Cass. soc., 15 novembre 2005, n° 04-45.655
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Yacco (SAS)
Défendeur :
Aracil
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Quenson (faisant fonction)
Rapporteur :
M. Rovinski
Avocat général :
M. Duplat
Avocat :
Me Luc-Thaler
LA COUR : - Attendu que M. Aracil, engagé en qualité de VRP le 1er février 1972 par la société Yacco, a pris acte par lettre du 29 juillet 2002 de la rupture de son contrat de travail du fait de son employeur en lui reprochant d'avoir apporté unilatéralement des modifications à son mode de rémunération s'agissant de l'exclusion des indemnités de remboursement des frais de déplacement de l'assiette des cotisations sociales, de la prime contractuelle "nouveau client", de ses commissionnements sur les produits Molyslip/Yaccoline et de la suppression du fichier Igol; que l'employeur a pris acte de la rupture du contrat de travail par le salarié en le considérant comme démissionnaire et a saisi la juridiction prud'homale de demandes d'indemnité de préavis non effectué et de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ; que le salarié a présenté des demandes reconventionnelles en paiement d'indemnités de rupture et de rappel de salaire;
Sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur : - Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer une somme à titre de rappel de commissions pour les années 1999 à 2002 sur les produits Molyslip et Yaccoline outre les congés payés afférents alors, selon le moyen, qu'en considérant que les produits Molyslip devenus Yaccoline dérogeaient à l'assiette de commissionnement des produits Yacco alors que celle-ci n'avait pas été écartée par l'annexe litigieuse du 23 mars 1972 qui énumérait avec précision les règles différant entre les produits Yacco et Molyslip au regard de l'article 5 du contrat de travail, la cour a dénaturé le sens clair et précis des dispositions précitées de l'annexe litigieuse et partant, a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que c'est par une interprétation nécessaire et exempte de dénaturation de l'avenant du 23 mars 1972 que la cour d'appel a souverainement décidé qu'il dérogeait à l'article 5 du contrat de travail du salarié en ce qu'il retenait une base de commissionnement égale au chiffre d'affaires hors taxes sans référence aux avoirs de quelque nature qu'ils soient; que le moyen n'est pas fondé;
Sur le troisième moyen : - Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt (Aix-en-Provence, 17 mai 2004) d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à verser à M. Aracil une somme au titre des commissions de retour sur échantillonnage hors contrats, outre les congés payés afférents, alors, selon le moyen, qu'en application de l'article 1315 du Code civil, la preuve d'un usage professionnel repose sur celui qui l'invoque ; qu'en déduisant l'existence de l'usage professionnel d'allouer trois mois de commissions de retour sur échantillonnage hors contrats au VRP du motif inopérant tiré de l'absence de contestation de l'employeur, la cour a manifestement privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 du Code civil;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a fait ressortir l'existence de cet usage professionnel ; que le moyen n'est pas fondé;
Mais sur le deuxième moyen : - Vu l'article 1134 du Code civil ensemble l'arrêté du 26 mai 1975; - Attendu que pour ordonner la réintégration des indemnités pour frais professionnels dans l'assiette des cotisations sociales depuis le 1er janvier 2001, l'arrêt énonce que depuis l'embauche du salarié, la SAS Yacco a inclus les indemnités pour frais professionnels dans l'assiette des cotisations sociales; qu'il n'est pas contesté que cette pratique a bénéficié à l'ensemble des représentants de l'entreprise pendant 38 ans ; que la généralité et la constance de cette pratique ainsi que la fixité des modalités de calcul des indemnités pour frais professionnels caractérisent l'usage que l'employeur ne peut modifier unilatéralement dans ses modalités d'application; que l'obligation faite à l'employeur de dénoncer l'usage selon les formes régulières ne porte pas atteinte au droit qui lui est reconnu par l'arrêté du 26 mai 1975 de choisir ou non l'abattement forfaitaire pour frais professionnels supplémentaires et qu'à défaut d'accord du salarié et faute d'avoir dénoncé l'usage selon les formes régulières, ce dernier réclamait à juste titre la réintégration des indemnités pour frais professionnels dans l'assiette des cotisations sociales depuis le 1er janvier 2001 ; qu'en statuant ainsi, alors que les indemnités pour frais professionnels que l'employeur avait eu pour pratique d'inclure dans l'assiette des cotisations sociales ne constituaient pas des éléments de salaire et que l'existence d'une option au profit de l'employeur au début de chaque année d'opérer ou non l'abattement forfaitaire en vertu de l'arrêté du 26 mai 1975 excluait que la pratique par lui suivie ait les effets juridiques d'un usage, la cour d'appel a violé les textes précités;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a ordonné la réintégration des indemnités pour frais professionnels de M. Aracil dans l'assiette des cotisations sociales depuis le 1er janvier 2001 et condamné l'employeur à lui remettre des bulletins de paie rectifiés en ce sens, l'arrêt rendu le 17 mai 2004, entre les parties, par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Nîmes.