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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 17 novembre 2005, n° 03-10774

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Vega Automobile (Sté), Automobiles France Finance (SARL), Alcia Lyon Sud (SAS), Alcia Saint-Etienne (SAS), Sofco (SA), Etoile Service 38 (SAS), Etoile Service 73 (SAS), Espace Bourg Auto (SAS), Sapin (ès qual.), Dubois (ès qual.)

Défendeur :

Daimler Chrysler France (SAS), Daimler Chrysler Financial Services (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pimoulle

Conseillers :

MM. Faucher, Remenieras

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Monin d'Auriac de Brons

Avocats :

Mes Bourgeon, Genin, Vogel, Henry

T. com. Paris, 6e ch., du 17 déc. 2001

17 décembre 2001

LA COUR,

Vu l'appel relevé par la SA Vega (anciennement dénommée Alcia Lyon Centre), la SARL Automobiles France Finance (anciennement SA Sofco Automobiles), Me Sapin, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de continuation de cette société, les SAS Alcia Lyon Sud, Alcia Saint-Etienne, Etoile Service 38, Étoile Service 73 et Espace Bourg Auto, Me Sapin, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession de ces sociétés, et par la SA Sofco du jugement du Tribunal de commerce de Paris (6e chambre, n° de RG : 97066888-3), prononcé le 17 décembre 2001;

Vu les dernières conclusions (18 juin 2003) de la SA Sofco, de la SA Sofco Automobiles (en réalité SARL Automobiles France Finance), de Me Sapin, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de continuation de cette dernière et de commissaire à l'exécution du plan de cession des sociétés Vega, Alcia Lyon Sud, Alcia Saint-Etienne, Etoile Service 38, Etoile Service 73, Espace Bourg Auto, appelants, et de Me Dubois, intimé provoqué ès qualités de représentant des créanciers de la SARL Automobiles France Finance et des sociétés Vega, Alcia Lyon Sud, Alcia Saint-Etienne, Etoile Service 38, Etoile Service 73, Espace Bourg Auto;

Vu les dernières conclusions (13 novembre 2003) de la SAS Daimler Chrysler France (anciennement dénommée Mercedes Benz France), intimée;

Vu les dernières conclusions (5 mars 2003) de la SA Daimler Chrysler Financial Services (anciennement dénommée Mercedes Benz Financement), intimée;

Sur quoi,

Considérant qu'il est constant que Mercedes Benz France, devenue Daimler Chrysler France, a conclu des contrats de concession avec :

* la SA Salta, contrat ayant pris effet le 1er juillet 1991, la dénomination sociale de la concession ayant été changée en celle de Alcia Lyon sud par avenant ayant pris effet le 3 septembre 1993,

* la SA Slata, contrat ayant pris effet le 1er juillet 1991, la dénomination sociale de la concession ayant été changée en celle de Alcia Saint-Etienne par avenant ayant pris effet le 20 août 1993,

* la SA Satal, contrat ayant pris effet le 1er juillet 1991, la dénomination sociale de la concession ayant été changée en celle de Alcia Lyon Centre par avenant ayant pris effet le 26 août 1993,

* la SA Espace Bourg Auto, (concession de Bourg-en-Bresse) contrat ayant pris effet le 18 décembre 1992,

* la SA Etoile Services 38, (concession de Grenoble) contrat ayant pris effet le 1er juin 1993,

* la SA Etoile Services 73, (concession de Chambéry) contrat ayant pris effet le 1er juin 1993;

Que ces six sociétés concessionnaires étaient toutes filiales de la SA Sofco Automobiles, elle-même filiale de la SA Sofco, placée à la tête d'un groupe de sociétés qui, pour diversifier son activité, jusque-là essentiellement centrée sur l'immobilier, avait repris plus de vingt concessions de plusieurs marques d'automobiles, dont les six concessions Mercedes visées ci-dessus;

Que, les relations entre concédant et concessionnaires du groupe Sofco ayant connu diverses vicissitudes, Mercedes Benz France a notifié le 17 juillet 1997 aux six sociétés la résiliation avec effet immédiat des contrats de concession;

Que ces sociétés, ayant tenté d'obtenir en référé la condamnation de Mercedes Benz France à poursuivre les relations commerciales, tentative rejetée par arrêt infirmatif de la Cour d'appel de Lyon rendu le 3 octobre 1997, ont fait l'objet de procédures de redressement judiciaire qui ont donné lieu à des plans de redressement par voie de cession pour les six concessions et par voie de continuation pour Sofco Automobiles, Me Dubois ayant été désigné en qualité de représentant des créanciers et Me Sapin en celle de commissaire à l'exécution du plan;

Que, parallèlement, plusieurs sociétés du groupe Sofco ont assigné Daimler Chrysler France en réparation de leur préjudice causé par la rupture des contrats de concession qu'elles estimaient abusive, devant le Tribunal de commerce de Lyon, lequel s'est déclaré incompétent au profit de celui de Paris;

Que c'est ainsi que cette même juridiction, saisie par ailleurs par Daimler Chrysler France pour voir condamner les sociétés du groupe Sofco à lui payer diverses sommes au titre de véhicules impayés, d'encours de pièces détachées et d'un engagement de caution, a rendu le jugement dont appel qui, en synthèse, a retenu que les résiliations litigieuses étaient justifiées, a fixé les créances de Daimler Chrysler France et de Daimler Chrysler Finances Services au passif des sociétés du groupe Sofco et débouté ces dernières de toutes leurs demandes;

Considérant que le sort de l'essentiel des demandes des appelants dépend de savoir si la résiliation avec effet immédiat du 17 juillet 1997 était, ou non, justifiée, que cette question sera examinée en premier lieu, celle des manquements allégués de Mercedes Benz France à ses obligations contractuelles à l'égard des concessionnaires pendant que les contrats étaient en cours, d'une part, celle des créances de Daimler Chrysler France et Daimler Chrysler Financial Services à fixer au passif des sociétés du groupa Sofco, d'autre part, seront ensuite abordées;

1. Sur la résiliation à effet immédiat du 17 juillet 1997 :

Considérant que la lettre de résiliation du 17 juillet 1997, rédigée dans les mêmes termes à l'adresse de chacune des six sociétés, était fondée sur le défaut de paiement de véhicules livrés en dépôt aux concessionnaires qui, les ayant vendus, en avaient eux-mêmes perçu le prix, ce fait traduisant notamment, selon Mercedes Benz France un " défaut répété de règlement de dettes envers notre société à son échéance normale ", lequel, aux termes de l'article 15,2., §b, des conditions générales des contrats de concession, constituait un motif grave justifiant la résiliation du contrat sans préavis;

Considérant que les appelants, pour contester la validité de la résiliation, affirment que les concessionnaires n'avaient jamais accepté de recevoir les véhicules en dépôt, n'ont donc jamais été obligés de les payer aussitôt vendus, mais bénéficiaient au contraire d'un crédit-fournisseur leur permettant d'en différer le paiement de trente jours à compter de la livraison;

Considérant que l'article 4 des clauses générales disposait : "Le prix des marchandises est payable au comptant, avant prise de possession, quelles que soient, par ailleurs, les modalités d'exécution de la vente (enlèvement, retirement). Il pourra être convenu par écrit personnalisé de modalités différentes qui en cas d'impayé ou de manquement aux stipulations contractuelles, pourront être remises en cause sans préavis par Mercedes Benz France."; que l'article 5 réservait d'ailleurs à Mercedes Benz France la propriété de la marchandise livrée au concessionnaire jusqu'au paiement total du prix;

Que, à la faveur de la liberté de négociation laissée par l'article 4 ci-dessus reproduit, les parties avaient adopté les modalités de règlement suivantes, définies dans l'annexe au contrat:

" Le prix des marchandises est payable:

- soit au comptant par chèque, le véhicule étant livré dès sa mise à disposition, le concessionnaire bénéficiera d'un escompte calculé sur le montant HT de chaque facture au taux Pibor à un mois, appliqué sur une durée fixée forfaitairement à 20 jours pour tenir compte des délais d'encaissement.

- soit au comptant par prélèvement automatique, le concessionnaire bénéficiera d'un escompte calculé sur le montant HT de chaque facture au taux Pibor à 1 mois, appliqué sur une durée de 30 jours.

- soit à 30 jours sans agios par prélèvement automatique, dans la mesure où le concessionnaire aura remis à Mercedes Benz France la caution demandée et dans la limite de l'encours fixé [...] ";

Que cette annexe demandait expressément une caution bancaire d'un montant spécifié pour chaque société concessionnaire (3 400 KF pour Alcia Lyon Sud, 2 100 KF pour Alcia Saint-Étienne, 2 200 KF pour Etoile Service 38, 1 600 KF pour Etoile Service 73, 1 100 KF pour EBA, 2 100 KF pour Vega Automobiles);

Considérant que les appelants soutiennent vainement, et contre toute logique, que ces dispositions n'auraient plus été en vigueur au moment des résiliations litigieuses au motif que les contrats de concession avaient été préalablement résiliés le 15 mai 1995 avec préavis expirant au 30 juin 1996;

Considérant en effet, à suivre ce raisonnement, que les appelants verraient leur prétention au bénéfice d'un crédit-fournisseur s'effondrer faute de fondement contractuel au delà du 30 juin 1996 ; qu'ils ne pourraient pas même discuter du caractère abusif des résiliations, du 17 juillet 1997, par hypothèse inopérantes puisque s'appliquant à des contrats déjà résiliés;

Considérant, en outre, qu'il avait été expressément convenu à l'article 15.1 des conditions générales des contrats de concession que " Si après dénonciation, les relations commerciales sont poursuivies au-delà du terme fixé, les clauses du présent contrat demeureront applicables, sans que de ce fait le contrat se trouve prorogé ou reconduit '';

Que le présent litige, en ce qu'il porte sur le paiement de véhicules livrés en 1997, montre que les relations commerciales se sont poursuivies au delà du 30 juin 1996, date d'expiration des préavis des résiliations notifiées en mai 1995 ; qu'il en résulte que les modalités de paiement applicables en 1997 doivent être déterminées au regard des dispositions contractuelles précédemment rappelées;

Considérant qu'il est établi par les pièces versées au débat que, en application du dernier alinéa du texte ci-dessus reproduit définissant les modalités de paiement librement négociées entre les parties par lettres du 23 octobre 1996, Mercedes Benz France a indiqué à chacun des concessionnaires:

"En 1997, les modalités de paiement seront celles que nous appliquons actuellement, en conformité avec l'annexe du contrat:

- comptant par chèque ou par prélèvement

- à trente jours par prélèvement.

En cas de paiement comptant, il sera versé, en contrepartie, un escompte prorata temporis, basé sur le pibor 1 mois - taux interbancaire offert à Paris -, pour un règlement à trente jours par prélèvement, nous vous demandons de bien vouloir nous remettre une caution bancaire de [montant individualisé pour chacun des concessionnaires];

Nous vous rappelons que ce montant représente la moitié de votre encours moyen hors taxes des 12 derniers mois, composé de véhicules et de pièces de rechange. Vous voudrez bien faire en sorte que votre banquier adresse cette caution pour le 31 décembre, conforme au modèle joint";

Considérant que Sofco Automobiles, sans s'arrêter à cette demande explicite de caution bancaire, a attendu le 27 décembre 1996 pour expédier à Mercedes Benz France six engagements de caution des montants réclamés par lesquels elle offrait de garantir elle-même les sociétés concessionnaires ; que Mercedes Benz France a répondu dans ces termes le 17 janvier 1997:

"Compte tenu des courriers antérieurs à ce sujet, vous savez que nous ne pouvons pas accepter cette garantie aujourd'hui,

Nous insistons pour que vous donniez toutes instructions à vos banquiers afin qu'ils nous remettent dans les meilleurs délais pour chacune d'entre elles [i.e. les concessions] leur caution selon détail joint;

A défaut de réponse d'ici le 31 janvier 1997, nous nous verrions dans l'obligation d'exiger le paiement comptant avant toute livraison de voitures et pièces de rechange tel que prévu dans l'article 4 - point 4 du contrat de concessionnaire ";

Considérant que Mercedes Benz France, n'ayant apparemment pas été honorée d'une réponse de Sofco Automobiles, a cependant attendu le 11 février 1997 pour réitérer sa demande de caution bancaire auprès de chacune des sociétés concessionnaires dans les termes suivants :

"Dès le 17 janvier 1997, nous rappelions divers courriers antérieurs et confirmions à Sofco Automobiles que nous attendions une caution bancaire. Nous vous demandons donc d'intervenir auprès de vos banquiers pour que, d'ici fin février, nous obtenions la garantie prévue à notre contrat de concessionnaire. A défaut, nous vous informons qu'au-delà de ce délai toutes nos marchandises devront être réglées au comptant ";

Considérant cependant que, par lettre du 19 février 1997, Sofco Automobiles, invoquant les négociations en cours relatives au projet de cession totale ou partielle des concessions, a demandé à Mercedes Benz France de "surseoir à votre demande de fourniture d'une caution bancaire pour une période du trois mois, délai de mise en place du partenariat annoncé" ;

Considérant que cet échange de courriers met en évidence, d'une part, la déloyauté du groupe Sofco, qui a répondu tardivement et de manière inadéquate à la première demande de caution bancaire du 23 octobre 1996, d'autre part, la longanimité de Mercedes Benz France qui, après avoir reporté une première fois le délai imparti pour fournir la caution bancaire demandée du 31 décembre 1996 au 31 janvier 1997, puis à fin février 1997, a encore accédé à la demande qui lui était présentée de surseoir pendant trois mois à la "mise au comptant"

Considérant dès lors, que c'est à juste titre que Daimler Chrysler France conclut que, au 19 mai 1997, date d'expiration du sursis accordé, et alors que les négociations en cours sur la cession des sociétés concessionnaires, qui constituaient le motif de cette demande de sursis, n'avaient pas abouti, l'application des conditions contractuelles ci-dessus analysées conduisait à rendre exigible le paiement comptant et à supprimer le crédit-fournisseur à trente jours;

Considérant que Mercedes Benz France, loin de tirer immédiatement toutes les conséquences de cette situation, qui aurait pu la conduire, se prévalant de la déchéance du terme, à exiger le paiement immédiat de tous les véhicules qui avaient été livrés ou qui devaient l'être, a pensé substituer aux contrats de vente des véhicules livrés ou à livrer des contrats de dépôt, formule permettant aux concessionnaires de ne payer le prix des véhicules commandés qu'après en avoir eux-mêmes reçu le prix de la part des acheteurs particuliers;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de s'arrêter sur la question de la validité de contrats de dépôt invoqués par Mercedes Benz France dès lors que, par arrêt rendu le 3 octobre 2000 - devenu irrévocable par le rejet du pourvoi intervenu le 30 octobre 2001 - la chambre d'accusation de la Cour d'appel de Lyon, pour dire n'y avoir lieu à suivre contre quiconque sur la plainte avec constitution de partie civile de Mercedes Benz France du chef d'abus de confiance par détournement des véhicules mis en dépôt ou du prix de ceux-ci, a jugé que ces véhicules avaient été livrés, non à titre de dépôt, mais de vente;

Considérant qu'il y a lieu de souligner que les appelants, en s'opiniâtrant à dénier toute valeur juridique à cette substitution à laquelle ils n'auraient, selon eux, jamais consenti, ne sont pas pour autant fondés à soutenir qu'ils auraient continué à bénéficier d'un crédit-fournisseur de trente jours, ce régime ayant été définitivement éteint au 19 mai 1997, ainsi qu'il a été précédemment démontré;

Considérait que c'est à la lumière des explications qui précèdent qu'il convient d'examiner les rapports établis par les experts mandatés par les parties pour évaluer l'état d'endettement de Sofco envers Mercedes Benz France au 17 juillet 1997, à savoir, M. Harmand pour Mercedes Benz France, qui a dressé un premier rapport le 13 juin 2001, M. Bruyas, choisi par Sofco, qui a rendu ses conclusions et émis des critiques sur le travail de M. Harmand le 30 juillet 2001, et les réponses de ce dernier du 7 septembre 2001;

Qu'il ressort de ces documents que, même à retenir la version de Sofco qui prétend, à tort, qu'elle bénéficiait encore à cette date d'un crédit-fournisseur de 30 jours, les impayés s'élevaient en toute hypothèse à un total supérieur à 11 MF répartis entre toutes les sociétés concessionnaires à raison de 1 553 788 F pour Espace Bourg Automobiles (12 factures), 693 429 F pour Etoile Service 73 (9 factures), 237 213 F pour Etoile Service 38 (4 factures), 464 467 F pour Vega Automobiles (4 factures), 6 441 664 F pour Alcia Lyon Sud (62 factures), 1 807 199F pour Alcia Saint-Etienne (20 factures) ; que le montant total, au regard de l'analyse précédente sur les conditions de paiement, était en réalité supérieur; qu'il suffit, en toute hypothèse, à établir que la condition de "défaut répété de règlement de dettes envers notre société à son échéance normale" prévues par l'article 15, 2, § b, des conditions générales des contrats de concession, motif grave justifiant la résiliation du contrat sans préavis, était bien établie en l'espèce;

Considérant que le groupe Sofco, compte tenu de ce qui a été précédemment exposé sur la chronologie des événements qui ont précédé la suppression du crédit-fournisseur, qui a mis un évidence ses propres atermoiements au regard la longanimité de Mercedes Benz France, est mal venue à soutenir que le montant des impayés serait trop peu important pour justifier une telle résiliation sans préavis et révélerait la mauvaise foi de Mercedes Benz France;

Qu'il n'importe que Sofco, comme elle le soutient, ait disposé à l'époque des ressources suffisantes pour payer son fournisseur, si elle l'avait voulu; que cette circonstance, à la supposer vérifiée, ne ferait qu'ajouter à la démonstration de sa duplicité;

Considérant, en définitive, que le jugement entrepris mérite d'être confirmé en ce qu'il a dit que les résiliations étaient justifiées ;

Considérant, dès lors, que doivent être rejetées les demandes formées par les appelants qui supposaient, pour prospérer, que fût établi le caractère abusif de ces résiliations;

Que seront ainsi rejetées les demandes de dommages-intérêts formées à ce titre par les six sociétés concessionnaires et Me Sapin, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de ces sociétés;

Que seront également rejetées les demandes présentées par Sofco Automobiles et Me Sapin, ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de celle-ci, à raison de la dévalorisation des fonds de commerce de ses six filiales, de la perte de valeur de ses titres et créances sur ses filiales, de ses cautions à leur égard et des intérêts de l'emprunt par elle contracté auprès de Sofco SA;

Que sera encore rejetée la prétention de Sofco au titre de l'abandon de ses comptes courants et créances sur Sofco Automobiles;

Considérant, les résiliations étant justifiées, que le "caractère délibérément tapageur " avec lequel celles-ci ont été portées à la connaissance du public n'est pas démontré ; que l'atteinte à leur image dont Sofco Automobiles et Sofco SA, demandent à être indemnisées ne constitue pas un préjudice réparable ; que leurs demandes de dommages-intérêts présentées à ce titre seront rejetées;

2. Sur les manquements allégués de Mercedes Benz France pendant l'exécution des contrats de concession

Considérant qu'il y a lieu, pour plus de clarté, d'indiquer que les six sociétés concessionnaires et Me Sapin, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de celles-ci, réclament la condamnation de Mercedes Benz France à leur payer, au total :

- 1 826 671 euro au titre d'excédents de loyers qu'elles auraient indûment supporté du fait du non-respect par Mercedes Benz France de son prétendu engagement d'entrer dans le capital des SCI Lyonnaises du groupe Sofco,

- 1 754 688 euro au titre d'insuffisance de primes dues à des objectifs commerciaux surévalués

Que, quoique les appelantes évoquent une stratégie délibérée imputée à Mercedes Benz France pour déstabiliser le groupe Sofco, notamment par la "notification répétitive et déloyale de résiliations ou dénonciations de relations (11) entre le 20 décembre 1993 et le 14 mars 1997 ", force est d'observer, d'une part, qu'aucune demande spécifiquement rattachée à ce prétendu comportement déloyal n'est présentée, d'autre part, qu'aucune de ces résiliations ou dénonciations - dont la régularité n'a d'ailleurs jamais été contestée - n'est devenue effective, soit à cause du report du terme des préavis, soit parce que la résiliation extraordinaire à effet immédiat du 17 juillet 1997 est intervenue avant l'expiration des préavis; que seule la pluralité des notifications de ces résiliations est critiquée, sans que cette critique ne trouve sa traduction dans une prétention spéciale ; que toute discussion à ce sujet est donc sans intérêt, étant simplement noté que le renouvellement des résiliations, qui supposait l'annulation des précédentes, loin de démontrer l'acharnement prêté à Mercedes Benz France, peut au contraire s'interpréter comme le signe confirmé d'une volonté de poursuivre les relations en dépit des insuffisances commerciales constatées;

Que seules seront donc examinées les demandes précédemment définies;

2.1 Sur le non-respect allégué de ses engagements par Mercedes Benz France:

Considérant que les appelants invoquent essentiellement des lettres échangées en juin et juillet 1991 d'où résulteraient les engagements pris et non respectés par Mercedes Benz France;

Considérant que l'examen des pièces versées au débat montre que, le 24 juin 1991, Mercedes Benz France a écrit à Sofco une lettre contenant un paragraphe ainsi rédigé : "Par ailleurs, nous vous avons demandé d'étudier la possibilité pour Mercedes Benz France de prendre une participation à hauteur de la minorité de blocage dans la société ayant vocation à devenir propriétaire des locaux de Vénissieux " ; qu'une telle demande d'étude ne saurait être regardée comme un engagement;

Que Sofco s'appuie surtout sur une lettre de Mercedes Benz France du 26 juillet 1991 comportant les passages suivants :

"Toute participation ou investissement impliquant l'approbation de notre conseil de surveillance, et ce dernier n'ayant pas encore eu l'occasion d'étudier un détail ce projet, nous vous confirmons, sous cette réserve, notre accord sur les points suivants :

Vénissieux:

Notre entrée dans le capital de la SCI se fera à hauteur de 5 % [...]

Lyon-Nord:

Mercedes-Benz détiendra 49 % des parts de la SCI [...] ";

Considérant que Sofco ne peut sérieusement soutenir que résulterait des termes de cette lettre un engagement ferme et définitif de Mercedes Benz France de participer au capital de deux SCI puisqu'il est au contraire expressément indiqué que l'accord sur les points énumérés n'est donné que sous réserve d'un accord du conseil de surveillance, dont il n'est pas prétendu qu'il aurait été donné ; que le jugement dont appel, comme l'avait fait avant lui celui rendu le 9 janvier 1998 par le Tribunal de commerce de Lyon dans une autre instance, a exactement analysé la portée des pièces produites;

Considérant, au surplus, que la SA Salta, devenue par la suite Alcia Lyon Sud, a écrit le 13 novembre 1999, dans une lettre à Mercedes Benz France:

"Votre proposition concernant votre entrée dans le capital de la SCI qui détiendra l'immeuble de Vénissieux [...] me paraît inéquitable.

Je vous propose donc, soit de supprimer l'engagement de revente réciproque, soit d'augmenter votre capital à une hauteur restant à définir, mais qui devrait se situer entre la minorité de blocage et 49 % ";

Que la seule lecture de ce texte montre, sans qu'il soit besoin d'exégèse, que les parties n'étaient pas parvenues à s'accorder sur les modalités de la participation de Mercedes Benz France ; qu'aucun engagement définitif n'avait donc été pris qui pût lui être opposé ; que c'est d'ailleurs en réponse à cette lettre que Mercedes Benz France, par lettre du 7 janvier 1991 (en réalité 1992) a indiqué qu'elle renonçait à prendre une participation dans le capital de la SCI;

Considérant enfin que les appelants soutiennent artificieusement que ces prétendus engagements auraient été pris par Mercedes Benz France en contrepartie de la volonté qu'elle avait manifesté de reprendre à terme la concession de Lyon Nord, aucune des pièces examinées ne faisant ressortir une liaison contractuelle nécessaire entre ces questions en réalité distinctes;

Considérant que les demandes présentées par les appelants au titre d'un excès de charges immobilières prétendument imputable au non-respect par Mercedes Benz France d'engagements de participer au capital de SCI seront rejetées;

2.2 Sur les objectifs commerciaux:

Considérant que Mercedes Benz France verse au débat, pour les six sociétés concessionnaires, les annexes au contrat de concession comportant, pour chacune d'elles et pour chaque année de 1993 à 1996, les objectifs commerciaux par catégorie de véhicules approuvés et signés par les concessionnaires;

Que les appelants soutiennent que, si des protestations avaient été élevées contre les objectifs assignés, elles l'auraient été en pure perte dès lors que Mercedes Benz France disposait, en vertu de la réglementation alors en vigueur, du pouvoir de les imposer finalement et unilatéralement; qu'il était exclu d'engager une bataille perdue d'avance qui aurait mis en péril la pérennité des relations commerciales;

Mais considérant qu'il résulte de nombreuses pièces versées au débat que Sofco ne s'est jamais privée d'exprimer sa position sur l'état du marché, l'évolution comparée de ses performances et de celles de la concurrence et donner son appréciation sur les objectifs (cf. lettres des 10 et 25 août, 3 septembre 1993 et 24 janvier 1994); que Mercedes Benz France a répondu à ces observations qui ne sont pas toutes restées vaines; qu'elle ne peut donc être admise à affirmer qu'elle n'a finalement approuvé ces objectifs que sous la contrainte, alors, de surcroît, qu'il convient de rappeler que Sofco constituait un groupe de plus de vingt concessions automobiles de marques diverses, connaissant le marché, la profession et apte à soutenir ses positions;

Considérant enfin qu'il ressort de plusieurs correspondances ou comptes-rendus de réunion produits que Sofco, à plusieurs reprises, a admis au moins implicitement ses propres insuffisances en expliquant à Mercedes Benz France les mesures qu'elle comptait mettre en œuvre pour y porter remède et améliorer ses performances;

Considérant que les contrats de concession, notamment l'article 4, réservaient expressément la possibilité, pour Mercedes Benz France, de traiter directement, en dehors du réseau des concessions, la vente de véhicules à des sociétés de location automobile, la vente de modèles de fins de série tels qu'étaient, en 1994, les "Mercedes 190" et les véhicules d'occasion ; que les griefs de Sofco à cet égard sont dépourvus de fondement;

Considérant que les demandes des appelants au titre d'une insuffisance de primes versées, conséquence d'objectifs inéquitables et imposés seront donc encore rejetées;

3. Fixation des créances de Daimler Chrysler France et de Daimler Chrysler Financial Services

3.1 Créances de Daimler Chrysler France sur les sociétés concessionnaires

Considérant que les parties s'accordent pour dire que Daimler Chrysler France a déclaré ses créances au passif des procédures collectives des sociétés concessionnaires pour un montant total de 30 622 402 F (4 668 355 euro) et que ces créances n'ont nullement été contestées; qu'elles seront en conséquence fixées pour le montant déclaré tel que détaillé au dispositif, le jugement entrepris étant réformé sur ce point puisqu'il a retenu un montant inférieur qui ne peut s'expliquer que par une erreur;

3.2 Créance de Daimler Chrysler France sur Sofco Automobiles:

Considérant que Daimler Chrysler France a déclaré au passif du redressement judiciaire de Sofco Automobiles une créance chirographaire de 10 400 000 F (1 585 469,78 euro) au titre des cautions données en garantie des dettes et obligations contractées par les six sociétés concessionnaires;

Considérant qu'il est vainement soutenu que Daimler Chrysler France aurait dans un premier temps accepté ces engagements de caution mais aurait néanmoins renoncé à ceux-ci par la suite en modifiant les conditions de paiement consenties jusque là;

Considérant qu'il résulte au contraire des correspondances échangées entre les parties à ce sujet, précédemment analysées, que, Daimler Chrysler France a toujours maintenu son exigence d'une caution bancaire mais n'a pas pour autant renoncé à celle de Sofco Automobiles qui, bien qu'insuffisante à ses yeux, constituait néanmoins sa seule garantie; que, au contraire de ce que soutient Sofco Automobiles, sa caution n'était pas la contrepartie du crédit-fournisseur de trente jours - quoiqu'elle ait tenté de la faire accepter unilatéralement comme telle -, ce crédit-fournisseur n'ayant été précisément supprimé qu'à cause de son incapacité à fournir la caution bancaire qui était la contrepartie demandée;

Considérant que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de Daimler Chrysler France sur ce point;

Considérant que les appelants ne discutent pas les créances déclarées par Daimler Chrysler Financial Services mais se bornent à relever que, quoique régulièrement déclarées, ces créances n'ont pas été reprises sur les états publiés au BODACC

Mais considérant, sans qu'il y ait lieu de rechercher la cause de cette omission d'inscription sur les états des créances, que celle-ci ne peut avoir l'effet extinctif allégué par les appelants ; qu'il y a lieu de fixer aux passifs des sociétés concernées les créances régulièrement déclarées par Daimler Chrysler Financial Services et non contestées ; que le jugement entrepris sera encore confirmé de ce chef;

Considérant, en synthèse, que les appelants seront déboutés de toutes leurs demandes; que le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions sauf sur le montant des créances Daimler Chrysler France à fixer au passif des sociétés concessionnaires;

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a fixé les créances de : Daimler Chrysler France au passif des sociétés concessionnaires, Le réformant de ce chef: Fixe la créance de la SAS Daimler Chrysler France : *au passif de la société Alcia Lyon Sud, à 2 404 441,78 euro, *au passif de la société Alcia Saint-Etienne, à 691 596,61 euro, *au passif de la société Etoile Service 38, à 420 827,08 euro, *au passif de la société Etoile Service 73, à 507 107,77 euro, *au passif de la société Espace Bourg Auto, à 535 120,11 euro, *au passif de la société Vega Automobiles, à 109 269,12 euro, Rejette toute demande ou prétention contraire à la motivation, Condamne solidairement les sociétés Sofco SA, Automobiles France Finance, Vega Automobiles, Alcia Lyon Sud, Alcia Saint-Etienne, Étoile Service 38, Étoile Service 73, Espace Bourg Auto, Me Sapin ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de Automobile France Finance et de commissaire à l'exécution du plan de cession des sociétés Vega Automobiles, Alcia Lyon Sud, Alcia Saint-Etienne, Etoile Service 38, Etoile Service 73, Espace Bourg Auto et Me Dubois ès qualités de représentant des créanciers de ces sociétés, aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile et à payer, par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, 25 000 euro à Daimler Chrysler France et 10 000 euro à Daimler Chrysler Financial Services.