CA Rennes, 2e ch. com., 28 juin 2005, n° 04-04028
RENNES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Automobiles Hyundai France (Sté)
Défendeur :
Cap Motors 29 (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Guillanton
Conseillers :
Mme Nivelle, M. Patte
Avoués :
SCP Gauvain & Demidoff, SCP Chaudet-Brebion-Chaudet
Avocats :
Mes Claude, Mihailov
Exposé du litige :
La société Automobiles Hyundai France a relevé appel de l'ordonnance de référé rendue le 26 mai 2004 par le Président du Tribunal de commerce de Quimper qui a statué en ces termes :
"Renvoyer les parties à se pourvoir ainsi qu'elles en aviseront devant la juridiction compétente, mais cependant, dès à présent vu l'urgence,
Déclaré être compétent,
Ordonné à la société Hyundai France de rétablir immédiatement ses relations commerciales avec la société Cap Motors 29, sous astreinte de 3 000 euro par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance,
Condamné la société Hyundai France à payer à la SARL Cap Motors 29, la somme de 1 500 euro en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Dit que la partie demanderesse injustifiée pour le surplus de sa demande faite en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'en a débouté,
Condamné la société Hyundai France aux entiers dépens qui comprennent notamment les frais de greffe, liquidés pour l'ordonnance à la somme de 38,45 euro."
L'appelante, invoquant son intérêt à agir et l'existence de contestations sérieuses, conclut à l'incompétence du Juge des référés, à titre subsidiaire à la validité de la résiliation ;
Elle sollicite, à titre reconventionnel, la condamnation de la société Cap Motors 29 au paiement d'une somme de 224 867,32 euro à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité de procédure d'un montant de 3 000 euro ;
La société à responsabilité limitée Cap Motors 29 demande à la cour de :
"a) Débouter la société Automobiles Hyundai France des demandes formées sur le fondement de l'incompétence alléguée du Juge des référés.
Vu les dispositions des articles 872 et 873 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que de l'article L. 442-6.IV du Code de commerce.
- Dire et juger que le Juge des référés était parfaitement compétent pour connaître de la demande formée par la société Cap Motors 29 et confirmer en toutes ses dispositions son ordonnance du 3 juin 2004.
- Constater que la société Automobiles Hyundai France n'a pas rétabli les conditions normales d'approvisionnement en pièces de rechange avant le 28 juin 2004.
En conséquence, liquider l'astreinte et condamner la société Automobiles Hyundai France au paiement d'une somme de 33 000 euro.
Vu les dispositions de l'article 546 du nouveau Code de procédure civile,
- Constater l'absence d'intérêt de la société Automobiles Hyundai France à solliciter l'infirmation d'une ordonnance qui a cessé de produire ses effets depuis le mois de novembre 2004, en plein accord entre les parties.
En conséquence, dire et juger la société Automobiles Hyundai France irrecevable en son appel ;
Subsidiairement, vu les disposition des articles 872 et 873 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que celles de l'article L. 442-6.IV du Code de commerce,
- Dire et juger la société Automobiles Hyundai France mal-fondée en son appel et l'en débouter.
b) Vu les dispositions des articles 872 et 873 du nouveau Code de procédure civile,
- Constater que la demande de réparation formée par la société Automobiles Hyundai France se heurte à une contestation sérieuse et en conséquence, dire n'y avoir lieu à référé,
Vu les dispositions de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile,
- Dire et juger la société Automobiles Hyundai France irrecevable à solliciter pour la première fois en cause d'appel la condamnation de la société Cap Motors 29 à lui payer une somme de 224 867,32 euro.
Par ailleurs, dire et juger la société Automobiles Hyundai France mal-fondée en sa demande et l'en débouter.
c) Condamner la société Automobiles Hyundai France au paiement d'une somme de 6 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens, directement recouvrables par la SCP Chaudet, Brebion, Chaudet, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile".
Pour un plus ample exposé du litige, il est fait référence à la décision attaquée et aux dernières écritures des parties régulièrement signifiées.
Motifs de la décision :
Considérant que la société appelante justifie d'un intérêt à agir, compte tenu des conséquences du rétablissement forcé des relations commerciales entre parties, à savoir la désorganisation du réseau et le manque de lisibilité de la représentation de la marque, d'une part, ainsi qu'un préjudice économique, d'autre part ;
Que l'appel est recevable ;
Considérant que la société Automobiles Hyundai France a résilié de plein droit et sans préavis le contrat de concession la liant à la société Cap Motors, sur le fondement de l'article 22 dudit contrat ;
Qu'il existe en l'espèce une divergence d'appréciation entre les parties sur le sens et la portée de cette clause contractuelle ("article 22 : résiliation anticipée") ;
Que cette simple remise en cause de la résiliation du contrat de concession, à travers une interprétation de dispositions contractuelles dont l'applicabilité au cas d'espèce est discutée, crée en elle-même une contestation sérieuse au fond ;
Que la société appelante prétend qu'elle a parfaitement respecté les dispositions contractuelles relatives à la résiliation anticipée de la convention d'entre parties ;
Que la société Cap Motors dans son exploit introductif d'instance effectue une interprétation différente de ces dispositions contractuelles et fonde sa demande sur les articles 8.2 et 8.3 du contrat, lesquels traitent de la situation de l'entreprise ;
Qu'il existait ainsi un conflit d'interprétation relevant du seul juge du fond, entre les dispositions contractuelles précises des articles 3 et 22-1 du contrat et l'annexe 1 de ce même contrat, d'une part, et les articles 8.2 et 8.3, d'autre part ;
Qu'il apparaît que la société Automobiles Hyundai France se fondait sur l'application stricte de dispositions contractuelles claires, là où la société Cap Motors 29 invoquait des stipulations contractuelles non applicables au cas d'espèce ;
Que le premier juge a tranché un différend d'interprétation sur des clauses du contrat d'entre parties, constituant en lui-même une contestation sérieuse qui le rendait incompétent, selon les dispositions de l'article 872 du nouveau Code de procédure civile ;
Considérant que par ailleurs, la réalité d'un trouble manifestement illicite n'était pas et n'est pas démontrée ;
Que la violation manifeste d'une règle de droit ne saurait s'induire d'une appréciation du Juge des référés quant au bien fondé de l'application effectuée par le société Automobiles Hyundai France des dispositions contractuelles discutées par la société Cap Motors 29 ;
Considérant que les dispositions des articles 872 et 873 du nouveau Code de procédure n'étaient pas applicables en la cause ;
Que le différend se situait en l'espèce en dehors des limites du pouvoir juridictionnel du Juge des référés et relevait manifestement de la compétence du juge du fond ;
Qu'il ne saurait être affirmé que la société Cap Motors 29 n'avait commis aucun manquement à une obligation essentielle, sans trancher le débat de fond ; que la société Automobiles Hyundai France soutient, à l'inverse de l'intimée, que l'article 22-1 du contrat de concession érige au rang d'un manquement à une obligation contractuelle essentielle le changement de lieu d'implantation de la concession sans l'accord du concédant ; que ceci constitue une contestation au fond éminemment sérieuse ;
Que la société appelante fait valoir : "que l'article 22.1 du contrat du 1er mars 2001 prévoit la résiliation de plein droit en cas de changement du lieu d'implantation de l'un quelconque des locaux contractuels sans l'accord du concédant ; la société Cap Motors 29 était titulaire aux termes du contrat de concession d'une zone de responsabilité définie à l'annexe 1 (article 3.1) : Les arrondissements de Quimper et Brest ; la société Cap Motors 29 disposait de locaux commerciaux à Quimper et à Brest ; que les locaux de Quimper étaient situés ZAC de Ty Douard et ceux de Brest 40 et 60 chemin de Keranroy ; que suivant lettre du 27 février 2004, la société Cap Motors 29 a annoncé à la société Automobiles Hyundai France le déménagement de son local sis 40 et 60 chemin de Kerenroy pour le 1er mars 2004, ce qui a été confirmé suivant procès verbaux de constat des 5 mars et 19 avril 2004 ; que la société Automobiles Hyundai France n'a pas donné son accord à ce déménagement ;
Que la société Cap Motors 29 a manqué à ses obligations prévues au contrat de concession la liant à la société Automobiles Hyundai France, et que cette dernière était bien-fondée à résilier ledit contrat au visa de l'article 22.1".
Qu'il y a divergence totale entre les parties sur le sens et la portée de l'article 22-1 du contrat dans ses dispositions relatives au changement de lieu d'implantation ;
Que le rétablissement des relations contractuelles ordonné sur le fondement de l'article 873 du nouveau Code de procédure civile ne peut constituer une simple mesure provisoire ou conservatoire ; que l'obligation invoquée par la société intimée est sérieusement contestable, ce qui fait obstacle à l'application de l'alinéa 2 de ce texte ;
Considérant qu'il convient, infirmant la décision déférée, de dire n'y avoir lieu à référé, l'astreinte ordonnée devenant sans objet ;
Considérant qu'il existe également une contestation sérieuse sur la demande reconventionnelle de la société Automobiles Hyundai France en paiement par la société Cap Motors 29 d'une somme de 224 867,32 euro à titre de dommages et intérêts ;
Que la circonstance pour la société Cap Motors 29 d'avoir revendiqué le bénéfice de l'ordonnance dont appel ne saurait revêtir un caractère fautif ;
Qu'à tout le moins, il appartient au juge du fond de se prononcer sur ce point ainsi que sur la valeur des justificatifs de son préjudice fournis par la société appelante ;
Considérant que les parties, qui succombent chacune partiellement en leurs prétentions, conserveront la charge de leurs propres dépens et se verront déboutées de leur réclamation sur la base de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs, Déclare l'appel recevable ; Infirme l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau ; Dit n'y avoir lieu à référé ; Laisse à chaque partie la charge de ses propres frais et dépens ; Rejette toute prétention autre ou contraire.