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Décisions

Cass. com., 8 juillet 2003, n° 01-02.949

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Subrenat expansion (Sté)

Défendeur :

Eres France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

M. de Monteynard

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Coutard, Mayer, SCP Vuitton, SCP Peignot, Garreau

Pau, du 11 oct. 2000

11 octobre 2000

LA COUR : - Donne acte à M. X, mandataire judiciaire, de sa reprise d'instance en qualité de liquidateur de la société à responsabilité limitée Eres France ; - Donne acte à la compagnie La Zurich de ce qu'elle s'associe au premier moyen de cassation ; - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Subrenat expansion que sur le pourvoi incident relevé par M. Y, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Ouatinage du Cambrésis : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Pau, 11 octobre 2000), que la société Eres France (société Eres) qui commercialise du mobilier, s'est fournie en ouate synthétique auprès de la société Ouatinage de Cambrésis (société Ouatinage), assurée par la société Zurich ; que plusieurs de ses clients s'étant plaints de rétrécissement au lavage de jetés de lits, et la société Eres, ayant été mise en liquidation judiciaire, Mme Z, liquidateur, a assigné la société Ouatinage ainsi que M. Y son liquidateur, en résolution de la vente et en indemnisation de son préjudice ; que M. Y a appelé en garantie la société Subrenat expansion (société Subrenat), son fournisseur ; que la cour d'appel a dit que la société Ouatinage n'avait pas satisfait à son obligation de délivrance à l'égard de la société Eres, a dit que la société Ouatinage sera tenue de réparer l'intégralité du préjudice subi par la société Eres et a condamné la société Subrenat à garantir la société Ouatinage à concurrence de 20 % de la condamnation ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal et sur le pourvoi incident, ce dernier, pris en ses deux branches, réunis : - Attendu que la société Subrenat ainsi que M. Y , ès qualités, reprochent à l'arrêt d'avoir dit que la société Ouatinage n'avait pas satisfait à son obligation de délivrance et qu'elle était tenue de réparer l'intégralité du préjudice subi par la société Eres, alors, selon le moyen : 1°) que relève de la garantie des vices cachés le vice qui rend la chose vendue impropre à l'usage auquel elle est normalement destinée ; qu'en retenant, pour dire qu'elle avait manqué à son obligation de délivrance à l'égard de la société Eres, que la société Ouatinage avait modifié de sa propre initiative à partir de 1994 la qualité du tissu des doublures utilisées pour la confection des jetés de lits vendus à la société Eres, ce qui constituait une modification des termes de la commande, après avoir constaté, d'une part, que les commandes de la société Eres ne spécifiaient aucune qualité particulière et notamment pas d'exigence relative à la stabilité du tissu au lavage et, d'autre part, et surtout, que le vice dont la société Eres se plaignait tenait dans un rétrécissement anormal du tissu au lavage rendant ainsi la chose inapte à l'usage auquel elle était destinée de sorte que seule l'action en garantie des vices cachés pouvait fonder les demandes de l'acquéreur, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1604 du Code civil et par refus d'application l'article 1641 du même Code ; 2°) que constitue un vice caché le défaut rendant la chose impropre à sa destination normale de sorte qu'en disant que la société Ouatinage n'aurait pas satisfait à son obligation de délivrance à l'égard de la société Eres aux motifs qu'elle aurait modifié le tissu d'envers utilisé pour doubler les jetés de lits commandés par cette dernière alors que le vice invoqué à savoir le rétrécissement du tissu au lavage rendait justement la marchandise impropre à sa destination normale et était indécelable au moment de la livraison, la cour d'appel a violé l'article 1641 du Code civil ; 3°) que l'action en résolution de la vente pour non-conformité de la chose livrée n'est ouverte que lorsque la chose livrée ou vendue est différente de celle qui a été commandée, si bien qu'en disant que la société Ouatinage aurait manqué à son obligation de délivrance à l'égard de la société Eres en livrant des jetés de lits dont le tissu rétrécissait au lavage alors que les bons de commande ne comportaient aucune précision ou exigence quant aux conditions de lavage des jetés de lits et se bornaient à faire référence à une doublure Subrenat, ou doublure polycoton, éléments ayant été respectés par le fournisseur, la cour d'appel qui n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales qui s'imposaient a donc violé l'article 1604 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'aucun changement dans les commandes de la société Eres n'était intervenu tandis que de sa propre initiative, la société Ouatinage avait modifié le tissu d'envers utilisé, de sorte que les qualités de stabilité du tissu initial ne se retrouvaient pas dans les jetés de lit litigieux, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la société Ouatinage avait commis un manquement à son obligation de délivrance d'un produit conforme à une commande inchangée depuis l'origine et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Subrenat reproche encore à l'arrêt d'avoir dit qu'ayant manqué à son obligation de conseil, elle sera tenue de supporter les conséquences de l'inexécution imputable à la société Ouatinage à concurrence de 20 %, alors, selon le moyen : 1°) qu'il n'appartient pas à un fabricant de marchandises en gros de s'enquérir de l'usage spécifique auquel son client, façonnier professionnel, destine celles-ci ; qu'en mettant à la charge de la société Subrenat une obligation de conseil concernant la résistance au lavage de ses tissus, sans constater que la société Ouatinage l'avait informée de l'usage spécifique qu'elle leur réservait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1135 et 1147 du Code civil ; 2°) que l'obligation d'information et de conseil du vendeur à l'égard de son client sur l'adaptation du matériel vendu à l'usage auquel il est destiné n'existe à l'égard de l'acquéreur professionnel que dans la mesure où sa compétence ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du produit vendu ; qu'en retenant, pour dire qu'elle devait garantir la société Ouatinage à hauteur de 20 % des condamnations mises à sa charge, que la société Subrenat ne justifiait pas avoir mis en garde la société Ouatinage contre les contraintes ou inconvénients de l'utilisation du nouveau tissu, sans rechercher si les compétences de la société Ouatinage, dont il était pourtant constaté qu'elle était professionnelle de la confection, ne lui permettaient pas de connaître les caractéristiques du nouveau tissu commandé à la société Subrenat et ses précautions d'emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé, d'un côté, que la société Subrenat avait manqué à son obligation de mise en garde en n'informant pas la société Ouatinage des contraintes de l'utilisation du nouveau tissu et, d'un autre côté, que la société Ouatinage, en sa qualité de professionnel de la confection, aurait dû tester ce nouveau produit, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de partage de responsabilité ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : rejette les pourvois tant principal qu'incident.