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Décisions

CJCE, 15 juillet 1963, n° 25-62

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

arrêt

PARTIES

Demandeur :

Plaumann & Co.

Défendeur :

Commission de la Communauté économique européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocat :

Me Ditges

CJCE n° 25-62

15 juillet 1963

LA COUR,

I - En ce qui concerne le recours en annulation

Sur la recevabilité

Attendu qu'aux termes de l'article 173, alinéa 2, du traité CEE, " toute personne physique ou morale peut former... un recours contre les décisions qui, bien que prises sous l'apparence... d'une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement " ;

Que la défenderesse soutient que les mots " autre personne " figurant dans cet alinéa, ne se référent pas aux Etats membres, considérés en leur qualité de puissance publique et que, des lors, les particuliers ne sont pas admis à former un recours en annulation contre les décisions de la Commission ou du Conseil adressées à de tels destinataires ;

Que cependant l'article 173, alinéa 2, du traité admet le recours des particuliers contre les décisions adressées à une " autre personne " et qui les concerneraient de façon directe et individuelle, mais que cet article ne précise ni ne limite la portée de ces termes ;

Que la lettre et le sens grammatical de la disposition précitée justifient l'interprétation la plus large ;

Que, d'ailleurs, les dispositions du traité concernant le droit d'agir des justiciables ne sauraient être interprétées restrictivement ;

Que, partant, dans le silence du traité, une limitation à cet égard ne saurait être présumée ;

Que, dès lors, la thèse de la défenderesse ne peut être considérée comme fondée ;

Attendu que la défenderesse soutient en outre que la décision attaquée est, par sa nature même, un règlement, pris sous la forme d'une décision individuelle et que, de ce fait, elle est soustraite au recours des particuliers au même titre que les actes normatifs de portée générale ;

Que, cependant, il résulte des articles 189 et 191 du traité CEE;

Que, dès lors, l'acte attaqué doit être considéré comme une décision visant un sujet déterminé et n'ayant d'effets obligatoires qu'à l'égard de celui-ci ;

Attendu qu'aux termes de l'article 173, alinéa 2, du traité, les particuliers peuvent former un recours en annulation contre les décisions qui, tout en étant adressées à une autre personne, les concernent directement et individuellement, mais qu'en l'espèce la défenderesse conteste que la décision litigieuse concerne le requérant d'une façon directe et individuelle ;

Qu'il convient tout d'abord d'examiner si la deuxième condition de recevabilité est remplie, puisqu'il devient superflu, si le requérant n'est pas concerné individuellement par ladite décision, de rechercher si celle-ci le frappe d'une façon directe ;

Que les sujets autres que les destinataires d'une décision ne sauraient prétendre être concernés individuellement que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d'une manière analogue à celle du destinataire ;

Qu'en l'espèce le requérant est atteint par la décision litigieuse en tant qu'importateur de clémentines, c'est-à-dire en raison d'une activité commerciale qui, à n'importe quel moment, peut être exercée par n'importe quel sujet, et qui n'est donc pas de nature à le caractériser par rapport à la décision attaquée d'une façon analogue à celle du destinataire ;

Que, pour ces raisons, il y a lieu de conclure que le présent recours en annulation doit être déclaré non recevable.

II - En ce qui concerne le recours en indemnité

Sur la recevabilité

Attendu que la défenderesse soutient que les conclusions du présent recours, ayant été formulées pour la première fois dans la réplique, ont été tardivement présentées, et ne sont pas recevables aux termes de l'article 38, paragraphe 1, d, du règlement de procédure ;

Que cependant le requérant a introduit dans la requête une demande en constatation ayant pour objet le préjudice éventuel découlant de la décision attaquée ; que, au cours de la procédure écrite et orale, il a précisé l'objet de cette demande et a évalué le montant dudit préjudice ;

Que, partant, les conclusions du recours en indemnité peuvent être considérées comme un développement admissible de celles contenues dans la requête ; qu'elles sont donc recevables, aux termes de l'article 38, paragraphe 1, d, précité.

Sur le fond

Attendu que les conclusions du requérant tendent au paiement d'une indemnité dont le montant correspond à celui des droits de douane et de la taxe sur le chiffre d'affaires qu'il a dû verser, suite à la décision contre laquelle il a formé, simultanément, un recours en annulation ;

Que, dans ces conditions, il y a lieu de constater que le préjudice allégué par le requérant est basé sur cette décision, et que le recours en indemnité vise en réalité le retrait des effets juridiques que la décision litigieuse a comportés pour le requérant ;

Attendu qu'en l'espèce la décision attaquée n'a pas été annulée ;

Qu'un acte administratif non annulé ne saurait être en lui-même constitutif d'une faute lésant les administrés ; que ceux-ci ne sauraient donc prétendre à des dommages-intérêts du fait de cet acte ;

Que la Cour ne saurait, par le truchement du recours en indemnité, décider des mesures qui annihileraient les effets juridiques d'une telle décision qui n'a pas été annulée ;

Que l'action du requérant doit donc être rejetée comme non fondée.

III - Quant aux dépens

Attendu qu'aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens ;

Que la partie requérante, ayant succombé en son action, doit être condamnée à supporter les dépens ;

LA COUR,

Rejetant toutes autres conclusions plus amples ou contraires, déclare et arrête :

1) le recours en annulation est rejeté comme irrecevable ;

2) le recours en indemnité est rejeté comme non fondé ;

3) la partie requérante est condamnée aux dépens de l'instance.