CA Grenoble, 1re ch. civ., 5 mai 2003, n° 01-02300
GRENOBLE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
UFC 38 de l'Isère
Défendeur :
Protection One France (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Falletti-Haenel
Conseillers :
Mme Kueny, M. Vignal
Avoués :
Selarl Dauphin & Mihajlovic, SCP Grimaud
Avocats :
Mes Brasseur, Claiman Versini.
Par jugement en date du 30 avril 2001, le Tribunal de grande instance de Grenoble:
- s'est déclaré territorialement compétent,
- a rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société CET devenu Protection One France,
- a rejeté comme devenue sans objet l'action de l'Union fédérale des consommateurs - UFC 38,
- a rejeté la demande en paiement de dommages et intérêts présentée par la société CET.
- a dit n'y avoir lieu à application de l'article 70 du nouveau Code de procédure civile.
L'Union fédérale des consommateurs de l'Isère - UFC 38 a interjeté appel 13 juin 2001.
L'association UFC 38 demande à la cour:
- d'infirmer le jugement et de déclarer illicites ou abusives 26 clauses des conditions générales de contrats de télésurveillance successifs,
- d'ordonner la suppression des clauses dans les contrats litigieux, dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte définitive de 1 000 euro par jour de retard,
- de condamner la société POF à lui payer la somme de 22 870 euro à titre de dommages et intérêts
- d'ordonner la publication de l'arrêt dans divers journaux, sur la page d'accueil du site Internet de la société, pendant trois mois à dater de la signification de l'arrêt, à ses frais, et l'envoi à chacun des abonnés du dispositif de l'arrêt à intervenir, dans le délai d'un mois, et sous astreinte définitive de 1 000 euro par jour de retard,
-de condamner la SA POF a lui payer la somme de 4 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L' Association UFC 38 fait valoir :
- que le tribunal a considéré à tort que les contrats proposés par la SA POF n'étaient pas destinés à des consommateurs ; qu'il s'est laissé abuser par une manœuvre mensongère de la société CET ;
- que contrairement à ce qui est affirmé, la SA POF propose ses services aux particuliers pour protéger leurs biens personnels; que les contrats prévoyaient expressément le visa des locaux individuels à protéger (maison d'habitation, appartement); que le rapport d'activité de l'année 1997 indique "l'entrée sur le marché des particuliers". tandis que l'activité mentionnée au registre du commerce et des sociétés visait la sécurité des biens et des personnes; que les statistiques internes mentionnent 321 contrats particuliers en 1996, 412 en 1997 et 371 en 1998; que la publicité faite par Internet révèle que la société travaille à destination des particuliers; qu'aucune indication n'est faite de la filiale ETS; qu'il est établi par le contrat versé aux débats qu'en mars 2000, des contrats étaient encore proposés aux particuliers;
- qu'à supposer même que pour l'avenir la SA POF ait décidé de ne plus travailler avec les consommateurs, il reste que l'objet de l'action subsiste puisque des contrats passés dans des conditions litigieuses avec les consommateurs sont actuellement encours; qu'elle conserve donc intérêt à agir pour protéger les consommateurs disposant de contrats anciens ou reconduits.
La SA Protection One France demande à la cour:
- de se déclarer incompétente au profit de la Cour d'appel de Paris,
- à titre subsidiaire, de déclarer l'association UFC 38 irrecevable en ses demandes, et de confirmer par conséquent le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- plus subsidiairement, de débouter l'association UFC 38 de l'ensemble de ses réclamations,
- de lui donner acte de ce qu'elle a d'ores et déjà modifié un certain nombre de clauses de son contrat de télésurveillance,
- de condamner l'association UFC 38 à lui payer la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts et celle de 10 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle soutient que les juridictions grenobloises sont incompétentes; que l'association UFC 38 doit rapporter la preuve d'un fait dommageable intervenu dans le ressort du Tribunal de grande instance de Grenoble; que contrairement à ce qui a été jugé, le fait qu'elle ait une agence dans la région grenobloise ne suffit pas à justifier la compétence du Tribunal de grande instance de Grenoble ; qu'après une annonce parue dans la presse, l'association UFC 38 a obtenu la communication par des habitants de Rives (M. et Mme Thony) d'un contrat de télésurveillance conclu en 2000. Elle précise qu'elle a conclu avec ses clients un protocole transactionnel qui a pour conséquence de priver le contrat versé aux débats de toute portée légale.
Elle fait valoir, subsidiairement, que les dispositions du Code de la consommation ne sont pas applicables aux contrats conclus entre professionnels; qu'il en est de même de la recommandation n° 97-01 sur les contrats de télésurveillance.
Elle prétend que sa clientèle a toujours été exclusivement composée de professionnels et en aucun cas de consommateurs; que la clientèle de consommateurs est réservée au sein du groupe à la société Europ Télésécurité, créée en février 1998, filiale commune de la SA POF et Europ Assistance; que l'association UFC 38 est bien en peine de produire des contrats que la SA POF aurait conclus avec des particuliers; qu'à partir de 1998, elle s'est contractuellement interdit auprès de son partenaire Europ Assistance de s'adresser à une clientèle de particuliers; qu'à ce jour, aucun contrat de télésurveillance ne lie la SA POF à des particuliers.
S'agissant du contrat Thony, elle fait valoir que les locaux étaient précédemment occupés par une société commerciale dénommée TPL, qui avait conclu un contrat avec la société CET le 8 octobre 1998; que M. Thony a repris ces locaux en mars 2000; qu'il a manifesté le souhait de prendre la suite du contrat d'abonnement en vigueur; qu'il s'en déduit que les époux Thony n'ont pas été démarchés par elle; que le contrat a été résilié de manière anticipée à la demande de M. Thony.
Elle ajoute que les mentions portées sur le site Internet sont d'ordre général et concernent tout le groupe Protection One y compris la filiale ETS; que seule la personne morale Protection One France est partie à l'instance; que les passages reproduits par l'association UFC 38 font état de Protection One et non de Protection One France; que la plaquette commerciale qu'elle verse aux débats ne vise qu'une clientèle de professionnels.
Elle indique qu'en tout état de cause, et afin qu'il n'y ait pas de discussion possible, elle a inclus dans ses contrats, juste après la comparution des parties, une mention précisant que le contrat est exclusivement réservé aux professionnels agissant dans le cadre de leur activité que dès lors la demande, irrecevable à l'origine, est devenue sans objet
A titre subsidiaire, elle soutient qu'il appartient à l'association UFC 38 de prouver le caractère abusif de chaque clause litigieuse insérée dans les contrats.
Motifs de l'arrêt
- Sur a compétence territoriale :
attendu que la société CET, devenue la SA POF dispose à Grenoble d'une agence ; qu'il est produit aux débats un contrat d'abonnement de tétésurveillance et de location daté du 20 mars 2000 conclu avec des habitants de Rives, communes située dans le ressort du Tribunal de grande instance de Grenoble.
Que c'est à bon droit que le Tribunal de grande instance de Grenoble s'est déclaré compétent par application de l'article 46 du nouveau Code de procédure civile;
- Sur la recevabilité de l'action de l'association UFC 38:
Attendu que la société CET, avant son changement de dénomination sociale à compter du 1er septembre 2000, décidé par assemblée générale du 26 juin 2000, et "avec la collaboration d'Europ Assistance", a proposé un contrat d'abonnement de télésurveillance;
Que ce contrat ne mentionne pas qu'il est uniquement réservé à des professionnels; que dans la désignation des locaux à télésurveiller, il est fait distinction entre les locaux professionnels et les locaux à usage d'habitation; qu'il est en effet fait mention de "pavillon " appartement ", " bureaux ", "commerce", "entrepôt ", "usine ", "chantier"; qu'un document produit par la SA POF, pour les années 1996 à 1999 fait apparaître qu'un certain nombre de contrats ont été proposés à des particuliers; que cependant, aucun de ces contrats n'est versé aux débats;
Attendu que la SA POF établit qu'à compter de janvier 1998 a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre une société dénommée Europ Télésécurité, filiale commune d'Europ Assistance et de CET, ayant pour objet social la "rentabilisation en France d'une activité de commercialisation de systèmes de télésurveillance, principalement auprès de particuliers";
Attendu qu'en cours d'instance, la SA POF a versé aux débats un nouveau modèle de contrat établi en septembre 2000, au nom de Protection One France, intitulé "Contrat d'abonnement de télésurveillance avec option de location du matériel "; qu'il est expressément mentionné que le contrat est exclusivement réservé aux professionnels agissant dans le cadre de leur activité; que les locaux visés sont les bureaux, commerces, entrepôts, usines et chantiers; que la plaquette publicitaire de la SA POF montre que seule est visée une clientèle de professionnels;
Attendu que l'association UFC 38 soutient que des modèles de contrats litigieux étaient encore proposés aux consommateurs en mars 2000;
Que le contrat CET daté du 20 mars 2000, au nom de M. Thony avait été souscrit initialement par l'entreprise TPI de Rives, M. Thony ayant émis le souhait de prendre la suite de ce contrat; qu'il est établi que M Thony n'a pas été démarché par la société CET ; qu'il ne peut être déduit de cette situation particulière que la société CET a continué à proposer des contrats de télésurveillance à des particuliers;
Qu'il n'est pas versé aux débat d'autres contrats, alors qu'en décembre 1999, l'association UFC 38 avait, par la voie de la revue " Que Choisir ", lancé un appel aux consommateurs ;
Attendu que les informations dont se prévaut l'association UFC 38, tirées du site Internet de Protection One, concernent le groupe et non la société française POF;
Que ces divers éléments établissent que le contrat litigieux n'est plus proposé aux consommateurs;
Que c'est à bon droit que le tribunal a jugé que l'action de l'association UFC 38 recevable lors de la délivrance de l'assignation, était devenue sans objet;
Que le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions;
Attendu que l'abus de procédure n'est pas caractérisé; que la demande de dommages et intérêts sera rejetée;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la SA Protection One France des frais non compris dans les dépens.
Par ces motifs, LA COUR : Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi. Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, Déboute l'association UFC 38 de toutes ses demandes, Déboute la SA Protection One France de sa demande de dommages et intérêts, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne l'association UFC 38 aux dépens d'appel avec application des dispositions d l'article 699 du nouveau Code de procédure civile au profit des avoués qui en ont fait la demande.