TPICE, président, 30 octobre 2003, n° T-125/03 R
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
Akzo Nobel Chemicals Ltd, Akcros Chemicals Ltd
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocats :
Mes Swaak, Mollica
LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Faits et procédure
1. Le 10 février 2003, la Commission a adopté une décision sur le fondement de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après la "décision du 10 février 2003"), portant modification de la décision du 30 janvier 2003 par laquelle la Commission ordonnait, notamment, aux sociétés Akzo Nobel Chemicals Ltd et Akcros Chemicals Ltd (ci-après les "requérantes") et à leurs filiales respectives de se soumettre à une vérification visant à rechercher les preuves d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles (ci-après la "décision du 30 janvier 2003").
2. Les 12 et 13 février 2003, des fonctionnaires de la Commission, assistés de représentants de l'Office of Fair Trading (autorité britannique de la concurrence), ont effectué une vérification, sur le fondement desdites décisions, dans les locaux des requérantes situés à Eccles, Manchester (Royaume-Uni). Durant cette vérification, les fonctionnaires de la Commission ont pris copie d'un nombre important de documents.
3. Au cours de ces opérations, les représentants des requérantes ont indiqué aux fonctionnaires de la Commission que certains documents contenus dans un dossier particulier étaient susceptibles d'être couverts par le secret professionnel protégeant les communications avec des avocats ("legal professional privilege") et que, par conséquent, la Commission ne pouvait pas y avoir accès.
4. Les fonctionnaires de la Commission ont alors indiqué aux représentants des requérantes qu'il leur était nécessaire de consulter sommairement, sans les examiner, les documents en cause, afin qu'ils puissent se forger leur propre opinion sur la protection dont lesdits documents devaient éventuellement bénéficier. Au terme d'une longue discussion, et après que les fonctionnaires de la Commission et de l'Office of Fair Trading eurent rappelé aux représentants des requérantes les conséquences pénales d'une obstruction à des opérations de vérification, il a été décidé que le responsable de la vérification consulterait sommairement les documents en question, un représentant des requérantes se tenant à ses côtés. Il a également été décidé que, dans l'hypothèse où ce représentant soutiendrait qu'un document était couvert par le secret professionnel, il devrait motiver plus en détail sa demande.
5. Durant l'examen des documents contenus dans le dossier signalé par les représentants des requérantes, un différend est survenu à propos de cinq documents, qui ont fait l'objet, en définitive, de deux types de traitements.
6. Le premier de ces documents est une note dactylographiée de deux pages en date du 16 février 2000 émanant du directeur général d'Akcros Chemicals et adressée à l'un de ses supérieurs. Selon les requérantes, cette note contient des informations rassemblées par le directeur général d'Akcros Chemicals lors de discussions internes avec d'autres employés. Ces informations auraient été recueillies afin d'obtenir un avis juridique externe dans le cadre du programme de respect du droit de la concurrence précédemment mis en place par Akzo Nobel.
7. Le deuxième de ces documents est un second exemplaire de la note de deux pages décrite au point précédent, sur lequel figurent, en outre, des notes manuscrites qui se réfèrent à des contacts avec un avocat des requérantes, en faisant, notamment, mention de son nom.
8. Après avoir recueilli les explications des requérantes au sujet de ces deux premiers documents, les fonctionnaires de la Commission n'ont pas été en mesure de parvenir sur-le-champ à une conclusion définitive quant à la protection dont lesdits documents devaient éventuellement bénéficier. Ils en ont donc pris copie et l'ont placée dans une enveloppe scellée qu'ils ont emportée au terme de leur vérification. Dans leur demande, les requérantes ont désigné ces deux documents comme appartenant à la "série A".
9. Le troisième document ayant fait l'objet d'un différend entre les fonctionnaires de la Commission et les requérantes est constitué d'un ensemble de notes manuscrites du directeur général d'Akcros Chemicals, dont les requérantes soutiennent qu'elles ont été rédigées à l'occasion de discussions avec des subordonnés et utilisées en vue de la rédaction de la note dactylographiée de la série A.
10. Enfin, les deux derniers documents en cause sont deux courriers électroniques, échangés entre le directeur général d'Akcros Chemicals et le coordinateur d'Akzo Nobel pour le droit de la concurrence. Ce dernier est un avocat inscrit au barreau néerlandais qui, au moment des faits, était également membre du service juridique d'Akzo Nobel et, en conséquence, était employé de façon permanente par cette entreprise.
11. Après avoir revu ces trois derniers documents et recueilli les explications des requérantes, la responsable de la vérification a considéré qu'ils n'étaient certainement pas protégés par le secret professionnel. En conséquence, elle en a pris copie et l'a jointe au reste du dossier, sans l'isoler dans une enveloppe scellée, contrairement à ce qu'elle avait fait pour les documents de la série A. Dans leur demande, les requérantes ont désigné ces trois documents comme appartenant à la "série B".
12. Le 17 février 2003, les requérantes ont fait parvenir une lettre à la Commission, dans laquelle elles exposaient les raisons pour lesquelles, selon elles, tant les documents de la série A que ceux de la série B étaient protégés par le secret professionnel.
13. Par courrier du 1er avril 2003, la Commission a informé les requérantes que les arguments présentés dans leur lettre du 17 février 2003 ne lui permettaient pas de conclure que les documents visés étaient effectivement couverts par le secret professionnel. Dans ce même courrier, la Commission indiquait cependant aux requérantes qu'elles avaient la possibilité de présenter des observations sur ces conclusions préliminaires dans un délai de deux semaines, délai à l'expiration duquel la Commission adopterait une décision finale.
14. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 avril 2003, les requérantes ont introduit, en vertu de l'article 230, quatrième alinéa, CE, un recours visant, notamment, à l'annulation de la décision du 10 février 2003 et, en tant que de besoin, de la décision du 30 janvier 2003, "dans la mesure où la Commission y voit la légitimation et/ou le fondement de sa démarche (laquelle ne peut être dissociée de la décision) de saisie et/ou de contrôle et/ou de lecture de documents couverts par le secret professionnel". Cette affaire porte le numéro T-125-03.
15. Le 17 avril 2003, les requérantes ont informé la Commission du dépôt de leur requête dans l'affaire T-125-03. Elles ont également indiqué à la Commission que les observations qu'elles avaient été invitées à lui soumettre le 1er avril 2003 étaient contenues dans cette requête introductive.
16. Le même jour, les requérantes ont déposé une demande sur le fondement des articles 242 CE et 243 CE, visant, notamment, à ce que le juge des référés sursoie à l'exécution de la décision du 10 février 2003 et, en tant que de besoin, à celle de la décision du 30 janvier 2003. Cette affaire a été enregistrée au greffe sous le numéro T-125-03 R.
17. Le 8 mai 2003, la Commission a adopté une décision sur la base de l'article 14, paragraphe 3, du règlement nº 17 (ci-après la "décision du 8 mai 2003"). À l'article 1er de cette décision, la Commission rejette la demande des requérantes visant à ce que les documents de la série A et de la série B leur soient retournés et à ce que la Commission confirme la destruction de toutes les copies de ces documents en sa possession. Par ailleurs, à l'article 2 de la décision du 8 mai 2003, la Commission indique son intention d'ouvrir l'enveloppe scellée contenant les documents de la série A. La Commission précise néanmoins aux requérantes qu'elle ne procédera pas à cette opération avant l'expiration du délai de recours contentieux contre la décision du 8 mai 2003.
18. Le 14 mai 2003, la Commission a présenté ses observations écrites sur la demande en référé dans l'affaire T-125-03 R.
19. Le 22 mai 2003, le président du Tribunal a invité les requérantes à présenter leurs observations sur les conséquences qu'il convenait de tirer, selon elles, dans l'affaire T-125-03 R, de la décision du 8 mai 2003. Le 9 juin 2003, les requérantes ont présenté lesdites observations, auxquelles la Commission a répondu le 3 juillet 2003.
20. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 juillet 2003, en vertu de l'article 230, quatrième alinéa, CE, les requérantes ont introduit un recours visant à l'annulation de la décision du 8 mai 2003 et au paiement par la Commission des dépens afférents à leur recours. Par acte séparé enregistré le 11 juillet 2003, les requérantes ont déposé une demande en référé visant, notamment, à ce que le juge des référés sursoie à l'exécution de la décision du 8 mai 2003. Cette affaire porte le numéro T-253-03 R.
21. Dans leur demande, les requérantes demandent également la jonction des affaires T-125-03 R et T-253-03 R, en application de l'article 50 du règlement de procédure du Tribunal.
22. Le 1er août 2003, la Commission a présenté ses observations écrites sur la demande en référé dans l'affaire T-253-03 R.
23. Les 7 et 8 août 2003, l'Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten (Conseil général de l'ordre des avocats néerlandais) représenté par Me O. Brouwer, avocat, et le Council of the Bars and Law Societies of the European Union (Conseil des barreaux de l'Union européenne, ci-après le "CCBE"), représenté par M. J. E. Flynn, QC, ont respectivement déposé une demande d'intervention dans les affaires T-125-03 R et T-253-03 R, au soutien des conclusions des requérantes.
24. Le 12 août 2003, l'European Company Lawyers Association (Association européenne des juristes d'entreprise, ci-après l'"ECLA"), représentée par Me M. Dolmans, avocat, et M. J. Temple Lang, solicitor, a déposé une demande en intervention dans l'affaire T-125-03 R au soutien des conclusions des requérantes. Le 18 août 2003, l'ECLA a également déposé une demande en intervention dans l'affaire T-253-03 R, toujours au soutien des conclusions des requérantes.
25. Le 1er septembre 2003 et le 2 septembre 2003, respectivement, la Commission et les requérantes ont déposé leurs observations sur les demandes d'intervention dans les affaires T-125-03 R et T-253-03 R. Le 2 septembre 2003, les requérantes ont également déposé une demande de traitement confidentiel de certains éléments du dossier, sur le fondement de l'article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure.
26. Le 8 septembre 2003, sur demande du président du Tribunal en application des articles 64, paragraphe 3, sous d), et 67, paragraphe 3, du règlement de procédure, la Commission a communiqué au président, sous pli confidentiel, une copie des documents de la série B ainsi que l'enveloppe scellée contenant les documents de la série A.
27. Par lettres des 4 et 5 septembre 2003, le greffe a invité les demanderesses en intervention à être présentes lors de l'audition.
28. Le 15 septembre 2003, en présence d'un représentant du greffe, le président du Tribunal a procédé à l'ouverture de l'enveloppe scellée contenant les documents de la série A et examiné son contenu. Cette opération, au terme de laquelle les documents étudiés ont été placés de nouveau dans une enveloppe scellée, a donné lieu à la rédaction d'un procès-verbal, lequel a été versé au dossier dans les affaires T-125-03 R et T-253-03 R.
29. Le même jour, le CCBE et l'Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten ont chacun présenté des objections sur plusieurs points de la demande de traitement confidentiel déposée par les requérantes en application de l'article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure. En application du même article, le 16 septembre 2003, le président du Tribunal a fait partiellement droit, à titre provisoire, à la demande de traitement confidentiel des requérantes, au stade de la demande en référé.
30. Le 19 septembre 2003, le greffe a communiqué aux parties demanderesses en intervention une nouvelle version non confidentielle des pièces de procédure dans les affaires T-125-03 R et T-253-03 R.
31. Le 23 septembre 2003, les requérantes, la Commission, l'Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten, le CCBE et l'ECLA ont été entendus en leurs explications orales lors d'une audition.
Conclusions des parties
32. Dans l'affaire T-125-03 R, les requérantes demandent au juge des référés d'adopter les mesures suivantes:
- surseoir à l'exécution de la décision du 10 février 2003 et, en tant que de besoin, à l'exécution de la décision du 30 janvier 2003, dans la mesure où la Commission y voit la légitimation et/ou le fondement de sa démarche de saisie et/ou de contrôle et/ou de lecture de documents couverts par le secret professionnel;
- ordonner à la Commission de conserver les documents de la série A dans l'enveloppe scellée, cette dernière devant être remise à une partie tierce indépendante (dont l'identité serait à convenir entre les parties dans les cinq jours suivant la date de la décision à intervenir dans le présent référé), afin qu'elle en assure la garde jusqu'à la résolution du litige faisant l'objet du recours au fond;
- ordonner à la Commission de placer les documents de la série B dans une enveloppe scellée à remettre à une partie tierce indépendante (dont l'identité serait à convenir entre les parties dans les cinq jours suivant la date de la décision à intervenir dans le présent référé), afin qu'elle en assure la garde jusqu'à la résolution du litige faisant l'objet du recours au fond;
- ordonner à la Commission de se défaire de toute copie supplémentaire qu'elle pourrait détenir des documents de la série B et d'en confirmer la destruction dans les cinq jours suivant la date de la décision à intervenir;
- ordonner à la Commission de n'entreprendre aucune démarche pour (continuer à) contrôler ou utiliser les documents tant de la série A que de la série B jusqu'à la résolution du litige au principal;
- condamner la Commission aux dépens.
33. La Commission, pour sa part, conclut, dans l'affaire T-125-03 R, à ce que le juge des référés:
- rejette la demande en référé;
- condamne les requérantes aux dépens;
- condamne l'Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten, le CCBE et l'ECLA aux dépens exposés par la Commission en lien avec leur intervention.
34. Dans l'affaire T-253-03 R, les requérantes demandent au juge des référés d'adopter les mesures suivantes:
- surseoir à l'exécution de la décision du 8 mai 2003;
- ordonner à la Commission de conserver les documents de la série A dans l'enveloppe scellée jusqu'à la résolution du litige faisant l'objet du recours au fond;
- ordonner à la Commission de placer les documents de la série B dans une enveloppe scellée jusqu'à la résolution du litige faisant l'objet du recours au fond;
- ordonner à la Commission de se défaire de toute copie supplémentaire qu'elle pourrait détenir des documents de la série B et d'en confirmer la destruction dans les cinq jours suivant la date de la décision à intervenir;
- ordonner à la Commission de n'entreprendre aucune démarche pour (continuer à) contrôler ou utiliser les documents tant de la série A que de la série B jusqu'à la résolution du litige au principal;
- condamner la Commission aux dépens.
35. La Commission, pour sa part, conclut, dans l'affaire T-253-03 R, à ce que le juge des référés:
- rejette la demande en référé;
- condamne les requérantes aux dépens;
- condamne l'Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten, le CCBE et l'ECLA aux dépens exposés par la Commission en lien avec leur intervention.
En droit
36. À titre préliminaire, il convient de rappeler que l'article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure prévoit qu'une demande en référé doit spécifier les circonstances établissant l'urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l'octroi de la mesure provisoire à laquelle elle conclut. Ces conditions sont cumulatives, de sorte qu'une demande de sursis à exécution doit être rejetée dès lors que l'une d'elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C-268-96 P(R), Rec. p. I4971, point 30]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C-445-00 R, Rec. p. I1461, point 73).
37. La mesure demandée doit en outre être provisoire, en ce sens qu'elle ne préjuge pas les points de droit ou de fait en litige ni ne neutralise par avance les conséquences de la décision à rendre ultérieurement au principal [ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C-149-95 P(R), Rec. p. I2165, point 22].
38. Par ailleurs, il y a lieu de souligner que, dans le cadre de son examen d'ensemble, le juge des référés dispose d'un large pouvoir d'appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l'espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l'ordre de cet examen, dès lors qu'aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d'analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement (ordonnance Commission/Atlantic Container Line e.a., citée au point 37 ci-dessus, point 23).
1. Sur la jonction des affaires T-125-03 R et T-253-03 R
39. Dans leur demande en référé dans l'affaire T-253-03 R, les requérantes ont demandé la jonction des affaires T-125-03 R et T-253-03 R. Pour sa part, la Commission, dans ses observations dans l'affaire T-253-03 R, s'oppose à cette jonction au motif que le recours au principal dans l'affaire T-125-03 serait manifestement irrecevable.
40. Dans la mesure, cependant, où les affaires T-125-03 R et T-253-03 R portent sur les mêmes faits, opposent les mêmes parties et ont un objet connexe, il y a lieu, en application de l'article 50 du règlement de procédure, d'ordonner leur jonction aux fins de la présente ordonnance.
2. Sur les demandes d'intervention
41. Ainsi qu'il a été noté aux points 23 et 24 ci-dessus, le CCBE, l'Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten et l'ECLA ont déposé une demande d'intervention dans l'affaire T-125-03 R et dans l'affaire T-253-03 R, au soutien des conclusions des requérantes.
42. La Commission a indiqué qu'elle n'avait pas d'observations à formuler sur ces trois demandes d'intervention. Par ailleurs, les requérantes ont déclaré soutenir ces demandes.
43. En vertu de l'article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable au Tribunal en vertu de l'article 53, premier alinéa, dudit règlement, le droit d'intervenir d'un particulier est soumis à la condition que ce dernier puisse justifier d'un intérêt à la solution du litige. Est admise l'intervention d'associations représentatives qui ont pour objet la protection de leurs membres dans des affaires soulevant des questions de principe de nature à affecter ces derniers [ordonnances du président de la Cour du 17 juin 1997, National Power et PowerGen, C-151-97 P(I) et C-157-97 P(I), Rec. p. I3491, point 66, et du 28 septembre 1998, Pharos/Commission, C-151-98 P, Rec. p. I5441, point 6; ordonnances du président du Tribunal du 22 mars 1999, Pfizer/Conseil, T-13-99 R, non publiée au Recueil, point 15, et du 28 mai 2001, Poste Italiane/Commission, T-53-01 R, Rec. p. II1479, point 51].
44. En l'espèce, le CCBE, une association de droit belge, a indiqué dans sa demande d'intervention qu'il était habilité par ses membres à prendre toutes les mesures nécessaires à l'accomplissement de son objet statutaire, à savoir, notamment, agir dans les matières mettant en jeu l'application des traités de l'Union européenne à la profession d'avocat.
45. Il y a donc lieu de considérer que le CCBE a démontré, d'une part, qu'il représente les intérêts des barreaux de l'Union européenne et, d'autre part, qu'il a pour objet la défense de l'intérêt de ses membres. Par ailleurs, dès lors que la présente affaire pose directement des questions de principe relatives à la confidentialité des correspondances échangées avec des avocats, ces questions sont de nature à affecter les membres du CCBE, qui ont, notamment, pour fonction de définir et de sanctionner les règles déontologiques s'appliquant aux avocats.
46. En outre, la présente procédure pose directement des questions de principe relatives aux conditions dans lesquelles le juge des référés peut ordonner des mesures provisoires concernant des documents dont la Commission entend prendre connaissance sur le fondement de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, mais dont les entreprises faisant l'objet d'une vérification soutiennent qu'ils sont protégés par le secret professionnel. La définition de ces conditions est de nature à affecter directement les intérêts des membres du CCBE, en ce que ces dernières peuvent limiter ou au contraire étendre la protection juridictionnelle provisoire applicable, notamment, aux documents émanant de ces membres et que le CCBE considère comme couverts par le secret professionnel.
47. Le CCBE a donc démontré, à ce stade, l'existence de son intérêt à ce qu'il soit fait droit aux demandes de mesures provisoires des requérantes. Il y a lieu, par conséquent, d'admettre l'intervention du CCBE dans les affaires T-125-03 R et T-253-03 R.
48. L'Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten, pour sa part, indique qu'il est l'organe chargé par la loi néerlandaise de veiller au respect des principes régissant la profession d'avocat aux Pays-Bas, de définir les règles du barreau néerlandais ainsi que de défendre ses droits et intérêts.
49. L'Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten a donc fait état d'éléments de nature à démontrer qu'il représente les intérêts des avocats néerlandais et qu'il a pour objet la défense de l'intérêt de ses membres. Dès lors que, par ailleurs, la présente affaire met directement en jeu le statut des avocats néerlandais employés de façon permanente par une entreprise, elle pose des questions de principe de nature à affecter les intérêts des membres du barreau néerlandais et ceux de ce barreau lui-même.
50. En outre, ainsi qu'il a déjà été jugé au point 46 ci-dessus, la présente procédure pose directement des questions de principe relatives aux conditions dans lesquelles le juge des référés peut ordonner des mesures provisoires concernant des documents dont la Commission entend prendre connaissance sur le fondement de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, mais dont les entreprises faisant l'objet d'une vérification soutiennent qu'ils sont protégés par le secret professionnel. La définition de ces conditions est donc de nature à affecter directement les intérêts des membres de l'Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten, en ce qu'elles peuvent limiter ou au contraire étendre la protection juridictionnelle provisoire applicable, notamment, aux documents émanant de ces membres et que l'Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten considère comme couverts par le secret professionnel.
51. L'Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten a donc démontré, à ce stade, l'existence de son intérêt à ce qu'il soit fait droit aux demandes de mesures provisoires des requérantes. Il y a donc lieu d'admettre l'intervention de l'Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten dans les affaires T-125-03 R et T-253-03 R.
52. Enfin, l'ECLA a présenté des éléments, dans sa demande en intervention, établissant qu'elle représente des organisations qui, elles-mêmes, représentent une grande majorité des juristes d'entreprise en Europe. L'ECLA a également indiqué qu'elle avait pour principale activité la représentation des intérêts de ces juristes d'entreprise et, en particulier, la défense de leur position sur la question de la confidentialité des correspondances échangées avec eux. L'ECLA a donc démontré, à ce stade, qu'elle représente l'intérêt de ses membres et a, notamment, pour objet la défense de leurs intérêts. Dès lors que, par ailleurs, la présente affaire met directement en jeu la question de la confidentialité des correspondances avec des juristes d'entreprise, elle pose des questions de principe de nature à affecter directement les intérêts des membres de l'ECLA.
53. En outre, ainsi qu'il a déjà été jugé aux points 46 et 50 ci-dessus, la présente procédure pose directement des questions de principe relatives aux conditions dans lesquelles le juge des référés peut ordonner des mesures provisoires concernant des documents dont la Commission entend prendre connaissance sur le fondement de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, mais dont les entreprises faisant l'objet d'une vérification soutiennent qu'ils sont protégés par le secret professionnel. La définition de ces conditions est donc de nature à affecter directement les intérêts des membres de l'ECLA, en ce qu'elles peuvent limiter ou au contraire étendre la protection juridictionnelle provisoire applicable, notamment, aux documents émanant de ces membres et que l'ECLA considère comme couverts par le secret professionnel.
54. L'ECLA a donc démontré, à ce stade, l'existence de son intérêt à ce qu'il soit fait droit aux demandes de mesures provisoires des requérantes. Il convient donc d'admettre l'intervention de l'ECLA dans les affaires T-125-03 R et T-253-03 R.
3. Sur la demande de traitement confidentiel
55. Au stade de la procédure en référé, il convient d'accorder un traitement confidentiel aux informations visées comme telles dans le courrier du greffe aux requérantes en date du 16 septembre 2003, dans la mesure où de telles informations sont susceptibles, à première vue, d'être considérées comme secrètes ou confidentielles au sens de l'article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure.
4. Sur la demande dans l'affaire T-125-03 R
Sur la recevabilité de la demande en référé
56. Selon une jurisprudence constante, la recevabilité du recours au principal ne doit pas, en principe, être examinée dans le cadre d'une procédure en référé sous peine de préjuger le fond de l'affaire. Il peut, néanmoins, s'avérer nécessaire, lorsque l'irrecevabilité manifeste du recours au principal sur lequel se greffe la demande en référé est soulevée, d'établir l'existence de certains éléments permettant de conclure, à première vue, à la recevabilité d'un tel recours [ordonnance du président de la Cour du 12 octobre 2000, Federación de Cofradías de Pescadores de Guipúzcoa e.a./Conseil, C-300-00 P(R), Rec. p. I8797, point 34; ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Stauner e.a./Parlement et Commission, T-236-00 R, Rec. p. II15, point 42, et du 8 août 2002, VVG International e.a./Commission, T-155-02 R, Rec. p. II3239, point 18].
57. En l'espèce, la Commission conteste que le recours au fond dans l'affaire T-125-03 soit recevable. Il y a donc lieu de vérifier s'il existe des éléments permettant de conclure néanmoins, à première vue, à la recevabilité du recours au principal dans cette affaire.
Arguments des parties concernant la recevabilité du recours au principal
58. Dans l'affaire T-125-03, les requérantes concluent à l'annulation de la décision du 10 février 2003 et, en tant que de besoin, de la décision du 30 janvier 2003, "dans la mesure où la Commission y voit la légitimation et/ou le fondement de sa démarche (laquelle ne peut être dissociée de la décision) de saisie et/ou de contrôle et/ou de lecture de documents couverts par le secret professionnel".
59. Les requérantes soutiennent que leur recours est recevable, en ce que la décision du 30 janvier 2003, la décision du 10 février 2003 et le traitement ultérieur des deux séries de documents en cause constituent en réalité une seule et même décision de la Commission dont la légalité peut être contestée devant le Tribunal. S'agissant ensuite de leur qualité à agir, les requérantes observent que la décision du 30 janvier 2003 et celle du 10 février 2003 leur sont directement adressées.
60. La Commission, pour sa part, soutient que le recours au principal est manifestement irrecevable.
Appréciation du juge des référés
61. Selon l'article 230, quatrième alinéa, CE, "[t]oute personne physique ou morale peut former [...] un recours contre les décisions dont elle est le destinataire".
62. Il n'est pas contesté, en l'espèce, que les requérantes sont destinataires des décisions du 10 février 2003 et du 30 janvier 2003 et que chacune de ces décisions produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts des requérantes.
63. La Commission souligne, cependant, que les effets juridiques dénoncés dans le recours au principal ne procèdent pas des décisions du 10 février 2003 et du 30 janvier 2003, mais d'actes qui lui sont postérieurs. Les arguments de la Commission tendent néanmoins à démontrer, en substance, que, sur le fond, aucun des moyens des requérantes n'est susceptible d'être utilement invoqué au soutien des conclusions en annulation de la décision du 10 février 2003 et, en tant que de besoin, de la décision du 30 janvier 2003. C'est donc, à première vue, dans le cadre de l'évaluation de l'apparence de bon droit (fumus boni juris) du recours au fond qu'il conviendra d'en tenir compte.
64. S'agissant ensuite des arguments de la Commission selon lesquels certaines conclusions des requérantes visent l'annulation d'une partie seulement de la décision du 10 février 2003 modifiant la décision du 30 janvier 2003 et devraient, par conséquent, être écartées dans la mesure où l'annulation de cette décision obligerait le Tribunal à statuer ultra petita, il ressort du dossier que, dans leurs observations du 3 juillet 2003, les requérantes contestent avoir demandé l'annulation d'une partie seulement de cette décision.
65. Il existe donc des éléments permettant de conclure que la recevabilité des conclusions en annulation dans l'affaire T-125-03 n'est pas exclue.
Sur le fumus boni juris
66. Les requérantes soulèvent trois moyens à l'encontre de la décision du 10 février 2003 et, en tant que de besoin, à l'encontre de la décision du 30 janvier 2003. En premier lieu, lors des opérations de vérification, la Commission aurait violé les principes procéduraux posés par la jurisprudence (arrêt de la Cour du 18 mai 1982, AM & S/Commission, 155-79, Rec. p. 1575) ainsi que leur droit de demander des mesures provisoires en application de l'article 242 CE, dans la mesure où, d'une part, les fonctionnaires de la Commission auraient lu et discuté entre eux des documents des séries A et B et, d'autre part, ces mêmes fonctionnaires auraient joint immédiatement les documents de la série B à leur dossier. En second lieu, toujours lors de ces opérations de vérification, la Commission aurait violé, sur le fond, le secret professionnel protégeant les communications avec des avocats, d'une part, en refusant sur-le-champ de considérer les documents de la série B comme couverts par le secret professionnel et, d'autre part, en saisissant les documents de la série A. Ces mêmes faits constitueraient également, en troisième lieu, une violation des droits fondamentaux qui seraient le fondement même du secret professionnel.
67. Il ressort de cet exposé que l'ensemble des moyens dirigés par les requérantes contre la décision du 10 février 2003 et, en tant que de besoin, contre la décision du 30 janvier 2003 portent, en réalité, comme l'a souligné la Commission, sur des mesures postérieures à ces décisions et qui en sont, par ailleurs, distinctes. En effet, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la décision du 10 février 2003 et celle du 30 janvier 2003 sont clairement séparables des opérations contestées, dès lors, notamment, qu'elle ne contiennent aucune référence particulière aux documents des séries A et B. Par conséquent, l'individualisation et le traitement contesté dont ces documents ont fait l'objet, par rapport aux autres documents couverts par les décisions du 10 février 2003 et du 30 janvier 2003, résultent nécessairement d'actes distincts et postérieurs.
68. Or, il suffit de rappeler à cet égard que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d'une enquête fondée sur l'article 14 du règlement n° 17, une entreprise ne saurait se prévaloir de l'illégalité dont serait entaché le déroulement de procédures de vérification au soutien de conclusions en annulation dirigées contre l'acte sur le fondement duquel la Commission procède à cette vérification (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 octobre 1989, Dow Benelux/Commission, 85-87, Rec. p. 3137, point 49, et arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T-305-94 à T-307-94, T-313-94 à T-316-94, T-318-94, T-325-94, T-328-94, T-329-94 et T-335-94, Rec. p. II931, point 413).
69. Cette impossibilité ne fait que refléter le principe général selon lequel la légalité d'un acte doit être appréciée au regard des circonstances de droit et de fait existant au moment où cette décision a été adoptée, de telle sorte que des actes postérieurs à une décision ne peuvent pas en affecter la validité (arrêts de la Cour du 8 novembre 1983, IAZ e.a./Commission, 96-82 à 102-82, 104-82, 105-82, 108-82 et 110-82, Rec. p. 3369, point 16, et Dow Benelux/Commission, cité au point 68 ci-dessus, point 49).
70. Sans qu'il soit besoin d'examiner plus précisément les moyens des requérantes, il y a donc lieu de conclure que ces derniers, même à les supposer fondés, ne sauraient être utilement invoqués au soutien des conclusions en annulation de la décision du 10 février 2003 et, en tant que de besoin, de la décision du 30 janvier 2003.
71. Par conséquent, les requérantes n'ont pas établi l'existence d'un fumus boni juris, ce qui suffit à emporter le rejet de la demande dans l'affaire T-125-03 R.
5. Sur la demande dans l'affaire T-253-03 R
72. Il convient, en premier lieu, d'examiner si les requérantes ont démontré l'existence d'un fumus boni juris puis, en deuxième lieu, d'examiner si elles ont démontré l'urgence des mesures provisoires demandées et, enfin, le cas échéant, de procéder à la mise en balance des intérêts en présence.
Sur le fumus boni juris
Arguments des parties.
73. Les requérantes considèrent que leur recours contre la décision du 8 mai 2003, qui repose sur trois moyens, n'est pas dénué de tout fondement.
74. En premier lieu, les requérantes soutiennent que la Commission a violé les principes procéduraux posés par l'arrêt AM & S/Commission, cité au point 66 ci-dessus, en matière de protection du secret professionnel. Selon les requérantes en effet, lorsqu'une entreprise faisant l'objet d'une vérification sur le fondement de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 invoque la protection de documents par le secret professionnel, la procédure que doit suivre la Commission comprend les trois étapes suivantes. Dans un premier temps, dans l'hypothèse où l'entreprise en cause invoquerait le secret professionnel et refuserait de produire des documents sur ce fondement, il lui appartiendrait de démontrer que les conditions de fond requises par la jurisprudence pour la protection par le secret professionnel sont réunies, sans avoir pour autant à révéler le contenu des documents concernés. Dans un deuxième temps, dans l'hypothèse où la Commission ne se satisferait pas des explications avancées par l'entreprise faisant l'objet d'une vérification, il appartiendrait à la Commission d'ordonner, par une décision adoptée en vertu de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, la production des documents concernés. Enfin, dans un troisième temps, si l'entreprise continuait à soutenir que ces documents sont couverts par le secret professionnel, ce serait aux juridictions communautaires qu'il appartiendrait de régler ce différend.
75. Or, en l'espèce, les requérantes estiment que la Commission a inversé les étapes de cette procédure, dans la mesure où, durant la vérification, les fonctionnaires de la Commission auraient, d'une part, pris possession et discuté entre eux, pendant plusieurs minutes, des documents des séries A et B et, d'autre part, versé au dossier les documents de la série B sans les placer dans une enveloppe scellée. Les requérantes considèrent, en substance, que la Commission, au lieu de prendre une copie des documents en cause et d'adopter la décision du 8 mai 2003, aurait dû laisser lesdits documents sur les lieux de la vérification et prendre une décision ordonnant aux requérantes de les produire. Cette décision aurait alors pu faire l'objet d'un recours devant les juridictions communautaires. Les requérantes considèrent également que les traitements différents dont les documents des séries A et B ont fait l'objet constituent une violation du principe de non-discrimination.
76. Dans leur deuxième moyen, les requérantes soutiennent, en substance, que, dès le stade de la vérification, la Commission a violé le secret professionnel, d'une part, en déniant toute protection aux documents de la série B et, d'autre part, en examinant de façon exhaustive les documents de la série A. Les requérantes considèrent que la décision du 8 mai 2003 viole également, sur le fond, le secret professionnel, dans la mesure où elle traduit, notamment, le refus de la Commission de retourner et de détruire les documents des séries A et B et, par ailleurs, manifeste l'intention de la Commission d'ouvrir l'enveloppe scellée contenant les documents de la série A.
77. Les requérantes précisent à cet égard que les deux documents de la série A et les notes manuscrites de la série B sont couverts par le secret professionnel, car ils seraient le résultat direct du programme de respect du droit de la concurrence mis en œuvre par elles avec l'assistance de conseils externes.
78. Précisant ensuite leurs arguments pour chacun des documents en cause, les requérantes soutiennent, en premier lieu, que la note constituant la base des deux documents de la série A doit être considérée comme le support écrit d'une discussion téléphonique avec un conseil externe, ainsi que l'attesterait, notamment, la référence manuscrite au nom de cet avocat sur l'un des deux exemplaires de cette note.
79. Ensuite, selon les requérantes, les notes manuscrites de la série B sont également couvertes par le secret professionnel, dans la mesure où elles ont servi à préparer les notes de la série A, elles-mêmes protégées.
80. S'agissant, enfin, des courriers électroniques de la série B, les requérantes soulignent qu'ils relèvent de la correspondance entre le directeur général d'Ackros Chemicals et un membre du service juridique d'Akzo Nobel. Ce dernier serait un avocat inscrit au barreau néerlandais, soumis à des obligations déontologiques d'indépendance et de respect des règles du barreau semblables à celles d'un avocat externe. Ces règles prévaudraient sur son devoir de loyauté à l'égard de son employeur. À cet égard, les requérantes conviennent du fait que la jurisprudence communautaire ne reconnaît pas pour l'instant la protection par le secret professionnel des travaux des juristes d'entreprise, mais elles considèrent néanmoins, en substance, que de nombreux changements des règles déontologiques des États membres sont intervenus depuis l'arrêt AM & S/Commission, cité au point 66 ci-dessus, tenant, notamment, à l'extension de la couverture du secret professionnel à l'activité de certains juristes d'entreprise. Les requérantes s'appuient également, par analogie, sur l'arrêt du Tribunal du 7 décembre 1999, Interporc/Commission (T-92-98, Rec. p. II3521, point 41), dans lequel le Tribunal aurait considéré que les correspondances entre le service juridique de la Commission et ses diverses directions générales ne pouvaient être divulguées. Les requérantes soulignent de plus que la limitation du secret professionnel aux seules communications avec des conseils externes constitue une violation du principe de non-discrimination et porte préjudice, dans le cadre de la modernisation du droit de la concurrence, à l'évaluation, par les entreprises, de la conformité de leurs actions avec le droit de la concurrence. Les requérantes notent, enfin, que les communications en cause ont été échangées entre deux personnes situées, respectivement, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, c'est-à-dire dans deux États qui reconnaissent la protection par le secret professionnel des communications des juristes d'entreprise lorsque ceux-ci sont inscrits à un barreau.
81. Enfin, dans leur troisième moyen, les requérantes considèrent que la décision du 8 mai 2003 viole les droits fondamentaux, qui seraient le fondement même du secret professionnel, notamment, les droits de la défense, le respect de la vie privée et la liberté d'expression, tels que précisés par la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme.
82. La Commission, pour sa part, réfute l'ensemble de ces arguments et considère qu'aucun des moyens présentés par les requérantes n'est de nature à satisfaire à la condition relative au fumus boni juris.
83. La Commission conteste ainsi le premier moyen des requérantes, selon lequel elle aurait violé les principes procéduraux applicables lorsque des entreprises revendiquent la protection de certains documents par le secret professionnel. À titre préliminaire, la Commission relève que la procédure définie dans l'arrêt AM & S/Commission, cité au point 66 ci-dessus, n'a pas une valeur absolue et n'exige pas que, dès lors qu'une entreprise invoque le secret professionnel, la Commission soit tenue, d'une part, de s'abstenir de prendre une copie des documents en cause et, d'autre part, d'ordonner de nouveau cette communication. Toujours à titre préliminaire, la Commission conteste l'affirmation des requérantes selon laquelle les fonctionnaires de la Commission auraient, durant la vérification, pris possession des documents en cause et en auraient discuté entre eux pendant plusieurs minutes.
84. La Commission soutient, ensuite, que l'adoption de mesures conservatoires visant à s'assurer que les documents ne seront pas détruits ne va pas à l'encontre des principes définis dans l'arrêt AM & S/Commission, cité au point 66 ci-dessus. L'adoption de telles mesures lui permettrait de ne pas avoir à faire appel à l'assistance des autorités nationales afin que ces dernières ordonnent formellement la production des documents concernés.
85. Enfin, la Commission considère qu'elle n'a pas violé le principe de non-discrimination en traitant de façon différente les documents de la série A et ceux de la série B, dès lors que ces documents n'étaient pas identiques.
86. La Commission considère également que le deuxième moyen soulevé par les requérantes est manifestement infondé.
87. À cet égard, la Commission soutient, en premier lieu, que les deux documents de la série A ne sont pas couverts par le secret professionnel, dans la mesure où il s'agit de deux exemplaires d'une même note ne comprenant pas d'indications permettant de démontrer qu'elle a été rédigée dans le cadre ou en vue d'un avis juridique par un conseil externe. La seule indication en ce sens consisterait en une référence manuscrite, sur l'une des deux copies, au nom d'un avocat, qui prouverait au mieux qu'une conversation avait eu lieu avec lui à propos de cette note. Les éléments fournis par les requérantes seraient cependant insuffisants pour démontrer, d'une part, que la note en question a été rédigée dans la perspective d'un avis juridique et, d'autre part, qu'un tel avis a été donné.
88. En tout état de cause, selon les requérantes elles-mêmes, la note refléterait des discussions internes entre le directeur général d'Akcros Chemicals et d'autres employés, intervenues dans le cadre du programme de respect du droit de la concurrence mis en place par les requérantes. Elle ne refléterait donc pas des discussions avec un conseil externe, contrairement à ce qui serait exigé par la jurisprudence (ordonnance du Tribunal du 4 avril 1990, Hilti/Commission, T-30-89, Rec. p. II163, publication par extraits, point 18). Par ailleurs, selon la Commission, la circonstance selon laquelle un document a été rédigé dans le cadre d'un programme de respect du droit de la concurrence ne constitue pas un élément suffisant pour que ce document soit couvert par le secret professionnel, dans la mesure où, par son ampleur, un tel programme va au-delà de l'exercice des droits de la défense, du moins en l'absence d'enquête ou de procédure dirigées contre l'entreprise. Il ne suffirait pas non plus que le document ait été établi sur les instructions d'un conseil externe dans le cadre d'un tel programme pour qu'il soit couvert par le secret professionnel. Pour achever ses explications sur le programme de respect du droit de la concurrence mis en œuvre par les requérantes, la Commission souligne, premièrement, que les requérantes ne soutiennent pas que ce programme est mentionné dans les documents de la série A, deuxièmement, que les pièces produites par les requérantes démontreraient qu'elles ont cherché à détourner le secret professionnel de sa finalité et, troisièmement, que l'existence du programme de respect du droit de la concurrence n'a jamais été invoquée durant la vérification des 12 et 13 février 2003.
89. La Commission soutient également que les notes manuscrites de la série B ne sont pas protégées par le secret professionnel, dans la mesure où elles n'ont pas l'apparence d'une communication avec un avocat externe, ne font état d'aucune intention des requérantes d'avoir une telle communication et ne rapportent pas le texte ou le contenu de communications écrites avec un avocat indépendant en vue de l'exercice des droits de la défense. La Commission souligne par ailleurs que rien n'indique que ces documents aient un lien avec le programme de respect du droit de la concurrence mis en œuvre par les requérantes, que, en tout état de cause, un tel lien ne serait pas suffisant pour protéger ces documents et, enfin, que selon les requérantes elles-mêmes, ces notes auraient été rédigées pour la préparation des notes de la série A, qui ne sont pas couvertes par le secret professionnel.
90. S'agissant, enfin, des courriers électroniques de la série B, la Commission soutient qu'ils ne sont clairement pas couverts par le secret professionnel, dans la mesure où ils ne constituent pas une communication avec un avocat indépendant, ne font état d'aucune intention de communiquer avec un avocat indépendant et, en dernier lieu, ne rapportent pas le texte ou le contenu de communications écrites avec un avocat indépendant en vue de l'exercice des droits de la défense. La Commission rappelle à cet égard qu'en droit communautaire les correspondances avec des juristes d'entreprise ne sont pas couvertes par le secret professionnel (arrêt AM & S/Commission, cité au point 66 ci-dessus, point 24). La Commission soutient en outre que le contenu des courriers électroniques en cause laisse apparaître que le juriste d'entreprise des requérantes n'agissait pas en tant qu'avocat, mais en tant qu'employé.
91. S'agissant plus précisément de la question de la protection des correspondances avec des avocats employés de façon permanente, la Commission fait remarquer que le fait de reconnaître la thèse des requérantes créerait différents régimes au sein de l'Union européenne, selon que les juristes d'entreprise sont autorisés ou non par les États membres à être membres d'un barreau. La Commission considère également que les principes posés dans l'arrêt AM & S/Commission, cité au point 66 ci-dessus, ne doivent pas être modifiés, car, premièrement, les juristes d'entreprise ne jouissent pas de la même indépendance que les avocats externes, deuxièmement, la jurisprudence issue de l'arrêt Interporc/Commission, cité au point 80 ci-dessus, ne serait pas justifiée par des motifs ayant trait au secret professionnel et, troisièmement, l'extension de la portée du secret professionnel conduirait à des abus. Enfin, la Commission souligne que la nécessité croissante, pour les entreprises, d'évaluer elles-mêmes la compatibilité de leurs actes avec le droit de la concurrence en raison du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO L 1, p. 1), est sans incidence sur les questions de secret professionnel. En effet, de telles évaluations s'intensifieraient surtout pour l'application de l'article 81, paragraphe 3, CE, alors que les questions liées au secret professionnel se poseraient essentiellement pour l'application des articles 81, paragraphe 1, CE et 82 CE.
92. La Commission considère, en troisième lieu, comme infondé le dernier moyen des requérantes, selon lequel la Commission aurait violé les droits fondamentaux qui seraient au fondement du secret professionnel. La Commission estime en effet que les requérantes n'ont pas établi de lien entre les droits fondamentaux invoqués et la violation dénoncée et que, en tout état de cause, les droits de la défense des requérantes n'ont pas été violés, dès lors que la Commission a suivi une procédure conforme en tous points aux principes posés dans l'arrêt AM & S/Commission, cité au point 66 ci-dessus. Enfin, la Commission soutient que la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme citée par les requérantes dans leur demande ne fait pas référence, contrairement à ce que soutiennent ces dernières, à la protection de la vie privée.
Appréciation du juge des référés
93. En l'espèce, le juge des référés estime qu'il convient d'examiner, tout d'abord, le deuxième moyen en ce qu'il concerne les documents de la série A, puis ce même moyen en ce qu'il concerne les documents de la série B et, enfin, le premier moyen.
- Deuxième moyen, tiré d'une violation du secret professionnel, en ce qu'il concerne les documents de la série A.
94. Dans leur deuxième moyen, les requérantes soutiennent que la décision du 8 mai 2003 a violé le secret professionnel couvrant, selon elles, les documents de la série A.
95. À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que le règlement n° 17 doit être interprété comme protégeant la confidentialité de la correspondance entre avocats et clients pour autant, d'une part, qu'il s'agisse de correspondance échangée dans le cadre et aux fins du droit de la défense du client et, d'autre part, qu'elle émane d'avocats indépendants, c'est-à-dire d'avocats non liés au client par un rapport d'emploi (arrêt AM & S/Commission, cité au point 66 ci-dessus, point 21).
96. Il convient également de rappeler que, compte tenu de sa finalité, le principe de protection accordée aux communications entre l'avocat et son client doit être regardé comme s'étendant également aux notes internes qui se bornent à reprendre le texte ou le contenu de ces communications (ordonnance Hilti/Commission, citée au point 88 ci-dessus, point 18).
97. En l'espèce, les requérantes ne soutiennent pas que les documents de la série A constituent, en eux-mêmes, une correspondance avec un avocat externe ou un document reprenant le texte ou le contenu d'une telle communication. Les requérantes soutiennent, en revanche, que les deux documents en cause constituent des notes rédigées en vue d'une consultation téléphonique avec un avocat.
98. Le juge des référés estime que le moyen soulevé par les requérantes pose des questions très importantes et complexes, portant sur la nécessité éventuelle d'étendre, dans une certaine mesure, le champ du secret professionnel tel qu'il est actuellement délimité par la jurisprudence.
99. Il convient, en effet, de rappeler, en premier lieu, que, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d'aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou astreintes, constitue un principe fondamental du droit communautaire, qui doit être observé même s'il s'agit d'une procédure de caractère administratif (voir, notamment, arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C-238-99 P, C-244-99 P, C-245-99 P, C-247-99 P, C-250-99 P à C-252-99 P et C-254-99 P, Rec. p. I8375, point 85, et arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Enso Española/Commission, T-348-94, Rec. p. II1875, point 80).
100. En deuxième lieu, la protection de la confidentialité de la correspondance entre avocats et clients constitue un complément nécessaire du plein exercice des droits de la défense, que le règlement n° 17 lui-même, notamment dans son onzième considérant et par les dispositions de son article 19, prend soin de sauvegarder (arrêt AM & S/Commission, cité au point 66 ci-dessus, point 23).
101. En troisième lieu, le secret professionnel est intimement lié à la conception du rôle de l'avocat, considéré comme un collaborateur de la justice appelé à fournir, en toute indépendance et dans l'intérêt de celle-ci, l'assistance légale dont son client a besoin (arrêt AM & S/Commission, cité au point 66 ci-dessus, point 24).
102. Or, pour qu'un avocat puisse exercer, de façon efficace et utile, son rôle de collaborateur de la justice et d'assistance juridique en vue du plein exercice des droits de la défense, il peut s'avérer nécessaire, dans certaines circonstances, que son client prépare des documents de travail ou de synthèse, notamment afin de rassembler les informations qui seront utiles voire indispensables à cet avocat pour comprendre le contexte, la nature et la portée des faits à propos desquels son assistance est recherchée. En outre, la préparation de tels documents peut s'avérer particulièrement nécessaire dans les matières mettant en jeu des informations nombreuses et complexes, ce qui est le cas, notamment, des procédures visant à sanctionner les infractions aux articles 81 CE et 82 CE.
103. Dans ce contexte, il convient de rappeler que, si le règlement n° 17 a doté la Commission de larges pouvoirs d'enquête et a imposé aux entreprises l'obligation de collaborer aux mesures d'investigation, selon une jurisprudence constante, il importe néanmoins d'éviter que les droits de la défense puissent être irrémédiablement compromis dans le cadre de procédures d'enquête préalable, dont notamment les vérifications, qui peuvent avoir un caractère déterminant pour l'établissement de preuves du caractère illégal de comportements d'entreprises de nature à engager leur responsabilité (arrêts de la Cour du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission, 46-87 et 227-88, Rec. p. 2859, point 15, et du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374-87, Rec. p. 3283, point 33).
104. Or, si la Commission, dans le cadre de vérifications ordonnées en application de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, pouvait prendre copie de documents de travail ou de synthèse préparés par une entreprise uniquement en vue de l'exercice des droits de la défense par son avocat, à première vue, il pourrait en résulter une atteinte irrémédiable aux droits de la défense de cette entreprise, dès lors que la Commission disposerait d'éléments de nature à la renseigner immédiatement sur les options de défense que l'entreprise en cause peut adopter. Il y a donc lieu de penser que de tels documents sont susceptibles d'être couverts par le secret professionnel.
105. Il convient par conséquent de vérifier si, en l'espèce, les documents de la série A sont susceptibles d'appartenir à une telle catégorie.
106. À cet égard, les requérantes soulignent que les notes dactylographiées de la série A ont été rédigées dans le cadre d'un programme de respect du droit de la concurrence mis en œuvre par un cabinet d'avocats externe. Plus précisément, les notes de la série A auraient été rédigées par le directeur général d'Akcros Chemicals sur la base de discussions avec des subordonnés, transmises dans un premier temps à son supérieur puis, enfin, discutées avec le conseil externe des requérantes.
107. Le juge des référés estime à ce stade que, comme l'a souligné la Commission, la seule existence d'un programme de respect du droit de la concurrence mis en œuvre par des avocats externes n'est pas suffisante, à première vue, pour prouver qu'un document préparé dans le cadre d'un tel programme est couvert par le secret professionnel. En effet, ces programmes, par leur ampleur, comprennent des tâches qui dépassent souvent largement l'exercice des droits de la défense.
108. Cette précision étant faite, le juge des référés estime néanmoins que, en l'espèce, il ne saurait être exclu à première vue que, en raison d'autres éléments, les notes dactylographiées de la série A aient effectivement été rédigées uniquement en vue d'obtenir un conseil juridique par l'avocat des requérantes et dans le cadre de l'exercice des droits de la défense.
109. En effet, en premier lieu, au terme de son examen des notes de la série A, le juge des référés a pu constater que, étant donné leur contenu, ces documents avaient à première vue pour objet quasi unique de compiler des informations qui sont de nature à être communiquées à un avocat afin d'obtenir son assistance sur des questions mettant en jeu l'application éventuelle des articles 81 CE et 82 CE. La première phrase de ces notes laisse ainsi clairement apparaître que le directeur général d'Akcros Chemicals a entendu rassembler, dans les documents de la série A, des informations relatives à certaines questions de droit de la concurrence. De par leur contenu et par leur portée, il existe par ailleurs des doutes sérieux sur l'éventualité que ces notes aient pu être rédigées pour un autre objet que la consultation ultérieure d'un avocat. De plus, même si, à ce stade, le contenu de ces documents ne laisse pas apparaître de façon absolument certaine qu'ils ont été rédigés uniquement en vue de l'assistance d'un avocat, le juge des référés estime néanmoins que l'absence de référence expresse, dans ces notes, à la recherche d'une assistance juridique ne constitue pas, en l'espèce, une raison suffisante pour écarter complètement la possibilité que cette assistance était, effectivement, la cause de leur rédaction.
110. En deuxième lieu, les requérantes ont produit devant le juge des référés le compte rendu d'une conversation téléphonique rédigée par l'un des avocats des requérantes, le jour même de cette conversation. Ce compte rendu étant lui-même susceptible d'être protégé par le secret professionnel, il n'a pas pu être communiqué à la Commission. Il laisse cependant apparaître que certains points de la discussion qui a eu lieu concernaient effectivement, à première vue, des informations contenues dans les documents de la série A.
111. En troisième lieu, l'un des deux exemplaires de la note de la série A porte des notes manuscrites mentionnant le nom du conseil des requérantes et tend à indiquer qu'une discussion téléphonique a bien eu lieu avec ce dernier, le jour même où il a rédigé le compte rendu de sa conversation téléphonique visé au point précédent.
112. Par conséquent, dans les circonstances de l'espèce, le juge des référés estime que ces éléments de contexte tendent à confirmer la possibilité que les notes de la série A ont été rédigées uniquement en vue de l'assistance d'un avocat.
113. S'agissant, enfin, de la condition relative à l'exercice des droits de la défense, il ressort de l'examen des documents de la série A que ces derniers concernent des faits susceptibles, à première vue, de justifier la consultation d'un avocat et d'avoir un lien de connexité soit avec l'enquête actuellement menée par la Commission, soit avec d'autres enquêtes que les requérantes pouvaient raisonnablement craindre ou anticiper et en vue desquelles elles entendaient planifier une stratégie et préparer, par avance, le cas échéant, l'exercice de leurs droits de la défense. Il reste cependant nécessaire, à première vue, aux fins de l'examen du présent moyen, de préciser les conditions exactes dans lesquelles de tels documents sont susceptibles de constituer, en particulier d'un point de vue temporel et matériel, une modalité d'exercice des droits de la défense.
114. Il ressort par conséquent de ce qui précède que le deuxième moyen soulevé par les requérantes, en ce qu'il concerne les documents de la série A, pose de nombreuses questions de principe délicates exigeant un examen détaillé dans l'affaire au principal et qu'il n'apparaît donc pas, à ce stade, comme étant manifestement infondé.
- Deuxième moyen, tiré d'une violation du secret professionnel, en ce qu'il concerne les documents de la série B.
115. Ainsi qu'il ressort des points 9 et 10 ci-dessus, les documents de la série B sont constitués, d'une part, de notes manuscrites dont les requérantes indiquent qu'elles ont été prises en vue de rédiger les notes de la série A et, d'autre part, de courriers électroniques. Il convient d'examiner ces trois documents au regard du deuxième moyen soulevé par les requérantes, tenant à une violation du secret professionnel par la Commission.
116. S'agissant, en premier lieu des notes manuscrites de la série B, il apparaît, sur la base d'une comparaison avec les notes dactylographiées de la série A, que les unes et les autres sont bâties globalement selon la même structure. Elles contiennent par ailleurs, sur le fond, de nombreux points communs. À première vue, il ne peut donc être exclu que, à l'instar des notes de la série A, les notes manuscrites de la série B n'auraient jamais été rédigées si leur auteur n'avait pas eu comme perspective de consulter, au sujet de leur contenu, un avocat. Le second moyen des requérantes, en ce qui concerne les notes manuscrites de la série B, n'est donc pas dénué de tout fondement sérieux.
117. Il y a lieu d'examiner, enfin, les deux courriers électroniques de la série B, échangés entre le directeur général d'Akcros Chemicals et le coordinateur d'Akzo Nobel pour le droit de la concurrence.
118. À cet égard, il convient de rappeler que, en application des principes posés dans l'arrêt AM & S/Commission, cité au point 66 ci-dessus, la protection accordée par le droit communautaire, en particulier dans le cadre du règlement n° 17, à la correspondance entre les avocats et leurs clients ne s'applique que pour autant que ces avocats sont indépendants, c'est-à-dire non liés à leur client par un rapport d'emploi (arrêt AM & S/Commission, cité au point 66 ci-dessus, point 21).
119. En l'espèce, il est constant que les courriers électroniques en cause ont été échangés entre le directeur général d'Akcros Chemicals et un avocat employé de façon permanente par Akzo Nobel. Sur le fondement de l'arrêt AM & S/Commission, cité au point 66 ci-dessus, cette correspondance n'est donc pas couverte, en principe, par le secret professionnel.
120. Le juge des référés estime, néanmoins, que les arguments avancés par les requérantes et les parties intervenantes soulèvent une question de principe qui mérite une attention toute particulière et qui ne peut être tranchée dans le cadre de la présente procédure en référé.
121. D'une part, en effet, comme le souligne la Commission, les États membres ne reconnaissent pas unanimement le principe selon lequel les correspondances échangées avec des juristes d'entreprise doivent être couvertes par le secret professionnel. En outre, comme le relève également la Commission, il est nécessaire d'éviter qu'une extension du secret professionnel puisse faciliter des abus qui permettraient la dissimulation des preuves d'une infraction aux règles de concurrence du traité et empêcheraient la Commission, par voie de conséquence, d'accomplir la mission qui lui incombe de veiller au respect de ces règles.
122. D'autre part, cependant, la solution de l'arrêt AM & S/Commission, cité au point 66 ci-dessus, est fondée, notamment, sur une interprétation des principes communs aux États membres datant de 1982. Il convient donc de déterminer si, dans la présente affaire, les requérantes et les parties intervenantes ont fait état d'éléments sérieux de nature à démontrer que, compte tenu de l'évolution du droit communautaire et de l'ordre juridique des États membres depuis l'arrêt AM & S/Commission, cité au point 66 ci-dessus, il ne saurait être exclu que la protection du secret professionnel doive, maintenant, s'étendre également aux correspondances échangées avec un avocat employé de façon permanente par une entreprise.
123. Le juge des référés estime que des arguments en ce sens ont été présentés en l'espèce et que ceux-ci ne sont pas dénués de tout fondement.
124. En effet, en premier lieu, les requérantes, l'Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten et l'ECLA ont produit des éléments tendant à démontrer que, depuis 1982, plusieurs États membres ont adopté des règles visant à protéger les correspondances échangées avec un juriste employé de façon permanente par une entreprise, dès lors que celui-ci est soumis à certaines règles déontologiques. Tel semble être le cas, notamment, de la Belgique et des Pays-Bas. Lors de l'audition, l'ECLA a indiqué en outre que, dans la majorité des États membres, les correspondances échangées avec des juristes d'entreprise soumis à des règles particulières de déontologie étaient protégées par le secret professionnel. La Commission, à l'inverse, a soutenu dans ses observations que c'était seulement dans une minorité d'États membres que les communications avec des juristes d'entreprise étaient couvertes par le secret professionnel.
125. Sans qu'il soit possible à ce stade de vérifier et de rentrer dans une analyse complète et détaillée des éléments présentés par les requérantes et les parties intervenantes, ceux-ci apparaissent néanmoins comme étant, à première vue, de nature à démontrer que le rôle de collaborateur de la justice dévolu aux avocats indépendants, qui s'est révélé déterminant pour la reconnaissance de la protection des correspondances auxquelles ils sont parties (arrêt AM & S/Commission, cité au point 66 ci-dessus, point 24), est désormais susceptible d'être partagé, dans une certaine mesure, par certaines catégories de juristes employés de façon permanente au sein d'entreprises, lorsque ceux-ci sont soumis à des règles déontologiques strictes.
126. Ces éléments tendent donc à indiquer que, de façon croissante, dans l'ordre juridique des États membres, et éventuellement, par voie de conséquence, dans l'ordre juridique communautaire, il ne saurait être présumé que le lien d'emploi entre un juriste et une entreprise affecte toujours et par principe l'indépendance requise pour exercer de façon efficace un rôle de collaborateur de la justice si, par ailleurs, des règles déontologiques fortes encadrent ce juriste, au besoin en lui imposant les devoirs particuliers que pourrait exiger son statut.
127. Il y a donc lieu de constater que les requérantes et les parties intervenantes ont présenté des arguments non dénués de tout fondement et de nature à justifier que soit posée de nouveau la question complexe des conditions dans lesquelles les correspondances échangées avec un avocat employé de façon permanente par une entreprise peuvent, éventuellement, être protégées par le secret professionnel, dès lors que cet avocat est soumis à des règles déontologiques de même degré que celles s'imposant à un avocat indépendant. Or, dans la présente affaire, les requérantes ont soutenu lors de l'audition, sans être clairement contredites sur ce point par la Commission, que l'avocat qu'elles employaient de façon permanente était tenu, précisément, à des règles professionnelles du même niveau que celles régissant les avocats indépendants du barreau néerlandais.
128. En outre, cette question de principe n'apparaît pas à première vue comme devant être écartée, à ce stade, en raison de l'argument de la Commission visant à démontrer que la reconnaissance du secret professionnel pour les correspondances échangées avec des avocats employés de façon permanente créerait différents régimes au sein de l'Union européenne, selon que les juristes d'entreprise sont autorisés ou non par les États membres à être membres d'un barreau.
129. Cette question complexe doit en effet faire l'objet d'un examen précis, notamment au regard, en premier lieu, de la portée exacte du droit qui serait alors reconnu, en deuxième lieu, des règles communautaires et nationales applicables aux professions d'avocat et de juriste d'entreprise et, en troisième lieu, des alternatives juridiques et pratiques qui s'offrent aux entreprises établies dans des États membres qui n'autorisent pas les juristes d'entreprise à être membres d'un barreau.
130. Il y a donc lieu de conclure que, en l'espèce, les requérantes ont soulevé par leur deuxième moyen une question de principe délicate, qui nécessite une appréciation juridique complexe et doit être réservée au Tribunal statuant au principal.
131. Il convient également, dans la présente affaire, d'examiner le premier moyen soulevé par les requérantes.
- Premier moyen, tiré d'une violation des principes procéduraux posés dans l'arrêt AM & S/Commission et de l'article 242 CE
132. Il convient de rappeler que, en principe, dans le cas où une entreprise, soumise à vérification en vertu de l'article 14 du règlement n° 17, refuse, en invoquant un droit à la protection de la confidentialité, de produire, parmi les documents professionnels exigés par la Commission, la correspondance échangée avec son avocat, il lui incombe en tout cas de fournir aux agents mandatés de la Commission, sans pour autant devoir leur dévoiler le contenu de la correspondance en question, les éléments utiles de nature à prouver que celle-ci remplit les conditions justifiant sa protection légale. Si la Commission estime qu'une telle preuve n'est pas rapportée, il appartient à la Commission d'ordonner, en application de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, la production de la correspondance en cause et, si besoin est, d'infliger à l'entreprise une amende ou une astreinte, en vertu du même règlement, en vue de sanctionner le refus de celle-ci soit d'apporter les éléments de preuve supplémentaires considérés par la Commission comme nécessaires, soit de présenter la correspondance en question que la Commission estimerait ne pas avoir un caractère confidentiel légalement protégé (arrêt AM & S/Commission, cité au point 66 ci-dessus, points 29 à 31). Il est possible ensuite pour l'entreprise contrôlée de déposer un recours en annulation contre la décision de la Commission, le cas échéant assorti d'une demande de mesures provisoires sur le fondement des articles 242 CE et 243 CE.
133. Les principes ainsi rappelés tendent à démontrer que, en principe, dans l'hypothèse où, d'une part, les représentants de l'entreprise contrôlée ont apporté les éléments utiles de nature à prouver qu'un document en particulier est protégé par le secret professionnel et où, d'autre part, la Commission ne se satisfait pas de ces explications, cette dernière n'est, à première vue, pas en droit de prendre connaissance du document concerné avant d'avoir adopté une décision permettant à l'entreprise contrôlée de saisir le Tribunal et, le cas échant, le juge des référés.
134. Il apparaît, en revanche, que le simple fait pour une entreprise de revendiquer la protection d'un document par le secret professionnel n'est pas, à première vue, suffisant pour empêcher la Commission de prendre connaissance de ce document si, par ailleurs, cette entreprise n'apporte aucun élément utile de nature à prouver qu'il est, effectivement, protégé par le secret professionnel.
135. En l'espèce, le considérant 6 de la décision du 8 mai 2003 indique que, lors de l'examen des documents de la série A, les représentants des requérantes ont, en premier lieu, eu une "discussion détaillée" avec les fonctionnaires de la Commission, en deuxième lieu, fait état d'une référence manuscrite au nom d'un avocat externe sur l'un des exemplaires de ces notes et, en troisième lieu, soutenu que ces notes avaient été préparées en vue d'une consultation juridique. Ces précisions tendent à indiquer, à première vue, que les requérantes ont fait état d'éléments utiles de nature à prouver la protection dont devaient, selon elles, bénéficier ces documents.
136. S'agissant ensuite des documents de la série B, il ressort du considérant 7 de la décision du 8 mai 2003 ainsi que des observations de la Commission que les représentants des requérantes et les fonctionnaires de la Commission ont également eu une "discussion détaillée" sur le contenu de ces trois documents, ce qui ne permet pas non plus d'exclure, à première vue, que les représentants des requérantes aient fait état, durant cette discussion, d'éléments de nature à justifier la protection éventuelle des trois documents de la série B, comme pour les documents de la série A.
137. Le présent moyen des requérantes soulève cependant une question supplémentaire délicate. Il convient en effet d'examiner, en outre, si, compte tenu du devoir qui incombe à une entreprise soumise à une vérification de présenter les éléments utiles de nature à prouver la réalité de la protection d'un document, les fonctionnaires de la Commission ont, à première vue, le droit d'exiger, comme il l'ont fait dans la présente affaire, de consulter sommairement ce document afin de se forger leur propre opinion sur la protection dont celui-ci doit éventuellement bénéficier.
138. À cet égard, il ressort de l'arrêt AM & S/Commission, cité au point 66 ci-dessus, que c'est "sans devoir [...] dévoiler le contenu" des documents en cause que l'entreprise faisant l'objet d'une vérification est tenue de présenter aux fonctionnaires de la Commission les éléments utiles de nature à prouver la réalité de leur protection (arrêt AM & S/Commission, cité au point 66 ci-dessus, point 29). En outre, si les fonctionnaires de la Commission pouvaient consulter les documents concernés, même de façon sommaire, il existerait un risque que, en dépit du caractère superficiel de leur examen, ils prennent connaissance d'informations couvertes par le secret professionnel. Tel risque d'être le cas, en particulier, si la confidentialité du document en cause ne ressort pas clairement de signes extérieurs tels qu'un papier à en-tête d'avocat ou une mention claire, par cet avocat, de la confidentialité dont doit bénéficier ce document. Dans une telle hypothèse, ce ne serait souvent qu'en consultant les informations protégées elles-mêmes que les fonctionnaires de la Commission pourraient s'assurer de leur confidentialité. En revanche, le fait, pour ces mêmes fonctionnaires, de placer simplement une copie des documents concernés, sans les avoir préalablement consultés, dans une enveloppe scellée ensuite emportée par eux en vue d'une résolution ultérieure du différend permet à première vue d'écarter les risques de violation du secret professionnel tout en permettant à la Commission de conserver un certain contrôle sur les documents faisant l'objet de la vérification.
139. Le juge des référés estime donc qu'à ce stade il n'est pas exclu que, dans le cadre d'une vérification fondée sur l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, les fonctionnaires de la Commission doivent s'abstenir de consulter, même d'une façon sommaire, les documents dont une entreprise soutient qu'ils sont protégés par le secret professionnel, du moins si cette entreprise n'y a pas consenti.
140. Or, en l'espèce, il ressort du procès-verbal de vérification rédigé par la Commission que, d'une part, les représentants des requérantes se sont opposés fermement à un examen sommaire des documents contenus dans le dossier en cause et que, d'autre part, c'est seulement en réponse au rappel des conséquences pénales éventuelles d'une obstruction qu'ils ont accepté de laisser la responsable de la vérification consulter rapidement ces documents. À ce stade, il n'est pas possible pour le juge des référés de déterminer si les avertissements de la Commission étaient suffisants pour vicier le consentement des représentants des requérantes. Les circonstances dans lesquelles ils ont été formulés ne permettent cependant pas de conclure, à ce stade, que les requérantes ont pleinement consenti à la revue sommaire des documents des séries A et B, laquelle a été réalisée ultérieurement par la responsable de la vérification, ainsi qu'en attestent les points 14 et 15 du procès-verbal de vérification.
141. En outre, il est constant entre les parties que c'est, ultérieurement, dès le stade de la vérification que la Commission a joint les documents de la série B à son dossier, sans adopter au préalable une décision sur le fondement de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, qui aurait permis aux requérantes de saisir le Tribunal et, le cas échéant, le juge des référés.
142. À ce stade, il apparaît donc, d'une part, que le premier moyen invoqué par les requérantes soulève une question complexe d'interprétation de la procédure définie dans l'arrêt AM & S/Commission, cité au point 66 ci-dessus, et, d'autre part, qu'il ne peut être exclu que la Commission n'ait pas respecté les principes procéduraux posés dans ce même arrêt.
143. Or, les arguments avancés par la Commission ne remettent en cause ni l'importance de cette question d'interprétation, ni la possibilité que la Commission ait agi illégalement à l'égard des documents de la série A et de la série B.
144. La Commission soutient en effet, en premier lieu, que, dans l'affaire AM & S/Commission, citée au point 66 ci-dessus, la vérification initiale de la Commission était fondée sur l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17 et que la Commission n'avait donc pas d'autre option que d'ordonner ultérieurement la production des documents concernés sur la base de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17. Selon la Commission, la situation serait différente dans la présente affaire, dans la mesure où sa décision de vérification était fondée dès l'origine sur l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17.
145. Il convient, cependant, de remarquer que, au point 29 de l'arrêt AM & S/Commission, citée au point 66 ci-dessus, la Cour n'a fait aucune distinction selon que la décision de vérification sur la base de laquelle la communication de documents est initialement demandée est fondée sur l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17, ou sur l'article 14, paragraphe 3, du même règlement. La Cour s'est en effet simplement référée, de façon générale, aux vérifications décidées en vertu de l'article 14 du règlement n° 17. Il ne peut donc en être déduit, à première vue, qu'une solution différente doive nécessairement exister dans l'hypothèse où la décision de vérification d'origine est fondée sur l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, plutôt que sur l'article 14, paragraphe 2, du même règlement.
146. En tout état de cause, la Commission n'a pas démontré en quoi le fait d'avoir ordonné une vérification sur le fondement de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 serait suffisant, à première vue, pour lui permettre de prendre immédiatement connaissance de documents potentiellement protégés par le secret professionnel, sans avoir adopté, au préalable, une deuxième décision permettant à l'entreprise faisant l'objet d'une vérification de contester utilement la position de la Commission devant le Tribunal et, le cas échéant, le juge des référés. La Commission a certes soutenu, lors de l'audition, que l'entreprise faisant l'objet d'une vérification pouvait contester la première décision, prise sur le fondement de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17. Cependant, ainsi qu'il a déjà été jugé au point 68 ci-dessus, une entreprise ne saurait se prévaloir de l'illégalité dont serait entaché le déroulement de procédures de vérification au soutien de conclusions en annulation dirigées contre l'acte sur le fondement duquel la Commission procède à cette vérification (voir, notamment, arrêt Dow Benelux/Commission, cité au point 68 ci-dessus, point 49, et arrêt du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, cité au point 68 ci-dessus, point 413). En outre, il apparaît que, dans l'hypothèse où, lors d'une vérification, la Commission entend prendre immédiatement connaissance de documents dont l'entreprise en cause soutient qu'ils sont couverts par le secret professionnel, il est à première vue irréaliste de considérer que cette entreprise, qui vient de prendre connaissance de la décision de vérification, a la possibilité matérielle et effective de la contester devant le Tribunal et, en particulier, devant le juge des référés, avant que la Commission ne prenne connaissance des documents en question. Dans une telle circonstance, les intérêts de l'entreprise ne semblent donc pas suffisamment sauvegardés par la possibilité ouverte par les articles 242 CE et 243 CE de voir ordonner le sursis à l'exécution de la décision prise ou toute autre mesure provisoire (voir, par analogie, arrêt AM & S/Commission, cité au point 66 ci-dessus, point 32).
147. En second lieu, la Commission a soutenu dans ses observations qu'elle était en droit, lorsqu'elle n'a aucun doute sur l'absence de protection d'un document par le secret professionnel, de le joindre immédiatement au reste de son dossier, ainsi qu'elle l'a fait pour les documents de la série B.
148. Cette solution ne peut, à ce stade, être retenue sans une analyse détaillée au principal. En effet, en premier lieu, ainsi qu'il ressort des points 137 à 140 ci-dessus, il n'est pas exclu que les fonctionnaires de la Commission doivent s'abstenir de consulter, même sommairement, les documents à propos desquels une entreprise apporte des éléments utiles de nature à prouver qu'ils sont couverts par le secret professionnel. En second lieu, même à supposer que les fonctionnaires de la Commission aient un tel droit, il n'en resterait pas moins que certains documents couverts par le secret professionnel, notamment les documents reprenant le contenu d'une correspondance avec un avocat, ont l'apparence de documents purement internes et ne comportent pas nécessairement de signes extérieurs indiquant qu'ils sont confidentiels. Par conséquent, dans une telle circonstance, la seule façon pour les fonctionnaires de la Commission de n'avoir aucun doute sur l'absence de protection d'un document serait, en définitive, de le lire sur-le-champ dans son intégralité et, par conséquent, d'en prendre connaissance avant d'avoir donné au préalable à l'entreprise contrôlée la possibilité de contester utilement la décision de la Commission devant le Tribunal et, le cas échéant, le juge des référés.
149. Les arguments de la Commission ne remettent donc pas en cause la réalité de la question de principe soulevée par le premier moyen des requérantes, à savoir la question des conditions dans lesquelles doivent être conciliées, sur un plan procédural, d'une part, les exigences du secret professionnel et, d'autre part, les contraintes matérielles et pratiques qui s'imposent à la Commission en matière de vérification.
150. La condition relative au fumus boni juris est, par conséquent, satisfaite pour les documents des séries A et B. Il convient donc d'examiner si les requérantes ont démontré qu'il était urgent d'ordonner les mesures provisoires demandées pour chacun des documents concernés.
Sur l'urgence
Arguments des parties
151. Les requérantes considèrent qu'une distinction doit être faite entre les documents de la série A et ceux de la série B aux fins de l'évaluation de l'urgence à ordonner les mesures provisoires demandées.
152. En premier lieu, s'agissant des documents de la série A, les requérantes notent que, dans sa décision du 8 mai 2003, la Commission a indiqué qu'elle n'ouvrirait pas l'enveloppe scellée avant l'expiration du délai de recours contentieux contre cette décision. Les requérantes se disent disposées à retirer leur demande de mesures provisoires portant sur les documents de la série A si la Commission garantit par écrit que l'enveloppe contenant ces documents restera scellée jusqu'au terme de la procédure au fond.
153. En second lieu, les requérantes relèvent que les documents de la série B sont en la possession de la Commission depuis le mois de février 2003 et qu'ils ont déjà été lus par elle, si bien qu'il serait nécessaire de prendre des mesures urgentes afin d'éviter que la Commission n'adopte des mesures irréversibles sur leur fondement.
154. En troisième lieu, les requérantes considèrent qu'elles pourraient subir un dommage irréparable si les effets de la décision du 8 mai 2003 n'étaient pas suspendus. En particulier, le statut de ces documents pourrait avoir un effet sur la position des requérantes dans l'enquête actuellement en cours, dès lors que les documents de la série B ont déjà été revus et que, sur le fondement de tous les documents en cause, la Commission pourrait procéder à d'autres mesures d'enquête ou adresser aux requérantes une communication des griefs. Les requérantes reconnaissent à cet égard que des irrégularités procédurales peuvent être invoquées dans le cadre d'un recours contre une décision prise sur le fondement de l'article 81, paragraphe 1, CE, mais elles soutiennent qu'il serait contraire à l'intérêt de la Commission que cette évaluation soit faite aussi tard. Par ailleurs, les requérantes considèrent que la possibilité que des parties tierces puissent accéder aux documents pourrait lui causer un dommage irréparable, notamment dans la mesure où d'autres autorités que la Commission pourraient ordonner à ces tiers de leur communiquer des documents dans le cadre de procédures de "discovery" (communication imposée de documents). Enfin, le statut de ces documents serait de la plus haute importance compte tenu d'enquêtes qui seraient en cours au Canada, aux États-Unis et au Japon.
155. La Commission estime, à l'inverse, qu'il n'y a pas d'urgence à ordonner les mesures provisoires demandées.
156. Sur ce point, la Commission indique, en premier lieu, qu'elle n'ouvrira pas l'enveloppe contenant les documents de la série A avant que le juge des référés ne se soit prononcé sur la demande présentée dans cette affaire. S'agissant, ensuite, des documents à la fois de la série A et de la série B, la Commission souligne que dans l'hypothèse où le Tribunal jugerait, au principal, que la décision du 8 mai 2003 est illégale, la Commission serait obligée de retirer de son dossier les documents affectés par cette illégalité et empêchée d'utiliser ces informations comme éléments de preuve. La Commission estime, néanmoins, qu'elle pourrait fonder sa stratégie future sur les documents retirés du dossier, dès lors qu'elle ne serait pas tenue de souffrir d'"amnésie aiguë" (arrêt de la Cour du 16 juillet 1992, Asociación Española de Banca Privada e.a., C-67-91, Rec. p. I4785, point 39, faisant référence à l'arrêt Dow Benelux/Commission, cité au point 68 ci-dessus, points 18 et 19).
157. La Commission indique également qu'elle ne permettra pas à des tiers d'avoir accès aux documents en cause avant que le Tribunal n'ait statué sur le recours au fond, ce qui préviendrait tout risque de divulgation entre les mains de parties tierces.
158. Enfin, le risque de l'ouverture de procédures contentieuses hors de la Communauté serait purement hypothétique et, à ce titre, ne pourrait pas être pris en compte dans le cadre de l'examen de l'urgence à ordonner des mesures provisoires [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C-335-99 P(R), Rec. p. I8705, point 67].
Appréciation du juge des référés
159. Il ressort d'une jurisprudence constante que le caractère urgent d'une demande en référé doit s'apprécier par rapport à la nécessité qu'il y a de statuer provisoirement, afin d'éviter qu'un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. C'est à celle-ci qu'il appartient d'apporter la preuve qu'elle ne saurait attendre l'issue de la procédure au principal, sans avoir à subir un préjudice de cette nature (voir, notamment, ordonnances du président du Tribunal du 30 avril 1999, Emesa Sugar/Commission, T-44-98 R II, Rec. p. II1427, point 128, et du 7 avril 2000, Fern Olivieri/Commission, T-326-99 R, Rec. p. II1985, point 136).
160. Il suffit cependant, particulièrement lorsque la réalisation du préjudice dépend de la survenance d'un ensemble de facteurs, que ce préjudice soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant (voir, notamment, ordonnance de la Cour du 29 juin 1993, Allemagne/Conseil, C-280-93 R, Rec. p. I3667, points 22 et 34, et ordonnance HFB e.a./Commission, citée au point 158 ci-dessus, point 67).
161. Il convient, en l'espèce, d'analyser de façon distincte, d'une part, si la condition relative à l'urgence est satisfaite pour les documents appartenant à la série A et, d'autre part, si cette même condition est satisfaite pour les documents appartenant à la série B.
- Documents de la série A
162. La Commission n'ayant pas encore eu accès aux documents de la série A, qui sont contenus dans une enveloppe scellée, il y a lieu de déterminer s'il est nécessaire, afin d'empêcher la production d'un préjudice grave et irréparable, d'ordonner à la Commission de ne pas prendre connaissance de ces documents et, par conséquent, de surseoir à l'exécution de l'article 2 de la décision du 8 mai 2003.
163. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, si la Commission prenait connaissance des documents de la série A et si, ultérieurement, le Tribunal considérait, dans son arrêt au principal, que c'est à tort que la Commission a refusé de considérer ces documents comme couverts par le secret professionnel, il serait impossible en pratique pour la Commission de tirer toutes les conséquences de cet arrêt d'annulation, dès lors que les fonctionnaires de la Commission auraient d'ores et déjà pris connaissance du contenu des documents de la série A.
164. En ce sens, la prise de connaissance par la Commission des informations contenues dans les documents de la série A constituerait, en tant que telle, une atteinte substantielle et irréversible au droit des requérantes de faire respecter le secret protégeant ces documents.
165. La Commission souligne néanmoins que, si la décision du 8 mai 2003 était ultérieurement jugée illégale, elle serait contrainte de retirer de son dossier les documents affectés par cette illégalité et se trouverait donc dans l'impossibilité de les utiliser comme éléments de preuve.
166. Le juge des référés estime que cette impossibilité permet effectivement d'empêcher l'aggravation d'une partie du préjudice dont pourraient souffrir les requérantes, à savoir le préjudice tenant à l'utilisation ultérieure des documents en cause comme éléments de preuve.
167. En revanche, l'impossibilité pour la Commission d'utiliser les documents de la série A comme éléments de preuve n'aurait aucune incidence sur le préjudice grave et irréparable qui résulterait de leur simple divulgation. L'argument de la Commission ne tient en effet pas compte de la nature particulière du secret professionnel. L'objet de ce dernier ne consiste pas uniquement à protéger l'intérêt privé qu'ont les justiciables à ne pas voir leurs droits de la défense irrémédiablement affectés, mais, également, à protéger l'exigence que tout justiciable doit avoir la possibilité de s'adresser en toute liberté à son avocat (voir, en ce sens, arrêt AM & S/Commission, cité au point 66 ci-dessus, point 18). Cette exigence, qui est formulée dans l'intérêt public d'une bonne administration de la justice et du respect de la légalité, suppose nécessairement qu'un client ait la liberté de s'adresser à son avocat sans craindre que les confidences dont il ferait état puissent être ultérieurement divulguées à une tierce personne. Par conséquent, la réduction du secret professionnel à la seule garantie que les informations confiées par un justiciable ne seront pas utilisées contre lui édulcore l'essence de ce droit, dès lors que c'est la divulgation, même provisoire, de telles informations, qui pourrait être de nature à porter irrémédiablement atteinte à la confiance que ce justiciable plaçait, en faisant des confidences à son avocat, dans le fait que cellesci ne seraient jamais divulguées.
168. En conséquence, l'interdiction pour la Commission d'utiliser les informations contenues dans les documents de la série A ne pourrait, au mieux, qu'empêcher l'aggravation d'un préjudice qui serait d'ores et déjà réalisé du fait de la divulgation de ces documents.
169. Il y a donc lieu de considérer que la condition relative à l'urgence est satisfaite s'agissant des documents de la série A.
- Documents de la série B
170. À titre préliminaire, il convient de rappeler que, contrairement à ce qu'elle avait fait pour les documents de la série A, la Commission a d'ores et déjà pris connaissance des trois documents de la série B, qui n'ont pas été placés dans une enveloppe scellée. Il n'est donc plus possible de faire en sorte que la Commission ne prenne pas connaissance de ces documents. Toutefois, si la décision du 8 mai 2003 est annulée au fond, cette institution ne pourra pas utiliser les informations en cause comme éléments de preuve.
171. Les requérantes soutiennent, néanmoins, qu'il est urgent d'ordonner des mesures provisoires afin d'éviter trois types de préjudices irréversibles.
172. Le premier de ces préjudices tiendrait, tout d'abord, au fait qu'il serait nécessaire d'éviter que la Commission prenne des mesures procédurales irréversibles sur le fondement des documents de la série B et, notamment, mène d'autres opérations d'enquêtes ou adopte une communication des griefs.
173. Cependant, dans l'hypothèse où la Commission, comme elle le revendique dans ses observations, serait légalement autorisée à utiliser les informations concernées comme simples indices, le préjudice subi par les requérantes serait d'ores et déjà réalisé et irréversible, dès lors que la Commission a déjà pris connaissance des documents en question. Or, il n'appartient pas au juge des référés d'arrêter des mesures visant à compenser un préjudice qui s'est déjà produit de façon irréversible (ordonnance Autriche/Conseil, citée au point 36 ci-dessus, point 113).
174. Par ailleurs, dans l'hypothèse inverse où la Commission ne serait pas autorisée à utiliser comme indices les documents en cause, elle aurait l'obligation, en cas d'annulation au principal, de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt du Tribunal (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 18 septembre 1995, Ladbroke Racing/Commission, T-548-93, Rec. p. II-2565, point 54) et, par conséquent, de mettre un terme aux mesures préalablement adoptées, ce qui serait de nature à éviter la survenance du préjudice invoqué par les requérantes. Par conséquent, en pratique, un préjudice ne serait susceptible d'être constaté que si la Commission adoptait des mesures inspirées des informations contenues dans les documents de la série B, sans qu'il soit pour autant possible aux requérantes de démontrer ultérieurement et avec suffisamment de certitude qu'un lien existe effectivement entre, d'une part, ces informations et, d'autre part, les mesures prises. Le juge des référés considère que les requérantes n'ont pas démontré qu'il était nécessaire et possible d'ordonner une mesure provisoire pour prévenir un risque qui, à défaut de démonstration contraire, reste hypothétique et, par conséquent, ne doit pas être pris en compte au titre de l'urgence par le juge des référés (ordonnance HFB e.a./Commission, citée au point 158 ci-dessus, point 67).
175. Les requérantes invoquent un deuxième préjudice tenant, en substance, au fait que, dans la mesure où les documents de la série B sont joints au dossier de la Commission, des tiers pourraient demander à y avoir accès. Or, il existerait un risque que ces tiers soient eux-mêmes contraints de communiquer les documents en question à d'autres tiers. Il serait donc nécessaire que la Commission restitue ou détruise toutes les copies des documents de la série B qu'elle détient.
176. Il convient cependant de souligner que, dans ses observations, la Commission a déclaré qu'elle ne permettrait pas à des tiers d'avoir accès aux documents de la série A et de la série B avant que ne soit rendu l'arrêt au principal. Le juge des référés, ainsi qu'il en a la possibilité (voir ordonnance du président de la Cour du 21 août 1981, Agricola Commerciale Olio e.a./Commission, 232-81 R, Rec. p. 2193), prend acte, par la présente ordonnance, de cette déclaration de la Commission. Dans ces conditions, il convient d'écarter le deuxième préjudice invoqué par les requérantes.
177. S'agissant, enfin, du troisième préjudice dont se prévalent les requérantes, il convient de constater que ces dernières ne font état que du statut prétendument très important des documents en question au regard d'enquêtes qui seraient en cours au Canada, aux États-Unis et au Japon. Compte tenu du caractère particulièrement vague de ces arguments, il y a lieu de conclure que les requérantes n'ont pas démontré la nécessité de prévenir un préjudice irréparable. Lors de l'audition, les requérantes ont certes précisé que l'importance réelle des documents de la série B ne pouvait être évaluée à ce stade. Cependant, même à supposer que ce soit effectivement le cas, il n'en resterait pas moins que, ainsi que l'a noté la Commission, les requérantes n'auraient, une fois encore, fait état que de risques hypothétiques.
178. Compte tenu de ce qui précède, la condition relative à l'urgence n'est pas satisfaite s'agissant des documents de la série B. Dès lors qu'elle l'est, en revanche, pour les documents de la série A, il convient de procéder, pour ces seuls documents, à la mise en balance des intérêts en présence.
Sur la balance des intérêts
179. Au titre de la balance des intérêts, la Commission note que les documents en question pourraient lui être utiles dans la suite de la procédure, notamment afin de lui permettre de formuler des demandes de renseignements. Le retard pris par l'enquête dans l'hypothèse où les mesures demandées seraient ordonnées affecterait l'intérêt général de la Communauté, et plus généralement de la société dans son ensemble, à ce que les enquêtes de concurrence soient conduites de façon aussi rapide et efficace que possible. Cette célérité serait également importante pour les entreprises faisant l'objet de la même enquête que les requérantes et dont la Commission n'exclut pas qu'elles puissent être affectées par l'incertitude qui résulterait d'un sursis à l'exécution de la décision du 8 mai 2003. La Commission soutient, en dernier lieu, que la procédure recommandée par les requérantes, à savoir la procédure selon laquelle une vérification devrait être suspendue à l'égard d'un document dès qu'une entreprise invoque le secret professionnel, constituerait une procédure irréaliste menant à de nombreux abus. Seule l'option permettant à la Commission de placer un document dans une enveloppe scellée en cas de doute sur sa protection par le secret professionnel lui permettrait de garder un minimum de contrôle sur le déroulement de la procédure.
180. Lorsque, dans le cadre d'une demande de mesures provisoires, le juge des référés devant lequel il est fait état du risque pour le demandeur de subir un préjudice grave et irréparable met en balance les différents intérêts en cause, il lui faut examiner si l'annulation éventuelle de la décision litigieuse par le juge du fond permettrait le renversement de la situation qui aurait été provoquée en l'absence de mesures provisoires et, inversement, si le sursis à l'exécution de cette décision serait de nature à faire obstacle à son plein effet au cas où le recours au principal serait rejeté (voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 26 juin 2003, Belgique et Forum 187/Commission, C-182-03 R et C-217-03 R, non encore publiée au Recueil, point 142, et Commission/Atlantic Container Line e.a., citée au point 37 ci-dessus, point 50).
181. Il convient, en l'espèce, de prendre en compte, en premier lieu, l'intérêt des requérantes à ce que les documents de la série A ne soient pas divulgués et, en second lieu, l'intérêt général et l'intérêt de la Commission tenant au respect des règles de concurrence du traité.
182. En premier lieu, il convient de souligner que l'intérêt d'une entreprise à ce que des documents dont elle soutient qu'ils sont couverts par le secret professionnel ne soient pas divulgués doit faire l'objet d'une évaluation en fonction des circonstances de chaque affaire et, en particulier, de la nature et du contenu des documents concernés. Or, en l'espèce, après avoir examiné les documents de la série A, le juge des référés considère que leur divulgation serait susceptible de causer aux requérantes un préjudice grave et irréparable non seulement en raison de leur simple divulgation, mais, également, en raison de leur contenu.
183. Il convient cependant de mettre en balance cet intérêt avec l'intérêt de la Commission et, plus généralement, l'intérêt public visant à ce que les enquêtes de concurrence soient menées avec la plus grande célérité, compte tenu de l'importance des règles de concurrence pour la réalisation des objectifs du traité CE.
184. Il convient de constater en premier lieu, à cet égard, que, si le recours au principal est rejeté, la Commission pourra avoir accès aux documents de la série A. Par conséquent, en principe, à cette date, même dans l'hypothèse où l'enquête aura été retardée, la Commission sera néanmoins en mesure d'utiliser les documents de la série A afin, éventuellement, de compléter son enquête.
185. Lors de l'audition, la Commission a cependant précisé que l'incertitude dans laquelle elle était placée, s'agissant du contenu des documents en cause, lui causait des problèmes majeurs d'affectation de ses ressources et de définition de ses priorités et l'obligeait, par conséquent, à suspendre son enquête.
186. Il convient cependant de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les droits de la défense, dont le secret professionnel est un complément nécessaire (arrêt AM & S/Commission, précité au point 66 ci-dessus, point 23), constituent un droit fondamental (voir, notamment, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, cité au point 99 ci-dessus, point 85 et arrêt Enso Española/Commission, cité au point 99 ci-dessus, point 80). Ce caractère fondamental a pour conséquence que, dans le cadre de la présente balance des intérêts, dès lors qu'il est établi que le fait pour la Commission de prendre connaissance des documents de la série A risque de porter une atteinte grave et irréparable au secret professionnel et aux droits de la défense des requérantes, des considérations d'efficacité administrative et d'allocation des ressources, malgré leur importance, ne peuvent, en principe, prévaloir sur les droits de la défense qu'à la condition que la Commission fasse état de circonstances très spéciales justifiant une telle atteinte. Dans l'hypothèse inverse en effet, il serait presque toujours possible pour la Commission de justifier une atteinte grave aux droits de la défense en raison de considérations administratives purement internes, ce qui serait contraire à la nature fondamentale des droits de la défense.
187. Or, le juge des référés estime que la Commission n'a pas démontré en l'espèce l'existence de telles circonstances, dans la mesure où elle s'est référée à des inconvénients qui sont susceptibles de découler pour elle, par nature, de tout sursis à l'exécution d'une décision refusant de considérer certains documents comme couverts par le secret professionnel.
188. De surcroît, il convient de constater que, dans le cadre du recours au principal, la Commission a la possibilité de déposer au Tribunal, en même temps que son mémoire en défense, une demande sur le fondement de l'article 76 bis du règlement de procédure, visant à ce que le recours au principal soit traité selon une procédure accélérée. Il n'est certes pas possible pour le juge des référés de garantir que le bénéfice de cette faveur sera accordé dans cette affaire. Néanmoins, il convient de tenir compte du fait que, si cette demande est accueillie, cela aura pour conséquence de permettre un jugement dans des délais rapides et, par voie de conséquence, de relativiser l'incertitude dans laquelle la Commission est maintenant placée. Dans les circonstances particulières de l'espèce, le juge des référés estime que l'existence de cette possibilité ne vient pas renforcer l'intérêt de la Commission à ce que les demandes de mesures provisoires soient rejetées.
189. Par ailleurs, la Commission n'a pas fait état d'éléments précis et concrets permettant de prouver et d'évaluer les inconvénients qui, selon elle, pourraient résulter pour les entreprises faisant l'objet de la même enquête que les requérantes, d'un sursis à l'exécution de l'article 2 de la décision du 8 mai 2003.
190. Compte tenu de ce qui précède, la pondération des intérêts en cause penche en faveur d'un sursis à l'exécution des dispositions de la décision du 8 mai 2003 par lesquelles la Commission décide d'ouvrir l'enveloppe scellée contenant les documents de la série A, à savoir son article 2.
191. Enfin, dès lors que, d'une part, les documents de la série A constitueront vraisemblablement un élément essentiel de l'appréciation du Tribunal dans le cadre du recours au principal et que, d'autre part, il a été établi dans la présente ordonnance que la Commission ne devait pas en prendre connaissance avant l'arrêt au principal, il convient d'ordonner que les documents de la série A soient conservés au greffe du Tribunal, jusqu'à cette date.
Par ces motifs,
LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
Ordonne:
1) Les affaires T-125-03 R et T-253-03 R sont jointes aux fins de la présente ordonnance.
2) Les interventions du Council of the Bars and Law Societies of the European Union, de l'Algemene Raad van de Nederlandse Orde van Advocaten et de l'European Company Lawyers Association sont admises dans les affaires T-125-03 R et T-253-03 R.
3) Il est fait droit, au stade de la procédure en référé, aux demandes de traitement confidentiel présentées par les requérantes pour certains éléments contenus dans les pièces de procédure des affaires T-125-03 R et T-253-03 R et visés comme tels dans la lettre du greffe aux requérantes en date du 16 septembre 2003.
4) La demande en référé dans l'affaire T-125-03 R est rejetée.
5) Il est pris acte de la déclaration de la Commission selon laquelle elle ne permettra pas à des tiers d'avoir accès aux documents de la série B jusqu'à l'arrêt au principal dans l'affaire T-253-03.
6) Dans l'affaire T-253-03 R, il est sursis à l'exécution de l'article 2 de la décision de la Commission du 8 mai 2003 relative à une demande de protection par le secret professionnel (affaire COMP/E-1/38.589), jusqu'à ce que le Tribunal ait statué dans le recours au principal.
7) L'enveloppe scellée contenant les documents de la série A sera conservée par le greffe du Tribunal jusqu'à ce que le Tribunal ait statué dans le recours au principal.
8) La demande en référé dans l'affaire T-253-03 R est rejetée pour le surplus.
9) Les dépens dans les affaires T-125-03 R et T-253-03 R sont réservés.