Livv
Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 8 novembre 2001, n° 98-10731

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Denys

Défendeur :

Etablissements Morieux (SARL) ; Brasserie Heineken & Pelforth (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bouly de Lesdain

Conseillers :

MM. Testut, Chollet

Avoués :

SCP Masurel Thery, SCP Levasseur Castille Lambert, SCP Congos Vandendaele

Avocats :

Mes Febvay, Helleboid

TGI Hazebrouck, du 28 oct. 1998

28 octobre 1998

Vu le jugement rendu le 28 octobre 1998 par le Tribunal de grande instance d'Hazebrouck statuant commercialement;

Vu les appels formés les 7 et 23 décembre 1998 par M. Denys Claude ;

Vu l'ordonnance de jonction du 1er juillet 1999 ;

Vu les conclusions de M. Denys du 7 avril 1999 ;

Vu les conclusions de la SARL Etablissements Morieux du 13 septembre 2000 ;

Vu les conclusions de la SA Brasserie Heineken du 31 mai 1999 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 27 juin 2001 ;

Par une convention du 1er avril 1992, Claude Denys, cafetier à Estaires s'est engagé pendant sept ans à n'acheter qu'à la société Heineken et Pelforth ou au distributeur choisi par elle (article 2).

Ce "distributeur" désigné au contrat était les Etablissements Lictevout à Estaires.

Toute les clauses et dispositions de la convention étaient réputées substantielles, leur non-respect total ou partiel (article 8) étant sanctionné, notamment, par le paiement immédiat, à titre d'indemnité de rupture unilatérale, d'une somme égale à vingt pour cent du prix des bières manquantes d'après la quantité fixée aux conditions particulières (soit 100 hectolitres par an).

Le fonds de commerce des Etablissements Lictevout était cédé aux Etablissements Morieux le 1er janvier 1994 et il n'est pas contesté qu'un peu plus tard, M. Denys commençait à s'approvisionner auprès d'autres distributeurs, notamment M. Julien Bourel à Estaires (factures au dossier).

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 juin 1994, la SARL Morieux mettait en demeure M. Denys d'exécuter la convention du 1er avril 1992.

De même, par lettre recommandée du 23 janvier 1996, la Brasserie Heineken écrivait à M. Denys qu'il avait cessé de s'approvisionner "en exclusivité" auprès des "Etablissements Lictevout aux droits desquels viennent les Etablissements Morieux" et qu'il était mis en demeure de reprendre le strict respect de ses obligations.

M. Denys étant à nouveau mis en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 juin 1996 par les Etablissements Morieux.

Attendu qu'aucune cause de nullité du contrat du 1er avril 1992 ne peut être reconnue ; que ce contrat s'analyse en une stipulation pour autrui valable en toutes ses dispositions ;

Attendu que la désignation du "distributeur" bénéficiaire de la stipulation était attachée au fonds de commerce des établissements Lictevout ensuite cédé aux Etablissements Morieux, et non au gérant du fonds;

Attendu que M. Denys a eu connaissance de la cession du fonds, laquelle n'était pas soumise à son égard aux formalités de l'article 1690 du Code civil ;

Qu'il a continué à s'approvisionner aux Etablissements Morieux après la cession du fonds de commerce Lictevout mais pour des quantités négligeables, le surplus de son approvisionnement étant réalisé auprès de grossistes tiers à la convention du 1er avril 1992 ; que la méconnaissance délibérée de cette convention par M. Denys a causé aux Etablissements Morieux un préjudice jusqu'au 1er avril 1999, terme du contrat ;

Attendu que le préjudice des Etablissements Morieux doit être réparé sur le fondement de l'article 1142 du Code civil (toute obligation de faire se résultant en dommages et intérêts en cas d'inexécution);

Que ce préjudice s'élève à la somme de 137 000 F, calculée sur la différence entre la quantité réellement achetée déduite de la quantité que M. Denys s'était engagé à acheter;

Attendu que la SARL Etablissements Morieux bénéficie de plein droit des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Que l'équité commande de ne pas faire bénéficier la SA Brasserie Heineken des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, Confirme le jugement à l'exception du montant des dommages et intérêts réclamés par la SARL Morieux. Emendant de ce seul chef, Condamne M. Denys à payer à la SARL Morieux la somme de 137 000 F à titre de dommages et intérêts. Le condamne à payer à la SARL Morieux 3 500 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Déboute les parties de leurs autres demandes. Condamne M. Denys aux dépens dont distraction au profit des avoués adverses conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.