temporaire, personnelle et incessible".
4 L'article 2, premier alinéa, de la loi sur l'exercice d'activités ambulantes dispose qu'"[e]st considérée comme activité ambulante toute vente, offre en vente ou exposition en vue de la vente de produits au consommateur, effectuée par un commerçant en dehors des établissements mentionnés dans son immatriculation au registre du commerce ou par une personne ne disposant pas d'un établissement de ce genre".
5 Aux termes de l'article 5, 3°, de ladite loi, ne sont pas soumises aux dispositions de celle-ci "la vente des journaux et périodiques, ainsi que la conclusion d'abonnement à des journaux pour autant qu'il s'agisse de la desserte régulière d'une clientèle fixe et locale, les ventes par correspondance et les ventes effectuées par distributeurs automatiques".
6 Selon l'article 13, paragraphe 1, 1° et 3°, de la loi sur l'exercice d'activités ambulantes, sont punis d'un emprisonnement et d'une amende, ou de l'une de ces deux peines seulement, ceux qui exercent une activité ambulante sans être titulaires d'une autorisation préalable ou en méconnaissance des conditions ou des interdictions mentionnées dans celle-ci.
7 Les mesures d'exécution de la loi sur l'exercice d'activités ambulantes ont été adoptées par l'arrêté royal du 3 avril 1995 (Belgisch Staatsblad, 3 avril 1995, p. 16398). Celui-ci prévoit que l'autorisation d'exercer une activité ambulante doit mentionner expressément l'objet de l'activité en cause. La durée de validité d'une telle autorisation est de six ans au maximum. Son titulaire doit être en possession de celle-ci lors de l'exercice de son activité. Ladite autorisation doit être présentée à toute réquisition de la police, de la gendarmerie ou des fonctionnaires chargés de la surveillance et du contrôle d'une telle activité.
La procédure au principal et les questions préjudicielles
8 MM. Burmanjer, Van Der Linden et De Jong ont fait l'objet de poursuites pour avoir vendu, sur la voie publique à Ostende, des abonnements à des périodiques pour le compte d'Alpina. Il ressort des indications fournies à la Cour en réponse aux questions écrites de cette dernière, adressées aux parties au principal et au Gouvernement belge, en application de l'article 54 bis du règlement de procédure, que les prévenus travaillaient pour cette société en tant que représentants indépendants et qu'il s'agissait de la vente ambulante d'abonnements à des périodiques de langues néerlandaise et allemande, édités par des sociétés établies aux Pays-Bas et en Allemagne.
9 M. De Jong ne bénéficiait d'aucune autorisation de vente ambulante. L'autorisation dont disposait M. Burmanjer visait uniquement la vente d'articles de papeterie ainsi que de bureau et celle de M. Van Der Linden se limitait à la vente au domicile du consommateur. Considérant que ces derniers avaient violé diverses dispositions de la loi sur l'exercice d'activités ambulantes, l'Openbaar Ministerie a engagé une procédure pénale à leur encontre devant le rechtbank van eerste aanleg te Brugge. Par jugement rendu par défaut le 8 mai 2002, cette juridiction les a reconnus coupables d'avoir exercé une activité ambulante sans autorisation préalable.
10 Lesdits prévenus ayant fait opposition audit jugement, le rechtbank van eerste aanleg te Brugge l'a annulé et a procédé à un nouvel examen de l'affaire.
11 Considérant que l'application des dispositions de droit national sur le fondement desquelles les prévenus sont poursuivis nécessite l'interprétation de certaines dispositions de droit communautaire, le rechtbank van eerste aanleg te Brugge a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
"1) Les articles 2, 3, 5, 3°, et 13 de la loi [...] sur l'exercice d'activités ambulantes [...], pris isolément ou en combinaison et interprétés en ce sens qu'ils soumettent la vente d'abonnements à des périodiques sur le territoire belge par la voie d'activités ambulantes, que ce soit par des ressortissants belges ou par d'autres ressortissants de l'[Union européenne], à l'autorisation préalable du ministre ou du fonctionnaire de niveau 1 délégué par lui, et érigent même en infraction les manquements à cette obligation, sont-ils contraires aux articles [28 CE] à [30 CE] [...], [...] [39 CE] et suivants [...] ou [49 CE] et suivants [...], en ce qu'il en résulte qu'une société allemande qui vend ou souhaite vendre en Belgique, par l'intermédiaire de vendeurs établis aux Pays-Bas, des abonnements à des périodiques est a priori tenue d'obtenir une autorisation préalable et temporaire, et qu'une méconnaissance de ces dispositions est même érigée en infraction, alors que les impératifs que le législateur souhaite ainsi protéger pourraient être sauvegardés selon d'autres modalités, moins restrictives [?]
2) Le fait que cette même loi [...] ne soumet néanmoins pas la vente de journaux, de périodiques ou même d'abonnements à des journaux à cette autorisation préalable a-t-il une incidence pour répondre à la première question [?]"
Sur les questions préjudicielles
12 Par ses questions, qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 28 CE, 39 CE ou 49 CE s'opposent à un régime national, tel que celui prévu par la loi sur l'exercice d'activités ambulantes, qui érige en infraction la vente ambulante sur le territoire national, sans autorisation préalable, d'abonnements à des périodiques (ci-après le "régime national de vente ambulante").
13 Ladite juridiction s'interroge plus particulièrement sur la proportionnalité entre ce régime et le but recherché étant donné que, d'après elle, les intérêts que le législateur national souhaite ainsi protéger pourraient être préservés par d'autres modalités moins restrictives. Elle attire l'attention notamment sur le fait que, en vertu de l'article 5, 3°, de la loi sur l'exercice d'activités ambulantes, la vente des journaux et périodiques ainsi que la conclusion d'abonnements à des journaux, pour autant qu'il s'agit de la desserte régulière d'une clientèle fixe et locale, ne sont pas soumises à une autorisation préalable.
Observations soumises à la Cour
14 La Commission des Communautés européennes estime que le régime des activités ambulantes doit être apprécié exclusivement au regard des articles 28 CE à 30 CE. Ledit régime concernerait une "modalité de vente" au sens conféré à cette notion par l'arrêt du 24 novembre 1993, Keck et Mithouard (C-267-91 et C-268-91, Rec. p. I-6097), et il pourrait, dans les conditions fixées par cet arrêt, échapper au champ d'application de l'article 28 CE.
15 La Commission considère que la décision de renvoi ne contient pas suffisamment d'éléments pour apprécier si lesdites conditions sont remplies dans les circonstances de l'affaire au principal. Elle fournit néanmoins quelques éléments d'appréciation à cet égard. En règle générale, les périodiques en provenance d'États membres autres que le Royaume de Belgique seraient beaucoup moins présents sur le marché national que leurs équivalents belges et le consommateur serait beaucoup plus familiarisé avec ces derniers. La vente ambulante d'abonnements à des périodiques constituerait une méthode idéale pour faire connaître aux consommateurs les périodiques d'origine étrangère et simplifierait, en outre, les formalités de souscription à ceux-ci. Or, à la lumière de ces éléments, il ne saurait être exclu que le régime national de vente ambulante soit de nature à gêner davantage l'accès au marché des produits originaires d'autres États membres que celui des produits nationaux. Il appartiendrait cependant à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est le cas dans l'affaire dont elle est saisie.
16 La Commission soutient que, dans l'hypothèse où la juridiction de renvoi considérerait que le régime national de vente ambulante relève du champ d'application de l'article 28 CE, elle devrait établir si un tel régime poursuit un objectif d'intérêt général au sens de la jurisprudence inaugurée par l'arrêt du 20 février 1979, Rewe-Zentral, dit "Cassis de Dijon" (120-78, Rec. p. 649), et s'il respecte le principe de proportionnalité. Elle fait valoir à cet égard que la distinction opérée par la loi sur l'exercice d'activités ambulantes entre, d'une part, la vente ambulante d'abonnements à des périodiques et, d'autre part, celle d'abonnements à des journaux est difficile à comprendre.
Réponse de la Cour
17 Afin de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi, il importe d'identifier les dispositions du traité CE qui trouvent à s'appliquer dans les circonstances de l'affaire au principal et d'examiner le régime national de vente ambulante au regard de celles-ci.
18 En premier lieu, il convient de relever que, pour ce qui est de l'applicabilité de l'article 39 CE, MM. Burmanjer, Van Der Linden et De Jong agissaient pour le compte d'Alpina en tant que représentants indépendants. En contrepartie de leurs prestations, cette société leur versait une commission.
19 Selon une jurisprudence constante, la caractéristique essentielle de la relation de travail réside dans le fait qu'une personne accomplit, pendant un certain temps, en faveur d'une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle reçoit une rémunération (voir, notamment, arrêts du 3 juillet 1986, Lawrie-Blum, 66-85, Rec. p. 2121, points 16 et 17; du 12 mai 1998, Martínez Sala, C-85-96, Rec. p. I-2691, point 32, et du 31 mai 2001, Leclere et Deaconescu, C-43-99, Rec. p. I-4265, point 55). Or, il est constant que, dans l'affaire au principal, il n'existait pas, entre les prévenus et Alpina, une relation de travail au sens de cette jurisprudence.
20 Dès lors, l'article 39 CE ne trouve pas à s'appliquer dans l'affaire soumise à la juridiction de renvoi.
21 En deuxième lieu, quant à l'applicabilité de l'article 28 CE, il importe de rappeler que, en vertu de son article 2, premier alinéa, la loi sur l'exercice d'activités ambulantes porte sur toute vente, offre en vente ou exposition en vue de la vente de produits au consommateur, effectuée par un commerçant en dehors des établissements mentionnés dans son immatriculation au registre du commerce ou par une personne ne disposant pas d'un tel établissement. Pour ce qui est plus particulièrement du régime national de vente ambulante, celui-ci tend à régir, s'agissant des abonnements à des périodiques, une certaine modalité de vente, à savoir la commercialisation par voie d'activités ambulantes. Il n'est pas contesté que ces périodiques sont des marchandises. La procédure au principal, quant à elle, trouve son origine dans une situation où une société de droit allemand vend ou souhaite vendre en Belgique, par l'intermédiaire de vendeurs indépendants, qui sont des ressortissants néerlandais, des abonnements à des périodiques édités par des sociétés établies aux Pays-Bas et en Allemagne.
22 Dans de telles circonstances, il convient de constater que le régime national de vente ambulante se rattache à la libre circulation des marchandises. À cet égard, la Cour a déjà eu l'occasion de se prononcer sur la compatibilité, avec les articles 28 CE à 30 CE, de diverses dispositions nationales régissant des méthodes de commercialisation (voir, notamment, arrêts du 16 mai 1989, Buet et EBS, 382-87, Rec. p. 1235, points 7 à 9; du 30 avril 1991, Boscher, C-239-90, Rec. p. I-2023, points 13 à 21; du 13 janvier 2000, TK-Heimdienst, C-254-98, Rec. p. I-151, points 29 à 31, et du 25 mars 2004, Karner, C-71-02, Rec. p. I-3025, point 39).
23 Pour établir si ledit régime relève de l'interdiction prévue à l'article 28 CE, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, toute réglementation commerciale des États membres susceptible d'entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire doit être considérée comme une mesure d'effet équivalent à des restrictions quantitatives et, à ce titre, est interdite par cet article (voir, notamment, arrêts du 11 juillet 1974, Dassonville, 8-74, Rec. p. 837, point 5; du 19 juin 2003, Commission/Italie, C-420-01, Rec. p. I-6445, point 25, et Karner, précité, point 36).
24 La Cour a cependant précisé, au point 16 de l'arrêt Keck et Mithouard, précité, que des dispositions nationales limitant ou interdisant certaines modalités de vente qui, d'une part, s'appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national et, d'autre part, affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d'autres États membres ne sont pas de nature à entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce entre les États membres, au sens de la jurisprudence inaugurée par l'arrêt Dassonville, précité.
25 Par la suite, la Cour a qualifié de dispositions régissant des modalités de vente au sens de l'arrêt Keck et Mithouard, précité, des dispositions concernant en particulier certaines méthodes de commercialisation (voir, notamment, arrêts du 15 décembre 1993, Hünermund e.a., C-292-92, Rec. p. I-6787, points 21 et 22; du 2 juin 1994, Tankstation 't Heukske et Boermans, C-401-92 et C-402-92, Rec. p. I-2199, points 12 à 14, et TK-Heimdienst, précité, point 24).
26 Ainsi qu'il ressort du point 21 du présent arrêt, le régime national de vente ambulante concerne une méthode de commercialisation. Il est constant qu'il n'a pas pour objet de régir les échanges de marchandises entre les États membres. Il ne peut cependant échapper à l'interdiction prévue à l'article 28 CE que s'il satisfait aux deux conditions rappelées au point 24 du présent arrêt.
27 En ce qui concerne la première de ces conditions, il ressort de la décision de renvoi et des indications fournies à la Cour par le Gouvernement belge que la procédure d'autorisation préalable s'applique, sans distinguer selon l'origine des produits en cause, à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire belge et que l'accès au commerce ambulant est identique pour les ressortissants nationaux et ceux des autres États membres.
28 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la première condition énoncée par l'arrêt Keck et Mithouard, précité, est satisfaite dans les circonstances de l'affaire au principal.
29 S'agissant de la seconde condition, il convient de relever que le régime national de vente ambulante ne prévoit pas une interdiction totale d'une modalité de vente, dans un État membre, d'un produit qui y est licitement commercialisé. Ce régime se borne à ériger en infraction la vente ambulante, sans autorisation préalable, d'abonnements à des périodiques, et ceci, selon le Gouvernement belge, pour des motifs relatifs notamment à la protection des consommateurs. En outre, toutes les ventes ambulantes d'abonnements ne sont pas visées. Selon ledit Gouvernement, le besoin d'une protection particulière ne joue ni pour les ventes d'abonnements à des périodiques effectuées notamment lors de marchés annuels et d'expositions ni pour la conclusion d'abonnements à des journaux pour autant qu'il s'agit de la desserte régulière d'une clientèle fixe et locale.
30 Il est constant qu'un régime national, tel que le régime de vente ambulante, est en principe susceptible de restreindre le volume total des ventes des produits en cause dans l'État membre concerné et, par conséquent, de diminuer également le volume des ventes de marchandises en provenance d'autres États membres. Il est également incontestable que la vente ambulante d'abonnements peut s'avérer une bonne méthode pour faire connaître aux consommateurs des périodiques de toutes origines. La Commission soutient à cet égard que cette dernière constatation serait vérifiée en particulier pour ce qui concerne les périodiques d'origine étrangère.
31 Toutefois, les éléments dont la Cour dispose ne lui permettent pas d'établir avec certitude si le régime national de vente ambulante affecte la commercialisation des produits originaires d'États membres autres que le Royaume de Belgique plus lourdement que celle des produits en provenance de ce dernier. Cependant, il semble ressortir des éléments du dossier transmis à la Cour que, si ce régime devait avoir une telle incidence, celle-ci serait trop insignifiante et aléatoire pour pouvoir être considérée comme étant de nature à entraver ou à gêner d'une autre manière le commerce entre les États membres.
32 Dans de telles conditions, il incombe à la juridiction de renvoi, qui est saisie de l'affaire au principal et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, de vérifier si, eu égard aux circonstances de l'affaire au principal et notamment à la lumière des considérations développées aux points 29 à 31 du présent arrêt, l'application du droit national est de nature à garantir que le régime national de vente ambulante affecte de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et celle des produits en provenance d'autres États membres. Dans l'hypothèse où tel ne serait pas le cas, il appartiendrait à ladite juridiction d'établir si un tel régime est justifié par un objectif d'intérêt général au sens de la jurisprudence inaugurée par l'arrêt Cassis de Dijon, précité, et s'il est proportionné à cet objectif.
33 En troisième lieu, pour ce qui est de l'applicabilité de l'article 49 CE, il convient de rappeler, ainsi qu'il ressort déjà du point 21 du présent arrêt, que le régime national de vente ambulante concerne les conditions exigées pour la commercialisation d'un certain type de marchandises. Selon la jurisprudence de la Cour, un tel régime est, en principe, soumis aux dispositions du traité régissant la libre circulation des marchandises et non à celles relatives à la libre prestation des services (voir, en ce sens, arrêt Boscher, précité, points 8 à 10).
34 Il ne saurait cependant être exclu que la vente d'un produit puisse s'accompagner d'une activité comportant des aspects de "services". Néanmoins, cette circonstance ne saurait suffire, à elle seule, pour qualifier une opération économique, telle que la vente ambulante en cause au principal, de "prestation de services" au sens de l'article 49 CE. En effet, il convient d'établir, dans chaque cas d'espèce, si cette prestation constitue ou non un aspect totalement secondaire par rapport aux éléments afférents à la libre circulation des marchandises. Or, dans les circonstances de l'affaire au principal, il apparaît que ce dernier aspect prévaut sur celui de la libre prestation des services.
35 À cet égard, il est de jurisprudence constante que, lorsqu'une mesure nationale se rattache tant à la libre circulation des marchandises qu'à la libre prestation des services, la Cour l'examine, en principe, au regard de l'une seulement de ces deux libertés fondamentales s'il s'avère que l'une de celles-ci est tout à fait secondaire par rapport à l'autre et peut lui être rattachée (voir, en ce sens, arrêts du 24 mars 1994, Schindler, C-275-92, Rec. p. I-1039, point 22; du 22 janvier 2002, Canal Satélite Digital, C-390-99, Rec. p. I-607, point 31, et Karner, précité, point 46).
36 Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'apprécier le régime national de vente ambulante au regard de l'article 49 CE.
37 Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées de la manière suivante:
- l'article 28 CE ne s'oppose pas à un régime national en vertu duquel un État membre érige en infraction la vente ambulante sur son territoire, sans autorisation préalable, d'abonnements à des périodiques, lorsqu'un tel régime s'applique, sans distinguer selon l'origine des produits en cause, à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur ce territoire, pour autant que ce régime affecte de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits originaires de cet État et celle des produits en provenance d'autres États membres.
- Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si, eu égard aux circonstances de l'affaire au principal, l'application du droit national est de nature à garantir que ledit régime affecte de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et celle des produits en provenance d'autres États membres, ainsi que, dans l'hypothèse où tel ne serait pas le cas, d'établir si le régime en cause est justifié par un objectif d'intérêt général au sens que la jurisprudence de la Cour confère à cette notion et s'il est proportionné à cet objectif.
Sur les dépens
38 La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.
Par ces motifs,
LA COUR (première chambre),
Dit pour droit:
L'article 28 CE ne s'oppose pas à un régime national en vertu duquel un État membre érige en infraction la vente ambulante sur son territoire, sans autorisation préalable, d'abonnements à des périodiques, lorsqu'un tel régime s'applique, sans distinguer selon l'origine des produits en cause, à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur ce territoire, pour autant que ce régime affecte de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits originaires de cet État et celle des produits en provenance d'autres États membres.
Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si, eu égard aux circonstances de l'affaire au principal, l'application du droit national est de nature à garantir que ledit régime affecte de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et celle des produits en provenance d'autres États membres, ainsi que, dans l'hypothèse où tel ne serait pas le cas, d'établir si le régime en cause est justifié par un objectif d'intérêt général au sens que la jurisprudence de la Cour confère à cette notion et s'il est proportionné à cet objectif.