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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 10 février 2003, n° 99-04378

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

UFC 38 Que Choisir de l'Isère

Défendeur :

Drac " Troc de l'Ile " (SARL) ; Troc de l'Ile (SA) ;

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Falletti-Haenel

Conseillers :

Mme Kueny, M. Vignal

Avoués :

SCP Hervé Jean Pougnand, SCP Grimaud, Me Ramillon

Avocats :

Mes Brasseur, Petit.

TGI Grenoble, du 6 sept. 1999

6 septembre 1999

Faits, procédure et moyens des parties

Suivant déclaration en date du 14 octobre 1999, l'UFC de l'Isère a relevé appel d'un jugement en date du 6 septembre 1999 qui a déclaré irrecevables comme devenues sans objet, les demandes qu'elle avait formées à l'encontre de la SARL Drac, à l'enseigne Troc de l'Ile, pour obtenir la suppression sous astreinte, de clauses qu'elle qualifiait d'illicites ou d'abusives dans les contrats soumis par cette société à ses clients, 60 000 F à titre de dommages et intérêts, la publication de la décision et 10 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- de constater le caractère illicite de sept clauses des contrats proposés par l'intimée,

- d'ordonner la suppression dans les contrats concernés des causes suivantes maintenues:

* article 2-2 et 5-2 (version 96) et 5-4 (version Décembre 1998)

* article 5-2 (version 96) et 5-4 (version Décembre 1998)

* article 5-3 (version 96) et 6-3 (version Décembre 1998),

- de dire que cette suppression interviendra dans le délai de un mois à compter de l'arrêt à peine d'une astreinte définitive d'un montant de 1 000 F soit 152,44 euro par jour de retard à l'expiration du délai imparti,

- de dire que les clauses supprimées devront faire l'objet d'une information auprès des consommateurs qui disposeraient de contrats en cours reconduits (version 96 ou version avril 1998),

- de condamner l'intimée à lui payer 60 000 F soit 9 146,94 euro à titre de dommages et intérêts,

- d'ordonner la publication du jugement et de l'arrêt dans les journaux Le Dauphiné Libéré, Les Petites Affiches et Le 38 à concurrence de 10 000 F soit 1 524,49 euro par insertion à la charge des intimées,

- et de condamner les intimées à lui payer la somme de 20 000 F ou 3 048,98 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'appelante expose que l'article L. 421-6 du Code de la consommation lui permet de critiquer " les clauses abusives dans les modèles de convention habituellement proposées par les professionnels aux consommateur : " que le terme habituellement ne signifie pas actuellement, qu'elle a intérêt a agir pour les contrats ancien mai reconduits, qu'en toute hypothèse si l'action en suppression des clauses n'a plus l'objet, la reconnaissance de leur caractère abusif présente un intérêt pour les consommateurs et pour les associations et que sa demande de dommages et intérêts est justifiée.

Elle souligne que dans un arrêt du 5 octobre 1999 la Cour de cassation a rappelé qu'une association agréée de défense des consommateurs est en droit de demander devant les juridictions civiles, la réparation, notamment par l'octroi de dommages et intérêts, de tout préjudice direct et indirect à l'intérêt collectif des consommateurs.

Elle critique les articles 2-2 devenu 5-4, 5-2 repris dans 5-4, l'article 7 initial repris dans 7-2, l'article 3-3 initial repris dans 6-3 et l'article 3-4 initial et demande à la cour de retenir le caractère abusif de ces clauses et d'ordonner la suppression de celles qui ont été maintenues dans les différentes versions du contrat.

La SARL Troc de l'Ile sollicite la confirmation du jugement déféré et à titre subsidiaire conclut au débouté des demandes,

Dans tous les cas, elle réclame une indemnité de 20 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle expose qu'elle exploite à Saint Egrève une activité de dépôt vente sous l'enseigne Troc de l'Ile dans le cadre d'un contrat de franchise passé avec la société Troc de l'Ile, anciennement dénommée CEJIBE, que l'UFC 38 n'a plus d'intérêt à agir car le modèle de contrat attaqué n'est plus proposé au consommateur aujourd'hui, que la convention critiquée n'étant plus habituellement proposée au consommateur l'action de l'UFC 38 est devenue sans objet, que dans un arrêt du 13 mars 1996 la Cour de cassation a confirmé cette solution, que l'action prévue par l'article L. 421-6 du Code de la consommation a un but purement préventif et qu'en toute hypothèse elle n'a jamais reçu la moindre plainte d'un consommateur, que la décision de la commission des clauses abusives lui est plutôt favorable, que les critiques de l'Association UFC 38 sont infondées et que le préjudice invoque est purement symbolique.

La SA Troc de l'Ile conclut également à la confirmation du jugement déféré et à titra subsidiaire conclut au débouté des demandes.

Elle expose qu'en sa qualité de franchiseur elle est intervenue volontairement aux débats et rappelle qu'une clause peut être jugée abusive s'il est démontré qu'elle a pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat et que le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat.

Elle souligne que le contentieux créé par l'UFC 38 ne concerne que des consommateurs qui ne déposent que des objets de faible valeur, que compliquer ce type de dépôt vente risque d'aboutir à la privation pour les déposants de vendre ce type d'objets alors qu'une demande forte existe et que l'on constate une réelle attente des consommateurs.

Elle répond de façon précise à chaque critique formulée par l'appelante.

Motifs et décision

Il est constant que quatre clauses sur les sept qui sont critiquées ne figurent plus dans les contrats qui sont actuellement proposés aux déposants de sorte que pour les clauses 2-2, 7, 8 et 3-4 du contrat initial le tribunal a décidé à bon droit que l'action de l'UFC 38 était sans objet.

L'appelante reconnaît que la décision des premiers juges se fonde sur un arrêt de la Cour de cassation en date du 13 mars 1996 mais déclare néanmoins maintenir sa demande de dommages et intérêts.

Toutefois, il résulte des courriers échangés qu'à la suite de l'intervention de l'UFC 38 à partir de 1997 une nouvelle version du contrat a été proposée au mois d'avril 1998 avec une nouvelle modification au mois de décembre 1998.

La cour estime en conséquence, eu égard à ces circonstances, que le risque qui a pu être à la collectivité des consommateurs a été limité dans le temps de sorte que l'existence d'un préjudice collectif n'est pas démontrée.

Sur l'article 5-4 (version Décembre 1998):

Son intitulé est le suivant "Si le déposant n'est pas venu retirer le ou les articles invendus dans les quinze jours suivant la résiliation du contrat ou l'expiration de la durée maximale d'un an ou six mois visée en 5-2 des présentes conditions, Troc de l'Ile pourra, après simple avis adressé au déposant soit:

- les faire livrer à l'adresse du déposant à ses frais,

- les détruire sans qu'aucun dédommagement ne puisse être réclamé au Troc de l'Ile par le déposant,

- en disposer ou les vendre librement à son profit sachant que le produit complet de cette vente lui sera acquis, sans rétrocession, à titre d'indemnisation pour frais de garde, d'assurance et frais de dossier".

L'appelante soutient que cette clause est abusive car elle organise une appropriation du bien par le professionnel ce qui lui procure un enrichissement sans cause.

Les intimés répliquent qu'ils ne peuvent être contraints de conserver indéfiniment les objets déposés, qu'il existe des contreparties puisque le déposant a la possibilité de retirer les objets deux mois après le dépôt sans verser aucune indemnité au dépositaire, que les déposants sont clairement informés de leur obligation de se manifester et qu'il est nécessaire de sanctionner la négligence des déposants.

Dès lors que la clause incriminée prévoit que préalablement à l'action du dépositaire, le déposant est avisé, aucun déséquilibre ne peut être caractérisé étant observé que la commission des clauses abusives a retenu l'existence d'un déséquilibre significatif en l'absence de toute information préalable du déposant.

Sur l'article 7-2 (version décembre 1998) :

Il est ainsi rédigé " Les sommes dues au déposant Troc de l'Ile inférieures à 100 F nets sont quérables ".

Aucune critique ne peut être formulée à l'encontre de cette disposition, les observations faites par l'Association UFC 38 ne figurant pas dans la clause incriminée.

Sur l'article 6-3 (version Décembre 1998):

Il prévoit "En accord avec le déposant, il pourra être convenu à titre de prix de mise en vente initial et pendant les deux premiers mois une fourchette de prix à l'intérieur de laquelle Troc de l'Ile pourra librement proposer à la vente l'article déposé. Les deux extrêmes de la fourchette apparaîtront alors dans les "conditions particulières" à la colonne "prix de vente unitaire initial ".

L'Association UFC 38 estime que l'abus consiste pour le professionnel à s'autoriser de vendre un objet moyennant un prix non convenu avec le déposant.

Aucun déséquilibre ne peut être caractérisé dans cette clause étant donné que la fourchette de prix prévue est librement débattue par les parties, que l'expression "il pourra être convenu" révèle qu'il ne s'agit pas d'une obligation pour le déposant et qu'en réalité l'économie de cet article est favorable au déposant puisqu'elle permet d'adapter le prix à la demande,

Au vu de ces éléments, l'Association UFC 38 doit être déboutée de ses demandes en ce qui concerne les clauses actuellement en vigueur.

Aucune considération d'équité ne justifie qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable la demande de l'UFC 38 en ce qui concerne les clauses modifiées. Le réforme en ce qu'il a déclaré la demande irrecevable en ce qui concerne les clauses maintenues, Statuant à nouveau, Déboute l'UFC 38 de l'ensemble de ses demandes en ce qui concerne les clauses maintenues, Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne l'UFC 38 aux dépens d'appel avec application au profit des avoués de la cause qui en ont fait la demande des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.