CA Grenoble, 1re ch. civ., 10 février 2003, n° 00-02744
GRENOBLE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
UFC 38 de l'Isère
Défendeur :
Troc'Antic (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Falletti-Haenel
Conseillers :
Mme Kueny, M. Vignal
Avoués :
SCP Hervé Jean Pougnand, SCP Grimaud
Avocats :
Mes Brasseur, Petit.
Faits, procédure et moyens des parties
Suivant déclaration en date du 11 juillet 2000, l'Union Fédérale des Consommateurs de l'Isère (UFC 38 Que choisir de l'Isère) a relevé appel d'un jugement en date du 29 mai 2000, par lequel le Tribunal de grande instance de Grenoble l'a déboutée de l'action qu'elle avait engagée à l'encontre de la SARL Troc'Antic à l'effet d'obtenir la suppression dans les contrats proposés aux consommateurs de certaines clauses illicites ou abusives et la réparation de son dommage.
L'appelante demande à la cour :
- de déclarer recevable et bien fondée sa demande de dommages et intérêts au regard des dispositions des articles L. 421-1 et suivants du Code de la consommation, de condamner la SARL Troc'Antic à lui payer la somme de 60 000 F ou 9 146,94 euro tous préjudices con fondus;
- de constater qu'aucune modification de l'activité exercée n'a été effectivement mentionnée au Registre du commerce et de lui donner acte de ses réserves sur l'ensemble de ses demandes principales relatives aux clauses abusives critiquées.
L'appelante réclame enfin 20 000 F ou 3 048,98 euro à titre de dommages et intérêts.
Elle expose que son appel est justifié par le fait que le tribunal n'a pas statué sur sa demande de dommages et intérêts, qu'il lui appartenait de répondre à sa demande même s'il était avéré que l'activité avait cessé avant l'assignation, que devant le premier juge, la SARL Troc'Antic n'a pas contesté le caractère abusif des treize clauses critiquées se bornant à conclure sur sa cessation d'activité et partant sur l'absence d'intérêt qu'elle aurait à agir, qu'il est donc acquis que les clauses du premier contrat ont été reconnues abusives, ce qui explique d'ailleurs la modification du contrat et l'édition d'un nouveau contrat en mars 1998, qu'il en est de même, par défaut, sur les clauses du nouveau contrat, que l'utilisation de ces deux contrats successifs pendant plusieurs mois d'activité a occasionné un préjudice à la collectivité des consommateurs, qu'il s'agit d'un préjudice non seulement moral mais financier, que la jurisprudence admet qu'une association agréée de défense des consommateurs est en droit de demander devant la juridiction civile la réparation, notamment par l'octroi de dommages et intérêts de tous préjudices directs ou indirects à l'intérêt collectif des consommateurs, que sa demande de dommages et intérêts était incontestablement recevable même s'il était avéré que les contrats n'étaient plus utilisés au moment de l'assignation, que l'affirmation gratuite d'une absence de plainte est inopérante compte tenu du caractère dissuasif des clauses abusives et que son préjudice ne saurait être réduit à une indemnisation symbolique.
La SARL Troc'Antic sollicite la confirmation du jugement déféré et réclame à l'appelante une indemnité de 20 000 F ou 3 048,98 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle expose que contrairement aux affirmations de l'appelante elle a contesté en première instance le caractère abusif des clauses du contrat qu'elle soumettait à ses clients, qu'elle a en outre justifié de ce qu'elle n'avait jamais appliqué les clauses des articles 4-2 et 5-2 du nouveau contrat, qu'il appartient à l'Association UFC 38 d'établir la réalité de son préjudice, qu'il est constant que l'appelante n'a jamais reçu la moindre plainte, qu'il est établi qu'elle a incité les consommateurs à solliciter des explications sur le sort des biens invendus, qu'elle a modifié son contrat à la suite de l'intervention du conseil de l'UFC 38 le 10 mars 1998 et que le dépôt vente ayant toujours représenté une part sur son activité extrêmement faible, le préjudice allégué ne peut être retenu.
Motifs et décision
Dans le dispositif de ses conclusions, l'Association UFC 38 ne conteste pas que l'activité de la SARL Troc'Antic avait cessé lorsqu'elle a engagé la procédure et elle demande d'ailleurs qu'il lui soit donné acte de ses réserves sur l'ensemble de ses demandes principales relatives aux clauses abusives critiquées.
En réalité, l'appel a pour seul objet d'obtenir une indemnisation du préjudice qui aurait été subi par l'intérêt collectif des consommateurs.
Il résulte du dossier que la société a été créée le 1er octobre 1994 pour l'exercice de deux activités, à savoir dépôt vente et brocante, que les commissions réalisées dans le cadre de l'activité dépôt vente ont été de 56 269,71 F la première année, de 26 346,75 F la 2e année, de 32 221,79 F la 3e année et de 22 847,85 F la 4e année et que la faiblesse des résultats obtenus dans cette branche d'activité a justifié qu'elle soit supprimée le 1er décembre 1998.
L'activité de dépôt vente exercée par la SARL Troc'Antic a été très limitée et il n'est pas établi que les contrats incriminés auraient causé des préjudices individuels.
En effet, bien qu'elle ait incité les clients de la SARL Troc'Antic à agir à l'encontre de leur cocontractant par des appels téléphoniques (attestations Blanc et Lempereur), l'Association UFC 38 n'a pas été en mesure d'apporter une telle preuve.
Compte tenu de la faible durée de l'activité, des moyens extrêmement réduits pour la développer et du caractère minime des résultats obtenus, le risque porté à la collectivité des consommateurs a été négligeable de sorte que, indépendamment des clauses des contrats successifs proposes, i appelante n'apporte pas la preuve du préjudice qu'elle invoque.
Aucune considération d'équité ne justifie qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne l'Association UFC 38 de l'Isère aux dépens d'appel.