Cass. 2e civ., 7 janvier 1999, n° 95-21.934
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Gauduel Grenoble Nord (Sté)
Défendeur :
Vericar (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Laplace (faisant fonction)
Rapporteur :
M. Buffet
Avocat général :
M. Monnet
Avocats :
Me Choucroy, SCP Ryziger, Bouzidi
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Grenoble, 19 octobre 1995), statuant en référé, d'avoir rejeté la demande en rétractation d'une ordonnance rendue à la requête de la société Gauduel Grenoble Nord qui autorisait un huissier de justice à procéder à diverses constatations dans les locaux de la société Vericar et à lui demander la remise de documents commerciaux, alors, selon le moyen, d'une part, que les mesures d'instruction in futurum ne peuvent être ordonnées que s'il existe un motif légitime, qu'en l'espèce le préjudice allégué par le demandeur prenait sa source uniquement dans l'emploi par la société Vericar de l'expression " occasions neuves ", ce qui, selon lui, provoquait une confusion avec les véhicules neufs que lui-même vendait, qu'il n'était pas contesté que les véhicules vendus par la société Vericar avaient un faible kilométrage, qu'ils étaient importés de pays de l'Union européenne et vendus à un prix inférieur à ceux pratiqués par la société Gauduel et qu'ils avaient été déjà immatriculés, que le débat judiciaire qui portait exclusivement sur le caractère licite de l'expression " occasions neuves " ne pouvait être enrichi par la connaissance d'éléments tels que le nom des fournisseurs de la société Vericar, le pays d'origine des véhicules, le prix de leur acquisition et qu'en autorisant l'huissier à se faire remettre par la société Vericar tous les documents relatifs aux véhicules Ford qu'elle avait acquis ainsi que le livre de police, registre sur lequel sont enregistrés les achats et ventes de véhicules avec les prix d'achat et de revente, la cour d'appel a violé l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que le secret des affaires interdit au juge d'ordonner des mesures d'instruction qui mettraient le demandeur à même de connaître les structures commerciales, les fournisseurs et les clients d'un concurrent, et qu'en autorisant l'huissier à se faire remettre les documents commerciaux et le livre de police de la société Vericar, la cour d'appel a violé à nouveau l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, dès lors que le juge constate que les mesures qu'il ordonne procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées ;
Et attendu que l'arrêt, après avoir relevé que la société Vericar propose à la vente, en les qualifiant d'" occasions neuves ", des automobiles de marque Ford, vendues à un prix moindre que celui qui est pratiqué par les concessionnaires, énonce que la société Gauduel Grenoble Nord, concessionnaire de la marque Ford pour la région de Grenoble, est fondée, en présence de cette ambiguïté et de la confusion entretenue par le dépôt de la marque à l'INPI qui mentionne en face des produits désignés " voitures " et " voitures d'occasion ", à solliciter du juge, pour la protection légitime de ses intérêts, les moyens lui permettant de vérifier si les véhicules vendus par la société Vericar sont des véhicules neufs ou d'occasion, et de s'assurer, même si les véhicules vendus ont fait l'objet d'une immatriculation antérieure, que celle-ci n'a pas été réduite à une simple formalité administrative, et qu'il y a eu une mise en circulation effective ; que l'arrêt retient que les investigations confiées à l'huissier de justice doivent permettre à la société Gauduel de recueillir les éléments d'information sur l'origine des véhicules, leur statut juridique, et de chiffrer son éventuel préjudice ; qu'en statuant ainsi, par des appréciations souveraines, sur l'existence du motif légitime et sur le bien-fondé des mesures ordonnées, la cour d'appel n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ; que, dès lors, le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.