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Décisions

Cass. 1re civ., 3 juin 1997, n° 95-11.308

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Donzeau

Défendeur :

Sencier

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Rapporteur :

M. Chartier

Avocat général :

M. Sainte-Rose

Avocats :

SCP Coutard, Mayer, Me Brouchot, SCP Urtin-Petit, Rousseau-Van Troeyen

TGI Dax, du 30 juin 1993

30 juin 1993

LA COUR : - Attendu que M. Maze Sencier a acquis le 2 juin 1984, au cours d'une vente aux enchères publiques dirigée par Mme Donzeau, commissaire-priseur à Dax, un bureau plat présenté comme étant d'époque Louis XV ; qu'ayant été informé lors de l'exécution de travaux de restauration en 1990 que ce meuble était un faux, il a assigné Mme Donzeau en réparation de son préjudice ;

Sur le premier moyen : - Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Pau, 30 novembre 1994) d'avoir fait droit à la demande de M. Maze Sencier, alors, selon le moyen, que la charge de la preuve incombe au demandeur en responsabilité civile ; qu'ainsi, celui qui, présentant un meuble faux, soutient que le meuble aurait été acquis par lui aux enchères comme meuble authentique, doit, face à la dénégation du commissaire-priseur, démontrer que ce meuble faux était effectivement celui vendu et acheté par lui plusieurs années auparavant comme authentique et qu'en soutenant que la preuve contraire incombait au commissaire-priseur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve ;

Mais attendu que la cour d'appel n'a pas inversé la charge de la preuve en relevant, par motifs adoptés des premiers juges, qu'il appartenait à Mme Donzeau d'apporter un commencement de preuve de ses allégations et, en constatant qu'elle ne pouvait, " alors qu'elle n'a pas daigné assister aux opérations d'expertise ", soutenir que le meuble présenté à l'expert désigné par le juge de la mise en état, n'est peut-être pas celui qu'elle a vendu à M. Maze Sencier ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que Mme Donzeau reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer une somme de 250 000 francs à M. Maze Sencier, alors selon, le moyen, que, d'une part, le préjudice né de l'acquisition pour vrai d'un meuble faux est égal à la différence entre le prix payé et la valeur réelle du bien acquis et conservé ; qu'il ressort des propres motifs de l'arrêt attaqué que le prix payé par l'acquéreur, qui croyait acheter un bien authentique, était de 241 694,46 francs ; qu'en condamnant Mme Donzeau à payer à cet acquéreur 250 000 francs, sans indiquer quel était le prix réel du bien faux à l'époque de la vente, qui devait être soustrait du prix payé pour déterminer le préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; alors que, d'autre part, en ne s'expliquant pas sur l'écart existant entre le prix payé en vente publique et le montant supérieur de la condamnation, tout en ne prétendant réparer aucun préjudice complémentaire, la cour d'appel a, à nouveau, privé sa décision de base légale ;

Mais attendu que la cour d'appel, tenue d'évaluer le préjudice à la date de sa décision et de le réparer intégralement, en tenant compte de la valeur d'un bien équivalent à cette date et de celle se trouvant dans le patrimoine de l'acheteur, a pu statuer comme elle a fait après avoir souverainement relevé que le bureau, s'il était d'époque, aurait alors valu entre 300 000 francs et 400 000 francs, alors que le meuble acquis par M. Maze Sencier valait au même moment entre 60 000 francs et 70 000 francs ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.