Cass. crim., 14 juin 2005, n° 04-87.283
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Chaumont
Avocat général :
M. Commaret
Avocats :
SCP Delaporte, Briard, Trichet
LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par X Rémy, Y Patrice, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes, 3e chambre, en date du 18 novembre 2004, qui, notamment, pour publicité de nature à induire en erreur, les a condamnés, chacun, à 20 000 euro d'amende et a ordonné une mesure de publication ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 du Code pénal, L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 et L. 213-1 du Code la consommation, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrice Y et Rémy X coupables de publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur ;
"aux motifs que "Patrice Y et Rémy X sont les cogérants de la SARL Z qui a pour objet, notamment, toute prestation de service technique, commerciale, financière, administration, marketing et développement ou informatique au profit des sociétés ou entreprises dans lesquelles la société a une participation ; la société A, société anonyme détient 100 % des parts de la SARL Z ; les statuts de la SARL Z prévoient, dans leurs articles 14 et 15, que si la société est administrée par plusieurs gérants, chacun d'eux engage la société et a les pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société ; Patrice Y et Rémy X sont par ailleurs cogérants de la SARL B, centrale d'achat de la société A ; il n'est pas discuté que la SARL Z a fait réaliser la campagne publicitaire du mois de janvier 2002 pour les magasins exploitant à l'enseigne A de Reze et de Saint-Herblain, dans lesquelles elle détient majoritairement des parts ainsi qu'il en résulte de l'article 34 des statuts ; l'audition de Mme Fernandez, exploitante d'un des magasins contrôlés, confirme que la conception de la publicité a été élaborée par "le siège A", unique associée de la SARL Z, et qu'elle n'a fait qu'appliquer les directives en écoulant les articles soldés à 100 % sur cinq jours ; Patrice Y et Rémy X sont donc les dirigeants de la société qui a conçu la publicité pour des magasins exploitant en SNC sous l'enseigne de la société-mère A, dans lesquels la SARL Z a des participations ; or, la responsabilité pénale de la publicité mensongère incombe aux dirigeants de la personne morale concepteur de la campagne ; elle leur incombe donc, peu important que d'autres personnes physiques (cogérants) ou la personne morale aient également pu être poursuivies, l'opportunité des poursuites du Ministère public lui permettant de viser les personnes physiques directement à l'origine des délits ; dès lors que les panneaux publicitaires de 4 m x 3 m affichés sur la voie publique et apposés sur les murs des magasins ne font pas état de la répartition du stock d'articles soldés sur 5 jours, la publicité est de nature à induire en erreur la clientèle ; en effet, du fait du fractionnement du stock, seul un nombre très restreint de clients peut bénéficier de la gratuité annoncée ; cette campagne publicitaire a eu pour but et pour effet d'attirer les consommateurs vers les magasins à l'enseigne A, alors que l'indisponibilité des produits pour lesquels ils se déplaçaient était artificiellement créée par la répartition des articles sur cinq jours, sans qu'ils soient informés de cette restriction ; il s'ensuit que l'infraction de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur est établie et a été exactement qualifiée par le tribunal (arrêt, pages 6 et 7) ;
"et aux motifs, adoptés des premiers juges, qu'il est clair que même si la citation peut apparaître imprécise quant à la qualité des prévenus qui sont visés sans la référence à leur qualité de cogérants des SARL Z (chargée de la publicité du groupe A) et deB, il n'en demeure pas moins que la simple lecture de l'organigramme du groupe les fait clairement apparaître comme les "âmes" des diverses sociétés et magasins en cause ; qu'en effet, les magasins concernés par les soldes sont des SNC dans lesquelles les autres sociétés gérées par les prévenues, dont notamment la SARL Z sont majoritaires, voire gérantes ; qu'il ressort également de la procédure que la SARL Z gère la publicité du groupe et est donc à l'origine des publicités en cause ; que le témoignage de Mme Fernandez démontre bien qu'elle n'est pas le concepteur de la publicité qui a été conçue par le siège a et qu'elle est donc obligée de respecter les 5 jours de répartition des marchandises ; que si les personnes morales auraient pu être poursuivies, rien n'empêche le parquet d'avoir ciblé uniquement les personnes physiques derrière lesdites personnes morales et directement à l'origine des délits reprochés ; que les prévenus ne peuvent avoir aucune ambiguïté sur leurs places au sein du groupe et ce d'autant plus que dans la citation il est fait état pour la seconde infraction de leurs qualités ; que sur le fond, si effectivement, le propre des soldes est d'écouler rapidement et totalement la marchandise des stocks, de sorte qu'à un moment donné il est possible qu'elle ne soit plus disponible, le commerçant ne peut fractionner le stock et le répartir à la vente sur plusieurs jours ; qu'en effet, il y a là une introduction abusive d'un quota de réservation qui aboutit à une indisponibilité artificielle des biens en cause ; qu'il est reconnu à l'audience que les affiches ne portaient pas la mention de la répartition de la marchandise sur 5 jours ; que, dans ces conditions, le délit de publicité mensongère est établi (jugement, pages 5 et 6) ;
"alors que seul peut être poursuivi du chef de publicité trompeuse l'annonceur qui, au sens de l'article L. 121-5 du Code de la consommation, n'est pas le concepteur de la publicité litigieuse, mais celui qui donne l'ordre de la diffuser ;
"qu'en estimant au contraire que la responsabilité pénale de la publicité mensongère incombe aux dirigeants de la personne morale concepteur de la campagne, pour en déduire que les demandeurs, dirigeants de la société qui a conçu la publicité pour les magasins exploitant en SNC sous l'enseigne de la société-mère A, doivent être déclarés coupables des faits visés à la prévention, sans indiquer en quoi les prévenus auraient personnellement donné l'ordre de diffuser la publicité litigieuse, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 121-1 et L. 121-5 du Code de la consommation" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'une publicité a été diffusée pour promouvoir la vente d'un stock d'articles de prêt-à-porter soldés au prix de "0 euro" dans deux magasins à l'enseigne A ; que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a constaté que la vente de ce stock était répartie sur cinq jours, ce dont les affiches publicitaires n'informaient pas le consommateur, et que seule une très petite quantité d'articles, rapidement épuisée, était mise à disposition des clients à l'heure de l'ouverture des établissements ;
Attendu que, pour déclarer Patrice et Rémy X, respectivement président du conseil d'administration et directeur général de la société anonyme A, coupables du délit de publicité de nature à induire en erreur, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'ils sont les cogérants de la société à responsabilité limitée Z, qui a conçu la campagne publicitaire menée dans les deux magasins à l'enseigne A, exploités par deux sociétés en nom collectif dont le capital social appartient majoritairement à la société Z, de laquelle la société A possède l'intégralité des parts ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que les prévenus, dirigeants de la société A, s'ils sont les concepteurs du message publicitaire, sont également les annonceurs pour le compte desquels ce message a été diffusé, la cour d'appel a justifié sa décision au regard de l'article L. 121-4 du Code de la consommation ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 du Code pénal, L. 121-1, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6 et L. 213-1 du Code la consommation, L. 441-3, L. 441-4 et L. 470-2 du Code de commerce, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;
"en ce que l'arrêt attaqué, qui a déclaré Patrice Y et Rémy X coupables de publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur et d'infraction aux dispositions de l'article L. 441-3 du Code de commerce en matière de facturation, a ordonné la publication de la décision entreprise dans les journaux suivants : Ouest France (Edition Loire-Atlantique) et Presse Océan ;
"alors que la juridiction répressive qui, sur le fondement de l'article L. 121-4 du Code de la consommation, ordonne la publication de sa décision, doit impartir au condamné un délai pour y faire procéder ;
"qu'ainsi, en se bornant à ordonner la publication, dans deux journaux, de la décision entreprise, sans fixer de délai aux demandeurs pour y faire procéder, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs" ;
Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, ce n'est que lorsque le tribunal ordonne la diffusion d'annonces rectificatives, en vertu de l'article L. 121-4 du Code de la consommation, qu'il doit fixer les modalités de la diffusion et impartir un délai pour y procéder ; que le moyen ne peut, dès lors, être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette les pourvois.