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Décisions

CJCE, 31 mars 1971, n° 22-70

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission des Communautés européennes

Défendeur :

Conseil des Communautés européennes

CJCE n° 22-70

31 mars 1971

LA COUR,

1. Attendu que, par recours introduit le 19 mai 1970, la Commission des Communautés européennes a demandé l'annulation de la délibération du Conseil, du 20 mars 1970, relative à la négociation et à la conclusion, par les Etats membres de la communauté, dans le cadre de la Commission économique pour l'Europe des nations unies, de l'accord européen relatif au travail des équipages de véhicules effectuant des transports internationaux par route (AETR);

2. Attendu que le Conseil a excipé, à titre préliminaire, de l'irrecevabilité du recours en contestant la qualification de la délibération litigieuse comme acte attaquable au sens de l'article 173, alinéa 1, du traité;

3. Attendu que cette qualification dépend de la question de savoir à qui appartenait, à la date envisagée, la compétence pour négocier et conclure l'AETR;

4. Que, en effet, la portée juridique de cette délibération est différente suivant que celle-ci doit être considérée comme constituant l'exercice d'une compétence attribuée à la communauté ou l'expression d'une coordination, par les Etats membres, de l'exercice de leurs compétences retenues;

5. Que la décision sur l'exception d'irrecevabilité exige donc que soit résolue au préalable la question de savoir si, à la date de la délibération litigieuse, la compétence de négocier et de conclure l'AETR relevait de la compétence de la communauté ou de celle des Etats membres;

1. Sur la question préalable

6. Attendu que la Commission estime que l'article 75 du traité, ayant conféré à la communauté une compétence largement définie à l'effet de mettre en œuvre la politique commune des transports, doit s'appliquer tant aux relations extérieures qu'aux mesures internes dans le domaine envisagé;

7. Que l'effet utile de cette disposition serait compromis si les pouvoirs qu'elle prévoit, et notamment celui de prendre "toutes dispositions utiles", au sens du paragraphe 1, c), de l'article cite, ne devaient pas s'étendre à la conclusion d'accords avec les états tiers;

8. Que si, originairement, cette compétence n'a pas embrassé la totalité du domaine des transports elle tendrait cependant à devenir générale et exclusive au fur et à mesure de la mise en œuvre de la politique commune dans ce secteur;

9. Attendu que, pour sa part, le Conseil fait valoir que, les compétences conférées à la communauté étant d'attribution, une compétence pour conclure des accords avec les états tiers ne saurait être admise en dehors d'une prévision expresse du traité;

10. Qu'en particulier, l'article 75 ne viserait que les mesures internes à la communauté et ne saurait être interprété comme autorisant la conclusion d'accords internationaux;

11. Que, même s'il en était autrement, cette compétence ne saurait être générale et exclusive, mais tout au plus concurrente avec celle des Etats membres;

12. Attendu qu'en l'absence de dispositions spécifiques du traité relatives à la négociation et à la conclusion d'accords internationaux dans le domaine de la politique des transports - catégorie dont l'AETR relève pour l'essentiel - il convient de se référer au système général du droit communautaire relatif aux rapports avec les états tiers;

13. Que l'article 210 dispose que "la communauté à la personnalité juridique";

14. Que cette disposition, placée en tête de la sixième partie du traité consacrée aux "dispositions générales et finales", signifie que, dans les relations extérieures, la communauté jouit de la capacité d'établir des liens contractuels avec les états tiers dans toute l'étendue du champ des objectifs définis dans la première partie du traité, dont la sixième forme le prolongement;

15. Qu'en vue de fixer, dans un cas déterminé, la compétence, pour la communauté, de conclure des accords internationaux, il convient de prendre en considération le système du traité, autant que ses dispositions matérielles;

16. Qu'une telle compétence résulte non seulement d'une attribution explicite par le traité - comme c'est le cas des articles 113 et 114 pour les accords tarifaires et commerciaux et de l'article 238 pour les accords d'association - mais peut découler également d'autres dispositions du traité et d'actes pris, dans le cadre de ces dispositions, par les institutions de la communauté;

17. Qu'en particulier, chaque fois que, pour la mise en œuvre d'une politique commune prévue par le traité, la communauté a pris des dispositions instaurant, sous quelque forme que ce soit, des règles communes, les Etats membres ne sont plus en droit, qu'ils agissent individuellement ou même collectivement, de contracter avec les états tiers des obligations affectant ces règles;

18. Qu'en effet, au fur et à mesure de l'instauration de ces règles communes, la communauté seule est en mesure d'assumer et d'exécuter, avec effet pour l'ensemble du domaine d'application de l'ordre juridique communautaire, les engagements contractes à l'égard d'états tiers;

19. Qu'on ne saurait, des lors, dans la mise en œuvre des dispositions du traité, séparer le régime des mesures internes à la communauté de celui des relations extérieures;

20. Attendu qu'aux termes de l'article 3, e), l'instauration d'une politique commune dans le domaine des transports est spécialement mentionnée parmi les objectifs de la communauté;

21 qu'aux termes de l'article 5, les Etats membres doivent, d'une part, prendre toutes mesures propres à assurer l'exécution des obligations découlant du traité ou résultant des actes des institutions et, d'autre part, s'abstenir de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité;

22. Qu'il résulte du rapprochement de ces dispositions que, dans la mesure ou des règles communautaires sont arrêtées pour réaliser les buts du traité, les Etats membres ne peuvent, hors du cadre des institutions communes, prendre des engagements susceptibles d'affecter lesdites règles ou d'en altérer la portée;

23. Attendu que selon l'article 74, les objectifs du traité en matière de transports sont poursuivis dans le cadre d'une politique commune;

24. Qu'a cet effet, l'article 75, paragraphe 1, charge le Conseil d'établir des règles communes et de prendre, en outre, "toutes autres dispositions utiles";

25. Qu'aux termes de l'alinéa a) de la même disposition, ces règles communes sont applicables "aux transports internationaux exécutés au départ ou à destination du territoire d'un Etat membre ou traversant le territoire d'un ou plusieurs Etats membres";

26. Que cette disposition concerne également, pour la partie du trajet située sur le territoire communautaire, les transports en provenance ou à destination des états tiers;

27. Qu'elle suppose donc que la compétence de la communauté s'étend à des relations relevant du droit international et implique, des lors, dans le domaine vise, la nécessité d'accords avec les états tiers intéressés;

28. Que, s'il est vrai que les articles 74 et 75 ne prévoient pas explicitement en faveur de la communauté une compétence en matière de conclusion d'accords internationaux, la mise en vigueur, le 25 mars 1969, du règlement n° 543-69 du Conseil relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route (JO n° L 77 du 20 mars 1969, p. 49) a eu néanmoins pour effet nécessaire d'attribuer à la communauté la compétence pour conclure avec les états tiers tous accords portant sur la matière régie par le même règlement;

29. Que cette attribution de compétence est d'ailleurs reconnue expressément par l'article 3 dudit règlement, qui prévoit que "la communauté engagera avec les pays tiers les négociations qui se révéleraient nécessaires pour l'application du pressent règlement";

30. Attendu que, la matière de l'AETR relevant du domaine d'application du règlement n° 543-69, la compétence de négocier et de conclure l'accord en cause appartient à la communauté depuis l'entrée en vigueur dudit règlement;

31. Que cette compétence communautaire exclut la possibilité d'une compétence concurrente des Etats membres, toute initiative prise hors du cadre des institutions communes étant incompatible avec l'unité du Marché commun et l'application uniforme du droit communautaire;

32. Que c'est à la lumière de cette situation juridique que doit être résolue la question de recevabilité;

2. Sur la recevabilité du recours

33. Attendu que la recevabilité du recours est contestée par le Conseil pour différents motifs, tirés de la qualification de la délibération litigieuse et, à titre subsidiaire, d'un manque d'intérêt de la Commission, de l'attitude antérieure de celle-ci et de la tardiveté du recours;

a) Moyen tiré de la qualification de la délibération du 20 mars 1970

34. Attendu que le Conseil considère que la délibération du 20 mars 1970 ne constitue pas un acte susceptible de recours au sens de l'article 173, alinéa 1, première phrase;

35. Qu'en effet, cette délibération, ni par sa forme ni par son objet ou son contenu, ne serait un règlement, une décision ou une directive au sens de l'article 189;

36. Qu'elle n'aurait constitue en réalité qu'une concertation politique entre Etats membres dans le cadre du Conseil qui, comme telle, n'aurait ouvert aucun droit, impose aucune obligation, ni modifie aucune situation juridique;

37. Que cette qualification s'imposerait d'autant plus que, dans le cas d'un litige entre institutions, la recevabilité devrait être appréciée d'une manière particulièrement rigoureuse;

38. Attendu qu'aux termes de l'article 173, la Cour a pour mission de contrôler la légalité "des actes du Conseil... autres que les recommandations ou avis";

39. Qu'en excluant du recours en annulation ouvert aux Etats membres et aux institutions les seuls "recommandations ou avis" - dépourvus de tout effet obligatoire aux termes de l'article 189, alinéa final - l'article 173 envisage comme actes susceptibles de recours toutes dispositions prises par les institutions et visant à produire un effet juridique;

40. Que ce recours tend à assurer, conformément aux prescriptions de l'article 164, le respect du droit dans l'interprétation et l'application du traité;

41. Qu'il serait contraire à cet objectif d'interpréter restrictivement les conditions de recevabilité du recours en limitant sa portée aux seules catégories d'actes visées par l'article 189;

42. Que le recours en annulation doit donc être ouvert à l'égard de toutes dispositions prises par les institutions, quelles qu'en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets de droit;

43. Que c'est à la lumière de ce qui précède que doit être qualifiée la délibération litigieuse;

44. Attendu qu'au cours de la session du 20 mars 1970, le Conseil, après un échange de vues entre ses membres et le représentant de la Commission, a arrêté un ensemble de "conclusions" au sujet de l'attitude à prendre par les gouvernements des Etats membres dans les négociations décisives sur l'AETR;

45. Que cette délibération a porté essentiellement, d'une part, sur l'objectif et, d'autre part, sur la procédure de négociation;

46. Qu'en ce qui concerne l'objectif à poursuivre, le Conseil a fixé une position de négociation consistant à obtenir une adaptation de l'AETR aux dispositions du règlement communautaire, sauf à concéder certaines dérogations au règlement qui devraient être acceptées par la communauté;

47. Que, compte tenu de l'objectif ainsi fixé, le Conseil a invité la Commission a lui présenter, au moment opportun et en conformité des dispositions de l'article 75 du traité, les propositions nécessaires en vue d'aboutir à une modification du règlement n° 543-69;

48. Qu'en ce qui concerne la procédure de négociation, le Conseil est convenu, conformément à la ligne de conduite arrêtée lors de ses sessions antérieures, que les négociations seraient poursuivies et conclues par les six Etats membres, qui deviendraient parties contractantes à l'AETR;

49. Que, tout au cours des négociations et lors de la conclusion de l'accord, les états mèneraient une action commune et coordonneraient constamment leurs positions selon les procédures habituelles, en association étroite avec les institutions communautaires, la délégation de l'Etat membre qui assure la présidence du Conseil agissant en qualité de porte-parole;

50. Attendu qu'il n'apparaît pas du procès-verbal que la Commission aurait élevé des objections en ce qui concerne la définition, par le Conseil, de l'objectif de négociation;

51. Que, par contre, elle a formulé une réserve expresse relative à la procédure de négociation, en déclarant qu'elle considérait la position prise par le Conseil comme non-conforme au traité et, plus particulièrement, à l'article 228;

52. Attendu qu'il ressort de ce qui précède que la délibération du Conseil a porté sur un objet qui relève de la compétence de la communauté et que, des lors, les Etats membres ne pouvaient agir hors du cadre des institutions communes;

53. Qu'il apparaît ainsi, pour ce qui est de l'objectif de négociation défini par le Conseil, que la délibération du 20 mars 1970 n'a pu être simplement l'expression ou la constatation d'une coordination volontaire, mais a eu pour objet de fixer une ligne de conduite obligatoire pour les institutions comme pour les Etats membres, destinée à se répercuter ultérieurement sur la teneur du règlement;

54. Que dans la partie de ses conclusions relatives à la procédure de négociation, le Conseil a pris des dispositions susceptibles de déroger, éventuellement, aux procédures prévues par le traité en ce qui concerne les négociations avec les états tiers et la conclusion d'accords;

55. Que la délibération du 20 mars 1970 a donc entraîné des effets juridiques déterminés, tant dans les relations entre la communauté et les Etats membres que dans les rapports entre institutions;

b) Moyens subsidiaires relatifs à la recevabilité

56. Attendu que le Conseil fait valoir que l'analyse des conséquences que pourrait entraîner l'annulation de la délibération du 20 mars 1970 confirmerait le fait que cette délibération aurait été dépourvue de tout effet juridique;

57. Qu'une telle annulation, en faisant disparaître la constatation de la coordination des Etats membres, n'aurait aucune conséquence pour la réalité de cette coordination ni pour l'action ultérieure de ces états dans le cadre de la négociation sur l'AETR;

58. Que, des lors, l'action de la Commission, à défaut de pouvoir atteindre son but, serait dépourvue d'intérêt;

59. Attendu qu'aux termes de l'article 174, "si le recours est fonde, la Cour de justice déclare nul et non avenu l'acte conteste";

60. Que, dans une telle hypothèse, la délibération du Conseil devant être considérée comme inexistante dans la mesure ou elle aurait fait l'objet d'une annulation judiciaire, les parties au litige seraient replacées dans la situation antérieure et elles auraient à reprendre l'examen des questions litigieuses pour les résoudre conformément au droit communautaire;

61. Que l'intérêt de la Commission à la poursuite de son action ne saurait donc être conteste;

62. Attendu que le Conseil considère encore que la Commission n'aurait plus qualité pour agir, étant donne qu'elle se serait, elle-même, rendue responsable de la situation litigieuse, par le fait qu'elle n'aurait pas pris, en temps opportun, les mesures nécessaires pour permettre à la compétence communautaire de s'exercer, en soumettant au Conseil les propositions appropriées;

63. Attendu que les questions déférées à la Cour par la Commission concernant la structure institutionnelle de la communauté, la recevabilité du recours ne saurait dépendre d'omissions ou d'erreurs antérieures de la partie requérante;

64. Que d'ailleurs, l'appréciation des objections élevées par le Conseil appartient à l'examen du fond du litige;

65. Attendu, enfin, que le Conseil fait encore grief au recours d'être tardif, du fait que la délibération du 20 mars 1970 n'aurait fait que reprendre des principes dégagés lors de sessions antérieures du Conseil, dont la dernière a eu lieu les 17-18 mars 1969;

66. Attendu cependant que la délibération du 20 mars 1970 ne saurait être considérée comme une simple confirmation de délibérations antérieures, puisque le règlement n° 543-69, du 25 mars 1969, a transformé d'une manière décisive, en ce qui concerne l'objet de la négociation engagée, la répartition des compétences entre la communauté et les Etats membres;

67. Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces considérations que le recours est recevable;

3. Sur le fond du litige

68. Attendu que la Commission conteste essentiellement la validité de la délibération du 20 mars 1970 en raison des atteintes que cette délibération aurait portées aux règles du traité et, plus particulièrement, aux articles 75, 228 et 235 en ce qui concerne la répartition des pouvoirs entre le Conseil et la Commission et, par voie de conséquence, les droits que la Commission aurait été appelée a exercer dans la négociation sur l'AETR;

a) Moyen tire de la violation des articles 75 et 228

69. Attendu que la Commission fait valoir que, compte tenu de l'attribution de compétence résultant pour la communauté de l'article 75, l'AETR aurait dû être négocié et conclu par la communauté, selon la procédure communautaire définie par l'article 228, paragraphe 1;

70. Que si, en vertu de ces dispositions, le Conseil peut, dans chaque cas, apprécier s'il est utile de conclure un accord avec les pays tiers, il ne saurait cependant décider discrétionnairement s'il convient de recourir à la voie intergouvernementale ou a la voie communautaire;

71. Qu'en ayant décidé de procéder par la voie intergouvernementale, il aurait mis la Commission dans l'impossibilité d'exercer la mission que le traité lui a confiée dans le domaine des négociations avec les états tiers;

72. Attendu qu'en l'absence, dans le traité, de dispositions spécifiques applicables à la négociation et à la mise en vigueur de l'accord en discussion, il convient de dégager les règles applicables de l'ensemble des articles du traité concernes par la négociation engagée au sujet de l'AETR;

73. Attendu que la répartition des pouvoirs entre les institutions communautaires pour négocier et mettre en vigueur l'AETR doit être déterminée compte tenu tant des dispositions relatives à la politique commune des transports que de celles qui régissent la conclusion d'accords par la communauté;

74. Qu'aux termes de l'article 75, paragraphe 1, il appartient au Conseil, statuant sur proposition de la Commission et après consultation du comite économique et social et de l'assemblée, de prendre les dispositions appropriées sous la forme réglementaire ou autrement en vue de la mise en œuvre de la politique commune des transports;

75. Que, selon l'article 228, paragraphe 1, dans les cas ou des accords doivent être conclus avec un ou plusieurs états tiers ou une organisation internationale, ces accords sont négociés par la Commission et conclus par le Conseil, sous réserve de compétences plus étendues, reconnues éventuellement à la Commission;

76. Qu'a titre accessoire, la négociation ayant eu pour cadre la Commission économique pour l'Europe des nations unies, il faut prendre en considération également l'article 116, alinéa 1, aux termes duquel, à partir de la fin de la période de transition, les Etats membres ne mènent plus "qu'une action commune dans le cadre des organisations internationales de caractère économique", la mise en œuvre de cette action commune étant de la compétence du Conseil, statuant sur proposition de la Commission;

77. Attendu qu'il résulte du rapprochement de ces différentes dispositions que, s'agissant d'un objet relevant d'une politique commune, les Etats membres étaient tenus en tout cas à une action solidaire pour la défense des intérêts de la communauté;

78. Que cette solidarité a été consacrée par la délibération du 20 mars 1970, qui ne saurait à cet égard donner lieu à critique;

79. Qu'il ressort pour le surplus de l'ensemble de ces dispositions et, notamment, de l'article 228, paragraphe 1, que le droit de conclure l'accord appartenait au Conseil;

80. Que, pour sa part, la Commission avait a intervenir de deux manières, d'une part, par l'exercice de son droit de proposition, tel qu'il résulte des articles 75, paragraphe 1, et 116, alinéa 1, et d'autre part, en qualité de négociateur, aux termes de l'article 228, paragraphe 1, alinéa 1;

81. Attendu toutefois que cette répartition des pouvoirs entre institutions ne se serait imposée que dans le cas de négociations engagées à un moment ou l'attribution de compétence à la communauté était effective, soit en vertu du traité même, soit en vertu de dispositions prises par les institutions;

82. Qu'il convient d'observer à ce sujet qu'une première version de l'AETR avait été établie, des 1962, à une époque ou, a défaut d'un développement suffisant de la politique commune des transports, la compétence pour conclure cet accord appartenait aux Etats membres;

83. Que la phase des travaux au cours de laquelle est intervenue la délibération litigieuse n'avait pas pour objet l'élaboration d'un nouvel accord, mais simplement d'apporter à la version établie en 1962 les modifications nécessaires en vue de permettre la ratification de l'accord par toutes les parties contractantes;

84. Que, sous ce rapport, les négociations relatives à l'AETR sont donc caractérisées par le fait que leur origine et une partie notable des travaux accomplis au sein de la Commission économique pour l'Europe étaient antérieures à l'attribution de compétence à la communauté par l'effet du règlement n° 543-69;

85. Qu'il apparaît des lors que le Conseil a statué, le 20 mars 1970, au regard d'une situation dont il n'avait plus l'entière liberté de disposer dans les relations avec les pays tiers engagés dans la même négociation;

86. Que le fait de proposer, à ce stade de la négociation, aux états tiers intéressés, la nouvelle répartition des compétences à l'intérieur de la communauté, aurait pu mettre en péril la bonne fin de la négociation, ainsi qu'il a d'ailleurs été reconnu par le représentant de la Commission au cours de la délibération du Conseil;

87. Que, dans une telle situation, il appartenait aux deux institutions dont les pouvoirs étaient directement en cause, c'est-à-dire au Conseil et à la Commission, de s'entendre, conformément à l'article 15 du traité du 8 avril 1965 instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes, sur les modalités appropriées de coopération en vue d'assurer de la manière la plus efficace la défense des intérêts de la communauté;

88. Qu'il résulte du procès-verbal de la session du 20 mars 1970 que la Commission n'a pas fait formellement usage du droit de proposition que lui réservaient les articles 75 et 116;

89. Qu'elle n'a pas, non plus, revendiqué l'application pure et simple de l'article 228, paragraphe 1, en ce qui concerne son droit de négociation;

90. Qu'il y a donc lieu d'admettre que, dans la poursuite de la négociation et par la conclusion simultanée de l'accord, selon les modalités arrêtées par le Conseil, les Etats membres ont agi et continuent d'agir dans l'intérêt et pour le compte de la Communauté, conformément aux obligations qui leur incombent en vertu de l'article 5 du traité;

91. Qu'ainsi, en décidant, dans ces circonstances, d'une procédure d'action solidaire des Etats membres, le Conseil n'a pas manque aux obligations découlant des articles 75 et 228;

92. Que, dans ces conditions, le moyen doit être rejeté;

b) Autres moyens invoques par la Commission (article 235; défaut de motivation)

93. Attendu qu'à titre subsidiaire, la Commission fait valoir qu'eu égard aux exigences découlant de la mise en œuvre de la politique commune des transports, le Conseil aurait du, à défaut de fonder son action sur l'article 75, faire usage, a tout le moins, des pouvoirs que lui confère l'article 235;

94. Que le Conseil estime pour sa part que, la voie d'une action conjointe des Etats membres étant ouverte, il n'était pas nécessaire d'avoir recours a cette disposition et que, d'ailleurs, la Commission n'aurait jamais pris l'initiative de présenter une proposition à cet effet, ainsi qu'il est exigé par la disposition citée;

95. Attendu que, bien que l'article 235 permette au Conseil de prendre toutes "dispositions appropriées" également dans le domaine des relations extérieures, cet article ne crée aucune obligation, mais confère au Conseil une faculté dont le non-exercice ne saurait affecter la validité d'une délibération;

96. Que ce moyen doit des lors être rejeté;

97. Attendu que la Commission fait encore valoir que la délibération attaquée ne comporterait l'indication d'aucune base juridique et serait dépourvue de toute motivation;

98. Attendu que ces exigences, formulées par l'article 190 au regard des règlements, directives et décisions, ne sauraient être étendues à un acte de nature particulière, tel que la délibération du 20 mars 1970;

99. Qu'en effet, la participation aux travaux mêmes du Conseil a donné à la Commission toutes les garanties juridiques que l'article 190 a pour but d'assurer aux tiers concernés par les actes qui y sont mentionnés;

100. Attendu que le recours doit donc être rejeté;

101. Attendu qu'aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens;

102. Qu'en l'espèce, aucune des parties n'a présente de conclusions sur les dépens;

103. Qu'il convient donc de compenser les dépens;

LA COUR,

Rejetant toutes autres conclusions plus amples ou contraires, déclare et arrête:

1) le recours est rejeté;

2) chacune des parties supportera ses propres dépens.