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Décisions

CA Lyon, 3e ch. civ., 27 février 2003, n° 02-05027

LYON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Mach 1 (SA)

Défendeur :

ITC (SA) ; Meynet (ès qual.) ; Scarfogliero (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon (faisant fonction)

Conseillers :

MM. Kerraudren, Santelli

Avoués :

Me Morel, SCP Dutrievoz, SCP Aguiraud Nouvellet

Avocats :

Me Bornens, SCP Cochet Rebut & Associés

TGI Montbrison, du 11 sept. 2002

11 septembre 2002

Exposé de l'affaire

Par jugement du 11 septembre 2002, le Tribunal de grande instance de Montbrison, statuant en matière commerciale sur le litige opposant les sociétés Mach 1 et ITC au sujet de commissions d'agent commercial, a :

- Déclaré hors de cause Me Scarfogliero, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Mach 1,

- Condamné la société Mach 1 à payer à la société ITC au titre de ses commissions d'agent commercial les sommes suivantes :

* pour l'affaire Improtech Ross Bicycles : la somme de 133 146 F, soit 20 297,98 euro hors taxes en deniers ou quittances valables,

* pour l'affaire Improtech Zipp : la somme de 12 260 F, soit 1 869,02 euro hors taxes,

* pour l'affaire Joko : la somme de 89 168 F, soit 13 593,57 euro hors taxes,

* pour l'affaire Wilkinson : la somme de 105 600 F, soit 16 098,62 euro hors taxes,

* pour l'affaire Monark : la somme de 35 020 F, soit 5 338,76 euro hors taxes,

* pour l'affaire Fabisa : la somme de 24 303,36 F, soit 3 705,02 euro hors taxes,

* pour l'affaire France Loire Mercier : la somme de 23 960 F, soit 3 652,68 euro hors taxes,

* pour l'affaire Décathlon Eurogipack : la somme de 41 693,36 F, soit 6 356,11 euro hors taxes,

* pour l'affaire Confersil : la somme de 16 189,60 F, soit 2 468,09 euro hors taxes,

* pour l'affaire Orbita : la somme de 8 560 F, soit 1 304,96 euro hors taxes,

* pour l'affaire Vaterland : la somme de 21 460 F, soit 3 271,56 euro hors taxes.

- Dit que ces sommes porteraient intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé du 2 avril 1999, les intérêts étant capitalisés en application de l'article 1154 du Code civil ;

- Débouté la société ITC de ses autres demandes,

- Débouté la société ITC et la société Mach 1 de leur demande formée en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- Ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- Condamné la société Mach 1 aux dépens, y compris les frais des deux expertises, à l'exception des dépens de l'action intentée contre Maître Scarfogliero laissés à la charge de la société ITC.

La société Mach 1 a relevé appel de ce jugement. Maître Meynet, agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société ITC et cette société ont ensuite formé un appel provoqué et ont intimé Maître Scarfogliero en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Mach 1. Ils se sont désistés de ce recours par conclusions du 19 décembre 2002.

Aux termes de ses écritures récapitulatives, en date du 16 décembre 2002, la société Mach 1 prie la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société ITC de sa demande de commissions au titre des affaires suivantes : Gurpilan, Mavic France, MGI, Ouest Roues France, Esmaltina, d'infirmer le jugement en ce qui concerne les autres affaires et de débouter la société ITC de toutes ses demandes. Elle réclame en outre 4 600 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société ITC et Maître Meynet, ès qualités, ont conclu en dernier lieu, le 8 janvier 2003, au rejet de l'appel de leur adversaire et à la confirmation, pour l'essentiel, du jugement déféré. Par voie d'appel incident ils prient la cour, sauf à retenir l'intégralité des demandes de la société ITC dans son assignation du 16 mai 2000, de condamner la société Mach 1 à payer à la société ITC la somme de 106 346,19 euro HT, soit 118 408,39 euro TTC en principal, au titre des affaires MGI, Gurpilan, Improtech Ross Bicycles, Improtech Zipp USA, Joko, Wilkinson, Monark, Fabisa, Ouest Roues, Mavic, France Loire Mercier, Décathlon Eurogipack, Esmaltina, Confersil, Orbita et Vaterland, outre intérêts à compter de l'assignation en référé du 28 avril 1998 et en tout cas à compter de celle du 22 septembre 1998 ou du 2 avril 1999, avec capitalisation. Ils réclament, en outre, 10 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.

En cours de délibéré, les intimés ont fait parvenir à la cour une note, le 29 janvier 2003, que l'appelante a demandé d'écarter des débats par la voie de son avoué, le 7 février 2003.

Motifs :

Attendu que les parties n'ont pas été invitées, à l'audience, à transmettre à la cour des notes en délibéré, de sorte que celle émanant des intimés, à leur seule initiative, doit être déclarée irrecevable, par application de l'article 445 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'il convient de donner acte à Me Meynet, ès qualités, et à la société ITC de ce qu'ils se désistent de leur recours formé à l'encontre de Maître Scarfogliero ;

Attendu, sur les principes applicables en la cause, que la société appelante fait remarquer à bon droit que le fait générateur de la commission se situe au moment où le cocontractant se trouve lié au mandant, et ce conformément à l'article 6 de la loi du 25 juin 1991 (devenue L. 134-6 du Code de commerce) qui fixe le droit à commission "pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence" ;

Attendu qu'il importe peu qu'au moment du redressement judiciaire de la société Mach 1, soit le 5 mars 1997, l'opération n'ait pas été exécutée ou que le client n'ait pas payé, contrairement à ce que prétendent les intimés ; que la société ITC avait l'obligation de déclarer ses créances de commissions, même non exigibles au jour du jugement d'ouverture, conformément à l'article 50 de la loi du 25 janvier 1985 (devenu L. 621-43 du Code de commerce) ; que, d'ailleurs, pour certaines des affaires en litige, la propre facture d'ITC est même antérieure à l'ouverture de la procédure collective de son mandant ;

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats et des écritures des parties que les affaires suivantes ont été conclues avant l'ouverture du redressement judiciaire de la société Mach 1 (et d'ailleurs aussi avant la rupture des relations entre les parties peu après) : MGI, Gurpilan, Improtech Ross Bicycles et Zipp USA, Joko et Wilkinson ;

Attendu qu'aucune déclaration de créances n'a été effectuée par la société ITC au titre de ces affaires, de sorte que les créances correspondantes sont éteintes et qu'elle ne peut prétendre à un droit à commission de ces chefs ; que le jugement doit, en conséquence, être réformé sur ces points ;

Attendu qu'il convient d'examiner chacune des autres affaires pour lesquelles une commission est sollicitée et qui relèvent de l'application de l'article 7 de la loi du 25 juin 1991, aux termes duquel l'agent commercial a notamment droit à la commission lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat ;

Sur l'affaire Mavic :

Attendu que l'expert a relevé une offre de prix de 408 000 F pour une visseuse quatre têtes le 21 février 1996, une autre offre, le 21 février 1997, pour des robots de 308 000 F, et enfin une facture du 19 décembre 1997 pour 433 000 F ;

Attendu qu'il n'est nullement certain, contrairement à ce que prétendent les intimés, que le contrat conclu en définitive se rapporte au même matériel que celui proposé initialement, puisque la facture concerne une "machine quatre têtes" dont ni le libellé, ni le prix ne correspondent aux offres susvisées ; que le droit à commission allégué ne peut qu'être écarté, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur l'existence en l'espèce d'un délai raisonnable ;

Sur l'affaire Ouest Roues France :

Attendu que les intimés ne versent aux débats aucun élément de nature à établir avec certitude la prépondérance de l'activité de la société ITC dans cette affaire, ainsi que l'a exactement relevé le tribunal, par des motifs que la cour fait siens ; que cette preuve ne peut notamment résulter du fait invoqué par les intimés selon lequel la commande définitive serait identique à l'offre initiale ; que, surtout, il n'est pas certain que la société ITC ait visité le client le 5 février 1997, en l'état des fiches contradictoires produites aux débats par les parties ; que le droit à commission ne peut donc être admis de ce chef ;

Sur l'affaire Esmaltina :

Attendu que l'appelante ne discute pas la prépondérance de l'action de la société ITC dans la conclusion de l'opération, retenue par l'expert, mais sollicite la confirmation du jugement sur la base du non-respect du délai raisonnable ;

Attendu que l'expert a considéré que pouvait être admis comme raisonnable, dans ce type d'affaires, le délai maximum de 18 mois à compter de la première offre de prix ;

Attendu qu'en l'espèce cette offre est en date du 14 octobre 1996, avec commande consécutive du 28 mai 1998 ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le délai écoulé qui n'excède pas dix-huit mois à compter de l'offre et s'élève à quatorze mois à compter de la cessation du contrat est raisonnable ; qu'il convient d'admettre le droit à commission de la société ITC, soit une somme de 40 632 F HT ;

Sur l'affaire Monark :

Attendu que le tribunal a admis le droit à commission de la société ITC sur le seul fondement de l'offre émise par celle-ci le 23 janvier 1997, l'affaire ayant été conclue après la rupture du contrat entre les parties ;

Mais attendu que la société appelante fait valoir que les conditions d'établissement de l'offre précitée sont douteuses, surtout quant à sa date, et qu'elle émanerait de la société ITC elle-même alors que celle-ci n'était pas habilitée à cet effet, ce que ne contestent pas ses adversaires ; qu'en outre, le rapport de visite de Monsieur Grebel (ITC) en février 1997, ne contient aucune référence à cette commande alors qu'il traite des démarches auprès de Monark ;

Attendu que les intimés n'émettent ni contestations ni explications, de sorte qu'il n'est pas établi, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, que les démarches de la société ITC aient présenté un caractère prépondérant dans cette affaire ; que le droit à commission sera écarté ;

Sur l'affaire Fabisa :

Attendu que la société appelante fait valoir divers arguments, contestés par son adversaire, sans en rapporter la preuve dans la mesure où elle se borne à produire une commande comportant diverses pièces, auxquelles ses écritures ne se réfèrent pas précisément et qui, pour l'essentiel, sont en langue anglaise sans traduction ;

Attendu que la cour ne peut que relever que l'offre d'ITC du 21 novembre 1996 porte sur des "RAE semi-automatic spoke lacing machine", que le rapport de visite de février 1997 prévoit de proposer des modèles RAE et que, en définitive, le client a bien acquis des modèles RAE correspondant exactement à celui précité ainsi que le révèle l'examen de la facture du 25 juillet 1997 ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'admettre le droit à commission de ce chef, par adoption, pour le surplus, des motifs du tribunal, soit une somme de 24 303,36 F HT ;

Sur l'affaire France Loire Mercier :

Attendu que l'expert et, ensuite, le tribunal, ont admis le droit à commission en retenant essentiellement que la fourniture principale correspondait bien à l'offre de prix d'ITC du 3 février 1997 ;

Mais attendu que l'action initiale d'ITC n'est même pas certaine dans la mesure où Monsieur Moron, directeur technique de la société cliente, a attesté qu'il ne trouvait pas trace de cette offre dans le dossier d'achat de la machine ; qu'il s'ensuit, en l'absence d'autre élément fourni par la société ITC, que celle-ci ne prouve pas que l'opération soit principalement due à son activité, de sorte que son droit à commission doit être écarté ;

Sur l'affaire Décathlon/Eurogipack :

Attendu que le tribunal a, par des motifs que la cour adopte, exactement relevé que l'action de la société ITC avait été prépondérante dans la conclusion de cette affaire ; que l'appelante se prévaut surtout du délai écoulé entre la fin du contrat avec son mandataire et son offre du 6 janvier 1998 ;

Attendu cependant que, comme l'ajustement rappelé le tribunal, le délai écoulé entre l'offre d'ITC du 10 janvier 1997 et la conclusion de l'affaire en février 1998 peut, en l'espèce, être considéré comme raisonnable ; qu'il convient, par suite, de confirmer le droit à commission d'ITC de ce chef, soit une somme de 41 693,36 F HT ;

Sur l'affaire Confersil :

Attendu que l'appelante prétend que son action a été prépondérante dans la conclusion de cette affaire et se borne à renvoyer la cour à ses pièces, sans référence à celles-ci, ni analyse, et donc sans se prévaloir précisément de ses éléments de preuve ;

Attendu que le tribunal a, au vu du rapport d'expertise, exactement relevé que la commande du client passée en mai 1997 n'était qu'accessoire à la commande principale initiale d'octobre 1996 et que l'action d'ITC avait été prépondérante, étant observé qu'elle avait été commissionnée pour la commande principale ; que le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a admis intégralement le droit à commission, soit 16 189,60 F HT ;

Sur l'affaire Orbita :

Attendu que l'appelante fait état d'une commande du 10 avril 1997 obtenue par elle, alors que le tribunal, pour accorder un droit à commission, n'a retenu, au vue de l'expertise, que la commande du 6 février 1997 pour laquelle l'action prépondérante de la société ITC est certaine ; que, pour leur part, les intimés ne critiquent pas le jugement, de sorte que la commission admise par le tribunal sera maintenue, soit 8 560 F HT ;

Sur l'affaire Vaterland :

Attendu que, dans cette affaire, le délai écoulé est de 18 mois, non pas entre l'offre initiale et la conclusion de la transaction, mais entre la rupture du contrat d'agent commercial et cette transaction ; que ce délai ne peut être considéré comme raisonnable, alors surtout que, comme l'a relevé l'expert et ne le discutent pas les intimés, l'affaire a été conclue à la suite de démarches significatives de la part de la société Mach 1 ; que le jugement sera réformé de ce chef et le droit à commission d'ITC écarté ;

Attendu, en définitive qu'est due à la société ITC au titre des commissions, la somme de 40 632 F + 24 303,36 F + 41 693,36 F + 16 189,60 F + 8 560 F - 131 378,32 F HT, soit 20 028,50 euro, outre la TVA sur le montant de ces affaires, à l'exception de l'affaire Fabisa, soit une somme totale de 20 028,50 euro + 3 199,40 euro (TVA sur 16 323,47 euro) = 23 227,90 euro ;

Attendu que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 28 avril 1998, conformément à la demande des intimés non-contestée à cet égard par l'appelante ; qu'il y aura également lieu à capitalisation des intérêts échus par année entière ;

Attendu qu'il n'est pas contraire à l'équité que chaque partie supporte ses frais irrépétibles de procédure ;

Attendu que la société ITC n'a obtenu que partiellement gain de cause ; que les dépens, y compris les frais d'expertises et de référés, seront partagés entre les parties ;

Par ces motifs et ceux non-contraires du tribunal : LA COUR, Déclare irrecevable la note en délibéré du 29 janvier 2003, Donne acte à Maître Meynet, ès qualités, et à la société ITC de ce qu'ils se désistent de leur recours formé à l'encontre de Maître Scarfogliero, Réformant partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau, Condamne la société Mach 1 à payer à la société ITC la somme de 23 227,90 euro, avec intérêts au taux légal à compter du 28 avril 1998, au titre des affaires Esmaltina, Fabisa, Décathlon, Confersil et Orbita, Ordonne la capitalisation des intérêts échus, conformément à l'article 1154 du Code civil, Déboute les parties de toutes demandes contraires ou plus amples, Fait masse des dépens de première instance d'une part, y compris les frais d'expertises et de référés, d'appel d'autre part, et dit qu'ils seront supportés à concurrence d'un tiers par les intimés et des deux tiers par l'appelante, à l'exception des dépens de l'action intentée contre Maître Scarfogliero qui resteront à la charge de la société ITC, Accorde aux avoués de la cause le droit de recouvrer directement les dépens d'appel dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.