CJCE, 17 octobre 1989, n° 231-87
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Ufficio distrettuale delle imposte dirette di Fiorenzuola d'Arda ; Comune di Rivergaro
Défendeur :
Comune di Carpaneto Piacentino; Ufficio provinciale imposta sul valore aggiunto di Piacenza
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Due
Présidents de chambre :
Sir Flynn, M. Schockweiler
Avocat général :
M. Mischo.
Juges :
MM. Mancini, Joliet, O'Higgins, Moitinho de Almeida, Rodriguez Iglesias, Grévisse
LA COUR,
1. Par ordonnances du 8 mai 1987 et du 28 avril 1988, parvenues à la Cour respectivement le 30 juillet 1987 et le 4 mai 1988, la Commissione tributaria di secondo grado et la Commissione tributaria di primo grado di Piacenza ont posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, plusieurs questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 4, paragraphe 5, de la sixième directive n° 77-388 du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO L 145, p. 1) (ci-après "sixième directive").
2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre de deux litiges opposant respectivement, d'une part, l'Ufficio distrettuale delle imposte dirette di Fiorenzuola d'Arda (Piacenza) et la Comune di Carpaneto Piacentino, et, d'autre part, la Comune di Rivergaro ainsi que 23 autres communes intervenues au soutien de ses conclusions et l'Ufficio provinciale imposta sul valore aggiunto di Piacenza, et portant notamment sur la qualification aux fins de soumission à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après "TVA") des opérations suivantes accomplies par les communes : la concession d'emplacements, de niches et de chapelles funéraires, la concession de droit de superficie et la cession en pleine propriété de terrains dans le cadre de l'aide à la construction d'immeubles d'habitation, la privatisation et la cession d'un tronçon routier, la distribution d'eau, la concession de la gestion du pesage public, la cession du bois provenant de la taille d'arbres et la cession d'accessoires pour niches funéraires.
3. C'est en vue de résoudre ces litiges que les juridictions nationales ont décidé de saisir la Cour à titre préjudiciel.
4. Dans l'affaire n° 231-87, les questions posées par la juridiction nationale ont pour objet de savoir :
"1) Si le principe visé à l'article 4, paragraphe 5, alinéa 1, de la sixième directive, selon lequel les activités dites "institutionnelles" ne sont pas soumises à la TVA, est directement applicable en l'absence d'une réglementation nationale spécifique ;
2) Si, par l'expression "activités ou opérations qu'ils accomplissent en tant qu'autorités publiques" visée à l'article 4, paragraphe 5, alinéa 1, le législateur communautaire a voulu définir les activités que les autorités publiques exercent directement et exclusivement et en vertu de leur pouvoir de souveraineté, fût-il dérivé ;
3) Si, ayant établi que les activités institutionnelles sont exercées exclusivement par les autorités publiques, l'expression "de telles activités", employée à l'alinéa 2 de l'article 4, paragraphe 5, vise les opérations résiduelles relatives aux services publics qui sont réglées en Italie par le décret royal n° 2578 du 15 octobre 1925 ;
4) Si l'article 4, paragraphe 5, alinéa 2, doit être interprété comme imposant aux Etats membres l'obligation d'insérer dans leur législation fiscale le critère de "distorsion de concurrence d'une certaine importance" pour l'assujettissement des opérations visées audit alinéa ;
5) Si l'article 4, paragraphe 5, alinéa 3, qui prévoit que les organismes publics ont la qualité d'assujettis pour les opérations énumérées à l'annexe D de la directive dans la mesure où celles-ci ne sont pas négligeables, doit être interprété comme imposant aux Etats membres l'obligation d'insérer dans leur législation fiscale le critère du caractère "non négligeable" ".
5. Dans l'affaire n° 129-88, la juridiction nationale a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
"1) Les dispositions communautaires prévues à l'article 4, paragraphe 5, de la sixième directive CEE relative à la taxe sur la valeur ajoutée sont-elles immédiatement et directement applicables ?
2) Le législateur italien - en application de l'article 1er de la directive précitée, aux fins de l'adaptation de son régime de taxe sur la valeur ajoutée aux dispositions communautaires - était-il tenu :
a) De poser le principe général énoncé à l'article 4, paragraphe 5, alinéa 1, de la sixième directive CEE, en précisant les critères spécifiques permettant de déterminer les activités exercées par les communes "en tant qu'autorités publiques" ;
b) D'exclure de l'imposition les activités publiques qui, bien qu'elles puissent être qualifiées de commerciales selon la législation nationale, revêtent le caractère d'activités de puissance publique ;
c) Conformément aux dispositions prévues à l'article 4, paragraphe 5, alinéa 2, de ne pas soumettre de quelque façon que ce soit à l'impôt les activités publiques lorsqu'elles ne conduisent pas à des distorsions d'une certaine importance dans le régime de libre concurrence, en précisant les limites quantitatives qui s'imposent ;
d) Conformément aux dispositions prévues à l'article 4, paragraphe 5, alinéa 3, de la sixième directive, de fixer un seuil de non-assujettissement pour les activités publiques énumérées à l'annexe D de la sixième directive ?"
6. Pour un plus ample exposé des faits et du cadre juridique des affaires au principal, du déroulement de la procédure et des observations présentées à la Cour, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.
7. Toutes les questions posées ont trait à l'interprétation de l'article 4, paragraphe 5, de la sixième directive, dont le libellé est le suivant :
"Les états, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu'ils accomplissent en tant qu'autorités publiques, même lorsque, à l'occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions.
Toutefois, lorsqu'ils effectuent de telles activités ou opérations, ils doivent être considérés comme des assujettis pour ces activités ou opérations dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d'une certaine importance.
En tout état de cause, les organismes précités ont la qualité d'assujettis notamment pour les opérations énumérées à l'annexe D et dans la mesure où celles-ci ne sont pas négligeables.
Les Etats membres peuvent considérer comme activités de l'autorité publique les activités des organismes précités exonérées en vertu des articles 13 ou 28."
8. Les questions posées par les juridictions nationales peuvent être regroupées utilement sous quatre chapitres visant respectivement l'interprétation des alinéas 1, 2 et 3 de l'article 4, paragraphe 5, et l'effet direct de cette disposition.
Sur l'interprétation de l'article 4, paragraphe 5, alinéa 1, de la sixième directive
9. La première question vise, d'une part, à savoir quelles sont les caractéristiques essentielles des activités exercées "en tant qu'autorités publiques" dont il est question à l'article 4, paragraphe 5, alinéa 1, de la sixième directive et, d'autre part, à préciser les obligations que cette disposition impose aux Etats membres.
10. Il y a lieu de rappeler qu'il résulte de l'article 2 de la sixième directive, qui définit le champ d'application de la TVA, qu'à l'intérieur du pays seules les activités ayant un caractère économique sont soumises à cette taxe. La notion d'activités économiques est définie à l'article 4, paragraphe 2, comme englobant toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services.
11. En vertu de l'article 4, paragraphe 1, est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d'une façon indépendante, une de ces activités économiques. C'est donc en tant qu'exception à cette règle que l'article 4, paragraphe 5, alinéa 1, dont l'interprétation fait l'objet de la présente question, exclut les états, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public de la notion d'assujetti en ce qui concerne certaines de leurs activités, "même lorsque, à l'occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions".
12. Ainsi que la Cour l'a jugé dans les arrêts du 11 juillet 1985 (Commission/République fédérale d'Allemagne, n° 107-84, Rec. p. 2663) et du 26 mars 1987 (Commission/Royaume des Pays-Bas, n° 235-85, Rec. p. 1485), l'analyse de ce texte, à la lumière des objectifs de la directive, met en évidence que deux conditions doivent être remplies cumulativement pour que la règle du non-assujettissement joue, à savoir l'exercice d'activités par un organisme public et l'exercice d'activités accomplies en tant qu'autorité publique.
13. Pour définir cette dernière condition, on ne saurait se fonder, comme cela a été soutenu, sur l'objet ou le but de l'activité de l'organisme public, ces éléments étant pris en considération par d'autres dispositions de la directive et à d'autres fins.
14. En effet, l'objet ou le but de certaines activités économiques qui relèvent du domaine d'application de la TVA ont un caractère déterminant, d'une part, pour restreindre la portée du non-assujettissement des organismes de droit public (article 4, paragraphe 5, alinéa 3, et annexe D de la sixième directive) et, d'autre part, pour déterminer les exonérations dont il est question au titre X de la directive. L'article 13, lettre a, paragraphe 1, de ce titre de la directive prévoit notamment des exonérations en faveur de certaines activités, accomplies par des organismes de droit public ou par d'autres organismes reconnus comme ayant un caractère social par l'Etat membre concerné, en raison de leur intérêt général.
15. L'analyse de l'article 4, paragraphe 5, alinéa 1, dans le système de la directive fait apparaître que ce sont les modalités d'exercice des activités qui permettent de déterminer la portée du non-assujettissement des organismes publics. En effet, dans la mesure où cette disposition subordonne le non-assujettissement des organismes de droit public à la condition qu'ils agissent "en tant qu'autorités publiques", elle exclut du non-assujettissement les activités qu'accomplissent ces organismes non pas en leur qualité de sujets de droit public, mais en tant que sujets de droit privé. Le seul critère permettant de distinguer avec certitude ces deux catégories d'activités est, par conséquent, le régime juridique applicable en vertu du droit national.
16. Il s'ensuit que les organismes de droit public visés à l'article 4, paragraphe 5, alinéa 1, de la sixième directive exercent des activités "en tant qu'autorités publiques" au sens de cette disposition lorsqu'ils les accomplissent dans le cadre du régime juridique qui leur est particulier. En revanche, lorsqu'ils agissent dans les mêmes conditions juridiques que les opérateurs économiques privés, on ne saurait considérer qu'ils exercent des activités "en tant qu'autorités publiques". Il appartient au juge national de qualifier l'activité en cause au regard de ce critère.
17. En ce qui concerne la transposition de la règle de l'article 4, paragraphe 5, alinéa 1, dans les droits nationaux, il importe de rappeler que, s'agissant d'une obligation de résultat imposée par une directive, il incombe à chaque Etat membre, en vertu de l'article 189, alinéa 3, du traité, de choisir la forme et les moyens appropriés en vue d'atteindre ce résultat.
18. Il s'ensuit que, si les Etats membres sont tenus d'assurer que les activités ou opérations accomplies par les organismes publics en tant qu'autorités publiques ne soient pas assujetties à la TVA pour autant qu'elles ne tombent pas sous les exceptions prévues aux alinéas 2 et 3, ils ont la faculté de choisir à cet effet la technique normative qui leur semble la plus appropriée. Ils peuvent ainsi, par exemple, soit se limiter à reprendre dans la législation nationale la formule utilisée dans la sixième directive ou une expression équivalente, soit arrêter une liste des activités pour lesquelles les sujets de droit public ne doivent pas être considérés comme assujettis.
19. Il y a donc lieu de répondre à la première question que l'article 4, paragraphe 5, alinéa 1, de la sixième directive doit être interprété en ce sens que les activités exercées "en tant qu'autorités publiques" au sens de cette disposition sont celles accomplies par les organismes de droit public dans le cadre du régime juridique qui leur est particulier, à l'exclusion des activités qu'ils exercent dans les mêmes conditions juridiques que les opérateurs économiques privés. Il incombe à chaque Etat membre de choisir la technique normative appropriée pour transposer dans son droit national la règle de non-assujettissement établie par cette disposition.
Sur l'interprétation de l'article 4, paragraphe 5, alinéa 2, de la sixième directive
20. La deuxième question vise, d'une part, à préciser la portée de l'expression "de telles activités ou opérations" employée à l'article 4, paragraphe 5, alinéa 2, de la sixième directive et, d'autre part, à savoir si les Etats membres sont tenus d'insérer littéralement dans leur législation fiscale le critère des "distorsions de concurrence d'une certaine importance" prévu par cette disposition ou d'établir des limites quantitatives en vue de transposer ce critère dans le droit national.
21. Il y a lieu de relever tout d'abord qu'il résulte tant du libellé que de l'économie de l'article 4, paragraphe 5, de la sixième directive que l'expression "de telles activités ou opérations", employée à l'alinéa 2, correspond aux activités ou opérations visées à l'alinéa 1, c'est-à-dire aux activités ou opérations accomplies par les organismes de droit public en tant qu'autorités publiques, à l'exclusion des activités accomplies par ces organismes en tant que sujets de droit privé, comme indiqué ci-dessus.
22. Il y a lieu de constater ensuite que l'alinéa 2 de cette disposition prévoit une dérogation à la règle du non-assujettissement des organismes de droit public pour les activités ou opérations qu'ils accomplissent en tant qu'autorités publiques dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d'une certaine importance. Il envisage ainsi, en vue d'assurer la neutralité de l'impôt, objectif majeur de la sixième directive, la situation où les organismes de droit public exercent, dans le cadre du régime juridique qui leur est particulier, des activités qui peuvent être également accomplies, en concurrence avec eux, par des particuliers sous un régime de droit privé ou encore sur la base de concessions administratives.
23. Dans cette situation, les Etats membres sont tenus, en vertu de l'article 189, alinéa 3, du traité, d'assurer l'assujettissement des organismes de droit public lorsque leur non-assujettissement est susceptible de donner lieu à des distorsions de concurrence d'une certaine importance. En revanche, ils n'ont pas l'obligation de transposer ce critère littéralement dans leur droit national ni de préciser des limites quantitatives de non-assujettissement.
24. Il convient donc de répondre à la deuxième question que l'article 4, paragraphe 5, alinéa 2, de la sixième directive doit être interprété en ce sens que les Etats membres sont tenus d'assurer l'assujettissement des organismes de droit public pour les activités qu'ils exercent en tant qu'autorités publiques lorsque ces activités peuvent être également accomplies, en concurrence avec eux, par des particuliers, si leur non-assujettissement est susceptible de donner lieu à des distorsions de concurrence d'une certaine importance, mais qu'ils n'ont pas l'obligation de transposer ce critère littéralement dans leur droit national ni de préciser des limites quantitatives de non-assujettissement.
Sur l'interprétation de l'article 4, paragraphe 5, alinéa 3, de la sixième directive
25. La troisième question vise à savoir si l'article 4, paragraphe 5, alinéa 3, de la sixième directive impose aux Etats membres l'obligation de transposer dans leur législation fiscale le critère du caractère non négligeable des opérations en tant que condition pour l'assujettissement des organismes de droit public pour les opérations énumérées à l'annexe D de la directive et s'ils doivent, à cette fin, fixer un seuil de non-assujettissement.
26. Il y a lieu de constater que, en prévoyant que les organismes de droit public ont en tout état de cause la qualité d'assujettis pour les opérations énumérées à l'annexe D dans la mesure où celles-ci ne sont pas négligeables, la disposition précitée apporte une limitation à la règle du non-assujettissement de ces organismes, qui s'ajoute à celles découlant de la condition énoncée à l'alinéa 1, à savoir qu'il s'agit d'activités exercées en tant qu'autorités publiques, et de la dérogation prévue à l'alinéa 2 lorsque le non-assujettissement des activités en cause conduirait à des distorsions de concurrence d'une certaine importance. L'alinéa 3 de l'article 5, paragraphe 4, vise ainsi à assurer que certaines catégories d'activités économiques dont l'importance découle de leur objet ne soient pas sous-traitées à la TVA au motif qu'elles sont exercées par des organismes de droit public en tant qu'autorités publiques.
27. L'obligation d'assujettissement des organismes de droit public au titre des activités visées à l'annexe D de la directive n'est toutefois imposée aux Etats membres que pour autant que les activités en cause ne soient pas négligeables. Compte tenu de l'économie de la disposition en question, celle-ci doit être interprétée en ce sens que les Etats membres se voient reconnaître la faculté d'exclure de l'assujettissement obligatoire les activités énumérées à l'annexe D dans la mesure où celles-ci sont négligeables, mais qu'ils ne sont pas tenus de faire usage de cette faculté. Ils ne sont pas tenus non plus, par conséquent, de fixer un seuil de non-assujettissement pour les activités en cause.
28. Il y a donc lieu de répondre à la question posée que l'article 4, paragraphe 5, alinéa 3, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu'il n'impose pas aux Etats membres l'obligation de transposer dans leur législation fiscale le critère du caractère non négligeable en tant que condition pour l'assujettissement des opérations énumérées à la liste de l'annexe D.
Sur l'effet direct de l'article 4, paragraphe 5, de la sixième directive
29. La quatrième question vise à savoir si un organisme de droit public peut invoquer l'article 4, paragraphe 5, de la sixième directive afin de s'opposer à l'application d'une disposition nationale prévoyant son assujettissement à la TVA pour une activité, accomplie en tant qu'autorité publique, ne figurant pas à l'annexe D de la sixième directive et dont le non-assujettissement n'est pas susceptible de donner lieu à des distorsions de concurrence d'une certaine importance.
30. Selon une jurisprudence constante (voir, notamment, arrêt du 19 janvier 1982, Becker, n° 8-81, Rec. p. 53), dans tous les cas où des dispositions d'une directive apparaissent comme étant, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, ces dispositions peuvent être invoquées à défaut de mesures d'application prises dans les délais, à l'encontre de toute disposition nationale non conforme à la directive, ou encore en tant qu'elles sont de nature à définir des droits que les particuliers sont en mesure de faire valoir à l'égard de l'état.
31. Il convient de constater que l'article 4, paragraphe 5, de la sixième directive répond à ces critères, étant donné que les organismes et les activités pour lesquels la règle de non-assujettissement joue y sont clairement déterminés. Les organismes de droit public, qui, dans ce contexte, doivent être assimilés aux particuliers, sont dès lors fondés à se prévaloir de la règle de non-assujettissement pour les activités qu'ils accomplissent en tant qu'autorités publiques, ne figurant pas à l'annexe D de la directive.
32. Cette conclusion ne peut pas être infirmée par le fait que l'alinéa 2 de l'article 4, paragraphe 5, de la sixième directive prévoit l'assujettissement obligatoire des activités dont le non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d'une certaine importance. En effet, cette limitation à la règle du non-assujettissement n'a qu'un caractère éventuel et, s'il est vrai que son application comporte une appréciation de circonstances économiques, cette appréciation n'est pas sous-traitée au contrôle juridictionnel.
33. Il y a donc lieu de répondre à la quatrième question qu'un organisme de droit public peut invoquer l'article 4, paragraphe 5, de la sixième directive afin de s'opposer à l'application d'une disposition nationale prévoyant son assujettissement à la TVA pour une activité accomplie en tant qu'autorité publique ne figurant pas à l'annexe D de la sixième directive et dont le non-assujettissement n'est pas susceptible de donner lieu à des distorsions de concurrence d'une certaine importance.
34. Les frais exposés par le Gouvernement de la République italienne, le Gouvernement des Pays-Bas et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant les juridictions nationales, il appartient à celles-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
Statuant sur les questions à elle soumises par la Commissione tributaria di secondo grado et la Commissione tributaria di primo grado di Piacenza, par ordonnances respectivement du 8 mai 1987 et du 28 avril 1988, dit pour droit :
1) L'article 4, paragraphe 5, alinéa 1, de la sixième directive doit être interprété en ce sens que les activités exercées "en tant qu'autorités publiques" au sens de cette disposition sont celles accomplies par les organismes de droit public dans le cadre du régime juridique qui leur est particulier, à l'exclusion des activités qu'ils exercent dans les mêmes conditions juridiques que les opérateurs économiques privés. Il incombe à chaque Etat membre de choisir la technique normative appropriée pour transposer dans son droit national la règle du non-assujettissement établie par cette disposition.
2) L'article 4, paragraphe 5, alinéa 2, de la sixième directive doit être interprété en ce sens que les Etats membres sont tenus d'assurer l'assujettissement des organismes de droit public pour les activités qu'ils exercent en tant qu'autorités publiques lorsque ces activités peuvent être également accomplies, en concurrence avec eux, par des particuliers, si leur non-assujettissement est susceptible de donner lieu à des distorsions de concurrence d'une certaine importance, mais ils n'ont pas l'obligation de transposer ce critère littéralement dans leur droit national ni de préciser des limites quantitatives de non-assujettissement.
3) L'article 4, paragraphe 5, alinéa 3, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu'il n'impose pas aux Etats membres l'obligation de transposer dans leur législation fiscale le critère du caractère non négligeable en tant que condition pour l'assujettissement des opérations énumérées à la liste de l'annexe D.
4) Un organisme de droit public peut invoquer l'article 4, paragraphe 5, de la sixième directive afin de s'opposer à l'application d'une disposition nationale prévoyant son assujettissement à la TVA pour une activité accomplie en tant qu'autorité publique ne figurant pas à l'annexe D de la sixième directive et dont le non-assujettissement n'est pas susceptible de donner lieu à des distorsions de concurrence d'une certaine importance.