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Décisions

CJCE, 5e ch., 18 septembre 2003, n° C-125/01

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Pflücke

Défendeur :

Bundesanstalt für Arbeit

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Wathelet

Avocat général :

M. Mischo.

Juges :

MM. Timmermans, Edward, Jann, Rosas

CJCE n° C-125/01

18 septembre 2003

LA COUR (cinquième chambre),

1 Par ordonnance du 21 février 2001, parvenue à la Cour le 19 mars suivant, le Sozialgericht Leipzig a posé, en application de l'article 234 CE, trois questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 9 de la directive 80-987-CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur (JO L 283, p. 23).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant M. Pflücke à la Bundesanstalt für Arbeit (Office fédéral du travail, ci-après la "Bundesanstalt") au sujet du paiement d'une indemnité compensatrice de créances salariales impayées pour cause d'insolvabilité de l'employeur ("Konkursausfallgeld", ci-après l'"indemnité d'insolvabilité").

Le cadre juridique communautaire

3 La directive 80-987 vise à assurer aux travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur un minimum de protection défini au niveau communautaire.

4 L'article 3 de la directive 80-987 oblige les États membres à prendre les mesures nécessaires afin que des institutions de garantie assurent le paiement des créances impayées des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail et portant sur la rémunération afférente à la période qui se situe avant une date déterminée. L'article 4 de ladite directive permet aux États membres d'apporter certaines limitations à cette obligation de paiement des institutions de garantie sans, toutefois, envisager la possibilité de prévoir un délai de forclusion.

5 L'article 5 de la directive 80-987 dispose:

"Les États membres fixent les modalités de l'organisation, du financement et du fonctionnement des institutions de garantie en observant notamment les principes suivants:

a) le patrimoine des institutions doit être indépendant du capital d'exploitation des employeurs et être constitué de telle façon qu'il ne puisse être saisi au cours d'une procédure en cas d'insolvabilité;

b) les employeurs doivent contribuer au financement, à moins que celui-ci ne soit assuré intégralement par les pouvoirs publics;

c) l'obligation de paiement des institutions existe indépendamment de l'exécution des obligations de contribuer au financement."

6 L'article 9 de cette directive dispose:

"La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d'appliquer ou d'introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables aux travailleurs salariés."

7 L'article 10 de la même directive énonce:

"La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres:

a) de prendre les mesures nécessaires en vue d'éviter des abus;

b) de refuser ou de réduire l'obligation de paiement visée à l'article 3 ou l'obligation de garantie visée à l'article 7 s'il apparaît que l'exécution de l'obligation ne se justifie pas en raison de l'existence de liens particuliers entre le travailleur salarié et l'employeur et d'intérêts communs concrétisés par une collusion entre ceux-ci."

Le cadre juridique national

8 En vertu de l'article 141 b, paragraphe 1, première phrase, de l'Arbeitsförderungsgesetz (loi sur la promotion du travail), du 25 juin 1969 (BGBl. 1969 I, p. 582), dans sa version applicable à l'époque des faits au principal (ci-après l'"AFG"), a droit à une indemnité au titre de créances de salaires impayées pour cause de faillite le travailleur salarié qui, à la date d'ouverture de la procédure de faillite relative au patrimoine de son employeur, dispose encore de créances de salaires portant sur les trois derniers mois de la relation de travail qui précèdent cette date.

9 L'article 141 e, paragraphe 1, de l'AFG stipule ce qui suit:

"L'indemnité est allouée sur demande par l'office du travail compétent. La demande doit être déposée dans un délai de deux mois à compter de l'ouverture de la procédure de faillite. Le paiement de substitution en cas de faillite est quand même accordé si le travailleur a laissé passer le délai pour des raisons dont il n'est pas responsable, à condition qu'il en fasse la demande dans les deux mois suivant la disparition de l'empêchement. Le travailleur est responsable de l'inobservation du délai s'il n'a pas montré la diligence nécessaire pour faire valoir ses droits."

10 L'AFG a été remplacé par le livre III, relatif à la promotion du travail, du Sozialgesetzbuch (code de la sécurité sociale), du 24 mars 1997 (BGBl. 1997 I, p. 594). Toutefois, conformément à l'article 430, paragraphe 5, de ce livre, l'AFG est toujours applicable au paiement de l'indemnité d'insolvabilité lorsque cette insolvabilité est survenue, comme en l'espèce au principal, avant le 1er janvier 1999. La règle prévue à l'article 141 e, paragraphe 1, de l'AFG, relative au délai de forclusion de deux mois ainsi qu'à sa prorogation, a été reprise en substance à l'article 324, paragraphe 3, du même livre.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

11 M. Pflücke était employé comme maçon auprès de la société G. & S. Bau GmbH à Pfaffenhofen (Allemagne) jusqu'à sa démission, qui a pris effet le 30 juin 1997. Son ancien employeur, auquel il réclame encore le paiement de son salaire d'un montant de 3 502,80 DEM pour le mois de juin 1997, a entièrement cessé ses activités le 31 décembre 1997 et fait l'objet d'une procédure de faillite ouverte le 2 janvier 1998.

12 Selon le droit allemand, M. Pflücke aurait dû, afin de récupérer cette créance de salaire impayée auprès de l'institution de garantie compétente, à savoir la Bundesanstalt, demander à cette dernière le paiement d'une indemnité d'insolvabilité dans les deux mois suivant cette date, à savoir entre le 3 janvier et le 2 mars 1998.

13 Or, pendant cette période, aucune demande de cet ordre n'a été introduite par M. Pflücke. Son conseiller juridique de l'époque s'est limité à déclarer, le 2 février 1998, la créance salariale impayée de M. Pflücke auprès du tribunal en charge de la procédure de faillite.

14 L'administrateur judiciaire de la faillite a, par la suite, certifié l'existence d'un arriéré de salaire d'un montant de 3 132,65 DEM seulement. L'attestation qu'il a communiquée en date du 10 mars 1999 à M. Pflücke a été envoyée par ce dernier à la Bundesanstalt le 9 avril suivant. Le 9 juin 1999, M. Pflücke a expressément demandé le paiement d'une indemnité d'insolvabilité auprès de la Bundesanstalt.

15 Celle-ci a rejeté la demande par décision du 14 juillet 1999. Elle a fait valoir que M. Pflücke ne pouvait se voir accorder une indemnité d'insolvabilité, au motif qu'il ne l'avait pas réclamée dans les délais. Elle a ajouté qu'il était impossible d'accorder à M. Pflücke une prorogation de ce délai conformément à l'article 141 e, paragraphe 1, troisième phrase, de l'AFG étant donné que son conseiller juridique avait eu connaissance de l'insolvabilité.

16 Le 16 août 1999, M. Pflücke a introduit une réclamation contre cette décision. Il a fait valoir que, l'administrateur judiciaire ayant contesté le montant de la créance dans un premier temps, il avait dû commencer par saisir l'Arbeitsgericht München (tribunal du travail de Munich) (Allemagne) et avait, après le jugement rendu par défaut par cette juridiction le 6 avril 1999, demandé immédiatement, à savoir, selon lui, le 9 avril 1999, l'indemnité d'insolvabilité à la Bundesanstalt. La demande aurait donc été présentée dans les délais à celle-ci.

17 La Bundesanstalt ayant rejeté la réclamation par décision du 21 octobre 1999, M. Pflücke a introduit un recours contre cette décision le 22 novembre 1999 devant le Sozialgericht Leipzig.

18 Cette juridiction partage en substance l'analyse de la Bundesanstalt et considère que, en droit allemand, le recours de M. Pflücke devrait être rejeté.

19 Le Sozialgericht Leipzig précise que la manière de procéder de M. Pflücke reposait sur une interprétation manifestement erronée du droit applicable. En effet, le conseiller juridique de M. Pflücke aurait dû, alors qu'il déclarait la créance de salaire impayée auprès du tribunal en charge de la procédure de faillite, également demander l'indemnité d'insolvabilité auprès de la Bundesanstalt ou le faire au plus tard avant la fin du délai de forclusion. Le Sozialgericht explique qu'il est possible d'introduire une telle demande par précaution et sans frais pour l'intéressé, qu'il revient alors à l'institution de garantie de rechercher si la créance de paiement est fondée ou non et que la Bundesanstalt n'aurait donc pas pu opposer un refus à la demande de M. Pflücke. L'introduction tardive de la demande d'indemnité d'insolvabilité par son conseiller juridique pourrait donc être opposée à M. Pflücke.

20 Le Sozialgericht Leipzig éprouve cependant des doutes quant à la conformité du délai de forclusion en cause au principal, tel que prévu par le droit allemand, avec la directive 80-987, et plus particulièrement avec l'article 9 de celle-ci. Dans ces conditions, il a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) Un délai de forclusion applicable aux demandes de paiement, par l'institution de garantie, d'arriérés de salaires est-il compatible avec l'article 9 de la directive 80-987-CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur?

2) La Cour partage-t-elle l'avis de la chambre de céans selon lequel un tel délai de forclusion ne constitue pas une disposition législative ou réglementaire plus favorable au travailleur salarié au sens de l'article 9 de la directive 80-987-CEE?

3) La chambre de céans est-elle tenue, en vertu de la jurisprudence de la Cour, de ne pas appliquer la disposition relative au délai de forclusion?"

Sur les première et deuxième questions

21 Par ses première et deuxième questions, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si la directive 80-987 doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à l'application d'un délai de forclusion prévu en droit national pour l'introduction de la demande d'un travailleur salarié visant à obtenir, selon les modalités fixées par ladite directive, le paiement d'une indemnité d'insolvabilité.

Observations soumises à la Cour

22 Les Gouvernements allemand, danois et finlandais considèrent qu'un délai de forclusion de deux mois, tel que celui en cause au principal, est conforme tant à la directive 80-987 qu'au droit communautaire en général.

23 Le Gouvernement allemand fait valoir plus particulièrement qu'un tel délai de forclusion est indispensable pour garantir le financement indépendant de l'institution de garantie requis par la directive 80-987.

24 Le Gouvernement danois soutient qu'il ressort de la jurisprudence constante relative à l'autonomie procédurale des États membres qu'il leur est loisible de fixer le délai dans lequel une demande tendant au paiement d'une indemnité d'insolvabilité doit être introduite auprès de l'institution de garantie pour être admise.

25 Il ajoute que d'autres raisons militent en faveur de cette analyse. Tout d'abord, un tel délai servirait plusieurs objectifs de caractère administratif et procédural. La possibilité pour l'institution de garantie d'examiner les créances impayées qu'un travailleur salarié fait valoir se réduirait avec le temps, en particulier lorsque l'entreprise débitrice de ces créances n'existe plus. En outre, il serait plus efficace que de telles créances soient déclarées à l'institution de garantie immédiatement après la survenance de l'insolvabilité. Cela permettrait à l'institution de garantie de se faire rapidement une idée de l'importance définitive de la liquidation et assurerait un traitement uniforme des créances déclarées.

26 Ensuite, l'existence d'un tel délai servirait un objectif lié au financement de l'institution de garantie. En effet, il serait important que l'institution de garantie - après sa subrogation dans les droits des travailleurs salariés - puisse prendre part à une éventuelle répartition de la masse, ce que permettrait le délai de déclaration imposé aux travailleurs salariés.

27 Enfin, l'existence d'un tel délai permettrait à l'institution de garantie de clôturer définitivement les dossiers liés à l'insolvabilité ou à la fermeture d'une entreprise. Ainsi, le délai poursuivrait un objectif de sécurité juridique, dont la Cour aurait reconnu l'importance dans des affaires similaires.

28 Le Gouvernement finlandais fait valoir que, la directive 80-987 ne fournissant aucune indication sur la procédure à suivre pour bénéficier d'une indemnité d'insolvabilité, les États membres sont tenus, afin de garantir l'efficacité de l'institution de garantie, d'adopter les dispositions nationales nécessaires à cet égard. Le délai fixé pour l'introduction de la demande de versement d'une telle indemnité obligerait à agir sans retard, ce qui, d'une part, augmenterait la sécurité juridique et, d'autre part, réduirait les possibilités d'abus au détriment de l'institution de garantie.

29 La Commission considère que, en l'espèce au principal, le délai de forclusion ne rendait ni pratiquement impossible ni excessivement difficile l'exercice des droits aux paiements de substitution en cas de faillite existant alors. En outre, selon elle, ce délai de forclusion est proportionné au but recherché et ne porte pas atteinte au principe de l'équivalence des modalités procédurales selon lequel ces modalités ne doivent pas être plus favorables pour les droits fondés sur le seul droit national que pour les prétentions identiques fondées sur le droit communautaire.

Réponse de la Cour

30 La directive 80-987 ne contient aucune disposition qui règle la question de savoir si les États membres peuvent prévoir un délai de forclusion pour l'introduction de la demande d'un travailleur salarié visant à obtenir, selon les modalités fixées par ladite directive, le paiement d'une indemnité d'insolvabilité.

31 En effet, les articles 4, 5 et 10 de la directive 80-987, qui permettent aux États membres non seulement de fixer les modalités de l'organisation, du financement et du fonctionnement de l'institution de garantie mais aussi de limiter dans certaines circonstances la protection qu'elle vise à assurer aux travailleurs salariés, ne prévoient ni une limitation dans le temps des droits que les travailleurs salariés tirent de cette directive ni une limitation de la possibilité, pour les États membres, de prévoir un délai de forclusion.

32 Par ailleurs, la circonstance que l'article 9 de la directive 80-987, cité par la juridiction de renvoi dans ses première et deuxième questions, énonce que les États membres peuvent prévoir une protection plus élevée que celle exigée par ladite directive s'explique par le fait que cette directive se borne à assurer aux travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de leur employeur un minimum de protection défini au niveau communautaire. Cet article ne peut donc être interprété comme excluant la possibilité, pour les États membres, de prévoir un délai de forclusion.

33 Dans ces conditions, les États membres sont en principe libres de prévoir dans leur droit national des dispositions fixant un délai de forclusion pour l'introduction de la demande d'un travailleur salarié visant à obtenir, selon les modalités de la directive 80-987, le paiement d'une indemnité d'insolvabilité, pour autant, toutefois, que ces dispositions respectent les principes généraux du droit communautaire.

34 S'agissant de ces principes, il est de jurisprudence constante que de tels délais de forclusion prévus en droit national ne peuvent être moins favorables que ceux concernant des demandes semblables de nature interne (principe d'équivalence) et ne peuvent être aménagés de manière à rendre en pratique impossible l'exercice des droits reconnus par l'ordre juridique communautaire (principe d'effectivité) (voir, notamment, arrêts du 16 décembre 1976, Rewe, 33-76, Rec. p. 1989, point 5, et du 6 juin 2002, Sapod Audic, C-159-00, Rec. p. I-5031, point 52).

35 En ce qui concerne plus particulièrement le principe d'effectivité, on ne saurait considérer, comme semble le faire la juridiction de renvoi, que la fixation d'un délai de forclusion est en elle-même incompatible avec ce principe, au seul motif qu'elle aura nécessairement pour conséquence que les travailleurs salariés n'ayant pas respecté ledit délai ne bénéficieront pas effectivement de la protection instaurée par la directive 80-987 (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2000, Preston e.a., C-78-98, Rec. p. I-3201, point 34).

36 Il résulte également de cette jurisprudence que la fixation de délais raisonnables à peine de forclusion satisfait, en principe, au principe d'effectivité dans la mesure où elle constitue une application du principe de sécurité juridique (voir, notamment, arrêt Preston e.a., précité, point 33). Or, il y a lieu de relever que, dans une situation telle celle de l'espèce au principal, plus il s'écoule de temps après la survenance de l'insolvabilité de l'employeur, plus il devient difficile d'établir l'existence effective de créances salariales, ce qui pourrait nuire à la sécurité juridique.

37 Toutefois, s'agissant du paiement de créances salariales qui présentent, par leur nature même, une très grande importance pour l'intéressé, il convient que la brièveté du délai de forclusion n'ait pas pour conséquence que ce dernier n'arrive pas, en pratique, à respecter ledit délai et qu'il ne bénéficie donc pas de la protection que la directive 80-987 vise précisément à lui garantir.

38 S'il est vrai que, comparé aux délais du même type applicables dans d'autres États membres, le délai de deux mois prévu en droit allemand n'apparaît pas comme le plus court, il n'en reste pas moins que plusieurs autres États membres prévoient des délais substantiellement plus longs ou renoncent à fixer un tel délai.

39 Il appartient donc à la juridiction de renvoi de vérifier que la longueur du délai de forclusion en cause au principal est justifiée par des raisons impérieuses liées au principe de sécurité juridique, notamment le bon fonctionnement de l'institution de garantie.

40 Sur ce point, le Gouvernement allemand fait valoir que l'institution de garantie doit déclarer auprès du tribunal en charge de la procédure de faillite les créances salariales impayées dans lesquelles elle est subrogée. Vu les délais très courts applicables au dépôt de cette déclaration, elle devrait agir rapidement, ce qui présupposerait qu'elle ait été mise en mesure de le faire par les bénéficiaires de l'indemnité d'insolvabilité.

41 Il est vrai que l'impossibilité d'assortir d'un délai de forclusion approprié la déclaration des créances salariales à l'institution de garantie se traduirait par une situation juridique peu satisfaisante, dans laquelle cette institution devrait supporter intégralement la charge de créances salariales qui auraient pu éventuellement être recouvrées entièrement ou partiellement sur la masse si elles avaient été déclarées plus tôt à l'institution de garantie par le travailleur salarié concerné.

42 Cette considération ne saurait cependant justifier que soit fixé, pour l'introduction de la demande de paiement d'une indemnité d'insolvabilité, un délai de forclusion considérablement plus court que le délai auquel l'institution de garantie est soumise pour faire valoir auprès du tribunal en charge de la procédure de faillite ses droits résultant d'une subrogation.

43 Le Gouvernement allemand rappelle en outre que, conformément à l'article 141 e, paragraphe 1, troisième phrase, de l'AFG, le travailleur salarié qui a laissé s'écouler le délai de deux mois pour des raisons dont il n'est pas responsable bénéficie quand même de l'indemnité d'insolvabilité à condition qu'il en fasse la demande dans les deux mois qui suivent la disparition de l'empêchement.

44 Une telle clause dérogatoire n'est susceptible de sauvegarder l'effet utile de la protection accordée par la directive 80-987 que dans la mesure où les autorités appelées à l'appliquer veillent à ne pas faire preuve d'une rigueur excessive lorsqu'elles apprécient si l'intéressé a montré toute la diligence nécessaire pour faire valoir ses droits.

45 À cet égard, il ressort de l'ordonnance de renvoi que M. Pflücke a eu recours aux services d'un conseiller juridique pour défendre ses intérêts et que c'est en raison de l'introduction tardive de la demande d'indemnité d'insolvabilité par ce dernier que la Bundesanstalt a opposé un refus à cette demande. Il appartient à la juridiction de renvoi d'apprécier si ces démarches suffisent pour considérer que M. Pflücke a montré la diligence requise afin de faire valoir ses droits.

46 Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première et deuxième questions que la directive 80-987 ne s'oppose pas à l'application d'un délai de forclusion prévu en droit national pour l'introduction de la demande d'un travailleur salarié visant à obtenir, selon les modalités fixées par ladite directive, le paiement d'une indemnité d'insolvabilité, à condition qu'un tel délai ne soit pas moins favorable que ceux concernant des demandes semblables de nature interne (principe d'équivalence) et ne soit pas aménagé de manière à rendre en pratique impossible l'exercice des droits reconnus par l'ordre juridique communautaire (principe d'effectivité).

Sur la troisième question

47 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande si elle doit refuser d'appliquer la disposition nationale prévoyant un délai de forclusion pour l'introduction des demandes de paiement d'une indemnité d'insolvabilité.

48 À cet égard, il résulte d'une jurisprudence constante que, si la juridiction nationale constate que la disposition nationale prévoyant le délai de forclusion n'est pas conforme aux exigences du droit communautaire et que, de plus, aucune interprétation conforme de cette disposition n'est possible, elle doit refuser d'appliquer celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 9 mars 1978, Simmenthal, 106-77, Rec. p. 629, point 21, du 14 juillet 1994, Faccini Dori, C-91-92, Rec. p. I-3325, point 26, et du 19 novembre 2002, Kurz, C-188-00, Rec. p. I-10691, point 69).

49 Il y a donc lieu de répondre à la troisième question que la juridiction nationale doit, si elle constate que la disposition nationale qui prévoit le délai de forclusion n'est pas conforme aux exigences du droit communautaire et que, de plus, aucune interprétation conforme de cette disposition n'est possible, refuser d'appliquer celle-ci.

Sur les dépens

50 Les frais exposés par les Gouvernements allemand, danois et finlandais, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

Statuant sur les questions à elle soumises par le Sozialgericht Leipzig, par ordonnance du 21 février 2001, dit pour droit:

1) La directive 80-987-CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur, ne s'oppose pas à l'application d'un délai de forclusion prévu en droit national pour l'introduction de la demande d'un travailleur salarié visant à obtenir, selon les modalités fixées par ladite directive, le paiement d'une indemnité compensatrice de créances salariales impayées pour cause d'insolvabilité de l'employeur, à condition qu'un tel délai ne soit pas moins favorable que ceux concernant des demandes semblables de nature interne (principe d'équivalence) et ne soit pas aménagé de manière à rendre en pratique impossible l'exercice des droits reconnus par l'ordre juridique communautaire (principe d'effectivité).

2) La juridiction nationale doit, si elle constate que la disposition nationale qui prévoit le délai de forclusion n'est pas conforme aux exigences du droit communautaire et que, de plus, aucune interprétation conforme de cette disposition n'est possible, refuser d'appliquer celle-ci.