Cass. soc., 21 septembre 2005, n° 03-45.752
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Luxottica France (SA)
Défendeur :
Lefebvre
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mazars (faisant fonction)
Rapporteur :
M. Rovinski
Avocat général :
M. Foerst
Avocats :
SCP Gatineau, Me Foussard.
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu que M. Lefebvre, engagé à compter du 21 avril 1987 en qualité de VRP exclusif par la société Luxottica France, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappel de commissions ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Caen, 20 juin 2003) d'avoir prononcé la résiliation du contrat de travail de M. Lefebvre aux torts de l'employeur et de l'avoir condamné au paiement de diverses sommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à titre de rappel de commissions, alors, selon le moyen : 1°) que le juge doit respecter le sens clair et précis des actes juridiques privés ; que les termes de la lettre d'engagement d'un représentant précisant que "votre rémunération sera uniquement à la commission soit 15 % sur le chiffre d'affaires net hors taxes réalisé" et que "cette commission pourra être diminuée dans le cas où vous accorderiez une remise supérieure à 15 % à vos clients" impliquent que les remises supérieures à 15 % traditionnellement accordées par le représentant aux adhérents de centrales d'achats, en vertu de négociations conclues auparavant par son employeur, soient considérées dans le cadre de ce système de réduction ; qu'en estimant le contraire, au motif que, claires et précises, les clauses du contrat impliquent que ce soit le représentant et non la direction commerciale qui prenne l'initiative ou décide d'accorder la remise, le juge du fond a ignoré le sens du verbe "accorder" qu'il a assimilé au verbe "consentir", a ajouté au texte et a violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) que la détermination du sens à donner à la formule "accorder une remise" ne doit pas interférer avec la détermination du direct et de l'indirect en matière de représentation ni avec celle du secteur attribué au représentant ; qu'en relevant que "le cas des clients adhérents à une centrale d'achats n'est pas mentionné dans le contrat" et que "la seule mention concerne les groupements Cosmas" (jugement page 4 alinéa 1), le juge du fond a déduit un motif dépourvu de valeur dans le cadre de son appréciation et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 120-3, L. 121-1 et L. 121-2 du Code du travail ; 3°) qu'en tout état de cause, lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et en sollicite la résiliation en raison des faits qu'il reproche à son employeur, la rupture ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les faits invoqués sont suffisamment graves pour justifier une telle mesure ; qu'en présence d'une clause pouvant de bonne foi être lue de plusieurs manières, l'employeur retenant l'une de ces lectures a priori envisageables ne commet pas une faute suffisamment grave pour se voir condamner pour modification du contrat de travail et pour inexécution de ses obligations contractuelles ; qu'à supposer que la clause fut claire et précise pour le juge du fond, il n'en demeure pas moins qu'elle pouvait légitimement être comprise comme instituant un système de réduction du taux de commission pour chaque remise accordée par le représentant qu'il en soit l'initiateur ou non ; qu'en outre, pendant plus de dix ans, à compter du premier jour d'activité, M. Lefebvre a accepté le mode de calcul tel qu'interprété et appliqué par la société Luxottica ; qu'en appliquant néanmoins la théorie de la modification d'un élément contractuel et en qualifiant les faits d'inexécution contractuelle sans caractériser le caractère délibéré et intentionnel d'un changement survenu en cours d'exécution et sans établir que de tels faits étaient suffisamment graves pour justifier une rupture du contrat aux torts de l'employeur, le juge d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 120-3, L. 121-1, L. 121-2, L. 122-14-2 et L. 122-14-3 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel n'a pas dénaturé les dispositions contractuelles en constatant que le VRP était rémunéré exclusivement par une commission de 15 % sur le chiffre d'affaires, que le taux de cette commission ne pouvait être diminué que dans le cas où M. Lefebvre accordait lui-même une remise supérieure à 15 % à ses clients et qu'aucune clause n'avait prévu une réduction du taux de 15 % pour le cas de prises de commandes de clients adhérents à des centrales d'achat ;
Attendu, ensuite, qu'ayant relevé que l'employeur avait imposé à l'intéressé, malgré son refus, la modification du taux de son commissionnement et que, depuis 1995, il n'avait pas perçu l'intégralité des sommes qui lui étaient dues, la cour d'appel en a déduit sans encourir les griefs du moyen que M. Lefebvre était fondé en sa demande de résiliation du contrat de travail ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.