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Décisions

CA Riom, ch. civ. sect. 1, 1 juin 1993, n° 2619-92

RIOM

arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Sarrazin (Epoux)

Défendeur :

Franfinance (Sté) ; Lorequip (Sté) ; SIR (Sté) ; Schaming-Fidry (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Alzuyeta

Conseillers :

Mmes Gire, Jean

Avoués :

Mes Goutet, Mottet

Avocats :

Mes Rayet, Lecatre, Langlais.

CA Riom n° 2619-92

1 juin 1993

Attendu que dans le cadre des méthodes modernes du commerce - démarchage de citoyens qui ne demandent rien à personne, assorti d'une proposition alléchante d'un crédit mirifique par le nombre prodigieux de mensualités et leur chiffre modeste -, méthodes qui passent parfois le cap commercial pour entrer dans le domaine délictuel, la société SIR démarcha en 1990 les époux Sarrazin pour les persuader de mettre un crépi isolation sur la façade de leur maison de Bessay Sur Allier ; que dans la technique dite de persuasion du client, elle proposa un crédit Creg couvrant la totalité du devis de 65 000 F, la première échéance de remboursement devant intervenir un an plus tard ; que les époux Sarrazin signèrent tout le 9 avril 1990 ; que le crépi fut fait ; que la société SIR fit alors une seconde proposition crépi total de la maison pour 40 311 F supplémentaires, nouveau prêt, Lorequip cette fois, et d'un montant de 105 000 F ; avec cet argent, SIR s'engageait :

- à rembourser immédiatement les 65 000 F Creg,

- a régler les douze premières mensualités Lorequip, soit 18 216,96 F,

- a couvrir de crépi toute la maison

que tout cela fut signé le 30 juin ; que SIR empocha les 105 000 F ; qu'elle ne fit rien de ce qu'elle avait promis, ni remboursement Creg ni fin du crépi, qu'elle fut déclarée en liquidation judiciaire à Metz le 1er août 1990, avec fixation de la date de cessation des paiements au 18 janvier 1989, qu'enfin elle est également l'objet d'une instruction pénale à Metz.

Attendu que cet exposé des faits, qui correspond tant aux documents fournis à la Cour qu'aux conclusions des parties, concordantes quant à ce, fait apparaître une bizarrerie ;

Attendu, en effet, qu'à supposer SIR revêtue d'honnêteté et d'ardeur commerciale, elle eut réalisé 65 000 F + 40 311 F = 105 311 F de travaux, tandis qu'elle eut encaissé 65 000 F Creg + 105 000 F Lorequip soit 170 000 F moins 65 000 F remboursés à Creg, moins 18 216,96 F de mensualités, soit 86 783,04 F ; que ce serait bien la première fois que la cour rencontrerait une entreprise qui réaliserait 105 311 F de travaux pour 86 783,04 F ; qu'à moins de croire à la fantasmagorie, il faut donc admettre que, se sachant en pleine déconfiture, SIR a, en toute hâte, encaissé 65 000 + 105 000 = 170 000 F ; qu'elle a réalisé, selon l'expertise dont il va être parlé ci-après des travaux valant TTC 22 000 F (arrondis), qu'elle a donc bénéficié sans droit de 170 000 F - 22 000 F, soit 148 000 F ; qu'à Metz le juge pénal appréciera qu'ici cette bizarrerie montre la candeur naïve des époux Sarrazin ;

Attendu que c'est dans ces conditions que les deux organismes de crédit, non remboursés, ont demandé aux époux Sarrazin le paiement des mensualités ; que ces époux ont d'abord sollicité du tribunal d'instance la suspension du paiement d'icelles, ont ensuite saisi le Tribunal de grande instance de Moulins aux fins, dans un premier temps, de désignation d'un expert pour évaluer les malfaçons du crépi, et, dans un deuxième temps, de résilier le contrat conclu avec SIR, ce qui entraînerait la résolution des contrats passés avec Creg et Lorequip, par application de la loi 78-22 du 10 janvier 1978

Attendu que l'expertise a eu lieu, aux bons soins de CAMUS ; que cet homme de l'art a évalué l'intervention de SIR à 51 235,20 F TTC, estimé les désordres à 29 560 F, et donc fixé le zèle de SIR à 21 675,20 F TTC ; que, ci- dessus, la cour les a arrondis à 22 000 F ;

Attendu que par jugement du 8 septembre 1992, le Tribunal de grande instance de Moulins a débouté les époux Sarrazin de leurs demandes et les a déclarés débiteurs du solde des échéances mensuelles dues à Lorequip et à Creg, aujourd'hui devenue Franfinance ;

Attendu qu'appelants céans les époux Sarrazin soulignent qu'aux termes de l'expertise, les travaux SIR ne sont satisfaisants "ni sur le plan de la tenue ni sur le plan de l'aspect" (sic), que la réparation des désordres dépasse de 50 % le co0t des travaux réalisés ; que les derniers travaux prévus n'ont pas eu lieu ; qu'ils estiment en conséquence qu'il y a lieu à résolution des contrats SIR par application de l'article 1184 du Code civil, et à celle subséquente des deux contrats de prêts en vertu de l'article 9 alinéa 2 de la loi 78-22 du 10 janvier 1978 ; qu'ils en déduisent que les intimés doivent leur rembourser les mensualités versées

Attendu que Franfinance (ex Creg) conclut au confirmé et, en cas de résolution de son contrat, à la condamnation des époux Sarrazin à rembourser le capital de 65 000 F et les intérêts ;

Attendu que Lorequip conclut le 29 mars 1993 au confirmé pour les trois raisons suivantes :

1°) les époux Sarrazin auraient prêté la main à un "montage financier irrégulier" (sic) ;

2°) ils ont signé le 4 juillet 1990 une acceptation sans réserves des travaux, ce qui aurait parait-il mis Lorequip en confiance ;

3°) la résolution éventuelle du contrat Sarrazin - SIR - lui serait inopposable en raison de la faute commise selon elle par les époux Sarrazin dans "le montage frauduleux des crédits" (sic) ;

Attendu qu'Isabelle Schaming-Fidry, mandataire liquidateur à Metz de la société SIR, ne conclut pas, bien que régulièrement assignée ; que l'arrêt sera donc réputé contradictoire ;

Sur quoi, LA COUR

Attendu, d'une part, qu'en cas d'inexécution partielle d'un contrat, il appartient aux juges d'apprécier si cette inexécution a assez d'importance pour que la résolution doive être immédiatement prononcée ;

Attendu que la Cour estime en l'espèce, au vu des éléments de fait ci-dessus relatés, que l'inexécution partielle par SIR du contrat du 9 avril 199O est suffisante pour que la résolution d'icelui soit prononcée ;

Attendu, d'autre part, que l'inexécution totale par SIR du contrat du 30 juin 1990 entraîne évidemment sa résolution ;

Attendu, de troisième part, que les contrats de crédit sont résolus de plein droit en vertu de l'article 9 alinéa 2 de la loi du 10 janvier 1978 dès l'instant que, conformément à l'alinéa 3 du même article, les prêteurs sont présents à l'instance ; que la conséquence d'une telle résolution est prévue par l'article 10 de ladite loi, à savoir que SIR doit garantir les époux Sarrazin du remboursement du prêt, et ce "à la demande du prêteur" ; qu'en l'espèce les conclusions de Franfinance et de Lorequip ne demandent rien de semblable, de telle sorte que la cour est conduite à rechercher, devant cette carence, quel est désormais l'impact de la résolution du contrat principal ; qu'elle trouve la solution dans le titre et dans l'esprit de la loi 78-22 du 10 janvier 1978 ; que le titre "protection des consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit", et l'esprit dépeint par l'article 2 "les dispositions de la présente loi s'appliquent à toute opération de crédit", montrent clairement que ce sont les citoyens du type Sarrazin que le législateur a entendu protéger des agissements d'organismes du type SIR que, dans ces conditions, la résolution du contrat principal entraîne la libération des époux Sarrazin, lesquels ne sont point du tout les noirs personnages stigmatisés par les conclusions de Lorequip (une acceptation de travaux pour un crépi raté ne souligne que la malice de SIR) ;

Que cette libération est totale sauf en ce qui concerne le paiement du chiffre évalué par l'expert ;

Attendu, de dernière part, que les appelants sollicitent la condamnation solidaire de Franfinance et de Lorequip à leur payer 10 000 F de dommages-intérêts et 20 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile que les premiers sont infondés et les seconds exactement fixés à 10 000 F ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire Rejetant toutes autres conclusions, Infirme le jugement. Prononce la résolution des contrats intervenus entre les époux Sarrazin et la société SIR les 9 avril 1990 et 30 juin 1990. Dit en conséquence que les époux Sarrazin ne doivent aucune somme ni à la société Creg devenue Franfinance ni à la société Lorequip. Condamne Franfinance à payer aux époux Sarrazin les échéances qu'ils lui ont versées ; Condamne Lorequip à payer aux époux Sarrazin les échéances qu'ils lui ont versées ; Dit que les époux Sarrazin sont débiteurs envers le règlement judiciaire de la société SIR d'une somme de 21 675,20 F TTC ; Condamne solidairement Franfinance et Lorequip à payer aux époux Sarrazin dix mille francs (10 000,00 F) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Les condamne sous la même solidarité aux dépens et autorise Me Goutet, avoué, à recouvrer directement ceux dont il a pu faire l'avance sans avoir reçu provision suffisante.