Conseil Conc., 25 novembre 2005, n° 05-D-64
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques mises en œuvre sur le marché des palaces parisiens
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de Mmes Aloy, Arcelin, rapporteures, par M. Lasserre, président, Mmes Aubert, Perrot, M. Nasse, vice-présidents, ainsi que Mme Béhar-Touchais, M. Flichy, membres.
Le Conseil de la concurrence (section III A) ;
Vu la décision du 4 décembre 2001, par laquelle le Conseil de la concurrence s'est saisi d'office, sous le n° F 1363, de la situation de la concurrence dans le secteur de l'hôtellerie de luxe ; Vu la lettre enregistrée le 6 janvier 2003 sous le n° 03/0004 F, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les établissements hôteliers Le Bristol, Le Crillon, Le Four Seasons Hôtel George V, Le Meurice, Le Plaza Athénée et le Ritz ; Vu la décision du 10 mars 2003, par laquelle le rapporteur général a décidé de joindre les affaires F 1363 et 03/0004 F ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce ; Vu les observations présentées par les sociétés Bristol, Hôtels Concorde gestionnaire du Crillon, Hôtel George V, Meurice, SPA Hôtel Plaza Athénée et The Ritz Hôtel Limited et par le commissaire du gouvernement ; Vu les décisions de secret des affaires n° 03-DSA-31 à 04-DSA-36 ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteures, le rapporteur général, le commissaire du gouvernement et les représentants des sociétés Bristol, Hôtels Concorde gestionnaire du Crillon, Hôtel George V, Hôtel Meurice SPA, Hôtel Plaza Athénée et The Ritz Hôtel Limited entendus lors de la séance du 27 septembre 2005 ; Adopte la décision suivante :
I. Constatations
A. LA PROCÉDURE
1. Le 18 novembre 2001, lors d'un reportage de l'émission "Capital" de M6 ayant pour thème "les palaces parisiens", il a notamment été indiqué que les responsables commerciaux de ces établissements hôteliers avaient pour habitude de se réunir régulièrement dans le but de s'échanger des données statistiques d'activité et de s'entendre sur certains tarifs.
2. Le 4 décembre 2001, des visites et saisies ont été réalisées par les enquêteurs de la DNEC sur le fondement de l'article L. 450-4 dans les six établissements hôteliers cités dans cette émission : le Ritz, le Bristol, le Crillon, le George V, le Meurice et le Plaza Athénée.
3. Par lettre enregistrée le 6 janvier 2003 sous le n° 03/0004 F, le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence, sur le fondement de l'article L. 462-5 du Code de commerce, de pratiques mises en œuvre par six établissements hôteliers de luxe de Paris susceptibles de porter atteinte au fonctionnement de la concurrence sur le marché de l'hôtellerie de luxe.
4. Préalablement à cette saisine, le Conseil de la concurrence s'était saisi d'office, par décision du 4 décembre 2001, des mêmes pratiques, la saisine d'office ayant été enregistrée sous le numéro F 1363.
5. Par décision du 10 mars 2003, le rapporteur général du Conseil de la concurrence a joint les affaires F 1363 et 03/0004 F.
6. Six décisions de secret des affaires ont été adoptées (n° 03-DSA-31 à 04-DSA-36).
B. LA PLACE DES PALACES PARISIENS EN CAUSE AU SEIN DU MARCHÉ DE L'HOTELLERIE DE LUXE
7. Au 31 décembre 2000, Paris comprenait 120 hôtels "quatre étoiles" et "quatre étoiles luxe". Mais les pratiques reprochées ne concernent que six établissements, le Ritz, le Bristol, le Crillon, le Meurice, le George V et le Plaza Athénée, qui occupent, comme il sera démontré ci-après, une place tout à fait particulière au sein de ces établissements hôteliers que confirment les éléments du dossier suivants.
1. LES DÉCLARATIONS DES DIRIGEANTS DES PALACES
8. Le directeur commercial du George V a déclaré : "pour ce qui nous concerne, le marché est constitué par le George V et les cinq autres établissements que sont le Bristol, le Crillon, le Meurice, le Plaza Athénée et le Ritz. Ce groupe d'hôtels appartient à la catégorie "palace" qui relève autant de l'histoire, du prestige de leur localisation que de leurs performances économiques, laquelle s'établit à un certain niveau de revenu par chambre disponible "revpar".
9. La directrice commerciale de l'hôtel Bristol a indiqué "Par ailleurs, nous disposons d'indicateurs que nous échangeons entre hôtels de la même catégorie : pour nous, il s'agit des hôtels Crillon, Meurice, Plaza Athénée, Four Season George V et Ritz."
10. La directrice du Ritz, a déclaré : "Depuis plus de 20 ans, les directeurs commerciaux des hôtels 4 étoiles parisiens se réunissent environ tous les trimestres pour échanger des renseignements d'ordre professionnel (tendance du marché, information sur les nouvelles technologies; recherche de personnel, résultats professionnels : taux d'occupation, revenu moyen par chambre essentiellement). Notre participation s'est interrompue faute de points communs dans notre activité. En effet, notre revenu moyen par chambre est beaucoup plus élevé que celui des autres membres participants."
11. Dans le même sens, la directrice commerciale du Plaza Athénée a déclaré : "Lorsque je suis entrée en fonction, j'ai assisté à une première réunion "palaces de Paris" avec mes collègues des hôtels Bristol, Crillon, Meurice, George V et Ritz. Cette structure est un regroupement informel d'hôtels de luxe ayant des prestations équivalentes dans un cadre historique de prestige".
12. Pour le directeur des ventes et marketing de l'hôtel de Crillon, "Les concurrents directs de l'hôtel de Crillon sont les établissements proposant le même niveau de prestations. Vis-à-vis d'une certaine clientèle internationale, nos concurrents sont aussi les grands hôtels de Rome, Madrid, Londres ou Berlin et également certains établissements de la côte d'Azur ou d'autres grandes villes comme Evian ou Biarritz. A Paris, les cinq autres palaces (Ritz, George V, Bristol, Meurice et Plaza Athénée) offrent des prestations comparables aux nôtres. Certains hôtels, comme l'Intercontinental, le Royal Monceau ou d'autres comme le Montalembert, le Pershing Hotel, le Lancaster et le Raphaël peuvent également être considérés comme des concurrents. Pour ces derniers, le niveau de prix moyen est d'environ 300 euro".
2. LES DOCUMENTS SAISIS DANS LES LOCAUX DES PALACES
13. Les documents rassemblés au cours de l'enquête ont mis à jour des échanges réguliers d'informations entre les six établissements cités au paragraphe 7, démontrant que la veille concurrentielle exercée par chaque palace se concentre essentiellement sur ses cinq concurrents les plus proches.
14. Le plan marketing du Bristol mentionne comme concurrents les cinq autres palaces et pas d'autres hôtels.
15. Les tableaux saisis dans les locaux du Crillon reprenant des informations sur leurs concurrents (par exemple, taux d'occupation et recette moyenne par chambre en 2000), procèdent à des sous-totaux par catégorie d'établissements et les six palaces sont regroupés entre eux. De même, les nombreux tableaux intitulés "comparatif des hôtels parisiens" comparent hebdomadairement, mensuellement ou annuellement les taux d'occupation, le prix moyen par chambre louée et le revenu par chambre disponible, ou "revpar", pour chacun des six palaces.
16. Les documents saisis dans les locaux du George V et intitulés "Four Seasons Hotel George V Competition Analysis" sont des tableaux qui récapitulent, mois par mois de l'année 2001 et pour chacun des six palaces, des informations sur le taux d'occupation, sur le "fair market share", "l'actual market share", un classement selon le taux de remplissage, ainsi que des indicateurs (market peneration index, average rate index et revenue generation index) qui permettent de mesurer les performances relatives des palaces les uns par rapport aux autres.
17. Les informations saisies dans les locaux de l'hôtel Meurice présentent pour les mois de juillet, août 2001, les parts de marché de chacun des six palaces, son "revpar" pour le mois ainsi que le taux d'occupation. Les documents intitulés "market share analysis" présentent pour le mois de juillet 2001 et pour le cumul des mois précédents, pour chacun des six palaces parisiens, des informations sur leur "fair market share" et sur leur "actual market share". La directrice commerciale du Meurice a défini ainsi ces notions : "Le fair market share correspond à la part du Meurice sur l'ensemble des chambres des six palaces concurrents sur Paris : George V, Ritz, Bristol, Crillon, Plaza et Meurice. L'actual market share correspond à la proposition des chambres vendues par les six palaces de Paris. Ces taux d'occupation sont communiqués par l'ensemble des palaces concernés, ainsi que le prix moyen par chambre, de manière mensuelle."
18. Le document "2002 Swot analysis", saisi dans les locaux du Meurice, illustre encore que la veille concurrentielle vise les cinq autres palaces parisiens. Ce document est présenté par la directrice commerciale du Meurice ainsi : "A chaque préparation du plan marketing, les directeurs commerciaux des palaces (mais c'est le cas dans toute l'hôtellerie ou d'autres secteurs d'activités) établissent une étude SWOT (strength, weakness, opportunities and threats) dont l'objectif est de connaître, notamment, la structure tarifaire de nos concurrents".
19. Dans les locaux du Plaza ont été saisis des documents intitulés "competition analysis" qui récapitulent pour les mois de 2001 (juillet, août, septembre) des informations pour chacun des palaces sur le taux d'occupation, le chiffre d'affaires et le "revpar".
20. Le document intitulé "analyse de la concurrence 2000", saisi dans les locaux du Ritz analyse, mois après mois, pour l'année 2000 les performances des six palaces en termes de taux d'occupation, de prix moyen, de chiffre d'affaires et de "revpar". Des comparaisons avec l'année précédente sont aussi données.
21. Une segmentation, conduite par le cabinet KPMG, a été réalisée pour l'hôtel Ritz en novembre 2003 lors de l'élaboration d'un plan marketing pour le compte de cet établissement. Il a été par la suite retiré du dossier parce que présentant des secrets d'affaires. Toutefois, le Ritz a fourni une attestation du cabinet KPMG aux termes de laquelle : "Nous avons étudié l'environnement concurrentiel du Ritz Paris, nous confirmons que cet environnement inclut, au-delà des quelques hôtels dits "palaces", d'autres unités telles que par exemple l'hôtel Park Hyatt d'un niveau catégoriel de moindre standing. En effet, cet établissement, bien que n'étant pas individuellement considéré comme un "palace" est, de par sa proximité et la qualité de ses prestations, considéré comme un concurrent direct du Ritz Paris sur plusieurs segments de clientèle, tels que les clients affaires "corporate" et les tours opérateurs sur l'ensemble des marchés français et étrangers. Dans l'ensemble, les quelques unités dites "palaces" sont confrontées à une concurrence beaucoup plus diffuse, incluant plusieurs grands hôtels de haut de gamme de la capitale, ainsi que toute la population des petits hôtels de luxe dits "boutique hôtels", soit une offre élargie qu'un plan marketing se doit notamment de prendre en compte".
3. LA SEGMENTATION DE L'HÔTELLERIE PARISIENNE HAUT DE GAMME
22. Aux termes de l'arrêté ministériel du 14 février 1986, ultérieurement modifié par les arrêtés des 27 avril 1988, 7 avril 1989, 10 avril 1991 et 18 juin 1992, les hôtels et résidences de tourisme sont classés en six catégories selon des normes standards de confort. Ces catégories sont exprimées à l'aide d'étoiles dont le nombre va croissant en fonction du confort de l'établissement. La catégorie supérieure, c'est-à-dire les établissements quatre étoiles, est elle-même divisée en deux sous-catégories : les hôtels quatre étoiles très grand confort et les hôtels quatre étoiles luxe haut de gamme. Toutefois, si le nombre d'étoiles correspond à des normes de confort, cette classification ne constitue pas pour autant un label de qualité.
23. Pour les établissements en haut de gamme, les professionnels de l'hôtellerie ont recours à une segmentation différente de la classification réglementaire : elle est à la fois plus précise et davantage orientée sur le niveau des prestations des établissements. Le cabinet de conseil PKF Hotelexperts (ci-après PKF), filiale du groupe Pannell Kerr Forster, est spécialisé dans le secteur de l'hôtellerie et publie un baromètre mensuel des hôtels quatre étoiles avec le classement suivant :
* les palaces : hôtels de prestige bénéficiant de sites exceptionnels, proposant une offre de services complète et dont la recette moyenne par chambre est supérieure à 600 euro en 2001 ;
* le grand luxe : hôtels de grande renommée appartenant à de grandes chaînes internationales ;
* les hôtels de charme : de capacité plus réduite, proposant des produits exclusifs dans un site de moins bonne visibilité ;
* les gros porteurs : ils se caractérisent par une capacité importante (400 à 1000 chambres) ;
* les first class : correspond aux quatre étoiles standard.
24. Dans la catégorie "palaces", PKF range, à Paris, les hôtels Bristol, Crillon, Four Seasons George V, Meurice, Plaza Athénée et Ritz. PKF précise que la constitution de la famille des palaces a été faite au travers de la définition suivante : "Les palaces sont des établissements dont la qualité du site (bâtiment historique, architecture témoignant d'une certaine époque), les infrastructures et les prestations sont exceptionnelles, avec des effectifs dédiés à un service personnalisé. Cette excellence se traduit par un prix moyen supérieur à 600 euro HT, fortement influencé par le nombre de suites".
25. Les éléments rassemblés par PKF Hotelexperts sur le prix moyen des chambres louées, c'est-à-dire le rapport entre la recette hébergement et le nombre de chambres louées, pour les différents segments des 4 étoiles, sont rassemblés dans le tableau suivant.
Tableau . Les prix moyens par chambre louée des 4 étoiles
<emplacement tableau>
4. LA CLIENTELE DES PALACES
26. La clientèle de l'hôtellerie haut de gamme comprend au moins deux segments : les clients qui séjournent dans ces établissements dans le cadre de voyages d'affaire et ceux qui le font dans le cadre de voyages d'agrément. D'autres segmentations sont possibles, selon que le client est venu en groupe ou individuellement. Le rapport d'enquête présente la classification suivante, valable aussi pour les palaces.
* la clientèle individuelle, pour laquelle interviennent des agences spécialisées dans les prestations de luxe, comme Virtuoso ;
* la clientèle des forfaits et "packages", qui sont les clients qui ont bénéficié d'offres ou de promotions ;
* la clientèle de sociétés (ou corporate), qui sont les employés de sociétés sous contrat avec l'hôtel qui, en générant un certain chiffre d'affaires, bénéficient de tarifs négociés ;
* la clientèle des groupes, dans laquelle se trouvent les voyages organisés par les tour opérateurs, mais aussi les congrès et séminaires ou les "incentives", séjours de motivation offerts par les entreprises à leurs salariés, dont l'organisation est confiée à des agences spécialisées ;
* la clientèle des ambassades et des délégations officielles.
27. Il existe quelques éléments au dossier sur la répartition de la clientèle des palaces selon les segments. Ainsi, le Crillon distingue les clients pour affaires (28,2 % de son chiffre d'affaires en 2001) des clients tourisme (68 %). Si les clients dits "corporate" représentent 23,7 % du chiffre d'affaires, soit la grande majorité du segment affaires, ils restent minoritaires en nombre comme en chiffre d'affaires. Les éléments fournis par le Plaza Athénée et le Ritz montrent que la part de la clientèle "corporate" y est encore plus faible : 7,3 % des clients pour le Ritz et 7 % pour le Plaza en 2001. En tout état de cause, la clientèle de loisir est toujours majoritaire.
28. A Paris, le secteur de l'hôtellerie haut de gamme connaît d'importantes variations de son niveau d'activité durant une même année. Les pics de fréquentation ont lieu au cours des mois de mai juin et septembre octobre, alors que le mois d'août est marqué par un creux de fréquentation et que, les mois de décembre à février connaissent une activité réduite.
29. Paris étant la première ville mondiale concernant l'organisation de congrès, expositions et salons, selon le cabinet conseil PKF, la fréquentation hôtelière suit les tendances de l'activité des affaires. Le niveau de fréquentation des établissements de l'hôtellerie de luxe est donc sensible à la conjoncture internationale et à ses aléas.
30. La proportion de clientèle étrangère des palaces a été supérieure à 90 % en 2000, et la clientèle nord-américaine est majoritaire, avec 41 % des nuitées enregistrées en 2001, pour les hôtels George V, Meurice et Ritz.
31. Enfin, une large part de la clientèle des palaces est peu sensible au niveau du prix, voire insensible pour la frange la plus fortunée. Le directeur de PKF a déclaré : "S'agissant de la stratégie tarifaire, les palaces parisiens ont consenti pendant la guerre du Golfe des efforts significatifs en matière de prix alors qu'en 2001 les efforts se sont tournés vers le démarchage de nouvelles clientèles de proximité ou de niches, sans modification des prix. La baisse des prix des années 1990 n'avait pas permis d'apporter de grandes quantités de clientèle et les hôtels ont eu du mal par la suite à retrouver leur positionnement".
32. A la suite des attentats du 11 septembre 2001, les fréquentations des touristes américains et japonais ont enregistré, en septembre et pour toute la France, une baisse respective de 25,4 % et 17,8 % selon l'observatoire de la direction du tourisme. Toutefois, l'incidence de ces évènements sur la situation des palaces a été très limitée.
33. La directrice commerciale de l'hôtel Meurice a déclaré à propos de la stratégie suivie par son établissement après cet événement : "Suite aux évènements du 11 septembre 2001, nos prix contractuels n'ont pas baissé, ni nos tarifs rack : le client n'aurait pas été attiré par de meilleurs prix. Le Meurice a en effet gagné en peu de temps sa réputation de palace grâce aux travaux effectués, et ne voulait pas d'une part perdre cet acquis en décrédibilisant le produit par des prix trop bas, ni d'autre part changer la stratégie tarifaire que nous avions prévue à la réouverture, liée à une qualité importante de services, un personnel de 360 personnes qui ont un coût important."
34. L'enquête a montré que les établissements ont connu, en octobre 2001, une baisse de leur recette moyenne par rapport à l'année précédente, mais que dès le mois de novembre, certains d'entre eux connaissaient des résultats supérieurs à ceux de l'année 2000. Dans une note de conjoncture du mois d'avril 2002, PKF a écrit : "A Paris, l'hôtellerie haut de gamme voit les palaces afficher une santé "insolente" car seuls à cumuler une hausse du taux d'occupation et de la recette moyenne, leur permettant d'afficher un revpar en croissance de + 10 %. La performance est d'autant plus appréciable que le revpar moyen de l'hôtellerie haut de gamme est en recul de - 0,4 %".
5. LA POLITIQUE TARIFAIRE DES PALACES
35. La multiplicité des catégories de chambres, la différenciation des tarifs en fonction de la période, du type de clientèle et du volume de nuitées, l'existence de forfaits, de promotions diverses et de prix négociés aboutissent à des grilles tarifaires complexes pouvant comporter plusieurs dizaines, voire une centaine de prix unitaires distincts. En outre, les établissements hôteliers haut de gamme ont recours aux techniques de modulation tarifaire appelées "yield management" ou "revenue management" ou encore "tarification en temps réel", destinées à optimiser les recettes, et dont la conséquence est que le prix des chambres peut en permanence être modulé en fonction de divers paramètres, comme le taux d'occupation de l'hôtel.
36. L'étude PKF, jointe aux observations du Crillon, souligne que les six palaces offrent une capacité de suites nettement supérieure à la plupart des établissements quatre étoiles (29 % en moyenne contre 15 % pour le reste du panel des établissements quatre étoiles). Ces suites sont vendues plus chères que celles des autres établissements : de 6 000 euro à 14 300 euro la nuit. Selon l'étude PKF, hormis celui des suites, le positionnement, en prix des chambres doubles des palaces est proche de celui des autres établissements, étant observé que la classification du niveau des chambres (standard, luxe, prestige) peut recouvrir des prestations différentes suivant les établissements. Du point de vue de la structure tarifaire, la particularité des palaces est l'écart entre les bornes tarifaires, c'est-à-dire entre prix le plus bas et prix le plus élevé, beaucoup plus large que pour les autres établissements puisqu'il peut atteindre un rapport de 1 à 30.
37. Par ailleurs, même si les six palaces parisiens ont des structures tarifaires assez proches, des niveaux de prix relativement comparables et utilisent des techniques de modulation tarifaires identiques, l'enquête administrative n'a pas révélé de similitude anormale des tarifs entre eux.
6. LA DISTRIBUTION DES PRODUITS HÔTELIERS
38. Si, de façon générale, les hôtels disposent d'un service propre de réservation, la plupart des réservations de chambres est enregistrée par l'intermédiaire de centrales de réservation et, notamment, à travers des systèmes de distribution électronique dits GDS (Global Distribution Systems), réservés aux professionnels.
39. Leur fonction est de distribuer en temps réel des produits de fournisseurs de services de voyages, dont ceux des hôtels, auprès d'utilisateurs professionnels et principalement des agents de voyage qui disposent, ainsi, d'une base de données et d'outils logiciels leur permettant d'obtenir des informations et des tarifs, puis d'effectuer des réservations confirmées. Dans la pratique, il appartient à chaque établissement hôtelier d'introduire par téléchargement dans le système, ses différents tarifs et disponibilités pour une période donnée, ce qui permet aux utilisateurs de pouvoir accéder à tout ou partie de ces informations à partir desquelles ils pourront effectuer leurs réservations. Les GDS jouent par conséquent un rôle essentiel dans la distribution de produits hôteliers.
40. Pour une partie, les informations centralisées par les GDS sont accessibles, sous certaines conditions, aux hôteliers eux-mêmes qui peuvent, par conséquent, disposer de renseignements précis sur les tarifs et les disponibilités de leurs concurrents.
41. Par ailleurs, conjointement à ce système de distribution électronique qui concerne actuellement la majorité des réservations effectuées par la clientèle d'affaires, les hôtels de luxe utilisent également pour commercialiser leurs produits, des réseaux de distributions, spécialisés ou non, généralement rémunérés à la commission.
42. C'est ainsi que l'organisation "The Leading Hotels of the World" dont font partie tous les six palaces parisiens à l'exception de l'hôtel George V, assure cette fonction de réseau de distribution des produits de ses membres, moyennant une commission de 7 à 11 % sur les réservations effectuées par cet organisme qui assure, en outre, des actions de marketing et de promotion de ses membres.
C. DESCRIPTION DES ENTREPRISES
43. Le Bristol, société anonyme, est situé 112 rue du Faubourg Saint-Honoré, Paris 8ème. Entièrement rénové, il offre 175 chambres et suites, un restaurant deux étoiles au guide Michelin et une piscine sur les toits.
44. Le Crillon, situé 10 place de la Concorde, Paris 8ème, offre 147 chambres rénovées en 2001. Ce palace est exploité par le Groupe Hôtels Concorde, société par actions simplifiée dont le siège est 58 bld Gouvion Saint-Cyr, Paris 17ème. Il possède un restaurant gastronomique "les Ambassadeurs", deux étoiles au guide Michelin.
45. Le George V, société anonyme, est situé 31 avenue George V, Paris 8ème. Il dispose de 245 chambres, dont 61 suites, d'un restaurant deux étoiles au guide Michelin, d'un spa et d'une piscine. Propriété de la famille royale d'Arabie Saoudite, le George V est exploité par le groupe Four Seasons.
46. Le Meurice, situé 228 rue de Rivoli, Paris 1er, offre 160 chambres et suites. Il a été entièrement rénové en 2000 et dispose d'un restaurant deux étoiles au guide Michelin.
47. Le Plaza Athénée, société anonyme, est situé 23-27 avenue Montaigne, Paris 8ème. Rénové en 1999, il offre 188 chambres et un restaurant trois étoiles au guide Michelin. Comme le Meurice, ce palace est la propriété du Sultan de Brunei et il est exploité par le groupe Dorchester.
48. Le Ritz, 15 place Vendôme, Paris 8ème, offre 175 chambres et suites, un restaurant deux étoiles au guide Michelin, un club de nuit privé et la plus grande piscine des hôtels parisiens.
D. LES PRATIQUES RELEVÉES
49. Elles concernent deux comportements distincts : les échanges réguliers d'informations entre les six palaces parisiens, d'une part, les actions commerciales menées en commun par les mêmes établissements, d'autre part.
1. LES ÉCHANGES D'INFORMATIONS
50. Le rapport d'enquête a mis en évidence l'existence d'échanges réguliers, entre les palaces, d'informations nominatives sur leur activité, les origines géographiques de leur clientèle et enfin, les éléments nécessaires à l'élaboration de leurs plans marketing.
a) Les échanges d'informations sur les données relatives à l'activité
51. Le directeur commercial du George V a déclaré le 25 mars 2002 "Nous utilisons dans la profession un certain nombre d'indicateurs qui nous permettent de nous situer par rapport à nos concurrents sur un même marché. Pour ce qui nous concerne, le marché est constitué par le George V et les cinq autres établissements que sont le Bristol, le Crillon, le Meurice, le Plaza Athénée et le Ritz. Ce groupe d'hôtels appartient à la catégorie "palace" qui relève autant de l'histoire, du prestige, de leur localisation que de leurs performances économiques, laquelle s'établit à un niveau de revenu par chambres disponibles (revpar). Les deux autres indicateurs utilisés sont le taux d'occupation et le prix moyen/chambre. Nous communiquons mensuellement nos données à différents organismes (PKF Consulting, l'observatoire régional du tourisme) qui en réalisent la synthèse. Nous échangeons également ces données une fois par mois entre les six palaces d'une façon traditionnelle. Cette pratique remonte à plusieurs années".
52. La directrice du Bristol a déclaré le 26 mars 2002 : "...nous disposons d'indicateurs que nous échangeons entre hôtels de la même catégorie ; pour nous il s'agit des hôtels Crillon, Meurice, Plaza Athénée, Four Seasons George V et Ritz. Ces indicateurs sont hebdomadaires et portent sur les taux d'occupation et le prix moyen par chambre".
53. Les données ayant fait l'objet de cet échange entre palaces parisiens sont :
* le prix moyen par chambre, (encore appelé dans la profession le "revenu moyen par chambre"), qui, pour une période donnée - jour, semaine, mois, année - se définit comme le rapport entre le chiffre d'affaires "hébergement" HT et le nombre de chambres louées au cours de la période ;
* le revenu moyen par chambre disponible (appelé "revpar", "revenue per available room"), qui s'obtient en divisant le chiffre d'affaires hébergement par le nombre de chambres disponibles au cours de la période considérée ;
* le taux d'occupation, qui est obtenu en divisant le nombre de chambres louées par le nombre de chambres disponibles pour la période considérée.
54. Les informations en question portaient sur l'activité hebdomadaire, mensuelle et annuelle. Les palaces les ont échangées soit au moyen d'envois directs de documents, soit lors de réunions des directeurs commerciaux des quatre étoiles et, enfin, au sein du groupe informel "Palaces de Paris".
Le circuit des échanges directs entre les responsables des palaces
55. Les contacts personnels directs entre les responsables des six palaces parisiens ont constitué le moyen privilégié par lequel ils ont échangé entre eux les informations évoquées ci-dessus.
56. Les échanges ont eu lieu par fax, comme par exemple le tableau à en tête du Plaza Athénée intitulé "Competition Analysis", envoyé depuis le fax du Plaza, et qui a été saisi dans les locaux du George V. Puis, les échanges ont eu lieu par messagerie électronique, comme en attestent les éléments suivants :
* le courrier électronique adressé le 2 février 2001 par Mme X, coordinatrice des ventes du George V à ses interlocuteurs du Ritz, Plaza Athénée, Meurice, Crillon et Bristol est libellé ainsi : "(...) j'ai le plaisir de vous envoyer nos résultats en attendant les vôtres". Suit un tableau qui détaille pour décembre le taux d'occupation, le prix moyen et le revpar pour décembre 2000. Un second courriel en date du 5 février, et adressé aux mêmes destinataires, précise : "je vous renvoie nos résultats de janvier. Je vous les avais envoyés vendredi passé en oubliant de changer de mois dans le tableau. Les chiffres étaient de janvier, bien sûr" ;
* le courriel du 11 septembre 2000, interne au Plaza Athénée, fait état des résultats du George V depuis janvier 2000 ;
* un courriel adressé le 3 janvier 2001 par M. Y, du Crillon, aux directions commerciales des cinq autres palaces transmet les résultats de son palace pour décembre 2001 (taux d'occupation, prix moyen et revpar). Il s'agit d'une réponse au courriel adressé par le George V aux mêmes destinataires et qui transmet les mêmes informations concernant le George V.
La durée des échanges
57. Ces échanges sont anciens, comme en témoignent les déclarations du 25 mars 2002 du directeur commercial de l'hôtel George V exposées au paragraphe 51, ainsi que celles du 20 mars 2002 de la directrice commerciale de l'hôtel Meurice, Mme Z, qui a indiqué que : "... ces taux d'occupation sont communiqués par l'ensemble des palaces concernés, ainsi que le prix moyen par chambre de manière mensuelle. Cette pratique est quasiment ancestrale et même courante dans tous les secteurs de l'hôtellerie française".
58. Au dossier figurent des éléments qui montrent la réalité des échanges depuis 1981. A été saisie dans les locaux de l'hôtel Crillon une pièce intitulée "Occupancy rate 1981-1995" et "Average room rate 1981-1995" qui retrace les taux d'occupation et les prix moyens par chambre, pour les six palaces pour les années 1981 à 1995. Pour la période allant de 1994 à 1998, le tableau en date du 2 décembre 1999 saisi dans les locaux du Crillon fait état de taux d'occupation annuels et de prix de vente moyen annuels pour quatre des six palaces mis en cause (Plaza Athénée, Ritz, Bristol, Crillon). Enfin, des tableaux provenant du Plaza Athénée et comportant, pour les six palaces, le taux d'occupation mensuel et le revenu moyen par chambre, mensuel pour la période de janvier à juin 1998, ont été saisis dans les locaux du George V.
59. Pour la période allant de 1998 à 2001, figurent au dossier des éléments qui montrent que les palaces ont échangé des informations sur leur taux d'occupation, leur revenu moyen par chambre, voire leur "revpar", sur une base hebdomadaire, mensuelle et/ou annuelle.
60. A la suite des visites et saisies qui ont eu lieu en décembre 2001, les palaces ont mis un terme à ces échanges.
Les informations échangées
61. Figurent au dossier des preuves d'échanges, entre les six palaces, de taux d'occupation, de revenu moyen et de "revpar" calculés hebdomadairement pour quatre semaines du mois de juillet, quatre semaines du mois d'août, trois semaines du mois de septembre, deux semaines du mois d'octobre et 4 semaines du mois de novembre 2001. Le George V n'a pas participé aux échanges d'informations hebdomadaires du mois de novembre 2001.
62. Ces mêmes indicateurs (prix moyen par chambre, taux d'occupation et"revpar") calculés sur une base mensuelle ont été échangés en 1999 (janvier à novembre, sauf par le Meurice, fermé pour travaux), en 2000 (janvier à septembre, sauf Meurice et George V, fermés) et en 2001 (janvier à novembre).
63. Enfin, figurent aussi au dossier des preuves de l'échange de ces indicateurs entre trois des six palaces (Bristol, Crillon et Ritz) calculés à l'année pour les années 1998 et 2000.
Le circuit des échanges entre les directeurs commerciaux des "quatre étoiles"
64. Lors de la réunion du 12 février 1999, dont le compte-rendu a été saisi dans les locaux du Crillon, à laquelle participaient les directeurs commerciaux d'une quinzaine d'hôtels quatre étoiles, et des palaces Bristol, Crillon et Ritz, divers points ont été abordés (la fréquentation prévue au cours de deux salons internationaux, la soirée du réveillon 1999-2000 et le yield management). Les taux d'occupation et les prix moyens par chambre pour l'année 1998, janvier 1999, ainsi que des projections de ces deux indicateurs pour les mois de février 1999 et mars 1999 ont aussi été échangés.
65. Lors de la réunion du 26 mars 1999, à laquelle ont participé les représentants des hôtels Bristol, George V et Ritz, ont été abordées les conditions de vente aux groupes, la soirée millenium et la clientèle des congressistes, informations qui sont sans importance pour la présente affaire, mais également les résultats prévisionnels ainsi qu'il ressort de la lecture de la rubrique "Points sur les résultats de janvier à juin". Il est à noter que seul le Ritz a communiqué ces informations tandis que les autres palaces n'ont rien donné. Le compte rendu de cette réunion a été saisi dans les locaux du Crillon.
66. De même, il résulte du compte-rendu de la réunion du 16 février 2001, saisi dans les locaux du Crillon, que seul le Crillon a fourni des informations relatives au taux d'occupation et au prix moyen par chambre pour l'année 2000 et le mois de janvier 2001, ainsi que des prévisions pour les mois de février et mars 2001 tandis que le Bristol, le Ritz, le George V et le Meurice, qui participaient à cette réunion, n'ont pas communiqué ces données.
67. En revanche, il est difficile de conclure à la réalité d'un échange d'informations entre les six palaces mis en cause de l'invitation à participer à la réunion du 21 janvier 2000 saisie dans les locaux du Meurice, et qui mentionne comme ordre du jour : les résultats de l'année 1999 (TO et RMC), la synthèse et l'analyse du réveillon 1999/2000, les prévisions du 1er trimestre 2000, les périodes primordiales pour l'hôtellerie parisienne de l'année 2000.
68. Enfin, il convient d'observer que si ces réunions des directeurs commerciaux des hôtels quatre étoiles continuaient à se tenir à la date de l'enquête administrative, les responsables commerciaux des hôtels Crillon, Ritz et Plaza Athénée ont toutefois déclaré ne plus s'y rendre, sans cependant donner la date précise de ce retrait.
Le circuit des échanges au sein de "Palaces de Paris"
69. Les six palaces parisiens ont échangé des informations sur leurs performances passées ainsi que des projections au sein du groupe informel "Palaces de Paris". Sur les quatorze réunions qui se sont déroulées à partir du 8 septembre 2000 sous l'égide de ce groupe, au vu des éléments figurant au dossier, il peut être retenu que trois réunions ont été consacrées à l'échange, entre les six palaces, d'informations nominatives sur les taux d'occupation et les prix moyens par chambre, à la fois réalisés et prévisionnels.
70. De fait, le compte rendu de la réunion du 20 octobre 2000, saisi dans les locaux du Bristol, dont l'ordre du jour portait sur la préparation d'une opération de promotion commune aux Etats-Unis, atteste que les taux d'occupation et le prix moyen par chambre pour l'année 2000 ainsi qu'une prévision pour l'année ont été échangés, lors de cette réunion, entre les représentants des six palaces participants.
71. Lors de la réunion du 2 octobre 2001, dont le compte-rendu a été saisi dans les locaux du Crillon, les six palaces ont également échangé des informations sur leurs prévisions respectives concernant leurs taux d'occupation pour les mois d'octobre à décembre 2001, consécutivement aux attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, ainsi que sur leurs taux d'occupation réalisés au mois de septembre.
72. Enfin, lors de la réunion du 29 octobre 2001, dont le compte-rendu a été saisi dans les locaux du Bristol, les mêmes prévisions (taux d'occupation des six palaces pour les mois d'octobre à décembre 2001) ont été inscrites dans un tableau.
L'utilisation des données relatives à l'activité
73. Une série de tableaux utilisant les informations recueillies pour faire état des positions concurrentielles des palaces ("actual market shares"), par rapport à leurs parts de marché théoriques c'est-à-dire en termes de capacités ("fair market shares") a été saisie dans les locaux du Meurice.
74. A leur propos, la directrice commerciale du Meurice a déclaré le 20 mars 2002 "Le FAIR MKT SHARE (fair market share) correspond à la part de l'hôtel Meurice sur l'ensemble des chambres des six palaces concurrents sur Paris : George V, Ritz, Crillon, Plaza et Meurice. L'ACT MKT SHARE (actual market share) correspond à la proportion des chambres vendues par le Meurice, par rapport au nombre de chambres vendues par les six palaces de Paris. Ces taux d'occupation sont communiqués par l'ensemble des palaces concernés, ainsi que le prix moyen par chambre de manière mensuelle. Cette pratique est quasiment ancestrale et même courante dans tous les secteurs de l'hôtellerie française".
75. Des tableaux à en-tête du Meurice et intitulés "market share analysis" exposent, pour les mois de novembre et décembre 2000 ainsi que janvier, février et octobre 2001 pour chacun des six palaces, le taux d'occupation, le prix moyen par chambre, ainsi que le "fair room market share", et le "actual market share". Une série de tableaux à en-tête du Plaza Athénée intitulés "Competition Analysis" saisie dans les locaux du Meurice, présente ces mêmes informations pour les mois de janvier à septembre 2000.
b) Les informations sur l'origine géographique de la clientèle
76. La directrice commerciale de l'hôtel Bristol a déclaré le 26 mars 2002 : "en fin d'année, nous échangeons des données relatives à l'origine géographique de la clientèle par établissement (...) ces éléments nous permettent d'évaluer notre part de marché et d'analyser les variations des différentes nationalités dans nos clientèles respectives, mais surtout de quantifier le marché global de chaque nationalité pour nous situer par rapport à celui-ci".
77. Le plan d'action commerciale de l'hôtel Bristol de l'année 2001, intitulé "Plan Marketing Bristol", présente un tableau qui récapitule, pour 21 pays, le pourcentage du marché total que chacun représente, ainsi que le rang de classement, pour l'année 2000, de chacun des quatre palaces qui étaient ouverts à cette époque : par exemple, la clientèle américaine représente 43,20 % de la clientèle des palaces et le Ritz est leader sur ce segment, suivi par le Bristol, le Crillon et enfin le Plaza.. Rappelons que le Meurice a été fermé de mars 1999 à juin 2000 inclus et que le George V l'a été de novembre 1997 à décembre 1999.
78. Figurent aussi dans ce rapport des informations précises sur la clientèle étrangère de chaque palace pour les années 1998 et 1999. L'on y apprend, par exemple, qu'en accueillant, en 1999, 38 750 clients américains, le Ritz, leader sur ce segment de clientèle, en a servi 33,3 %,tandis que la part du Bristol représentait 29,2 %, celle du Crillon 26,5 % et celle du Plaza 10,9 %.
c) Les informations requises pour les plans marketing
79. Aux termes des déclarations du 20 mars 2002 de Mme Z, directrice commerciale de l'hôtel Meurice, des échanges directs d'informations avaient lieu notamment, à l'occasion de l'élaboration annuelle des plans marketing des palaces : "à chaque préparation de plan marketing... nous échangeons des données sur nos tarifs affichés : tarifs rack, le nombre de salons, les capacités, nombre de chambres, fiche signalétique de l'hôtel, son taux d'occupation et son prix moyen budgété pour l'année suivante".
80. Le courrier, ci-après reproduit, du 18 juin 2001 adressé par Mme Z à ses concurrents, concerne l'élaboration du plan marketing 2002. Il en atteste :
"Chères toutes, chers tous,
Avec l'été arrive aussi le Marketing Plan, tout au moins en ce qui nous concerne, alors comme chaque année, je joue les casse pieds...et je vous sollicite pour mon analyse de concurrence.
Chaque membre de mon équipe est en charge de l'étude d'un hôtel concurrent et devrait vous contacter dans les jours qui suivent pour connaître quelques détails de votre bel établissement, tels que nombre de chambres par catégorie, nombre de salons, capacités et tout le tintouin ....
Je vous remercie de votre accueil et en contre partie ces derniers doivent déjà vous donner des détails de notre établissement....
Encore une fois, mille merci pour votre habituelle coopération et si vous avez besoin d'autres choses pour votre marketing plan, suis à votre écoute".
81. Le questionnaire, daté du 11 juin 2001, adressé par l'hôtel Meurice, à ses concurrents dans le même temps que ce courrier, porte sur les chambres et suites de chaque palace (nombre par catégories, taille et tarifs "rack", commission des agents de voyage), les salons et la restauration (nombre de salons et leur superficie, nombre de points de vente, prix des petits déjeuners et des menus), le nombre des membres du personnels de l'hôtel, du service relations publiques et de la direction commerciale (avec sa répartition par marché et le nombre de représentant à l'étranger), le pourcentage du budget marketing par rapport au chiffre d'affaires total.
82. Les informations ainsi recueillies par le service commercial de l'hôtel Meurice lui ont permis de réaliser des tableaux comparatifs "SWOT analysis 2002" devant figurer dans son plan marketing. Au vu de ces tableaux, les palaces qui ont répondu sont le George V et le Crillon. Le Meurice leur a transmis ses propres réponses.
83. Les informations qui sont détaillées dans ce tableau pour le Meurice, le George V et le Crillon concernent la superficie des chambres et des salons des palaces, les prix des différentes suites, des petits déjeuners et des menus, le nombre des membres du personnel, notamment à la direction commerciale, ou le pourcentage du budget marketing par rapport au chiffre d'affaires de l'hôtel, et d'autres informations sur leur organisation tels que le recrutement par certains d'une personne parlant le japonais.
2. LES ACTIONS COMMERCIALES COMMUNES MENÉES PAR LES SIX PALACES
a) Les opérations "Best of Paris"
84. Une première série d'actions a été organisée dans le cadre de l'entité "The Leading Hotels of the World". LHW est une société de marketing, filiale de "The Leading Hotels of the World Ltd" qui compte 401 établissements hôteliers dans 77 pays et qui a vocation à promouvoir ses membres et à leur assurer un service centralisé de réservation, ainsi que des opérations de marketing centrées sur des hôtels ayant un label de luxe. A l'exception du George V, les cinq autres Palaces parisiens sont membres de LHW. L'association perçoit un droit d'entrée et une cotisation annuelle de ses membres, ainsi qu'une commission variant de 7 à 11 % pour toute réservation effectuée par l'intermédiaire du réseau. En contrepartie, LHW propose des actions commerciales ou de prospection, ainsi que des "packages" communs à plusieurs établissements d'une même zone géographique. Ces opérations peuvent prendre la forme d'offres promotionnelles limitées à une seule destination, telles les opérations "Best of Paris".
85. Cinq des six palaces ont participé à ces opérations, à savoir le Bristol, le Crillon, le Meurice, le Plaza Athénée et le Ritz, à l'exclusion du George V, qui ne fait donc pas partie de LHW. Deux "small leading hotels", les hôtels Lancaster et Raphaël, ont également participé à ces actions, mais selon des modalités différentes. Ces actions "Best of Paris" se présentent comme des offres promotionnelles proposant une nuit dans l'un des cinq palaces à un tarif unique. Une première offre a été imaginée à la suite d'une réunion "Palaces de Paris" organisée par LHW qui s'est tenue le 8 septembre 2000, et à laquelle ne participait pas le George V. Les intervenants ont ainsi mis en place l'offre "Best of Paris" 2000-2001 proposant la nuit au prix unique de 3 400 francs pour la période du 15 novembre 2000 au 15 mars 2001.
86. Les déclarations recueillies lors de l'enquête témoignent de la volonté des participants de s'accorder sur un prix unique. M. Richard A, directeur du bureau parisien de "The Leading Hotels of the World", a ainsi déclaré que : "en septembre 2000, dans le contexte d'une série d'initiatives mondiales de LHW, notre siège nous a demandé d'approcher nos membres parisiens pour convenir d'une offre (leading offers). J'ai réuni les sept membres parisiens afin de déterminer le contenu, la cible, et le montant d'investissement de cette offre. La cible choisie en 2000 était la clientèle anglaise de particuliers : c'est pourquoi notre communication était principalement axée sur la presse anglaise (journaux du dimanche). Nous avons pensé qu'un prix commun pour cette offre que nous avons choisi d'appeler "Best of Paris", serait plus attractif et plus simple pour la cible envisagée. Nous sommes tombés d'accord sur un prix commun pour les cinq hôtels leading et les deux small leading. Nous avons convenu d'une période de validité. Pour nous, l'accroche, voire le concept de base de cette offre, était le prix commun réellement intéressant pour le niveau de prestation proposé".
87. Mme Catherine B, directrice commerciale de l'hôtel Ritz, a déclaré pour sa part : "dans le courant de l'été 2000, Leading Hotels of the World auquel nous sommes affiliés, nous a proposé de participer à cette offre commune avec un prix commun pour les sept "Leading" parisiens. Nous nous sommes réunis, chez Richard A, directeur de Leading à Paris, et nous avons évoqué le contenu et le prix de cette offre (dénommée Best of Paris). L'idée était de promouvoir les hôtels parisiens Leading en période creuse, en l'occurrence période d'hiver, avec un concept accrocheur basé sur une campagne de publicité commune et un prix commun pour l'opération. Ayant tous une tarification différente, il a été difficile de s'accorder sur un prix commun. Le montant a finalement été fixé à 3 400 F TTC ce qui correspond précisément à la promotion hiver que fait le Ritz depuis environ cinq ou six ans".
88. Chacun des cinq palaces a proposé, au prix unique de 3 400 francs, une catégorie de chambres variant d'un établissement à l'autre : une chambre "De luxe" pour le Crillon, une chambre "Supérieure" pour le Plaza Athénée, une chambre "Classique" pour le Meurice, une chambre "Standard" pour le Ritz et une chambre " Supérieure " pour Le Bristol.
89. L'opération a été adressée directement au consommateur final et aux professionnels par voie de presse ou sur Internet sous forme de "bannière" avec accès direct à la réservation.
90. Les résultats de l'opération varient selon les établissements. Le Crillon a enregistré 111 nuitées ; le Plaza Athénée, 9 ; le Meurice, 220 ; le Ritz, 228 ; le Bristol, 143.
91. Les bons résultats de l'opération "Best of Paris" 2000-2001 ont convaincu les participants de la reconduire pour la saison suivante. Les modalités de l'offre "Best of Paris" 2001-2002 ont été discutées lors d'une réunion en date du 6 septembre 2001 au siège de LHW, au cours de laquelle une offre au prix commun de 550 euro été convenue.
92. A la suite des événements du 11 septembre 2001, des négociations pour baisser ce prix unique ont été engagées entre les parties. M. A... a ainsi adressé un courrier, le 27 septembre 2001 aux hôtels LHW parisiens dans lequel il écrivait : "... après avoir fait un audit des Tarifs Hiver de vos hôtels, j'ai constaté que l'offre "Leading Offers... The Best of Paris" n'était plus aussi compétitive. En effet, les tarifs hiver que vous proposez sont, dans certains hôtels, même moins chers que ceux que vous avez suggérés pour cette offre. Nous avions convenu ensemble de 550 euro pour une chambre standard dans les Leading Hotels of the World et 500 euro pour les Leading Small Hotels of the World. J'ai eu l'opportunité d'en rediscuter avec Brigitte C du Plaza Athénée et Christine Z... de l'Hôtel Meurice, et pour générer des ventes avec cette offre, il me semble que nous devrions revoir les tarifs que nous avions convenus ensemble afin de rendre cette offre plus attractive. Peut-être pourriez-vous proposer un séjour en chambre standard, en incluant le petit-déjeuner américain ou continental et les transferts (N.B. pour les européens, principalement des gares) pour un prix de 520 euro pour les Leading Hotels of the World et un autre prix (à définir ensemble) pour les Leading Small Hotels of the World".
93. De longues discussions ont suivi cette suggestion. Lors de la réunion des "Palaces de Paris" du 2 octobre 2001, tous les hôtels ont rejeté l'offre de M. A, estimant qu'elle n'était pas rentable. Les parties ont avancé l'idée d'une offre au prix de 550 euro pour une chambre "double De Luxe" incluant le petit déjeuner (dont le type - américain ou continental - restait à définir) et un accueil VIP. De nouvelles discussions ont alors eu lieu, le Plaza Athénée, le Ritz et le Bristol craignant la confusion de cette opération avec d'autres offres parallèles. Il a été proposé une offre à 590 euro comprenant la nuit dans l'un des palaces, le petit déjeuner américain, une bouteille de champagne, un cadeau et une attention spéciale dans les boutiques parisiennes. A la suite d'un courrier, du 12 octobre 2001, de la directrice d'EMEA et responsable des investissements de LHW pour l'Europe, soulignant que ce projet, bien qu'attractif, lui paraissait trop cher par rapport aux prix pratiqués sur le marché pendant cette période, les palaces ont modifié à nouveau le contenu de l'offre, en baissant le prix de la nuitée à 550 euro, petit déjeuner compris.
94. L'offre "Best of Paris" 2001-2002 a fait l'objet d'une diffusion dans la presse et sur Internet, comme la précédente, mais également dans les GDS.
95. Les résultats de cette offre ont été globalement meilleurs que l'année précédente. Au total, les hôtels ont enregistré 1783 nuitées, réparties de la façon suivante : 166 pour le Crillon, 330 pour le Plaza Athénée, 111 pour le Meurice, 862 pour le Ritz et 314 pour le Bristol.
b) Les actions menées au sein de "Palaces de Paris"
96. Parallèlement aux opérations "Best of Paris", les six palaces parisiens se sont rapprochés dans le cadre de l'association informelle constituée pour l'occasion et dénommée "Palaces de Paris". Cette initiative trouve son origine dans un déjeuner organisé par le George V en avril 2000. En effet, comme le confirme le directeur commercial de l'hôtel George V : "s'agissant du regroupement des six palaces parisiens, il a pour origine un déjeuner à l'hôtel George V que nous avons organisé d'une manière informelle afin de présenter l'idée de promouvoir Paris pour les fêtes de fin d'année. Comme il nous fallait un vecteur commun et un élément fédérateur, nous avons proposé l'idée à l'OTCP [l'Office de Tourisme et des Congrès de Paris] qui l'a trouvée à la fois originale et intéressante, et bien en ligne avec sa stratégie de l'époque. A notre sens, Paris souffrait d'un déficit d'image au moment des fêtes de fin d'année, alors que New York et Londres enregistraient des taux d'occupation record, dont nous voulions légitimement nous rapprocher. L'idée d'un forfait unique est née à l'occasion de nos différentes réunions. Parallèlement à cette opération, nous nous sommes engagés à monter une opération "tourisme d'affaires" dont le seul but était de promouvoir notre destination et nos hôtels auprès de prestataires spécialisés aux États-Unis et en Europe. C'est dans ce contexte que nous nous réunissons tous les mois afin de faire le point sur l'avancement de l'opération, car à chacun d'entre nous fut en fait confiée une partie du programme". L'enquête a montré que quatorze réunions s'étaient tenues entre le 8 septembre 2000 et le 21 novembre 2001, l'intervention ultérieure de la DGCCRF mettant fin aux rencontres. Il ressort de l'enquête que deux séries d'opérations ont été envisagées dans le cadre de l'association "Palaces de Paris". La première était tournée vers le "tourisme d'affaires", la seconde axée sur le shopping.
c) "Paris in Gold" et "Paris prestige"
97. Ces opérations communes ont été menées sur le segment de marché des "incentives". Le marché des "incentives" regroupe des agences spécialisées qui agissent pour le compte d'entreprises ayant recours à ce mode "d'intéressement" des salariés. Selon le rapport de l'OTCP pour 2001, "les voyages de simulation, les conventions et les séminaires sont aujourd'hui des outils commerciaux à part entière pour un gain de parts de marché dans un environnement concurrentiel de plus en plus acharné. Le voyage " incentive " se hisse progressivement au rang de véritable métier de service d'entreprises soucieuses de motiver leur personnel ou renforcer leurs relations avec leurs clients (programmes de fidélisation). Au sein du tourisme d'affaires, ces voyages dits "de simulation" tiennent une place prépondérante et éclairent d'une manière intéressante à la fois sur des pratiques commerciales et des concepts d'encadrement du travail". Selon les explications données par les responsables commerciaux de plusieurs établissements, la démarche commune des six palaces auprès de ces agences présentait l'avantage de pouvoir leur proposer une capacité importante de chambres de haut de gamme.
98. L'action des six palaces parisiens et de l'OTCP a été menée dans un premier temps dans le Midwest américain où plusieurs agences "incentives" sont implantées. L'opération a été dénommée "Paris in Gold" et s'est déroulée du 8 au 12 juillet 2001. Les directeurs commerciaux des six palaces ainsi que l'OTCP ont ainsi présenté l'offre parisienne aux principales agences "incentives" du midwest américain et remis une brochure et un CD-Rom "Paris in Gold", financé par l'OTCP, à chaque invité.
99. Après les évènements du 11 septembre 2001, les partenaires ont réorienté leur prospection vers des marchés de proximité et, en particulier, vers l'Espagne, considérée comme le principal marché émergent en Europe. L'opération, dénommée "Paris Prestige", s'est déroulée du 14 au 16 décembre 2001 et a associé, à côté des six palaces et de l'OTCP, d'autres partenaires tels Air France, Fouquet's groupe Lucien Barièrre, Buddha Bar, Potel et Chabot, Lenôtre, Elite Limousine, Yacht de Paris. L'opération "Paris Prestige" a également donné lieu à la diffusion d'une brochure et d'un CD-Rom toujours financé par l'OTCP.
d) Les opérations axées sur le shopping à Paris
"Christmas shopping"
100. Les services de relations publiques des six palaces ont envisagé une offre axée sur le "shopping" à Paris pendant les fêtes de fin d'année et la période des soldes. Cette action, dénommée à l'origine "Being a Princess in Paris", était fondée sur une offre à prix unique, à savoir 630 euro, incluant l'hébergement, le petit-déjeuner américain, une bouteille de champagne servie à l'arrivée et d'autres services. La période de validité était prévue du 15 novembre 2001 au 15 février 2002 à l'exception de l'intervalle du 27 décembre 2001 au 2 janvier 2002. Les évènements du 11 septembre 2001 ont conduit les palaces à revoir leur stratégie concernant ces promotions communes. Lors d'une réunion du 12 septembre 2001, les six palaces ont baissé le prix de l'offre "Christmas shopping" de 6,35 %, celle-ci passant de 630 euro à 590 euro afin d'attirer la clientèle européenne, la clientèle américaine risquant d'être plus réticente à voyager.
"Shopping with parisian Palaces"
101. Dans le prolongement de la suggestion faite par le George V lors du déjeuner organisé en avril 2000, le directeur de l'OTCP, a adressé, le 26 juin 2001, un courrier aux six palaces parisiens leur proposant de mettre en place à destination du marché américain une campagne de publicité sur le thème "Venez faire votre shopping de Noël à Paris". Le Ritz s'est joint à l'opération après l'avoir rejetée dans un premier temps. La directrice de l'hôtel Ritz a ainsi déclaré que "sur la pression amicale de mes collègues des palaces, le Ritz a finalement décidé de participer à l'opération Shopping with parisian Palaces...".
102. Les enquêteurs ont saisi dans les locaux des six palaces, de nombreux documents relatant leurs échanges. Il ressort de ces documents que l'opération "Shopping in Paris" menée par l'OTCP reposait sur une offre tarifaire unique à 630 euro la nuit et devait associer des compagnies aériennes. Plusieurs courriers communiqués au service d'enquête par l'OTCP, portent en effet sur des contacts et propositions de partenariat avec les compagnies American Airlines et Air France.
103. Ces différentes propositions n'ont cependant pas abouti, les palaces et les compagnies aériennes ne partageant pas les mêmes points de vue concernant la stratégie commerciale à adopter pour cette promotion. Qui plus est, les compagnies aériennes se sont montrées encore plus réticentes à participer à ce type d'action après les évènements du 11 septembre 2001. Ces difficultés à trouver un accord avec des partenaires potentiels ont finalement conduit l'OTCP à se retirer du projet. La représentante de l'OTCP déclare ainsi que : "ce projet n'a pas abouti en raison du manque d'intérêt des partenaires ressentis (les six palaces parisiens à l'exception du Ritz) pour le tour opérateur susceptible d'être partenaire (American Airlines Vacations), dans un premier temps, et par la nature de l'opération proposée (marketing direct par Air France), dans un second temps. Le projet a été abandonné pour notre part à la fin du mois d'octobre 2001 à l'occasion d'une réunion qui s'est tenue le 29 octobre 2001 à l'hôtel Bristol".
104. Malgré le retrait de l'OTCP, les palaces ont maintenu leur offre promotionnelle commune. Celle-ci s'est déroulée du 1er novembre 2001 au 31 mars 2002, sous le nom de "Shopping with parisian palaces", à un prix forfaitaire de 590 euro par nuit avec un minimum de deux nuits, associant plusieurs prestations à l'hébergement : petit déjeuner américain, champagne à l'arrivée, cadeau de la direction, accueil VIP, un cadeau offert par seize boutiques de luxe participant à l'opération. Certains palaces ont aménagé ou complété cette offre. L'hôtel Meurice a ainsi proposé cette offre sur une période plus courte ; le Plaza Athénée a proposé une variante avec un hébergement en "junior suite" à 790 euro la nuit ; le Ritz a proposé, quant à lui, deux variantes : un hébergement en chambre "supérieure" à 640 euro et en chambre "Deluxe" à 690 euro. Ce forfait était disponible sur les GDS et pouvait faire l'objet, pour chaque établissement, d'ouverture ou de fermeture en fonction notamment de leur taux d'occupation respectifs.
105. Les résultats de cette opération ont été variables selon les établissements. Le Bristol a enregistré 298 nuitées ; le Crillon, 4 ; le George V, 282 ; le Meurice, 23 ; le Plaza Athénée 58 ; et le Ritz, 13.
E. LES GRIEFS NOTIFIÉS
106. Au vu de l'ensemble des éléments présentés ci-dessus, les griefs suivants ont été notifiés.
107. Il a été fait grief à l'hôtel Le Bristol Paris , l'hôtel de Crillon, l'hôtel Four Seasons Hôtel George V, l'hôtel Meurice, l'hôtel Plaza Athénée et l'hôtel Ritz Paris :
* "de s'être, pendant les années 1999, 2000, 2001 et 2002, non couvertes par la prescription, consciemment et librement concertés et de s'être échangé de façon régulière et permanente des informations confidentielles sur leurs activités et résultats respectifs, entre établissements hôteliers en situation de se faire concurrence sur le segment de marché des palaces parisiens, et d'avoir ainsi réciproquement bénéficié, grâce à cette concertation, d'informations qui ont orienté leurs politiques et stratégies, les empêchant, dès lors, d'agir de manière autonome sur ce marché ;
* "d'avoir, pendant les années 2001 et 2002, élaboré une offre promotionnelle commune intitulée "Shopping with parisian palaces" et participé à celle-ci, par laquelle il a été mis à la disposition de la clientèle un volume convenu de chambres, au tarif unique concerté de 590 euro la nuit, fixé de manière non autonome par chaque établissement, indépendamment de leurs coûts respectifs".
108. Il a été fait grief à l'hôtel Le Bristol Paris, l'hôtel de Crillon, l'hôtel Meurice, l'hôtel Plaza Athénée, l'hôtel Ritz Paris :
* "d'avoir, pendant les années 2000 et 2001, élaboré une offre promotionnelle commune intitulée "Best of Paris" et participé à celle-ci, par laquelle il a été mis à la disposition de la clientèle un volume convenu de chambres, au tarif unique concerté de 3.400 Frs la nuit, fixé de manière non autonome par chaque établissement, indépendamment de leurs coûts respectifs.
* d'avoir, pendant les années 2001 et 2002, élaboré une offre promotionnelle commune intitulée "Best of Paris" et participé à celle-ci, par laquelle il a été mis à la disposition de la clientèle un volume convenu de chambres, au tarif unique concerté de 550 euro la nuit, fixé de manière non autonome par chaque établissement, indépendamment de leurs coûts respectifs".
109. L'ensemble de ces pratiques, ayant pour objet ou pour effet d'empêcher le libre jeu de la concurrence, ont été décrites dans la notification de griefs commune comme étant prohibées par l'article L. 420-1 du Code de commerce.
II. Discussion
A. SUR LE RESPECT DES DROITS DE LA DÉFENSE
110. Les parties font valoir que le rapport qui leur a été adressé par les rapporteurs ne conclut pas sur les griefs finalement retenus par elles. Elles ajoutent que la nature et la portée du grief relatif aux échanges d'informations a évolué entre la notification des griefs et le rapport. Alors que le premier grief notifié fondait l'illicéité des échanges d'informations sur l'impact qu'ils ont eu sur l'autonomie commerciale des palaces, le rapport affirmerait que c'est la nature oligopolistique du marché qui rendrait les échanges illégaux. Les parties mises en cause soutiennent en conséquence que le principe du contradictoire ne serait pas respecté si une décision était prononcée sur le grief dans sa version finale.
111. Aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article L. 463-2 du Code de commerce, la notification des griefs marque l'ouverture de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 463-1, au cours de laquelle les droits de la défense doivent être respectés. Le deuxième alinéa de l'article L. 463-2 prévoit que la procédure contradictoire se poursuit par la transmission d'un rapport qui "est accompagné des documents sur lesquels se fonde le rapporteur et des observations faites, le cas échéant, par les intéressés". L'article 36 du décret du 30 avril 2002 précise que "le rapport soumet à la décision du Conseil de la concurrence une analyse des faits et de l'ensemble des griefs notifiés".
112. Comme l'a indiqué le Conseil dans sa décision n° 04-D-42 du 4 août 2004, qui a précisé la procédure de non contestation des griefs par une entreprise, un grief au sens de la procédure devant le Conseil de la concurrence est un ensemble de faits, qualifiés juridiquement et imputés à une ou plusieurs entreprises.
113. La notification de griefs doit donc informer les parties des pratiques reprochées, de leur qualification juridique au regard du droit applicable -national ou communautaire- et des personnes auxquelles sont imputées ces pratiques, afin de les mettre en mesure de contester utilement, au cours de la procédure contradictoire, soit la réalité des faits, soit leur qualification, soit leur imputation.
114. La notification des griefs n'a donc pas pour objet d'anticiper ou d'épuiser dès l'origine le débat contradictoire ultérieur, ni de retirer à la formation du Conseil appelée à prendre la décision son pouvoir de motiver librement celle-ci, dés lors qu'elle s'en tient au grief notifié et fonde sa décision sur des éléments soumis au contradictoire. Le principe même de la séparation des fonctions d'instruction et de décision fait obstacle à ce que cette formation soit réduite à une simple chambre d'enregistrement des raisonnements du rapporteur.
115. En l'espèce, la notification des griefs a reproché aux six palaces parisiens des échanges d'informations confidentielles sur leurs activités pour les années 1999, 2000, 2001 et 2002, et a considéré que ces échanges étaient contraires à l'article L. 420-1 du Code de commerce au motif que les palaces ont, grâce à cette concertation, bénéficié d'informations qui ont orienté leurs politiques et stratégies, les empêchant dès lors d'agir de manière autonome. Le rapport ne s'est écarté de la notification des griefs sur aucun de ces points, ni sur la nature des faits en cause, ni sur leur qualification, ni sur leur imputation.
116. Dans la notification de griefs est ainsi développée, au chapitre relatif à la qualification des pratiques, une argumentation selon laquelle les informations échangées "ont permis aux six palaces parisiens de déterminer précisément et en temps réel leurs positionnements sur le marché oligopolistique des palaces parisiens et de définir leurs stratégies commerciales et tarifaires respectives, tenant nécessairement compte de celles de leurs concurrents", et précise, s'agissant des effets de ces échanges, que "les responsables commerciaux des six palaces parisiens ont en effet nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations obtenues ou dévoilées au cours de ces réunions, pour déterminer les politiques respectives qu'ils entendaient suivre sur le segment de marché de l'hôtellerie de luxe de la capitale, telles qu'elles sont développées dans leurs plans marketing respectifs. Par conséquent, les pratiques d'échanges de données stratégiques et confidentielles (...) ont nécessairement eu pour effet de fausser la détermination autonome des politiques que chaque palace entendait suivre sur le segment du marché de l'hôtellerie de luxe occupé par les six palaces parisiens".
117. Le rapport ne vise donc pas des pratiques différentes de celles évoquées dans la notification des griefs et ne modifie pas leur qualification. Au contraire, en développant une argumentation selon laquelle les échanges d'informations ont accru l'interdépendance des palaces en leur donnant les moyens de surveiller leurs performances relatives, le rapport étaye la partie du grief selon laquelle les échanges d'informations ont empêché les palaces d'agir de façon autonome. Elle vient au soutien du grief notifié, qu'elle ne modifie pas.
118. Les précisions apportées par le rapport, selon lesquelles la perte d'autonomie a résidé dans le fait que les palaces ont nécessairement tenu compte des informations échangées, ont été soumises au contradictoire dès lors que les parties ont pu utilement y répondre, aussi bien dans leurs observations écrites qu'oralement lors de la séance.
119. Au vu de ces éléments, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que les droits de la défense n'auraient pas été respectés du fait d'une modification des griefs en cours de procédure.
B. LE MARCHÉ PERTINENT
1. SUR LE MARCHÉ DE PRODUITS
120. Les parties font valoir que les six palaces en cause ne constituent pas entre eux un marché pertinent mais qu'ils constituent un segment particulier du marché de l'hôtellerie de luxe, laquelle est caractérisée par un continuum de prestations et de services, largement substituables aux yeux des consommateurs. Elles soutiennent également que, dans l'hypothèse où l'on voudrait distinguer un marché pertinent des palaces, il serait excessif de prétendre que les cent-vingt hôtels quatre étoiles de la capitale seraient tous des concurrents effectifs ou potentiels des six établissements en cause, mais qu'au moins une dizaine et plus probablement une quinzaine, voire une vingtaine d'établissements seraient présents sur ce marché et seraient en concurrence avec les palaces retenus par l'instruction.
En ce qui concerne la demande
121. Les parties soutiennent que la demande qui s'adresse aux six palaces n'est pas fondamentalement différente de celle des hôtels "quatre étoiles" et "quatre étoiles luxe". Elles allèguent que, la clientèle de ces hôtels, très majoritairement étrangère (plus de 80%), comprend les mêmes catégories que celle des palaces : clientèle pour agrément et clientèle "affaires" sous contrat avec l'hôtel. La clientèle corporate, plus sensible au prix des chambres, n'hésiterait pas à mettre en concurrence les palaces avec d'autres hôtels, comme l'illustrent des exemples de sociétés, clientes des palaces, qui ont choisi de migrer vers des établissements "quatre étoiles" où elles trouvent des services et des prix comparables.
122. Mais, s'agissant d'un bien complexe constitué d'une gamme de chambres et de suites de prix très différents, que l'étude PKF juge elle même très dispersé "dans un rapport de 1 à 30 sur Paris, compte tenu de l'offre de suites" (étude PKF page 6), l'analyse de la substituabilité du point de vue de la demande ne peut se limiter aux zones de contact entre les différentes catégories d'hôtels, c'est-à-dire le recouvrement entre les chambres les moins chères des hôtels de grand luxe et les plus chères des hôtels de catégorie inférieure. Au surplus, si un tel raisonnement devait être suivi, il faudrait considérer qu'il n'existe qu'un seul marché de l'hôtellerie puisque toutes les offres, depuis l'hôtel une étoile jusqu'au palace en passant par les catégories intermédiaires, ont des zones tarifaires qui se recouvrent partiellement. Or, les parties elles-mêmes ne soutiennent pas que les palaces sont sur le même marché que les hôtels ordinaires et reconnaissent qu'il existe bien un marché de l'hôtellerie de luxe, sans pouvoir cependant proposer une limite claire de ce marché.
123. L'étude PKF insiste sur le fait que le nombre et le prix des suites constituent un élément essentiel de l'offre des palaces (pages 9, 12, 13 et 31 de l'étude). On constate, en fait, que les palaces offrent un ensemble de services très haut de gamme, notamment une proportion importante de suites de prix très élevés qui, même si elles ne constituent pas la majorité des chambres, sont l'élément décisif à partir duquel les établissements construisent leur image de marque. Ces appartements exceptionnels attirent une clientèle très fortunée dont la présence régulière assure le prestige des palaces, prestige dont profitent également les chambres d'entrée de gamme. Cette situation est propre au secteur du luxe, l'étude PKF (page 6) parlant de "haute couture de l'accueil". Elle n'est, par exemple, pas différente de celle qui voit les grands joailliers construire leur image en offrant des bijoux exceptionnels réservés à une minorité, tout en proposant des pièces plus abordables pour une clientèle moins fortunée qui est attirée par le prestige de la marque. Cette différenciation de l'offre qu'apporte une image de luxe permet d'atténuer la pression concurrentielle en prix que pourront exercer des opérateurs moins bien positionnés et de maintenir des recettes élevées.
124. Ainsi, le fait qu'une partie de la clientèle puisse, dans certains cas, se reporter sur des hôtels de luxe de gamme inférieure n'est pas pertinent pour apprécier la substituabilité globale de leur offre par rapport à celle des palaces aux yeux des clients. Comme le confirment les propos du directeur de PKF, reproduits au paragraphe 31, la clientèle des palaces est moins sensible au prix qu'à l'image de luxe, image qui provient de la réunion d'un ensemble de caractéristiques qu'ils sont seuls à pouvoir réunir. La construction et la préservation de cette image sont donc l'élément clé pour pouvoir maintenir un niveau de prix élevé sur l'ensemble des chambres. Le marché des palaces est marqué, comme tout marché du luxe, par des efforts permanents des opérateurs pour différencier leur offre afin de pouvoir soutenir une politique de prix élevés.
125. L'analyse de la substituabilité du côté de la demande doit donc être complétée par une analyse de la substituabilité du côté de l'offre.
En ce qui concerne les classements des hôtels et les échanges entre professionnels
126. Les parties font valoir que les associations et réunions professionnelles actives à Paris illustrent l'existence d'un marché de l'hôtellerie plus large que les palaces. L'association des Grands Hôtels, qui réunit les palaces ainsi que certains quatre étoiles, a pour objectif de rassembler l'ensemble des acteurs de l'hôtellerie haut de gamme. L'association Leading Hotels of The World (LHW) compte parmi ses membres cinq palaces parisiens, le George V n'en faisant pas partie, mais également le Lancaster ou le Raphaël.
127. Les parties soutiennent aussi que des éléments du dossier montrent que la veille concurrentielle s'étend à d'autres établissements : une note interne du Bristol intitulée "Les sites Internet à surveiller" mentionne d'autres établissements que les palaces ; une pièce du Bristol fait apparaître qu'il s'enquiert auprès de la clientèle "corporate" des tarifs proposés par le Royal Monceau, l'Intercontinental, le Sofitel ou encore le Hyatt Regency ; enfin, des réunions ont eu lieu entre des directeurs d'établissements "quatre étoiles", rassemblant d'autres hôtels que les seuls palaces.
128. Les parties ont mentionné, en séance, que l'étude PKF reconnaissait que le terme de "palace" n'était pas une définition officielle et que d'autres établissements que ceux de son échantillon pouvaient prétendre à l'appellation "palace". Elles ont également relevé, oralement lors de la séance, que l'utilisation du mot "palace" dans les commentaires du guide Michelin concernait d'autres établissements que ceux retenus par l'enquête.
129. Mais selon leurs propres déclarations reproduites aux paragraphes 8 à 12, les six établissements mis en cause se considèrent eux-mêmes en concurrence directe sur le marché des palaces, les autres hôtels de luxe étant des concurrents périphériques dont la pression concurrentielle ne s'exerce réellement que sur une frange de la demande. Les documents relatifs à la veille concurrentielle, saisis dans leurs locaux et exposés aux paragraphes 13 à 21, montrent que les six établissements visés par la présente procédure estiment qu'ils forment un ensemble homogène du point de vue de l'offre, ce qui justifie leur surveillance réciproque. C'est entre eux et entre eux seuls que les échanges réguliers d'informations confidentielles ont eu lieu.
130. Contrairement à ce que soutient le George V, la pièce saisie dans les locaux du Bristol qui attire l'attention du personnel sur la surveillance des sites Internet d'autres établissements ne modifie pas cette appréciation puisque ce document précise que ces sites sont à surveiller "de manière ponctuelle" alors que la surveillance que les six établissements exercent les coûts sur les centres est continue. De même, au sujet des associations professionnelles qui regroupent d'autres membres que les palaces, il faut noter que le Lancaster et le Raphaël sont, certes, membres de LHW, mais sous l'appellation "small leading hotels", du fait de leur plus petite taille, environ la moitié ou le tiers de la capacité moyenne des six palaces et du moindre prestige de leurs suites, ces deux éléments étant d'ailleurs liés.
131. Concernant les réunions des directeurs commerciaux des quatre étoiles, la directrice du Ritz, a déclaré : "Depuis plus de 20 ans, les directeurs commerciaux des hôtels quatre étoiles parisiens se réunissent environ tous les trimestres pour échanger des renseignements d'ordre professionnel (tendance du marché, information sur les nouvelles technologies; recherche de personnel, résultats professionnels : taux d'occupation, revenu moyen par chambre essentiellement). Notre participation s'est interrompue faute de points communs dans notre activité. En effet, notre revenu moyen par chambre est beaucoup plus élevé que celui des autres membres participants." L'existence de ces réunions ne suffit donc pas étendre le marché pertinent à d'autres établissements. La façon dont le Ritz parle de "l'absence de points communs" avec les hôtels quatre étoiles et insiste sur la différenciation tarifaire avec eux tend, au contraire, à conforter le périmètre du marché retenu par l'instruction.
132. Enfin, la circonstance que le Bristol s'enquiert des tarifs "corporate" d'autres établissements que les six palaces ne signifie pas que le marché doive être étendu au delà de ces six établissements. En effet, les éléments au dossier montrent que la clientèle pour affaires, plus sensible au prix que celle pour agrément et donc plus susceptible de "migrer" vers les hôtels "quatre étoiles" dans le cas d'un avantage de prix par rapport aux palaces, est nettement minoritaire comme cela a été indiqué au paragraphe 27. Ce phénomène ne fait qu'illustrer l'existence d'une zone de recouvrement des prix des chambres entre les marchés.
133. S'agissant de l'utilisation du terme "palace", seuls comptent les critères objectifs qui sous-tendent l'analyse concurrentielle pour apprécier la définition du marché et non un libre usage à visée littéraire. Ainsi, les petits textes de présentation du guide Michelin qui ont été cités par les parties ne renvoient pas à une grille d'évaluation précise, comme requis pour définir un marché pertinent, mais fluctuent selon l'inspiration de l'auteur. Par exemple, le mot "palace" est utilisé pour le Costes, le Vendôme ou le Concorde Saint-Lazare, qualifié de "palace ferroviaire", mais pas pour le Ritz, ni le Plaza Athénée, sans que l'on puisse en tirer des conséquences sur la position sur le marché de ces deux derniers établissements qui comptent parmi les plus prestigieux de Paris. En 2005, c'est le George V qui voit sa description se passer du terme "palace", alors que celle du Ritz la retrouve.
134. En revanche, les classements des guides spécialisés ou des publications professionnelles comme le classement PKF, renvoient à une analyse objective des établissements aux yeux des clients potentiels et sont basés sur des critères précis qui sont des indices de substituabilité des offres. Il convient donc d'examiner les critères utilisés pour ces différents classements.
En ce qui concerne les caractéristiques de l'offre des palaces
135. Les parties soutiennent qu'il est impossible d'isoler des caractéristiques propres aux palaces que ne présenteraient pas les autres établissements "quatre étoiles", notamment les dix-huit établissements placés dans la catégorie "luxe" par l'étude PKF versée au dossier.
136. Le Bristol présente un tableau comparant vingt huit hôtels parisiens, soit les six palaces visés par la notification de griefs et vingt-deux autres, dont les dix-huit de l'étude PKF, et soutient que plusieurs établissements parmi ces vingt-deux offrent les mêmes caractéristiques que les six palaces.
* La localisation de ces hôtels est comparable : ils sont situés dans le centre de Paris ;
* Ils disposent d'une table de standing, huit étant distinguées par le Guide Michelin 2004;
* Alors que le rapport prétend que les palaces se distinguent par la forte proportion de suites (29 % en moyenne, contre 15 % pour le reste des "quatre étoiles"), des établissements comme le Raphaël, le Lutetia, le Royal Monceau présentent un ratio nombreuses suites/total des chambres compris entre 20 % et 40 %, et que l'Intercontinental, le Balzac, le Lancaster, le Grand Hôtel ou encore le Prince de Galles offrent eux aussi un grand nombre de suites (ratio autour de 20 %).
137. Le Meurice estime que la différenciation entre palaces et hôtels de luxe devrait se fonder sur des critères tels que la notoriété, l'image de marque, l'histoire, le sentiment d'exclusivité, l'emplacement de l'établissement, les services et les infrastructures, la qualité de la restauration, le nombre de restaurants et de bars, la qualité du service ainsi que sa personnalisation, la décoration des parties communes et des chambres, la qualité et l'équipement des salles de bains, leur décoration, les prestations en matière de divertissement. Mais il considère que, de ce point de vue, l'Hôtel Park Hyatt Paris-Vendôme, l'hôtel Royal Monceau et le Carré d'or Fouquet's Lucien Barrière qui ouvrira en 2005, pourraient aussi être considérés comme des palaces.
138. Le Ritz présente une analyse comparable à partir des établissements de la liste du Bristol classés en fonction du nombre de suites rapporté au nombre total des chambres, les chiffres retenus étant ceux du Bristol dont il reprend les références 2004. Il relève que des établissements comme le Raphaël, le Westminster ou le Royal Monceau arrivent, sur ce seul critère de la proportion de suites par rapport au nombre total de chambres, à s'intercaler entre les six palaces retenus par l'instruction.
139. En premier lieu, il convient d'écarter de l'analyse les établissements qui n'étaient pas encore ouverts au moment des faits, c'est-à-dire entre 1999 et fin 2001. Cela concerne l'Hôtel Park Hyatt Paris-Vendôme, ouvert à l'été 2002, le Plaza Paris-Vendôme, ouvert fin 2003, le Hilton Arc de Triomphe, ouvert en mai 2004, et le Carré d'or Fouquet's, qui devrait ouvrir fin 2005. Ces établissements, qui n'étaient pas présents sur le marché, ne pouvaient exercer de pression concurrentielle sur les palaces retenus par la notification des griefs, ni être associés à l'échange d'informations. C'est donc à tort que les parties les mentionnent comme références pertinentes pour effectuer des comparaisons. Il est donc sans objet de rechercher les effets hypothétiques d'une éventuelle présence sur le marché des palaces d'établissements nouveaux à partir de 2002.
140. De même, la position de l'Intercontinental Grand Hôtel sur le marché de l'hôtellerie de luxe doit s'apprécier très différemment selon que l'on considère la période des échanges d'informations en cause, 1999-2001, ou sa situation aujourd'hui. Cet établissement a, en effet, été fermé pour rénovation complète à partir de 2001 pour ne réouvrir qu'à l'été 2003, avec une offre sensiblement modifiée et relevée vers le haut de gamme. Il est donc trompeur d'utiliser des chiffres de 2004 pour apprécier la situation des années 1999-2001.
141. Cet établissement est, par ailleurs, le seul grand hôtel de luxe qui était fermé au moment de l'enquête et qui n'a pas été retenu dans l'échantillon PKF. L'on ne dispose donc pas de l'indication de ses prix le concernant pour la période des faits. On peut toutefois présumer que ses tarifs étaient à l'époque sensiblement inférieurs à ceux pratiqués depuis la réouverture. Par exemple, si l'on s'en tient aux indications du guide Michelin, pour le début de la période examinée on relève des premiers prix de chambre à 1750 F, contre 3000 F en moyenne pour les six palaces, avec un minimum de 2500 F pour le Bristol (source Michelin 1998).
142. Sur le fond, et comme le relève le Meurice, qui mentionne une douzaine de critères différents, c'est bien le cumul de l'ensemble des critères pertinents qui permet de caractériser l'offre des palaces. En effet, la préservation de leur image et la concurrence qu'ils se livrent pour capter la clientèle la plus fortunée, les conduit à rechercher l'excellence sur l'ensemble des caractéristiques qui, prises séparément, ne suffisent pas à créer une offre compétitive sur ce marché. Cet ensemble de critères ne fait pas l'objet de contestation : une adresse prestigieuse, un personnel nombreux dédié au service de la clientèle, un ensemble de services annexes de luxe, un restaurant de prestige, une proportion de suites élevée, dont certaines très prestigieuses par leur taille, leur décoration ou leur histoire.
143. C'est donc à tort que les parties soutiennent, à travers les listes fournies, que la possession d'un seul des critères ou de quelques-uns de ces critères suffirait pour démontrer l'appartenance de certains établissements à la catégorie supérieure des palaces.
144. L'évaluation des établissements par les guides spécialisés, dont l'objet consiste précisément à classer les établissements du point du vue des attentes du client, témoigne du contraire. On relève, par exemple, que le guide Michelin, cité par les parties, classe les hôtels à partir d'une combinaison de critères et non sur un critère unique, et que dans cette classification seuls les six palaces relèvent de la catégorie "hôtel agréable de grand luxe et tradition" (catégorie 5 rouge), tandis que d'autres établissements de luxe comme l'Intercontinental, le Prince de Galles ou le Royal Monceau appartiennent à la catégorie "hôtel de grand luxe et tradition" (catégorie 5 noir), moins bien notée.
145. S'il est vrai que des travaux de rénovation peuvent permettre à certains établissements de changer de catégorie, comme ce fut le cas pour l'hôtel George V en 1999, seuls les six établissements mis en cause faisaient partie de la catégorie "hôtel agréable de grand luxe et tradition" à l'époque des faits, de 1999 à 2001.
146. En outre, le positionnement général de l'établissement sur le marché s'appuie aussi sur le prestige de son restaurant que le guide Michelin, cité par les parties, classe, de la même façon que pour la partie hôtellerie, en 5 catégories et deux couleurs, la qualité gastronomique étant jugée par la célèbre cotation du guide de une à trois étoiles. Enfin, le guide signale les services annexes comme le centre de remise en forme, qui constitue aujourd'hui un élément important pour caractériser un hôtel de grand luxe, puisqu'une vingtaine d'établissements seulement offraient un tel service à Paris, selon le guide 2001.
147. Le tableau ci-après permet de résumer le classement des 20 principaux établissements cités par les parties et notamment des 11 qui sont classés en 5ème catégorie "grand luxe" ainsi que des deux établissements non retenus par l'échantillon "grand luxe" de PKF (les hôtels non encore ouverts au moment des faits ne sont pas repris, comme cela a été indiqué au paragraphe 139) :
<emplacement tableau>
148. Ce tableau permet de constater la grande homogénéité des six établissements retenus par l'instruction et PKF dans la catégorie palaces, alors que les établissements des catégories inférieures, malgré leurs mérites, pêchent par la relative faiblesse de leur restaurant (Intercontinental, Prince de Galles, Grand Hôtel, Raphaël) ou l'absence de centre de remise en forme (Warwick, Raphaël, Balzac, Vernet), le handicap d'une plus petite taille étant sur ce point souvent décisif. Cette différence objective de l'offre empêche ces hôtels, notamment ceux classés dans la catégorie 4, de pouvoir soutenir une réelle compétition avec les palaces, ce qui se traduit par une différence significative des prix comme cela sera démontré ci-après.
149. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les parties, le fait que les six palaces aient limité les échanges d'informations confidentielles à leur cercle restreint ne relève pas du hasard mais correspond à une situation objective sur le marché. Si l'analyse des critères qualitatifs de classement des hôtels ne suffit pas à elle seule à définir le marché, elle permet de le restreindre fortement et montre que, contrairement aux hypothèses avancées par les parties, le marché des palaces ne comporte par une quinzaine ou une vingtaine d'hôtels, mais un nombre très limité autour du noyau central des six palaces identifiés par l'étude PKF. Une analyse des prix va permettre de confirmer quantitativement cette qualitative du marché, en démontrant que ce noyau constitue en réalité un marché à lui seul.
En ce qui concerne la comparaison des prix publics
150. De manière générale, les parties insistent sur le fait que les tarifs de certains des vingt-deux établissements seraient comparables à ceux des six palaces mis en cause. Elles relèvent qu'en outre, le nombre de suites très chères reste limité et que beaucoup d'hôtels de grand luxe offrent des suites comparables à celles des palaces en qualité et en prix, leur taux de suites par rapport au nombre de chambres étant souvent proche et parfois comparable. Ainsi, ni l'examen des prix de la chambre la moins chère ou de la suite la plus chère, ni celui de la proportion des suites par rapport au total des chambres, n'aboutirait à un résultat clair en termes de délimitation de marché.
151. S'agissant des prix maxima pratiqués par les palaces et par d'autres établissements de luxe, le Bristol a produit en séance une pièce nouvelle qu'il n'avait pas jointe à ses observations écrites. Ce document expose pour dix-neuf établissements, dont les six palaces et treize hôtels de grand luxe, les prix publics maxima sous forme d'histogramme.
152. A titre liminaire, il convient de relever que l'utilisation par les parties de chiffres relatifs à l'année 2004 entraîne des biais non négligeables. Ainsi, le taux de suites indiqué pour le Lutétia, 26 %, ne correspond pas à sa répartition 2001, 10 suites pour 250 chambres, soit un taux de 4 %. De même, en 2001, l'Intercontinental Grand Hôtel ne disposait que de 22 suites sur 492 chambres (Michelin 2001), soit un taux de 4,5 %, et non pas de 96 sur 477, comme le soutiennent le Ritz et le Bristol, chiffres qui ne sont d'ailleurs confirmés ni par l'étude PKF, ni par les guides (28 suites sur 478 chambres selon le Michelin 2004).
153. Ces écarts, qui s'expliquent par le fait que l'offre parisienne d'hôtellerie de luxe s'est fortement revalorisée ces dix dernières années (étude PKF, page 7), ne sont toutefois pas toujours décisifs car, plus que leur nombre, il faut considérer la qualité de ces suites qui peuvent être de taille et de prix très variables, la catégorie "suite" renvoyant aussi bien aux "junior suite", qu'aux "suite single ou double" (PKF page 20) ou aux suites de prestige. Le Bristol indique ainsi dans son mémoire du 22 février 2005 (pages 50 à 55), qu'il offre une quinzaine de catégories différentes de suites, le prix des 29 junior-suites (800 euro) étant très proche de celui des 25 chambres prestige (780 euro). Cet exemple montre bien que l'examen des prix est plus important que le fait de savoir si tel ou tel hôtel a transformé quelques chambres de prestige en "junior suite".
154. S'agissant de la pièce nouvelle fournie par le Bristol, les débats qui ont eu lieu en séance ont montré qu'elle comportait plusieurs erreurs matérielles. Ces erreurs concernent le prix de la suite de prestige du Meurice, dont le Bristol dit qu'il se situe à 3400 euro, alors qu'il est de 9700 euro comme l'avait justement relevé le rapport, et le prix de la suite la plus chère du Raphaël, annoncé par le Bristol à 5200 euro en 2004, alors que, selon le site Internet du Raphaël, il n'est que de 3450 euro en 2005, l'erreur provenant du site de "l'Office de tourisme de Paris" qui l'affiche à 5450 euro et qui a servi de source au Bristol. En 2001, le prix devait donc être inférieur à 3000 euro. Par ailleurs, le document produit en séance mentionne le prix maximum du Park Hyatt Paris-Vendôme, qu'il convient d'écarter des débats puisque l'établissement a ouvert à l'été 2002 comme cela a été indiqué au point 136 ci-dessus. Enfin, le choix d'adopter une échelle contractée pour les palaces et dilatée pour les établissements de luxe au prétexte de "faire tenir le schéma dans la feuille" conduit à minorer de façon trompeuse les écarts entre ces deux catégories d'hôtel, seul le rétablissement d'une échelle unique permettant d'exploiter normalement les données présentées.
155. Cette pièce, qui n'a pas été soumise préalablement à la contradiction, mais qui reprend des informations de prix versées au dossier, a été cependant admise aux débats dès lors que les erreurs matérielles qu'elle contient ont pu être rectifiées en séance.
156. Après corrections et mise de ses données à la même échelle, le document produit en séance par le Bristol à partir des données qu'il a lui-même recueillies pour 2004, permet de construire le graphe suivant :
<emplacement tableau>
157. Ainsi, loin de montrer une homogénéité des prix au sein des hôtels de luxe comme le soutenait le Bristol en utilisant une échelle de prix divisée par cinq, au-dessus de 3000 euro, ce qui procurait un rapprochement visuel artificiel entre le prix des six palaces et ceux des autres, ce graphique ne fait qu'illustrer ce que le rapport d'enquête et l'étude PKF avaient déjà montré, à savoir que les six palaces visés par l'instruction se distinguent très nettement des autres établissements du point de vue des prix maximum constatés, ceux-ci variant du simple au double, voire du simple au triple si on considère la moyenne des deux groupes.
158. Commentant la pièce qu'il a produite en séance, le Bristol a indiqué que le prix des suites les plus chères n'était pas un bon indicateur car ces suites sont très peu nombreuses. Ainsi, le Bristol ne facture que quatorze suites plus de 2400 euro la nuit, soit 9 % de son offre en nombre de chambres, parmi lesquelles six suites étaient facturées plus de 5 000 euro, soit 3 % de son offre.
159. Mais l'importance des suites s'estime en valeur plutôt qu'en volume. Ainsi, le Bristol reconnaît que dans sa structure tarifaire, les 14 suites les plus chères représentent 28 % de son offre en valeur. Ce ratio de 28 %, qui correspond à un remplissage théorique de 100 %, est confirmé par les trois scénarios élaborés par le Bristol pour simuler un prix moyen de 600 euro HT et il a pris soin d'isoler 14 suites les plus chères (mémoire pages 52 à 54). Dans le premier scénario, 15 % des nuitées produisent 38% des recettes ; dans le second, 9 % des nuitées produisent 28 % des recettes ; dans le troisième, 14 % des nuitées produisent 42 % des recettes. Le Bristol démontre lui-même que chaque nuitée vendue pour les suites les plus chères a un effet très sensible sur le prix moyen des nuitées vendues par l'hôtel, les suites contribuant ainsi de façon beaucoup plus que proportionnelle aux recettes.
160. Cet exemple ne fait que confirmer l'analyse de PKF, qui indique que : "ce nombre élevé de suites a pour conséquence de faire sensiblement progresser le prix moyen" (page 9), tout en insistant sur l'importance de la structure tarifaire "Selon la répartition entre le nombre de chambres, de junior-suites et de suites, un même établissement peut voir sa recette moyenne par chambre varier dans des proportions importantes" (page 12).
161. Bien que les données similaires pour les autres hôtels de luxe ne soient pas toutes disponibles, Il est possible d'effectuer des comparaisons utiles à partir des éléments figurant au dossier. On notera que les valeurs 2004 fournies par les parties devraient être minorées pour retrouver les niveaux de prix de la période 1999-2001. Mais, même en corrigeant ces écarts, la structure tarifaire serait globalement inchangée.
162. Le tableau ci-dessous permet, malgré ces imperfections méthodologiques, de comparer utilement la structure tarifaire des principaux hôtels présentés, par les défenderesses, comme des substituts aux palaces :
<emplacement tableau>
163. Ainsi, les palaces, qui présentent un tarif des chambres les moins chères de l'ordre de 500 euro, un tarif des suites les plus chères supérieur à 6000 euro, et un taux moyen de suites voisin de 30%, dont un nombre significatif de suites de prestige, bénéficient d'un prix moyen supérieur à 720 euro (600 euro HT) en 2001. L'étude PKF montre, au surplus, que le niveau de prix des palaces a continué d'augmenter en 2002.
164. Au contraire, parmi les hôtels présentés par les parties comme des concurrents directs des palaces, plusieurs ont des bornes tarifaires et un taux de suites qui leur interdisent d'accéder à ce marché (c'est le cas, par exemple, des hôtels Scribe, Balzac, Marriott, Vernet, Sofitel-Arc de Triomphe), ce que confirment les tableaux de chiffres pour 2000 cités par le rapport d'enquête (pièce saisie au Crillon). Les autres établissements cités ont une structure de prix comparable et leurs bornes tarifaires sont très inférieures à celles des palaces. Ils se situent, selon PKF, à un niveau de prix moyen inférieur à 400 euro TTC. Le rapport d'enquête (page 7) confirme, d'ailleurs, ce chiffre pour trois de ces hôtels : Lutetia, Westminster et Grand Hôtel. Les déclarations du directeur des ventes et du marketing du Crillon indiquent que le Royal Monceau, le Lancaster ou le Raphaël avaient en 2001 des prix moyens inférieurs de moitié à ceux des palaces (rapport d'enquête p.7).
165. Seul le Warwick n'est pas retenu par PKF, mais il est exclu qu'il puisse arriver à un prix moyen comparable à celui des palaces car sa structure tarifaire est proche de celle de l'Intercontinental ou du Westminster.
166. Selon les chiffres fournis par les parties ou par PKF, on constate que, pour atteindre le niveau de prix des palaces, les hôtels apparemment les mieux placés pour tenter d'intégrer ce marché, comme le Royal Monceau, le Prince de Galles ou le Raphaël, devraient augmenter leur premier prix d'environ 25 %, doubler le prix de leur suite la plus chère, remonter l'ensemble de leurs tarifs en conséquence et ensuite vendre suffisamment de nuitées à ces nouveaux prix afin de doubler leur revenu moyen par chambre.
167. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les parties, le nombre et l'importance des suites dans le chiffre d'affaires, le niveau des prix moyens et celui des chambres même de la plus faible qualité, enfin l'analyse de la structure tarifaire et de la gamme de prix fait apparaître un groupe nettement distinct constitué des six palaces retenus par l'instruction pour la définition du marché.
En ce qui concerne le critère du revenu moyen par chambre
168. Les parties contestent l'utilisation du critère du revenu moyen par chambre, ou prix moyen, pour définir le marché pertinent. Elles font valoir que le consommateur se fonde sur le prix qui lui est communiqué pour décider de la substituabilité d'un hôtel avec un autre, et non pas sur le revenu moyen par chambre, qui est le rapport du chiffre d'affaires hébergement au nombre de chambres louées au cours d'une période donnée.
169. Le Bristol fait valoir que le critère du revenu moyen ne tient pas compte de la substituabilité des prestations aux bornes des segments de marché : l'écart de prix entre l'hôtel le plus cher de la catégorie luxe et l'hôtel le moins cher de la catégorie palace est plus faible que l'écart entre les moyennes des prix de ces deux groupes.
170. Le Crillon conteste l'utilisation de la classification de PKF, basée notamment sur le critère du revenu moyen, pour délimiter le marché. Il rappelle que l'étude PKF qu'il a fournie en réponse à la notification de griefs précise : "Le prix moyen de 600 euro HT n'est pas un critère de sélection servant à définir ce qu'est un palace, il n'est que la conséquence logique des critères utilisés pour segmenter l'offre à savoir : une implantation exceptionnelle (place de la Concorde, place Vendôme, etc. ), des bâtiments et des infrastructures de très grande qualité (restaurant gastronomique, fitness, piscine, etc.) ainsi qu'un service personnalisé nécessitant des effectifs importants. En conséquence de quoi si un établissement présentait l'ensemble de ces caractéristiques mais ne réalisait pas un prix moyen de 600 euro HT, il n'en ferait pas moins partie de la famille des palaces." Le Crillon rappelle que l'étude prend soin de préciser que "par ailleurs, le fait que PKF Hotelexperts n'ait intégré que ces établissements ne signifie en aucun cas que ce sont les seuls hôtels répondant à cette définition d'un "Palace". En effet, en dépit d'une base de données importante, l'ensemble des hôtels quatre étoiles et quatre étoiles Luxe ne participe pas à nos statistiques. Il est probable que si cela était le cas, la famille des "Palaces" serait beaucoup plus étoffée".
171. Sur le fond, il convient tout d'abord de rappeler que l'examen du niveau des prix publics ne suffit pas à positionner un hôtel dans la catégorie palace, ce critère devant être examiné conjointement avec le taux d'occupation. Ceci conduit à examiner le revenu moyen par chambre ou prix moyen, information décisive pour mesurer la capacité de l'établissement à réellement commercialiser son offre aux prix affichés. Comme le relève PKF, "seuls deux leviers existent, à partir des tarifs, pour faire évoluer les recettes de l'établissement : 1) Le levier prix, qui consiste à augmenter les tarifs au détriment de l'occupation afin de faire progresser le montant total des recettes ; l'hôtel vend donc moins de chambres mais plus cher. 2) Le levier volume, qui consiste à accepter de baisser ces tarifs afin d'attirer un plus grand nombre de clients ; l'hôtel vend donc plus de chambres mais moins cher, mais toujours avec le risque de ne pas vendre plus de chambres, mais à un tarif inférieur générant un chiffre d'affaires inférieur" (étude PKF page 21).
172. Cette présentation explique parfaitement le lien entre les deux paramètres, prix et volume. Un hôtel qui afficherait des prix de chambres et de suites de niveau "palace" sans pouvoir les vendre verrait son revenu moyen par chambre baisser ; inversement, un hôtel qui afficherait des prix de chambres et de suites de niveau "palace", mais ne les remplirait qu'en accordant des rabais tels qu'il se retrouverait au niveau de prix de la catégorie inférieure, verrait également son revenu moyen par chambre baisser.
173. Par ailleurs, les parties relèvent que les tarifs offerts sont très nombreux, qu'ils font l'objet de modifications en fonction de l'état des réservations via les techniques de "yield management" et que des remises sont accordées aux clients pour affaires (étude PKF pages 19 et 20). Ainsi, il serait impossible de déduire une politique commerciale du simple examen du revenu moyen par chambre.
174. Mais l'avantage du critère du prix moyen réside dans le fait qu'il s'agit de la moyenne des prix véritablement payés par le client. Il fournit un indicateur synthétique robuste permettant effectivement de suivre les performances des établissements sans avoir à comparer un grand nombre de prix.
175. Comme cela a été démontré ci-dessus, la rencontre entre la demande pour un séjour dans un établissement de prestige, qui présente un consentement à payer un prix élevé pour les suites les plus prestigieuses mais aussi pour les chambres, et l'offre des palaces se traduit par un prix moyen plus élevé que celui des autres hôtels. Il convient donc d'examiner les performances des établissements au regard de cet indicateur.
176. Il ressort de la lecture du tableau réalisé par PKF et exposé au paragraphe 25 que le prix moyen de la catégorie palaces est près du double de celui de l'échantillon immédiatement inférieur, les hôtels "grand luxe", et que cet écart est durable pour la période 1999-2001. Ce caractère durable, est confirmé par la plaquette de présentation PKF, versée au dossier, qui indique que l'écart s'accroît en 2002 puisque le prix moyen du groupe "palace" augmente de + 4 %, alors qu'il baisse de - 1,5 % pour les hôtels de grand luxe et les hôtels de charme.
177. La reprise de ces chiffres sous forme graphique montre clairement l'homogénéité des prix entre la catégorie 2 "grand luxe" et la catégorie 3 "hôtels de charme" ainsi que l'écart extrêmement important de ces deux catégories par rapport aux palaces :
<emplacement tableau>
178. Les parties objectent qu'il ne s'agit que de moyennes et qu'il se pourrait qu'un hôtel de l'échantillon "palaces" soit sensiblement en-dessous de la moyenne de son groupe ou qu'un autre de la catégorie "grand luxe" soit sensiblement au-dessus de la moyenne de son groupe, si bien que le déclassement du premier ou le surclassement du second pourrait conduire à modifier le périmètre des groupes sans modifier sensiblement leurs prix moyens. Ainsi l'analyse des prix moyens par groupe ne permettrait pas de confirmer le périmètre d'un marché des palaces.
179. Mais cet argument est contredit par les déclarations du directeur de PKF qui souligne que, dans son classement, "les palaces ont été regroupés en une famille comparable sur la base essentiellement du prix moyen"(rapport d'enquête page 5). De plus, ce classement n'a pas été constitué pour les besoins de la procédure mais est établi pour un usage professionnel régulier, comme le précise PKF : "dans un souci d'exactitude, les comparaisons de performances réalisées par les hôteliers participants se font toujours sur la base d'un échantillon strictement identique", sauf fermeture de l'hôtel pour travaux (Rapport d'enquête page 6). Le cabinet PKF précise d'ailleurs dans sa plaquette de présentation "Notre banque de données, actualisée chaque jour, est unique. Notre observatoire statistique mensuel nous permet de fonder nos analyses sur des indicateurs fiables et récents". Le classement qui identifie le groupe des six palaces est donc établi par un cabinet qui est une référence dans la profession et qui publie un baromètre mensuel à partir duquel les hôtels peuvent comparer leurs performances à celles du marché et à celles de leur groupe. Il est donc peu probable qu'une erreur conduisant à classer un établissement hors de sa catégorie puisse se produire et plus encore se perpétuer.
180. Les parties objectent également qu'un hôtel non retenu dans les échantillons PKF pourrait rejoindre le groupe "palaces" et modifier le périmètre, mais sont incapables d'identifier ce "septième palace" non retenu par PKF. Ainsi, le Lutétia, l'Intercontinental, le Scribe ou le Westminster sont présentés comme des candidats possibles à cette fonction mais ces hypothèses sont contredites par l'enquête. Pour l'année 2000, il est indiqué que "le Lutétia, l'hôtel du Louvre ou l'Ambassador sont répartis dans d'autres catégories, en compagnie d'hôtels concurrents comme l'Intercontinental, le Westminster ou l'Hôtel Scribe. Aucun de ces établissements n'a un prix moyen par chambre supérieur à 2000 F (305 euro)." (rapport d'enquête, page 7, soulignement ajouté). Ces hôtels sont représentatifs des groupes dans lesquels ces hôtels sont classés et dont les prix moyens sont de l'ordre de 320 euro HT, alors que celui du groupe "palaces" est, à la même période, de 600 euro HT.
181. Comme cela a été indiqué aux paragraphes 157 à 160 ci-dessus, rien ne permet d'affirmer qu'un autre hôtel classé par PKF en "grand luxe" aurait pu, pour les années 1999-2001, seules en cause, être intégré au groupe des palaces.
182. L'affirmation de l'étude PKF, commandée par le Crillon, selon laquelle des établissements qui présenteraient des caractéristiques proches de celles des palaces, mais qui auraient un prix moyen inférieur, pourraient quand même être classés palaces est donc contradictoire avec le fonctionnement du marché : si un établissement présentait l'ensemble des caractéristiques des palaces mais avec des moindres performances en termes de prix moyen par chambre, cela traduirait son incapacité à maintenir son niveau de prix, du fait d'un moindre intérêt de la clientèle.
183. Ainsi, l'analyse de la performance réelle des établissements que mesure le revenu moyen par chambre conduit à distinguer sans ambiguïté un marché spécifique des palaces réduit, au moment des faits, aux six palaces parisiens retenus par l'instruction.
En ce qui concerne une délimitation alternative du marché
184. Les parties, tout en reconnaissant l'existence d'un marché de l'hôtellerie de grand luxe plus étroit que le marché des quatre étoiles, n'ont pas proposé de délimitation du marché alternative à celle défendue par la notification de griefs et le rapport. Elles ont produit des listes d'établissements de luxe de la capitale et suggéré d'inclure certains d'entre eux dans le marché des palaces, sans que leurs propositions s'accordent sur des noms précis.
185. De même, elles ont contesté l'échantillon "palaces" de PKF au motif qu'il est représentatif, mais non exhaustif, certains établissements n'ayant pas souhaité participer au recueil de données. Mais elles n'ont pu apporter aucun exemple précis d'un établissement manifestement oublié par l'échantillon "palaces", ce qui rend purement théorique la discussion sur un "septième" ou "huitième" palace que PKF aurait négligé.
186. En conclusion et au vu de ce qui vient d'être exposé, il y a lieu de constater qu'au vu de l'ensemble des critères examinés : caractéristiques qualitatives des établissements, niveau de la grille tarifaire qui traduit leur niveau de prestations et leur prestige, et niveau de prix moyen qui traduit leur capacité à vendre effectivement un grand nombre de nuitées à un niveau de prix très élevé, les six palaces parisiens retenus par l'instruction relèvent d'un marché distinct de celui des autres hôtels quatre étoiles. Il convient donc de retenir un marché constitué, au moment des faits, par les palaces de Paris qui comporte six établissements : le Bristol, le Crillon, le George V, le Meurice, le Plaza Athénée et le Ritz.
2. SUR LE MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE
187. Les parties contestent la restriction à la seule ville de Paris du marché géographique pertinent. Le Ritz prétend que le marché pertinent couvre les capitales européennes et d'autres villes françaises. Le George V soutient que le marché est mondial : la clientèle des palaces est une clientèle étrangère très fortunée et très peu sensible, dans le choix d'une destination touristique, au prix du billet d'avion, et qui serait donc en mesure d'arbitrer entre de multiples destinations et de multiples établissements. Le Crillon développe les mêmes arguments, en reconnaissant toutefois que la clientèle d'affaires attache plus d'importance à la ville et ne choisit l'hôtel, généralement, qu'en fonction de la destination.
188. Elles relèvent les déclarations du directeur des ventes et marketing du Crillon qui indique : "Les concurrents directs de l'hôtel Crillon sont les établissements proposant le même niveau de prestations. Vis-à-vis d'une certaine clientèle internationale, nos concurrents sont aussi les grands hôtels de Rome, Madrid, Londres ou Berlin et également certains établissements de la Côte d'Azur ou d'autres grandes villes comme Evian ou Biarritz".
189. Le Meurice, enfin, considère également que le marché parisien est trop étroit compte tenu de la concurrence que se livrent les capitales étrangères. C'est d'ailleurs pour promouvoir la destination parisienne que les opérations promotionnelles communes, mises en place avec la participation de l'Office du Tourisme des Congrès de Paris, avaient été lancées. Le marché pertinent serait donc constitué par l'ensemble des palaces, notamment des grandes villes touristiques européennes.
190. Dans sa décision Accor/Blackstone/Colony Vivendi, en date du 8 septembre 1999 rendue en matière de concentration, la Commission européenne a retenu que pour la définition de marchés hôteliers, la ville était le niveau pertinent auquel s'exerçait la dimension locale de la concurrence entre établissements : le premier critère du choix d'un hôtel étant sa localisation, la substituabilité s'exerce, aux yeux des consommateurs entre établissements d'une même ville. Retenir les arguments présentés par les parties conduirait à s'éloigner de cette approche qui, même si elle ne lie pas juridiquement le Conseil, apparaît particulièrement convaincante.
191. Aucun élément déterminant n'est d'ailleurs avancé pour justifier le fait que, à la différence des clients des autres hôtels, les personnes séjournant dans les palaces choisiraient l'établissement avant d'élire la ville de leur destination. Les seuls éléments produits sur ce point ne sont pas en effet convaincants. Les parties se fondent sur une hypothèse de séjours de pure villégiature sans rapport avec la ville, mais il pourrait aussi être envisagé que cette clientèle se rend à des évènements précis (festival, soirée, rendez-vous d'affaires) et que la destination importe. Au surplus, et même si le comportement particulier de cette clientèle fortunée était avéré, les parties n'ont fourni aucune information sur l'importance des séjours de pur loisir, sans lien avec la ville, de cette clientèle "jet set" par rapport aux autres types de séjours.
192. Les parties avancent également le fait qu'elles s'informent sur ce que font les palaces situés dans d'autres villes, en France ou à l'étranger, pour soutenir que cette veille concurrentielle démontre la nécessité d'étendre le marché géographique au-delà de ce qui été retenu dans la notification de griefs, c'est-à-dire la dimension parisienne.
193. Mais cette veille, qui ne prend pas la forme d'échanges réguliers d'informations confidentielles, montre simplement la nécessité pour les établissements parisiens de maintenir un certain standard de prestations pour pouvoir tenir leur rang de palaces. Il est d'ailleurs significatif que les parties, lorsqu'elles soutiennent une extension du marché géographique, citent un très petit nombre de palaces de très haut de gamme étrangers ou de stations balnéaires françaises, dont les caractéristiques sont équivalentes aux leurs, et ne se comparent pas à l'ensemble des hôtels "quatre étoiles", comme elle le font lorsqu'elles soutiennent qu'il faut étendre à ces "quatre étoiles" la taille du marché parisien.
194. Au vu de ces éléments, il n'y a pas lieu d'étendre le marché géographique au-delà de ce qui a été retenu dans la notification de griefs, c'est-à-dire la dimension parisienne.
C. SUR LES PRATIQUES D'ÉCHANGES D'INFORMATIONS
1. LES ÉCHANGES D'INFORMATIONS DANS LES OLIGOPOLES COLLUSIFS
195. La jurisprudence communautaire considère que, sur un marché oligopolistique concentré, un accord prévoyant un système d'échanges d'informations entre les entreprises de ce marché, de nature à atténuer le degré d'incertitude sur le fonctionnement de ce dernier, altère la concurrence entre les opérateurs économiques, dès lors que les informations échangées, selon une périodicité rapprochée et de manière systématique, sont des secrets d'affaires présentant un caractère sensible et précis, et qu'elles sont échangées seulement entre concurrents, sans être mises à disposition des clients. Un tel accord est jugé contraire aux stipulations de l'article 81 du traité.
196. Cette jurisprudence a été notamment développée dans l'affaire dite des "tracteurs anglais", dans laquelle la Commission a considéré comme contraire au droit des ententes un système d'échanges d'informations sur les ventes de tracteurs en Grande Bretagne mis en place par un groupement professionnel de constructeurs ou importateurs de tracteurs (Agricultural Engineers Association Ltd) auquel adhéraient huit constructeurs de tracteurs qui détenaient 87 à 88 % du marché (décision 92-157-CEE du 17 février 1992). Cette décision a été confirmée par le Tribunal de première instance (arrêts du TPI du 27 octobre 1994, Fiatagri UK Ltd et New Holland Ford Ltd contre Commission Européenne et John Deere Ltd contre Commission Européenne), puis par la Cour de justice des communautés européennes (arrêt de la Cour du 28 mai 1998, John Deere Ltd contre Commission des Communautés Européennes).
197. Le Tribunal a souligné la différence entre un marché concurrentiel, dans lequel la transparence ne lève pas l'incertitude sur le comportement des opérateurs eu égard au grand nombre d'entre eux, et un marché oligopolistique dans lequel les échanges rapprochés d'informations sensibles permettent à l'ensemble des concurrents de connaître les positions et les stratégies de chacun, ce qui réduit le degré d'incertitude sur le fonctionnement du marché et altère la concurrence qui subsiste entre les opérateurs.
"51. Le Tribunal relève toutefois, que, comme le soutiennent les requérantes, la décision est la première par laquelle la Commission prohibe un système d'échanges d'informations qui, sans concerner directement les prix, n'est pas non plus le support d'un autre mécanisme anticoncurrentiel. A cet égard, le Tribunal estime que, en principe, comme le soutiennent certes, à juste titre, les requérantes, la transparence entre les opérateurs économiques est, sur un marché véritablement concurrentiel, de nature à concourir à l'intensification de la concurrence entre les offreurs, dès lors que, dans une telle hypothèse, la circonstance qu'un opérateur économique tienne compte des informations dont il dispose pour adapter son comportement sur le marché n'est pas de nature, compte tenu du caractère atomisé de l'offre, à atténuer ou à supprimer, pour les autres opérateurs économiques, toute incertitude quant au caractère prévisible des comportements de ses concurrents. Le Tribunal estime, en revanche, que, comme le soutient cette fois la Commission, la généralisation, entre les principaux offreurs, d'un échange d'informations précises et selon une périodicité rapprochée, concernant l'identification des véhicules immatriculés et le lieu de leur immatriculation, est de nature, sur un marché oligopolistique fortement concentré, tel le marché en cause (voir, ci-dessus, point 52), et où, par suite, la concurrence est déjà fortement atténuée et l'échange d'informations facilité, à altérer sensiblement la concurrence qui subsiste entre les opérateurs économiques. En effet, dans une telle hypothèse, la mise en commun régulière et rapprochée des informations relatives au fonctionnement du marché a pour effet de révéler périodiquement, à l'ensemble des concurrents, les positions sur le marché et les stratégies des différents concurrents."
198. La Cour a validé le raisonnement du Tribunal et de la Commission et précisé les critères que devaient remplir les échanges d'informations pour être susceptibles de lever l'incertitude sur le comportement des opérateurs et, partant, de restreindre la concurrence sur un marché :
"89. Dans cette appréciation, le Tribunal a tenu compte de la nature, de la périodicité et de la destination des informations transmises en l'espèce. S'agissant, premièrement, de la nature des informations échangées, notamment de celles relatives aux ventes effectuées sur le territoire de chacune des concessions du réseau de distribution, le Tribunal a ainsi considéré, aux points 51 et 81, qu'elles sont des secrets d'affaires et permettent aux entreprises parties à l'accord de connaître les ventes effectuées par leurs concessionnaires en dehors et à l'intérieur du territoire attribué, ainsi que celles des autres entreprises concurrentes et de leurs concessionnaires parties à l'accord. Deuxièmement, le Tribunal a retenu, dans les mêmes points 51 et 81, que les informations relatives aux ventes sont diffusées selon une périodicité rapprochée et de manière systématique. Enfin, au point 51, le Tribunal a constaté que les informations sont diffusées entre les principaux offreurs, au seul profit de ceux-ci, à l'exclusion des autres offreurs et des consommateurs".
199. Dans le même arrêt, la Cour de justice a rappelé la différence entre une entente expresse entre concurrents pour atteindre ensemble un objectif déterminé, comme un prix ou une répartition de marchés, et une pratique concertée, comme un échange d'informations confidentielles, qui ne vise pas un objectif précisément défini mais traduit un accord de volonté entre concurrents pour atténuer la concurrence sur le marché. La Cour a également, à cette occasion, rappelé sa jurisprudence en ce qui concerne l'autonomie des comportements des opérateurs économiques selon laquelle l'autonomie dans la détermination des politiques suivies sur le marché, si elle comprend le droit des opérateurs de tenir compte des comportements des concurrents, exclut cependant toute prise de contact qui vise à modifier les conditions de concurrence du marché :
"86 A cet égard, il convient de rappeler d'abord que, selon la jurisprudence de la Cour (arrêts du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663, point 173, et du 14 juillet 1981, Züchner, 172-80, Rec. p. 2021, point 13), les critères de coordination et de coopération constitutifs d'une pratique concertée, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable "plan", doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le Marché commun et les conditions qu'il entend réserver à sa clientèle.
"87. Selon cette même jurisprudence (arrêts précités Suiker Unie e.a./Commission, point 174, et Züchner, point 14), s'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact direct ou indirect entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet d'aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l'importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché".
200. Cette exigence d'autonomie est particulièrement importante dans le cas d'un marché concentré qui ne comprend qu'un nombre limité d'acteurs. Par nature, en effet, un marché oligopolistique est le lieu d'interactions stratégiques entre les concurrents. L'observation, par chacun des concurrents, des informations émises par le marché guide ses propres réactions stratégiques. Cependant, ces informations fournies par le marché sont en général également accessibles aux clients ; il en va tout autrement de celles que se communiquent volontairement les concurrents par le biais de l'organisation d'échanges systématiques, portant sur des données individuelles qui ne seraient pas accessibles sans cet échange. Dans un fonctionnement concurrentiel du marché, chaque opérateur aurait en effet intérêt à garder certaines de ses informations secrètes, afin de ne pas dévoiler ses options stratégiques à ses rivaux. L'échange, ne peut dès lors se comprendre que dans l'intérêt de ces données et l'avantage que chacun trouve à participer à une surveillance mutuelle réduisant l'intensité concurrentielle du marché.
201. Dans la décision n° 03-D-17 du 31 mars 2003 sur la distribution des carburants sur autoroutes, annulée par la Cour d'appel de Paris pour les motifs qui seront rappelés ci-après, le Conseil a directement repris cette jurisprudence de la Cour de justice. Il n'a pas reproché aux pétroliers d'avoir "suivi un plan" et de s'être entendus sur les prix, mais de s'être entendus pour mettre en place un système d'échanges d'informations. En s'échangeant quotidiennement leur prix par téléphone, les distributeurs de carburant rendaient plus facile la détection d'une éventuelle baisse des prix, ce qui n'incite pas à s'écarter d'un équilibre de prix élevés : "Le fait que chaque compagnie fournissait des informations sur les prix qu'elle pratiquait en échange d'informations sur les prix pratiqués par ses concurrents établit l'accord de volonté entre elles pour accroître artificiellement la transparence des prix sur un marché oligopolistique. Cet accroissement artificiel de la transparence des prix se faisait à leur seul profit puisque les consommateurs n'étaient pas destinataires de l'information obtenue".
202. Dans sa décision n° 04-D-43 du 8 septembre 2004 (point 82 à 84), relatif à des marchés publics de transport scolaire de la ville de Grasse, le Conseil a eu à connaître d'une pratique qui avait pour objectif d'accroître la soutenabilité de l'équilibre de long terme. Il a identifié le mécanisme de passage d'un équilibre non collusif à un équilibre collusif : l'échange d'informations permet aux acteurs du marché de prévoir correctement le comportement de leurs concurrents et de s'assurer de la validité de leurs prévisions :
"82. Les entreprises mises en cause soutiennent ainsi qu'un parallélisme de comportement a pu être obtenu sans concertation entre elles, dès lors que la répartition stable des lots et le niveau de prix qu'elles en obtiennent sont satisfaisants pour elles et qu'elles n'ont "aucune raison" de tenter de remporter de nouveaux lots par une politique commerciale plus dynamique.
83. Ces arguments reviennent à affirmer l'existence entre elles d'une situation d'équilibre non collusif. Un tel équilibre s'établit au sein d'un oligopole lorsque chacun de ses membres peut adopter une ligne de conduite qui maximise son profit par une anticipation correcte du comportement des autres, équilibre qui peut se maintenir si aucun des acteurs n'a intérêt à changer unilatéralement sa stratégie.
84. Mais cet équilibre ne peut s'établir et perdurer que si le marché fonctionne sur un mode suffisamment stable et transparent pour que chaque opérateur puisse correctement prévoir le comportement de ses concurrents et vérifier la validité de sa prévision. Dans le cas contraire, avec une information imparfaite et une modification des règles du jeu, les concurrents doivent échanger des informations pour pouvoir choisir la bonne stratégie. L'équilibre devient alors collusif".
203. C'est dans ce cadre jurisprudentiel qu'il convient de discuter la qualification des pratiques.
2. LES ARGUMENTS DES PARTIES
204. Les parties soutiennent tout d'abord que le raisonnement du Conseil est contraire à celui tenu par la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 9 décembre 2003 relatif à l'affaire des carburants sur autoroutes. Puis elles affirment que, dans l'hypothèse où le Conseil considèrerait que la jurisprudence de la cour d'appel ne trouve pas à s'appliquer, il ne pourrait pas non plus faire application de la jurisprudence communautaire "John Deere", dont les conditions ne seraient pas réunies en l'espèce.
Sur la contradiction avec l'arrêt de la cour d'appel du 9 décembre 2003
205. Les parties soutiennent que le grief notifié d'entente par échanges d'informations est en contradiction avec l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 9 décembre 2003 relatif à la distribution des carburants sur autoroutes. Elles relèvent que cet arrêt établit que, même si un système généralisé d'échanges d'informations entre concurrents sur un marché oligopolistique a pour effet d'accroître artificiellement la transparence sur un marché, cet échange n'est pas constitutif d'une pratique anticoncurrentielle dès lors qu'il ne se traduit pas par un alignement parfait du comportement commercial des firmes.
206. Mais, dans cette décision, la cour d'appel avait relevé le caractère public des informations échangées, puisqu'il s'agissait des prix à la pompe, et n'avait pas suivi le Conseil dans son appréciation du coût qu'aurait représenté pour les pétroliers la collecte d'informations quotidiennes sur les prix de l'essence sur les autoroutes en l'absence d'échange volontaire d'informations entre eux, si tant est que cette collecte individuelle ait été possible. Elle n'a donc pas considéré qu'en s'échangeant quotidiennement leur prix par téléphone, ce qui réclame de toute évidence un accord de volontés, les pétroliers rendaient plus facile la détection des déviations des politiques commerciales et réduisaient les incitations à se faire concurrence par les prix.
207. Dans le cas d'espèce, les informations échangées ne sont pas publiques et ne sont pas connues des clients. Ce seul fait suffit pour considérer que la jurisprudence de la cour d'appel sur les carburants ne peut trouver à s'appliquer
208. Par ailleurs, la cour d'appel avait recherché les éléments constitutifs d'une entente expresse entre pétroliers pour obtenir un alignement de prix, alors que le Conseil leur avait seulement reproché de s'être entendus sur les conditions permettant d'accroître la soutenabilité d'un équilibre collusif et de maintenir un niveau de prix supra concurrentiel, en violation des règles de la concurrence.
209. En l'espèce, aucun alignement de prix n'est reproché aux palaces, le grief affirmant seulement que ces échanges ont empêché les palaces d'agir de façon autonome dès lors que les parties ont nécessairement utilisé les informations échangées. La jurisprudence dégagée par la Cour de justice sur cette question de l'autonomie des comportements est claire et a été rappelée au paragraphe 194 ci-dessus : "s'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact direct ou indirect entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet d'aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause". (souligné par le Conseil).
210. Le moyen des parties selon lequel le grief relatif à l'échange d'informations s'écarterait d'une jurisprudence bien établie doit donc être écarté.
Sur l'application de la jurisprudence communautaire "John Deere"
211. Il convient d'observer, de manière liminaire, qu'il n'est pas contesté, alors même qu'aucun grief n'a été notifié sur le fondement du droit communautaire, que la solution retenue par la Cour de justice dans la jurisprudence précitée peut guider l'examen de la présente affaire. Rien dans la rédaction respective des articles 81 du Traité et L. 420-1 du Code de commerce ne justifierait une différence d'approche entre le droit communautaire et le droit national. Il n'est pas davantage contesté que les six palaces parisiens en cause ont accordé leur volonté pour s'échanger des informations pendant les années soumises à l'examen du Conseil de la concurrence. Sont, en revanche contestées les conditions reprises par la jurisprudence communautaire pour qualifier d'anticoncurrentiel l'échange d'informations.
212. En premier lieu, les parties soutiennent que les six palaces ne forment pas un oligopole du fait d'une insuffisante concentration du marché. Elles citent des économistes selon lesquels le nombre de six entreprises est trop élevé pour pouvoir parler d'oligopole, cette qualification s'appliquant plutôt à des marchés comptant au plus quatre entreprises. De plus, la mesure de la concentration du marché dans sa définition la plus étroite, restreinte aux six palaces, au travers des indices HHI, de 1700 environ en 2000 et 2001, indiquerait qu'il est modérément concentré, selon les lignes directrices de la Commission relatives aux accords de coopération horizontale. Elles considèrent également que le marché des palaces s'est élargi à de nouveaux acteurs d'établissements de luxe après la période des faits en cause : Park Hyatt Vendôme, ouvert à l'été 2002, Plaza Paris Vendôme, ouvert fin 2003, Hilton Arc de Triomphe, ouvert mai 2004, Lucien Barrière, dont l'ouverture est prévue fin 2005. Ces entrées démontreraient la faiblesse des barrières à l'entrée, élément qui contredirait un fonctionnement oligopolistique du marché.
213. En deuxième lieu, elles font valoir que les informations échangées ne sont pas confidentielles, ni stratégiques au sens où elles ne leur permettraient pas de surveiller la politique commerciale de leurs concurrents. Elles soutiennent notamment que les prix moyens et les ratios d'occupation échangés pourraient être reconstitués à partir de données disponibles sur Internet ou fournies par des applications professionnelles du secteur de l'hôtellerie.
214. En troisième lieu, elles soulignent qu'il n'existe pas au dossier d'éléments prouvant que les échanges d'informations ont abouti à un alignement de leurs stratégies : aucune similitude anormale des tarifs des établissements ne pouvant être relevée, elles en concluent que la prétendue perte d'autonomie commerciale n'est pas caractérisée. Sur ce point, le Bristol fournit un tableau qui récapitule pour lui et les cinq autres palaces les prix moyens mensuels pour 2000 et 2001 et fait état de variations de prix moyens plus souvent divergentes que convergentes.
En ce qui concerne le caractère oligopolistique du marché des palaces parisiens
215. Le nombre d'acteurs n'est pas en lui-même un critère suffisant pour qualifier l'oligopole : il convient de tenir compte également des conditions concrètes de fonctionnement du marché. Dans le cas "John Deere", le nombre d'entreprises était de huit, ce qui n'a pas empêché le Tribunal de première instance et la Cour de justice de considérer que le marché en cause était oligopolistique.
216. Les six palaces parisiens peuvent être considérés comme des offreurs multiproduits, puisqu'ils proposent des chambres de catégories différentes les unes des autres, de la chambre double à la suite. Ils sont en concurrence entre eux pour capter une clientèle relativement peu sensible au prix, à tout le moins pour la partie loisirs de cette clientèle. Les palaces cherchent à se différencier les uns des autres, de sorte que même s'ils restent comparables aux yeux des clients, les biens offerts par les palaces ne sont pas parfaitement identiques. Surtout, ils doivent se différencier du reste de l'hôtellerie de luxe afin de pouvoir soutenir une politique de prix élevée, un déclassement de leur offre pouvant les entraîner dans une spirale négative de baisse de fréquentation et de prix.
217. Enfin, les palaces présentent tous des structures de coûts similaires, caractérisée par l'importance des coûts fixes par rapport aux coûts variables : comme le fait valoir PKF dans l'étude qu'il a conduite pour le Crillon, une nuitée hôtelière présente un caractère périssable puisque si une chambre n'est pas vendue une nuit, le produit est considéré comme perdu.
218. Les barrières à l'entrée sur ce marché sont élevées non seulement à cause du coût de l'achat et de l'entretien d'un hôtel de prestige comportant des prestations luxueuses au cœur de Paris, mais aussi parce que la construction d'une image de marque est lente et exigeante. Pour la période concernée par les pratiques d'échanges d'informations, le Conseil relève que ce marché n'a pas connu d'entrées nouvelles.
219. Le cas du Park Hyatt, principalement cité par les parties et qui a ouvert courant 2002, n'est pas suffisant pour conclure à la faiblesse des barrières à l'entrée. Au surplus, selon le résumé de l'étude marketing, réalisée par le cabinet KPMG pour le compte du Ritz, le classement de ce nouvel arrivant comme palace est sujet à caution puisque qu'il est jugé "d'un niveau catégoriel de moindre standing". L'analyse de KPMG converge avec des données de l'instruction lorsqu'elle considère que "cet établissement, bien que n'étant pas individuellement considéré comme un palace, est, de par sa proximité et la qualité de ses prestations, considéré comme un concurrent direct du Ritz Paris sur plusieurs segments de clientèle, tels que les clients affaires "corporate" et les tours opérateurs".
220. La symétrie des acteurs, si elle n'est pas parfaite, doit être relevée. En termes de capacité, le rapport d'enquête montre que les palaces offrent entre 160 et 190 chambres. Ce chiffre étant plus élevé pour le George V qui en offre 245. Les parts de marché calculées pour 2001 par le rapport d'enquête et exposées dans le tableau qui suit sont comparables d'un palace à l'autre : il n'y a pas d'acteur véritablement dominant ni de palace avec une part de marché nettement plus faible.
La capacité des palaces et leurs parts de marché en 2001
<emplacement tableau>
En ce qui concerne le caractère confidentiel des informations échangées
221. Les parties soutiennent que les informations relatives aux taux d'occupation, aux prix moyens par chambre et aux revenus par chambre disponible (revpar) sont publiques car diffusées par des organismes qui les collectent directement auprès d'établissements sélectionnés pour leur représentativité, comme par exemple le cabinet PKF.
222. Mais s'il est exact que PKF collecte chaque mois auprès des palaces le nombre de chambres disponibles, le nombre de chambres louées et le chiffre d'affaires hébergement (hors petits déjeuners et services annexes), il calcule à partir de ces données des moyennes pour la catégorie "palaces", notamment le taux d'occupation moyen, le prix moyen par chambre et le revenu moyen par chambre disponible (revpar). Il n'est pas contesté que PKF ne diffuse auprès des hôtels que ces moyennes agrégées, à l'exclusion des informations propres à chaque palace qu'il a collectées. Sa plaquette de présentation, disponible sur son site Internet, précise d'ailleurs : "Bien entendu, nous garantissons aux hôteliers partenaires la confidentialité des données individuelles dont ils nous font part". Elle ajoute que la diffusion de ces statistiques n'a pas pour objet des comparaisons entre hôtels comme le soutiennent les parties, mais que cet observatoire proposé aux hôteliers leur permet de "comparer leurs performances avec celles du marché". La valeur d'informations propres à chaque palace n'a, à l'évidence, rien de commun avec celle de données sectorielles agrégées.
223. Au surplus, les palaces ont échangé ces informations sur une base hebdomadaire, alors que PKF ne publie qu'un baromètre mensuel.
224. La mise à disposition réciproque, par les palaces, d'informations nominatives, calculées mensuellement ou hebdomadairement, permet donc d'acquérir auprès des concurrents une information non disponible sur le marché et non communiquée aux clients, ce qui correspond aux critères de la jurisprudence communautaire "John Deere".
225. Les palaces soutiennent que les informations tarifaires prospectives, qui seules présenteraient un intérêt réel, peuvent être obtenues au travers des GDS (tarifs ouverts ou fermés). Ainsi, le Plaza Athénée a fourni un exemplaire du "Rate Tiger" qui fournit des informations tarifaires précises et nominatives en temps réel ainsi que pour les trois mois à venir concernant les hôtels concurrents dont l'abonné a fourni la liste. Les rapports Rate Tiger communiqués par le Plaza Athénée visent les cinq autres palaces et détaillent les informations sur le prix le plus bas d'une chambre disponible à la vente sur le site Internet de l'hôtel considéré ; le prix le plus bas d'une chambre disponible à la vente sur cinq sites de réservations choisis par le Plaza Athénée ; les changements de tarifs hebdomadaires enregistrés auprès des hôtels concurrents.
226. De même, le Ritz soutient que les outils informatiques développés pour l'industrie hôtelière qui offrent des services de veille concurrentielle fournissent aux hôtels abonnés des informations nominatives très détaillées à une cadence hebdomadaire, bimensuelle ou mensuelle. Le Ritz met en avant l'exemple du rapport "phaser" édité par Travelclick, qui propose des données passées, présentes et prévisionnelles sur : les disponibilités quotidiennes des six palaces ; les plus bas tarifs sans restriction ; les modifications de ces tarifs pour une journée spécifique ; les tarifs publics rack ou corporate ; les modifications de ces tarifs pour une journée spécifique ; les tarifs les plus bas sans prendre en compte les restrictions ; les modifications de ces tarifs pour une journée spécifique ; les disponibilités et les tarifs quotidiens des palaces par type de chambres.
227. Les parties soutiennent que le taux d'occupation, le prix moyen par chambre et le "revpar" peuvent être calculés à partir des seules informations fournies par les rapports "phaser". Elles contestent de ce fait l'analyse développée dans le rapport d'enquête selon lequel les informations relatives à ces trois variables ne pouvaient être portées à la connaissance des tiers que par les entreprises elles-mêmes.
228. Mais ces arguments ne répondent pas au grief qui n'a jamais contesté l'existence d'une certaine transparence sur le marché concernant les tarifs publics, les offres promotionnelles ou les disponibilités pour des réservations. Seuls sont en cause les échanges sur les performances et résultats individuels des palaces qui augmentent artificiellement la transparence du marché. Or, contrairement à ce que soutient le Ritz, les rapports "phaser" ne fournissent pas de données passées. A partir des informations fournies, il n'est pas possible en effet de calculer les performances réalisées, qui sont très précieuses pour surveiller le comportement des autres membres de l'oligopole. Connaître les disponibilités des types de chambres à la semaine ne permet pas non plus de calculer les ventes effectives : cela est tout juste utile, comme le souligne le rapport d'enquête, pour isoler les tarifs les plus bas ou mesurer des évolutions de prix dans le temps.
229. Au vu de ce qui précède, il est établi que les palaces ont échangé des informations nominatives et confidentielles qui n'étaient accessibles ni aux clients ni au public en général.
En ce qui concerne le caractère stratégique des informations échangées
230. Les parties soutiennent que les taux d'occupation, les prix moyens par chambre et les revenus par chambre disponible (revpar) sont des moyennes qui ne permettent pas de réellement surveiller le comportement des concurrents compte tenu de la complexité des grilles tarifaires. Elles en déduisent que ces informations n'ont pas le caractère sensible ou stratégique exigé par la jurisprudence pour qualifier d'anticoncurrentiel un échange d'informations.
231. Mais la multiplicité des tarifs existants, ainsi que les réductions accordées à certains clients, elles aussi, fort nombreuses, rendraient extrêmement coûteux un système de surveillance exhaustif qui concernerait tous les segments de clientèle. Pour atteindre un tel résultat, les hôtels devraient s'échanger des dizaines voire des centaines de chiffres, dont l'exploitation serait en fait nettement plus difficile que la lecture d'indicateurs bien choisis. En surveillant des indicateurs hebdomadaires ou mensuels de leurs performances, qui par construction synthétisent l'ensemble des informations sur l'activité, les palaces contournent cette difficulté.
232. Les éléments au dossier montrent aussi que les informations échangées étaient nouvelles: au paragraphe 56 sont exposés les faits qui montrent que c'est au début du mois suivant que les palaces s'échangeaient leurs statistiques mensuelles. Entre octobre 2000 et novembre 2001 la périodicité des informations échangées est hebdomadaire, ce qui assure un contrôle précis des activités des concurrents.
233. La connaissance de ces indicateurs facilite sans aucun doute l'interprétation d'une éventuelle déviation au sein de l'oligopole : croisés avec l'évolution du taux d'occupation, les changements de prix moyens sont, de ce fait, plus facilement interprétables qu'examinés seuls. Au surplus, ils permettent de mesurer immédiatement les résultats d'une modification des prix publics.
234. De telles données offrent par exemple aux concurrents la possibilité, fondamentale dans un marché tacitement ou explicitement collusif, de départager deux situations : l'une dans laquelle, confronté à une baisse de la demande qui s'adresse à lui, un opérateur sait qu'il s'agit d'une baisse de la demande agrégée qu'il subit comme les autres ; l'autre dans laquelle les concurrents font au contraire face à une demande inchangée. Cette deuxième situation signale alors au concurrent que ses rivaux ont soit baissé leurs prix, soit se sont engagés dans d'autres stratégies d'augmentation de leur demande. Ces deux situations ne conduisent évidemment pas à la même réaction stratégique.
235. Cette analyse est confirmée par le Plaza qui indique que : "Les échanges d'informations entre hôtels leur permettent de confronter leur propre vision du marché pour voir, à titre d'exemple, si une baisse d'activité enregistrée provient d'une erreur de gestion ou d'une mauvaise appréhension du marché ou si, au contraire, elle correspond à une réelle tendance du marché, sans pour autant que ces échanges soient suivis d'une concertation tarifaire entre les palaces"(mémoire du 18 février 2005, page 22).
236. En échangeant ce type d'informations, chaque palace dévoile aux cinq autres ses propres performances : chacun peut donc suivre les évolutions relatives à un rythme très rapproché. Cette transparence sur les performances des palaces, artificiellement créée par eux, leur permet de s'assurer de la justesse des évaluations qu'ils font du comportement de leurs concurrents et de détecter un éventuel écart de prix auquel l'un des palaces aurait consenti. L'équilibre collusif est plus facilement atteint par les firmes si elles ont les moyens, comme dans la présente affaire, de détecter des éventuelles déviations unilatérales.
237. L'utilisation faite par certains palaces de ces informations traduit bien l'objectif de surveillance. Les éléments développés ci-après montrent que certains palaces ont calculé des parts de marché théoriques ("fair market shares") et mesuré l'écart entre ces parts et les résultats de chacun des palaces ("actual market shares"). Ces tableaux de bord permettaient d'évaluer les positions concurrentielles de chacun.
238. Le Bristol soutient que les valeurs moyennes échangées peuvent recouvrir une multiplicité de situation d'occupation des chambres avec une multiplicité de prix et qu'ainsi ces moyennes ne sont pas interprétables pour identifier une position concurrentielle sur le marché ou une politique commerciale. Il produit dans ses observations écrites, au soutien de son affirmation, trois scénarios de remplissage théorique de ses chambres pour lesquels un même taux de remplissage moyen de 50% et un même revenu moyen par chambre de 1200 euro correspondent à trois situations différentes du point de vue de l'occupation des suites de luxe, des suites ordinaires et des chambres.
239. Mais s'il est exact que des moyennes mensuelles peuvent recouvrir des situations sous-jacentes différentes du point de l'occupation des chambres, on ne doit pas en déduire que l'on pourrait fixer librement et simultanément le taux d'occupation moyen et le prix moyen, ces deux grandeurs n'étant pas indépendantes mais liées par la structure des chambres et des prix.
240. Par ailleurs, la méthode choisie par le Bristol pour démontrer sa thèse peut être contestée en faisant plusieurs observations.
241. Il convient d'abord de relever que la structure tarifaire choisie par le Bristol pour les besoins de sa démonstration ne correspond pas à sa structure réelle. Ainsi, l'établissement disposait, en 2001, de 117 chambres et 58 suites sur un total de 175, soit un taux de suites de 33% (rapport d'enquête page 42) et, en 2004 selon ses propres écritures, de 127 chambres et 48 suites sur un total de 175, soit un taux de suites de 26% (mémoire du 22 février 2005, page 21). Pourtant, l'établissement ne réalise pas ses simulations à partir de ces structures ou d'une structure tarifaire voisine, mais construit sa démonstration à partir de 158 chambres disponibles, dont 85 chambres et 73 suites, soit un taux de suites de 46%, ratio très élevé qui n'est observé pour aucun des établissements cités au dossier.
242. En partant de données déjà exploitées par le rapport d'enquête (page 42 et pièces 949 à 967), les écarts entre le scénario proposé par le Bristol et la répartition réelle de ses chambres pour 2001 apparaissent clairement dans le tableau suivant :
<emplacement tableau>
243. La distorsion majeure introduite par le scénario du Bristol provient du nombre des chambres qui est fortement sous-évalué, 85 au lieu de 117 ou 127 dans la réalité, et de leurs prix sensiblement sur évalués, 610 euro / 780 euro au lieu de 520 euro / 700 euro dans la réalité, ce qui tend à gommer l'écart de prix avec les suites.
244. L'étude du Bristol gonfle ensuite le nombre de " junior suites ", quasiment au même prix que les chambres " prestige ", qui contribue à créer un continuum de prix sans séparation nette entre chambres et suites. Il convient de rappeler ici que le fait d'appeler une même pièce " chambre prestige " ou " junior suite ", est sans conséquence sur la structure de l'offre si le prix est le même. La segmentation entre le groupe des chambres et le groupe des suites devient, utilisée ainsi, artificielle.
245. On observe d'ailleurs que dans ses propres segmentations (enquête, cotes 954 et 962), le Bristol réunit dans un même agrégat les chambres et les juniors suites, sensiblement de même prix, alors que les suites " junior de luxe " sont agrégées aux suites. Il en va de même dans la construction de ses tarifs promotionnels (cotes 960 et 961).
246. Pour faire des simulations pertinentes sur une structure tarifaire proche de la réalité, il est nécessaire de présenter les agrégats de chambres et suites plus conformes aux chiffres du dossier.
247. On peut tout d'abord réunir, comme le fait le Bristol lui-même dans ses grilles tarifaires 2001 et 2002 (cotes 954 et 962) dans un même groupe les 85 chambres et les 29 junior suites, pour obtenir un total de 114 chambres à moins de 800 euro, proche de la structure réelle de 117 chambres en 2001 et 127 chambres en 2004.
248. Il reste alors 44 suites à plus de 1000 euro, dont 34 sont à plus de 1500 euro. La structure est alors de 44 suites pour un total de 158 chambres, soit un taux de suites de 28 % très proche du taux réel, comme on peut le voir ci-dessous :
<emplacement tableau>
249. A partir de la répartition rectifiée, beaucoup plus réaliste, on peut mesurer la contribution au chiffre d'affaires de chaque catégorie, sachant que pour un remplissage maximum de 100 %, qui correspond à une recette globale de 177 000 euro, les chambres rapportent environ 85 000 euro, soit 48 %, et les suites 92 000 euro, soit 52 %. Autrement dit, à taux de remplissage équivalent, les 44 suites rapportent autant que les 120 chambres.
250. Appréciée à partir de ce critère, la variété des trois scénarios proposés est beaucoup moins grande que ne le soutient le Bristol, comme on peut le voir sur le tableau ci-dessous qui affiche également la répartition en chiffre d'affaires :
<emplacement tableau>
251. Le tableau ci-dessus montre clairement que la variété apparente des scénarios de remplissage de l'hôtel élaborés par le Bristol, masque une uniformité des situations commerciales : un même taux de remplissage global de 50 % et un même revenu par chambre de 1200 euro sont obtenus avec une variation modérée de l'occupation des chambres, sans changement sensible des contributions de chaque catégorie de chambre au chiffre d'affaires.
252. La démonstration serait encore plus claire avec un taux de remplissage plus réaliste. En effet, le nombre des situations concrètes correspondant à un même taux d'occupation moyen est d'autant plus limité que le taux de remplissage est important. Ainsi, un remplissage de 100 % ne correspond qu'à un seul état possible (toutes les chambres sont occupées).
253. En choisissant un taux d'occupation de 50 %, le Bristol s'est donné plus de liberté pour élaborer sa démonstration théorique, mais ce faible taux ne correspond pas aux taux de remplissage réellement observés. Le dossier d'instruction montre que le taux d'occupation moyen réel du Bristol est de 80 % en 2000, avec un maximum à 98 % et un minimum à 63 %, celui de 2001 étant de 73 %, avec un maximum à 93 % et un minimum à 47 % en décembre (rapport d'enquête page 16). Sur ces 24 mois, le taux d'occupation du Bristol ne passe sous les 60 % qu'à trois reprises, dont deux en fin d'année 2001, après les évènements du 11 septembre.
254. Contrairement à ce que soutient le Bristol, les scénarios qu'il a proposés montrent qu'une variation du taux de remplissage des chambres a un effet important sur le taux d'occupation global mais un effet limité sur le prix moyen. A l'inverse, une variation du taux de remplissage des suites a peu d'effet sur le taux d'occupation global mais un effet très sensible sur le prix moyen global.
255. Il est donc tout à fait possible d'interpréter les variations conjointes du taux d'occupation et du prix moyen d'un palace. Une dégradation du revenu moyen à remplissage constant signifie que l'hôtel remplit mal ses suites ou pratique des rabais pour maintenir une bonne occupation. Inversement un maintien du revenu moyen avec une baisse sensible du taux d'occupation signifie que l'hôtel refuse de consentir des remises malgré un faible remplissage de ses chambres. Cette interprétation est d'autant plus facile pour un concurrent qui a une structure tarifaire comparable et connaît les données générales du marché.
256. Les autres informations, notamment celles relatives à l'origine géographique des clientèles, permettent aussi aux palaces de se situer les uns par rapport aux autres.
257. Concernant les informations prévisionnelles, la logique d'accroissement de la transparence du marché pour favoriser l'équilibre collusif demeure sans qu'il s'agisse ici de mesurer des performances passées mais plutôt de donner des indications sur les objectifs commerciaux poursuivis. Il existe au dossier des preuves d'échanges de prévisions mensuelles entre trois palaces (Bristol, Crillon et Ritz) en février et mars 1999.
258. La circonstance que les autres échanges d'informations prévisionnelles aient eu lieu après le 11 septembre 2001 participe de la même logique d'accroissement de la transparence dans l'objectif de conserver l'équilibre collusif : face à un choc de la demande, les palaces ont mis en œuvre un système qui leur permet de réduire l'incertitude et de mieux prévoir les réactions de chacun.
259. Ces échanges d'informations (sur les résultats effectifs, mais aussi sur les prévisions de résultats) ont pris place à l'intérieur d'un marché dans lequel la transparence sur les prix est déjà élevée grâce aux GDS et aux systèmes de "yield management". Dans ces circonstances, la mise à disposition d'informations sur les performances individuelles assure une transparence quasi totale de l'ensemble des paramètres du marché. Il n'existe ainsi plus aucune incertitude.
260. Enfin, le Crillon note que "six décisions de secret des affaires ont été rendues par la Présidente du Conseil de la concurrence sur le fondement des dispositions de l'article L. 463-4 du Code de commerce... Il est dès lors contradictoire que les hôtels, demandeurs de la protection du secret des affaires car soucieux de ne pas exposer à leurs concurrents leur véritable politique commerciale et tarifaire, soient accusés de s'échanger ces mêmes informations confidentielles".
261. Mais, selon les procès-verbaux versés au dossier qui détaillent la nature des demandes et les motifs de confidentialité invoqués, il apparaît que certains de ces documents, considérés comme des secrets d'affaires par les entreprises, contenaient justement des informations de même nature que celles qui sont en cause dans les pratiques examinées. Il s'agit par exemple, de statistiques de nationalités pour 2002 en ce qui concerne le Bristol, des taux d'occupation des chambres et suites pour 2001, en ce qui concerne le Crillon, des tableaux de fréquentation et du calcul des prix pratiqués en fonction du taux d'occupation des chambres pour le Georges V, de rapports statistiques pour le Plaza-Athénée.
262. Même si ces informations, dont la confidentialité était soulignée, pouvaient être plus détaillées que les valeurs moyennes qui ont fait l'objet d'échanges réguliers, elles restent des données statistiques sur les résultats effectifs individuels des établissements et sont donc de même nature que les données échangées.
263. Le cas du Ritz est encore plus parlant puisqu'il a demandé le classement de documents relatifs aux forfaits et promotions spéciales, dans les termes suivants : "Ces informations, bien que communiquées au public, sont difficiles à réunir par un tiers. Elles donnent de précieuses indications sur la politique promotionnelle du Ritz. Dès lors leur communication doit être couverte par le secret d'affaires". On ne saurait mieux décrire les effets d'un échange d'informations entre concurrents, même dans le cas où cet échange porte sur des informations qu'il est possible de se procurer sur le marché mais dont la collecte entraînerait un tel coût de veille concurrentielle qu'il devient avantageux de les obtenir directement du concurrent.
264. Au vu de ce qui précède, il est établi que les six palaces parisiens ont échangé entre eux des informations stratégiques susceptibles d'augmenter artificiellement la transparence du marché.
En ce qui concerne l'absence d'alignement des politiques tarifaires, qui démontrerait que l'échange d'informations n'a pas été de nature à altérer l'autonomie commerciale de chaque participant
265. Dans le cas d'un bien homogène, pour lequel la demande n'est sensible qu'au prix, les échanges d'informations entre les opérateurs aboutissent à un alignement des prix à un niveau supra-concurrentiel, comme c'était le cas dans l'affaire des carburants. Dans le cas de biens différenciés entre eux, la collusion tacite n'aboutit pas nécessairement à un alignement des prix : un tel effet n'aurait pas de sens, puisque la concurrence entre opérateurs ne se fait pas directement sur le niveau des prix.
266. En l'espèce, il a été rappelé que l'industrie des palaces est un oligopole d'offreurs multiproduits, différenciés les uns des autres qui proposent un bien périssable (la nuitée n'est pas un service stockable). Comme le relève PKF dans son étude pour le Crillon, la difficulté de gérer un établissement hôtelier provient de la difficulté de revendre chaque jour de nouvelles nuitées qui, dans le cas contraire, seraient perdues. La mise sur le marché de nombreux tarifs, mis au point grâce aux techniques de "yield management", répond à ce problème. Dans le cas d'établissements hôteliers de luxe, la demande présente un consentement à payer élevé. L'intérêt des palaces est alors d'exploiter au mieux ce consentement à payer, pour s'assurer d'un niveau de marge le plus élevé possible, tout en assurant un taux de remplissage qui lui permet de couvrir des coûts fixes très importants et très supérieurs à ceux des hôtels "quatre étoiles" de catégorie inférieure.
267. Les échanges d'informations entre les palaces leur permettent d'explorer ensemble la structure de cette demande et de s'assurer que leur niveau de performance ne subit pas un décrochage par rapport aux autres. Cette préservation des performances - au sens où les palaces cherchent avant tout à s'assurer de la justesse de leurs réactions face aux évolutions du marché - se traduit par une convergence des évolutions du prix moyen au sein de l'oligopole.
268. Le Bristol conteste ces convergences et présente des analyses très détaillées (pages 37 à 44 de son mémoire) pour montrer qu'il n'y a pas d'alignement suffisamment systématique des prix moyens pour prouver une coordination tarifaire ou une perte d'autonomie des palaces.
269. Mais il n'y a pas lieu ici de démontrer un alignement tarifaire qui résulterait d'un accord entre palaces ou d'un plan mis en œuvre en commun. Comme indiqué aux paragraphes 197 à 200, ce qui est requis pour démontrer l'effet anticoncurrentiel est la seule augmentation artificielle de la transparence du marché au profit des membres de l'oligopole afin de leur permettre d'ajuster leurs stratégies respectives.
270. Le tableau fourni par le Bristol (page 37 de son mémoire) à partir des données du rapport d'enquête (page 51) montre bien cette convergence et la capacité des palaces à maintenir un niveau de prix moyens élevés, assez resserrés autour de la moyenne du groupe en dehors de quelques décrochages isolés et non durables :
Variations des prix moyens (en euro) des six palaces sur 2000 et 2001
<emplacement tableau>
271. Contrairement à ce que soutient le Bristol, les différences relevées par entre les niveaux de prix moyens illustrés par le graphe ci-dessus ne marquent pas de divergences de comportement ou de stratégies.
272. Comme l'établissent les calculs de moyenne et d'écart-type effectués sur cette série de prix moyens dans le rapport des rapporteures (page 44), mois après mois, les performances des palaces ne sont pas très dispersées les unes par rapport aux autres : l'écart-type entre les six palaces pour un mois donné ne dépasse le niveau de 50 euro qu'à trois reprises (janvier et février 2000 et février 2001) et l'écart-type moyen sur 24 mois n'est pas très élevé, environ 40 euro, pour un moyenne de prix sur la période de 592 euro.
273. S'agissant du sens des variations de ces prix moyens pour lesquels le Bristol a effectué des comparaisons avec ses cinq concurrents (mémoire p. 42), on constate également que, contrairement à ce qui est affirmé, elles sont plus fréquemment convergentes que divergentes. Plus précisément, les chiffres du Bristol montrent qu'elles sont convergentes dans 83 % des cas avec celles du Plaza, dans 74 % avec celles du Crillon, dans 70 % avec celles du George V, dans 59 % avec celles du Meurice et dans 57 % avec celles du Ritz. Encore faut-il observer que le Bristol compte comme une évolution divergente, deux mouvements en sens contraires même lorsqu'ils tendent à faire converger les prix des deux hôtels. En prenant un test plus réaliste qui ne compte comme évolution divergente des prix uniquement les cas où l'on constate un accroissement de l'écart des prix, la convergence serait respectivement de 96 %, 91 %, 91 %, 70 % et 78 %.
274. Cette convergence des réactions aux fluctuations de la demande est d'autant plus notable que les palaces subissent des variations très sensibles de fréquentation entre haute et basse saison (pages 15 et 16 du rapport d'enquête) et doivent parfois faire face à des chocs externes, comme après le 11 septembre 2001, ces évènements ouvrant a priori la possibilité d'une divergence des politiques tarifaires.
275. Or, sur ce dernier point, la directrice commerciale du Meurice a indiqué que : " Suite aux évènements du 11 septembre 2001, nos prix contractuels n'ont pas baissé, ni nos tarifs " rack " : le client n'aurait pas été attiré par de meilleur prix ". Mais le caractère autonome d'une telle stratégie et l'effet des échanges d'information sur sa soutenabilité doivent être appréciés au regard des propos tenus par cette même directrice lors d'une réunion du 12 octobre 2001, dont le compte rendu a été saisi par les enquêteurs, et qui sur la réaction des palaces à ce choc exogène précise : " ... une très belle coordination des palaces parisiens pendant ces moments difficiles. Pas de dumping sur les prix. ".
276. Enfin, l'équilibre collusif ainsi atteint et maintenu par les palaces se traduit par une hausse dans le temps de leurs performances. Ainsi, en niveau annuel, le prix moyen a augmenté entre 2000 et 2001 pour chacun des palaces, dont une hausse de + 14 % pour le Georges V et de 3 % à 5 % pour les autres. En cumulé pour l'ensemble des palaces, les éléments apportés par PKF traduisent bien cette évolution globale à la hausse :
Evolution du prix moyen
<emplacement tableau>
277. Interrogés lors de la séance sur l'objet de ces échanges d'information, les parties ont soutenu que la connaissance des résultats nominatifs des palaces concurrents leur permettait de comparer leur performance à celle du marché et de motiver ainsi leurs équipes commerciales. Une comparaison avec la mesure d'audience des chaînes de télévision a également été faite, l'utilisation de " l'audimat " étant considéré comme un élément de motivation légitime non contraire au droit de la concurrence.
278. Mais cette explication n'est pas convaincante, car l'audimat est une mesure publique de l'audience accessible à tous les opérateurs du marché et à leurs clients, alors que dans le cas des palaces les informations échangées l'étaient à leur seul profit, ni le reste de la profession, ni les acheteurs en gros, ni les clients finals n'étant bénéficiaires de la même transparence. L'argument du " benchmark " n'est pas non plus recevable dès lors qu'il est loisible aux palaces de se positionner par rapport aux performances du marché grâce, par exemple, au baromètre mensuel PKF, sans qu'il soit nécessaire de se concerter avec leurs concurrents pour échanger des informations nominatives confidentielles.
279. Au vu de l'ensemble de ce qui précède, il est établi qu'en unissant leur volonté pour échanger d'un commun accord, de 1999 à 2002, des informations à la fois confidentielles et stratégiques, de nature à altérer l'autonomie commerciale de chacun des participants à l'accord, les six palaces parisiens mis en cause ont commis, eu égard aux conditions de marché rappelées ci-dessus, des pratiques prohibées par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
D. SUR LES OFFRES PROMOTIONNELLES COMMUNES
1. SUR L'OBJET DES OFFRES PROMOTIONNELLES COMMUNES
280. Les offres promotionnelles communes décrites aux paragraphes 84 à 105 se présentent comme un prix d'appel destiné à attirer la clientèle. L'adoption d'un tarif unique rend en effet l'offre plus lisible et les remises ainsi consenties par chaque établissement peuvent susciter ou réactiver une certaine demande.
281. Le Conseil de la concurrence, dans son avis n° 99-A-18 du 17 novembre 1999 relatif à une demande d'avis de l'Union fédérale des coopératives de commerçants, a déjà éclairé les conditions dans lesquelles des offres promotionnelles communes peuvent être compatibles avec le droit de la concurrence. Le Conseil, saisi "de campagnes publicitaires temporaires comportant un prix promotionnel unique, c'est-à-dire des opérations limitées dans le temps portant sur un petit nombre de produit, qui doivent être offerts à des prix particulièrement attractifs,(...) est d'avis que ces campagnes de nature à abaisser les marges commerciales, sont un facteur d'animation et d'intensification de la concurrence. Dans de telles conditions, la diffusion de documents ou de messages publicitaires mentionnant des prix uniques dans le cadre de promotions temporaires n'est pas contraire aux règles tant nationales que communautaires de concurrence, dés lors que le prix de référence est un prix maximum conseillé et qu'il n'existe pas de pressions directes ou indirectes sur les distributeurs pour en imposer l'application". Le Conseil indique par ailleurs que "les adhérents doivent disposer de la liberté de choisir de participer ou non aux campagnes communes, soit s'ils y participent, de pratiquer des prix réels inférieurs aux prix annoncés dans la campagne promotionnelle".
282. Une offre promotionnelle commune, de nature temporaire, n'est donc pas illicite, alors même qu'elle reposerait sur un tarif unique si les parties conservent une autonomie à la fois dans sa définition et dans sa mise en œuvre. En l'espèce, les parties ont gardé une grande latitude dans la définition et l'application des promotions communes.
283. D'une part, le contenu de l'offre variait d'un palace à l'autre, les parties ayant pu parvenir à un accord sur un prix commun en jouant sur les catégories de chambres proposées dans l'offre. Ainsi, pour l'opération "Best of Paris" 2000-2001, le Ritz a proposé une chambre "standard" tandis que le Crillon a proposé une chambre "de luxe" et le Plaza Athénée une chambre "supérieure". Le Meurice a, quant à lui, offert une chambre "classique" et le Bristol, une chambre "supérieure". Pour l'opération "Best of Paris" 2001-2002, le Ritz a proposé une chambre "classique" et le Plaza Athénée une chambre "De Luxe". Il ressort de ces éléments que les offres communes ne peuvent être considérées comme appliquant un tarif unique pour un produit unique.
284. D'autre part, les parties demeuraient libres d'appliquer ou non les offres promotionnelles communes.
285. En premier lieu, les six palaces parisiens pouvaient décider librement de proposer les promotions communes en fonction de leur taux d'occupation. Ces offres n'avaient pas pour objet la fixation d'un objectif de volume de ventes dans la mesure où le nombre de chambres mises à la disposition à l'occasion des actions promotionnelles n'était pas fixé à l'avance et pouvait donc être modifié, de manière autonome, par chaque établissement. La diffusion des offres sur les GDS permettait qu'elles fassent l'objet pour chaque établissement, d'ouverture et de fermeture en fonction notamment de leur taux d'occupation respectif. Cette autonomie des participants peut expliquer les différences de résultats des opérations, rappelés ci-dessus.
286. En second lieu, les parties ont conservé la possibilité de commercialiser leurs offres individuelles spécifiques. La directrice commerciale du Ritz, déclare ainsi à propos de l'offre "Shopping with parisian Palaces" que "rien ne nous empêche ensuite de faire notre promotion hiver habituelle". Le George V précise même que les palaces pouvaient ne pas mettre en œuvre l'offre commune et proposer à des prix inférieurs des offres promotionnelles avec des prestations différentes. Le Bristol fait valoir également que rien ne permet de penser que les hôtels n'ont pas, de leur propre chef, choisi de proposer individuellement à leurs clients des conditions tarifaires ponctuellement plus intéressantes que celles résultant des promotions sur lesquelles ils communiquaient en commun.
287. Il résulte de ces constatations, qui n'ont pas été contredites par l'enquête et l'instruction, que les six palaces parisiens ont conservé une autonomie dans la définition et la mise en œuvre des promotions communes. Par conséquent, il n'est pas établi que les offres "Best of Paris" 2000-2001, "Best of Paris" 2001-2002 et "Shopping with parisian palaces" ont présenté un objet anticoncurrentiel.
2. SUR L'EFFET DES OFFRES PROMOTIONNELLES COMMUNES
288. Il ressort, en outre, des éléments de l'enquête que les offres promotionnelles communes n'ont pas eu d'effet anticoncurrentiel.
289. L'opération "Best of Paris" 2000-2001 a permis aux cinq palaces concernés par cette offre d'enregistrer 711 nuitées, réparties de la façon suivante : 111 nuitées pour le Crillon, 9 pour le Plaza Athénée, 220 pour le Meurice, 228 pour le Ritz et 143 pour le Bristol. Selon le Meurice, cela représente 0,009 % des nuitées des cinq établissements concernés. Le Plaza Athénée retient le chiffre de 0,1681 % du nombre total de nuitées commercialisées par les cinq palaces au cours de la période de validité de l'offre. Quant au Ritz, il avance le chiffre de 0,0025 % sur le marché des palaces.
290. L'opération "Best of Paris" 2001-2002 a connu un plus vif succès puisque les cinq palaces en cause ont enregistré 1783 nuitées, réparties de la façon suivante : 116 nuitées pour le Crillon, 330 pour le Plaza Athénée, 111 pour le Meurice, 862 pour le Ritz et 314 pour le Bristol. Le nombre de nuitées effectivement commercialisées représente 0,02 % des nuitées des cinq établissements concernés selon le Meurice. Le Ritz retient un résultat inférieur avec 0,0062 % sur le marché des palaces.
291. Enfin, 678 nuitées ont été commercialisées dans le cadre de l'opération "Shopping with parisian palaces". Les résultats entre les six palaces sont variables : Le Bristol a enregistré 298 nuitées, le George V, 282, tandis que le Plaza Athénée, le Meurice, le Ritz et le Crillon ont vendu respectivement, 58, 23, 13 et 4 nuitées. Selon le Meurice, les six palaces ont vendu dans le cadre de cette offre 0,008 % des nuitées des six établissements concernés. Le George V fait état de 0,002 % de l'offre faite par les palaces sur le marché ce qui correspond à peu près aux chiffres retenus par le Ritz, à savoir 0,0024 %.
292. Ces données chiffrées, même si elles diffèrent d'un palace à l'autre en raison des méthodes de calcul qui ne sont pas homogènes, démontrent que la mise en œuvre des promotions communes "Best of Paris" 2000-2001, "Best of Paris" 2001-2002 et "Shopping with parisian Palaces" est demeurée extrêmement limitée, au point qu'il n'est pas possible de caractériser l'effet de ces offres sur le marché pertinent.
293. Il résulte de ce qui précède que les offres promotionnelles communes "Best of Paris" 2000-2001, "Best of Paris" 2001-2002 et "Shopping with parisian Palaces" n'ont pas eu d'objet ni d'effet anticoncurrentiel. Il y a lieu, par suite, de faire application des dispositions de l'article L. 464-6 du Code de commerce.
E. SUR LES SANCTIONS
1. EN CE QUI CONCERNE LA LOI APPLICABLE
294. Les échanges d'informations qui viennent d'être qualifiés d'anticoncurrentiels ont été relevés pour la période, non prescrite, commençant au début de l'année 1999. Ils ont pris fin à la suite des visites et saisies en date du 4 décembre 2001. Le système d'échanges d'informations ainsi mis en œuvre est constitutif d'une infraction continue qui a commencé avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques et s'est poursuivi après cette date. La saisine d'office du Conseil, en date du 4 décembre 2001, et la saisine ministérielle, en date du 6 janvier 2003, sont toutes deux postérieures à l'entrée en vigueur de la même loi. Il en résulte que les dispositions du livre IV du Code de commerce applicables en l'espèce sont celles issues de la loi du 15 mai 2001.
295. Aux termes de l'article L. 464-2 du Code commerce : "Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du chiffre d'affaires mondial hors taxe le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante".
2. EN CE QUI CONCERNE LA DÉTERMINATION DE LA SANCTION
296. Concernant la gravité des pratiques, il convient de relever que les échanges d'informations en cause, pour anticoncurrentiels qu'ils soient, n'ont ni le caractère de gravité d'une entente expresse sur le niveau de prix ou de répartition des marchés, pratique généralement qualifiée d'injustifiable par les autorités de concurrence, ni celui d'un échange d'informations entre soumissionnaires à un marché public préalablement à la remise des offres, qui a pour effet de tromper l'acheteur public sur l'intensité de la concurrence.
297. S'agissant de l'importance du dommage à l'économie, deux éléments peuvent être relevés en sens contraire. D'une part, les échanges d'informations entre les palaces se sont étendus sur une période relativement longue, trois années étant visées dans la présente espèce. D'autre part, la faible sensibilité aux prix de la majorité des clients des palaces doit être mentionnée : par définition, ces derniers sont prêts à payer des sommes très élevées pour le service rendu et les prestations de luxe offerts par les palaces. Le dommage à l'économie ne peut donc être qualifié de très important.
En ce qui concerne l'hôtel Le Bristol
298. Le chiffre d'affaires de la société Bristol réalisé au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2004 s'élève à 40 653 824 euro. En application des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 81 000 euro.
En ce qui concerne l'hôtel de Crillon
299. Le chiffre d'affaires du groupe Hôtels Concorde réalisé au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2004 s'élève à 124 472 000 euro. En application des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 248 000 euro.
En ce qui concerne l'hôtel George V
300. Le chiffre d'affaires de la société Hôtel George V SA réalisé au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2004 s'élève à 76 982 320 euro. Pour l'appréciation de la sanction, il doit être tenu compte du fait que le George V était fermé de novembre 1997 à décembre 1999 et n'a donc pas participé aux échanges d'information lors de cette période. En application des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 115 000 euro.
En ce qui concerne l'hôtel Meurice
301. Le chiffre d'affaires de la société Meurice SPA réalisé au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2004 s'élève à 37 043 301 euro. Pour l'appréciation de la sanction, il doit être tenu compte du fait que le Meurice était fermé de mars 1999 à juin 2000 et n'a donc pas participé aux échanges d'information lors de cette période. En application des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 55 000 euro.
En ce qui concerne l'hôtel Plaza Athénée
302. Le chiffre d'affaires de la SA Hôtel Plaza Athénée au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2004 s'élève à 53 401 089 euro. En application des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 106 000 euro.
En ce qui concerne l'hôtel Ritz
303. Le chiffre d'affaires de la société The Ritz Hotel Ltd réalisé au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2004 s'élève à 52 151 054 euro. En application des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 104 000 euro.
Décision
Article 1er : Il est établi que les entreprises d'hôtellerie Le Bristol, Hôtels Concorde gestionnaire du Crillon, Le Four Seasons Hôtel George V, Le Meurice, Hôtel Plaza-Athénée et The Ritz Hôtel ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce
Article 2 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :
* 81 000 euro à la société Le Bristol
* 248 000 euro à la société Hôtels Concorde, gestionnaire du Crillon
* 115 000 euro à la société Hôtel George V SA
* 55 000 euro à la société Meurice SPA
* 106 000 euro à la société Hôtel Plaza Athénée SA
* 104 000 euro à la société The Ritz Hotel Ltd, gestionnaire du Ritz.