Cass. com., 22 novembre 2005, n° 04-19.102
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Dexxon Data Média (SA), Carrefour Hypermarchés France (SAS), Texas Instruments France (SA)
Défendeur :
Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Majuscule (Sté), Valliot (ès qual.), Plein Ciel Diffusion (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Beaudonnet
Avocat général :
M. Main
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, SCP Piwnica, Molinié, SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, Mes Blanc, Ricard
LA COUR : - Joint les pourvois n° 04-19.136, formé par la société Texas Instruments France, n° 04-19.102, formé par la société Dexxon Data Media et n° 04-19.108, formé par la société Carrefour Hypermarchés France, qui attaquent le même arrêt ; - Donne acte à la société Texas Instruments France de ses désistements partiels à l'encontre des sociétés Dexxon Data Media, Carrefour Hypermarchés France, Majuscule et de M. Valliot en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Plein Ciel Diffusion et à la société Carrefour Hypermarchés France de son désistement partiel à l'encontre de M. Valliot en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Plein Ciel Diffusion ; - Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que, saisi le 6 août 1997 par le ministre de l'Economie de pratiques d'ententes mises en œuvre dans le secteur des calculatrices à usage scolaire, le Conseil de la concurrence (le Conseil) a, dans une décision n° 03-D-45 du 25 septembre 2003, dit établis des faits d'ententes verticales reprochés d'une part aux sociétés Noblet distribution, devenue Dexxon Data Media, (Dexxon) et Carrefour Hypermarchés France (Carrefour) notamment, d'autre part aux sociétés Texas Instruments France (Texas) et Carrefour notamment, et des faits d'entente horizontale entre les sociétés Dexxon et Texas, fait injonction à la société Texas de se conformer aux engagements par elle souscrits en application de l'article L. 464-2-II du Code de commerce, infligé aux sociétés en cause des sanctions pécuniaires allant de 4 300 à 2 108 000 euro et ordonné des mesures de publication ; que la cour d'appel a rejeté les recours en annulation et réformation formés par certaines des entreprises ;
Sur les premier et second moyens du pourvoi formé par la société Texas, réunis : - Attendu que cette société fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours contre la décision du Conseil lui infligeant une sanction de 1 065 000 euro et ordonnant des mesures de publication alors, selon le moyen : 1°) que l'absence de contestation par l'entreprise poursuivie de la réalité des griefs qui lui ont été notifiés par le Conseil constitue une renonciation au droit à un examen complet de sa cause par un tribunal et, comme telle, n'est licite que si elle est libre et non équivoque, ce qui suppose la possibilité pour l'entreprise de discuter spécialement du taux de réduction de la sanction appliqué par le Conseil, si ce taux est moindre que celui proposé par le rapporteur général ; qu'un tel débat ne peut être suppléé ni par la discussion des éléments légaux de détermination de la sanction, tels que la gravité des pratiques ou le dommage à l'économie, ni par la discussion du taux de réduction proposé par le rapporteur général ou de la sanction proposée par le commissaire du Gouvernement ; qu'en retenant néanmoins que de tels éléments suffiraient à cet égard à garantir un respect suffisant de la contradiction, la cour d'appel a violé les articles L. 463-1 et L. 464-2-II du Code de commerce, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; 2°) que l'application par le Conseil d'un taux de réduction de la sanction inférieur à celui proposé par le rapporteur général, sans discussion spéciale de ce point par l'entreprise poursuivie, porte atteinte à l'égalité des armes, dès lors que l'administration a obtenu de ne pas avoir à débattre des griefs, cependant que l'entreprise n'a pas bénéficié d'un débat complet sur la sanction ; qu'en refusant néanmoins d'annuler la décision du Conseil, la cour d'appel a violé de plus fort l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; 3°) que la société Texas avait rappelé que sa renonciation à contester la réalité des griefs avait été consentie "sous réserve que la procédure menée devant le Conseil de la concurrence aboutisse à une décision conforme à la proposition du rapporteur général" et que cette condition avait été exprimé dans le procès-verbal dressé par le rapporteur général le 5 octobre 2001 ; qu'en ne recherchant pas si la renonciation n'avait pas été rendue caduque par l'accomplissement de la condition résolutoire dont elle était assortie, la cour d'appel a privé sa décision du base légale au regard de l'article L. 464-2-II du Code de commerce ;
Mais attendu que la procédure prévue par l'article L. 464-2-II, devenu L. 464-2-III du Code de commerce, ne peut être mise en œuvre que si l'entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés et s'engage à modifier ses comportements pour l'avenir ; que si l'entreprise ne peut subordonner son absence de contestation et ses engagements à condition, elle dispose devant le Conseil, qu'elle ne peut ignorer non lié par la proposition de réduction de la sanction émise par le rapporteur général, de la faculté de présenter toutes observations et de produire toutes pièces utiles à l'appréciation par cette autorité de la sanction pécuniaire qu'elle prononcera ; qu'ayant constaté que la société Texas avait été à même de présenter de telles observations tant par écrit qu'oralement lors de la séance du Conseil, la cour d'appel a statué à bon droit et a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi formé par la société Dexxon : - Attendu que cette société fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours contre la décision du Conseil, alors, selon le moyen : 1°) que le Conseil ne peut connaître des faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction ; que seuls les actes d'instruction portant sur des faits dont le Conseil est régulièrement saisi peuvent interrompre la prescription ; que le Conseil ne peut examiner les faits intervenus en dehors de la période visée par l'acte de saisine ; qu'ayant constaté que le Conseil avait été saisi par lettre du 6 août 1997 de pratiques prétendument mises en œuvre sur le marché des calculatrices à usage scolaire entre 1992 et 1996 et que le rapporteur désigné pour instruire cette saisine avait le 3 juillet 2000 adressé à la société Noblet une demande de renseignements portant sur les tarifs et conditions de vente pour les années 1997 et 1998, la cour d'appel a retenu, pour affirmer que la prescription triennale avait été interrompue par la lettre du 3 juillet 2000 qu'il appartenait au rapporteur de recueillir l'ensemble des données de nature à permettre au Conseil de se prononcer sur les pratiques contestées antérieures à l'acte de saisine et se rattachant aux comportements économiques dénoncés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il s'évinçait que l'acte d'instruction litigieux, portant sur des faits échappant à la saisine du Conseil, n'avait pu interrompre la prescription triennale et a violé l'article L. 462-7 du Code de commerce dans sa rédaction applicable en la cause ; 2°) qu'en toute hypothèse, le Conseil ne peut connaître des faits postérieurs à sa saisine ; qu'en affirmant que la lettre adressée le 3 juillet 2000 par le rapporteur à la société Noblet avait interrompu la prescription triennale, tout en constatant que la demande de renseignements litigieuse, qui visait les tarifs et conditions de vente de la société Noblet pour les années 1997 et 1998, portait indistinctement sur des faits antérieurs et postérieurs à la saisine du Conseil en date du 6 août 1997, la cour d'appel a violé l'article L. 462-7 du Code de commerce dans sa rédaction applicable en la cause ;
Mais attendu que c'est sans méconnaître les dispositions de l'article L. 462-7 du Code de commerce, dans sa rédaction alors en vigueur, que la cour d'appel a retenu que les demandes de renseignements, adressées le 3 juillet 2000 par le rapporteur désigné pour l'instruction de la saisine à deux des entreprises en cause et visant notamment à rechercher si les pratiques dénoncées par le ministre de l'Economie s'étaient poursuivies sur le marché concerné durant les mois précédents la saisine du Conseil le 6 août 1997, tendaient à la recherche et à la constatation de faits se rattachant aux comportements économiques dénoncés, antérieurs à l'acte de saisine et ont interrompu le cours de la prescription ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi formé par la société Dexxon et le premier moyen du pourvoi formé par la société Carrefour, réunis : - Attendu que ces sociétés font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs recours contre la décision du Conseil, alors, selon le moyen : 1°) que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable ; que le caractère raisonnable du délai s'apprécie au regard de la complexité de l'affaire, du comportement du requérant et de l'attitude des autorités nationales ; qu'en se bornant à relever la complexité de l'affaire et le nombre important de pièces à examiner pour nier que le Conseil ait méconnu le droit de la société Dexxon à être jugée dans un délai raisonnable, sans rechercher si le fait que la désignation du rapporteur soit intervenue plus de huit mois après la saisine du Conseil n'était pas exclusivement imputable à un dysfonctionnement interne au Conseil et n'avait pas fait prendre à la procédure un retard indépendant de la complexité de l'affaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; 2°) qu'en toute hypothèse, le juge qui dispose dès sa saisine de l'ensemble des données juridiques et factuelles nécessaires à la résolution du litige ne peut se réfugier derrière la complexité de l'affaire pour justifier la durée excessive de la procédure ; qu'ayant constaté que le Conseil avait été saisi par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie par lettre du 6 août 1997 et que la notification des griefs n'a eu lieu que le 9 juillet 2001, la cour d'appel a néanmoins considéré que la longueur de la procédure était justifiée par la complexité de l'affaire ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le fait que le rapporteur n'ait accompli qu'un nombre limité d'actes d'instruction et que sa notification de griefs se soit pour l'essentiel inspirée du rapport d'enquête de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes établi le 7 mars 1997 ne démontrait pas que le Conseil avait disposé, dès sa saisine, de l'essentiel des données nécessaires à la résolution du litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; 3°) que l'inobservation du délai raisonnable est susceptible d'entacher la régularité de la procédure dès lors que les parties ont été privées de la possibilité de présenter correctement leur défense ; qu'en affirmant de manière générale que la sanction qui s'attache à l'obligation pour le Conseil de se prononcer dans un délai raisonnable n'était pas l'annulation de la procédure, mais la réparation du préjudice résultant éventuellement de la durée excessive de la procédure, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; 4°) qu'en matière pénale, tout accusé a le droit d'être informé dans le plus court délai de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; que l'exécution tardive de cette obligation porte nécessairement atteinte aux droits de la défense de la personne poursuivie ; qu'ayant constaté qu'un délai de plus de quatre ans s'était écoulé entre la saisine du Conseil et la notification des griefs à la société Dexxon, la cour d'appel a néanmoins refusé d'annuler la décision du Conseil en raison du dépassement du délai raisonnable, motif pris de ce que la société Dexxon n'avait pas précisément caractérisé l'atteinte portée à l'exercice de sa défense ; qu'en statuant ainsi, bien que le seul constat de la tardiveté de la notification des griefs suffisait à caractériser l'atteinte aux droits de la défense de société exposante, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 et 6 § 3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; 5°) qu'en matière pénale, le respect du principe du contradictoire lors des débats devant le juge chargé de se prononcer sur le bien-fondé de l'accusation ne saurait pallier l'atteinte portée aux droits de la défense de l'accusé informé tardivement de la nature et de la cause de l'accusation formulée à son encontre ; qu'en retenant, pour nier que la tardiveté de la notification des griefs ait pu porter atteinte aux droits de la défense de la société Dexxon, que cette dernière avait acquis la qualité de partie en cause à compter de la notification des griefs et qu'il lui avait été loisible de soumettre à l'examen du Conseil les moyens et pièces qu'elle estimait utiles à la défense de ses intérêts, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles 6 § 1 et 6 § 3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; 6°) que la durée excessive d'une procédure diligentée devant le Conseil, même lorsqu'elle n'a pas influé sur la solution du litige, porte au droit au procès équitable de l'entreprise poursuivie une atteinte qui trouve un remède immédiat et effectif dans la réduction du montant de l'amende infligée ; qu'en confirmant la sanction infligée par le Conseil à la société Dexxon sans prendre en considération la durée excessive de la procédure dont elle avait fait l'objet, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 et 6 § 3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; 7°) qu'il résulte de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi ; qu'il résulte de ces dispositions que le droit d'être jugé dans un délai raisonnable est un droit garanti autonome du droit, également garanti par la Convention, au respect des droits de la défense, si bien qu'en retenant que la méconnaissance de celle-ci ne pouvait être constatée qu'à charge pour la partie qui l'invoque d'établir une violation des droits de la défense, la cour d'appel a violé le texte précité ; 8°) qu'il appartient à l'autorité de poursuite qui constate que l'exigence d'un délai raisonnable de la procédure prévu par l'article 6 de la Convention n'a pas été respectée d'apporter un remède immédiat et effectif à cette irrégularité de procédure, si bien qu'en retenant que la sanction de la violation de la garantie d'un délai raisonnable de la procédure devait être recherchée dans une instance distincte en réparation du préjudice subi par la partie victime de cette violation, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, en premier lieu, que la sanction qui s'attache à la violation de l'obligation de se prononcer dans un délai raisonnable n'est pas l'annulation de la procédure ou sa réformation, mais la réparation du préjudice résultant éventuellement du délai subi ;
Attendu, en second lieu, que la cour d'appel qui, après avoir énoncé que si la durée excessive d'une procédure peut faire obstacle aux droits de la défense, retient que les sociétés Dexxon et Carrefour ne rapportent pas la preuve de circonstances propres à caractériser une atteinte à l'exercice normal des droits de la défense, a pu statuer comme elle a fait et a légalement justifié sa décision ; qu'il suit de là que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le troisième moyen du pourvoi formé par la société Dexxon et le deuxième moyen du pourvoi formé par la société Carrefour, réunis : - Attendu que, par ces moyens pris d'un défaut de réponse à conclusions et de défauts de base légale au regard de l'article L. 420-1 du Code de commerce, les sociétés Dexxon et Carrefour font le même grief à l'arrêt ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que la société Noblet, distributeur exclusif en France des calculatrices Casio, avait en 1994 mis en place des conditions de vente aux grossistes et détaillants reposant sur des ristournes dont l'octroi était conditionné par les volumes de commandes et leur progression et par les services rendus par les distributeurs, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'en 1994 de nombreuses dérogations aux conditions d'octroi de ces ristournes ont été accordées par la société Noblet qui en 1995 a décidé d'octroyer à tous ses clients la ristourne maximum de 8 % pour les rentrées scolaire et universitaire ; que ces ristournes n'étaient pas accordées a posteriori en raison de la réalisation des objectifs y donnant droit, mais étaient garanties au taux de 8 % par la société Noblet à ses distributeurs dont la société Carrefour, et ce, plusieurs mois avant les périodes de rentrées scolaires ; que présentées comme conditionnelles, bien que garanties à l'avance, ces ristournes augmentaient artificiellement les prix nets facturés par le fournisseur aux distributeurs et n'étaient pas répercutées par ces derniers sur les prix de vente aux consommateurs ; qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument omises, a légalement justifié sa décision ;
Sur le quatrième moyen, pris en ses quatre branches, du pourvoi formé par la société Dexxon : - Attendu que par ce moyen, pris d'une contradiction de motifs et d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 420-1 du Code de commerce, cette société reproche à l'arrêt d'avoir retenu qu'elle s'était concertée avec la société Texas ;
Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le cinquième moyen du pourvoi formé par la société Dexxon : - Attendu que cette société fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours contre la décision du Conseil lui infligeant une sanction pécuniaire de 474 800 euro, alors, selon le moyen : 1°) que la sanction pécuniaire doit être déterminée individuellement ; que la cour d'appel a retenu, pour infliger à la société Dexxon une amende de 474 800 euro, que les ententes et les actions concertées tendant à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché étaient des pratiques graves et que l'ensemble des infractions dont elle avait relevé l'existence avait causé un dommage à l'économie en neutralisant la concurrence sur le marché des calculatrices à usage scolaire ; qu'en appréciant de manière globale la gravité et les conséquences sur l'économie des pratiques anticoncurrentielles reprochées à l'ensemble des entreprises poursuivies, sans justifier le montant de la sanction infligée à Dexxon au regard de la part spécifiquement prise par la société Noblet dans la conception et la mise en œuvre des comportements litigieux, la cour d'appel a manqué à son obligation d'individualiser la sanction, privant sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du Code de commerce dans sa rédaction applicable à la cause ; 2°) que la sanction pécuniaire doit être proportionnée à la gravité des faits reprochés ; que la cour d'appel s'est bornée à relever, pour justifier l'amende infligée à la société Dexxon, que les ententes et actions concertées tendant à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché étaient des pratiques graves ; qu'en se prononçant par un motif général, sans rechercher de façon concrète s'il existait une proportionnalité entre la peine prononcée et la gravité des faits spécifiquement reprochés à la société Noblet, et notamment s'il ne devait pas être tenu compte de ce que les pratiques litigieuses étaient anciennes, de ce qu'aucune pratique illicite n'avait été relevée à l'encontre de la société Noblet pour les années 1997 et 1998 et de ce qu'elle n'avait jusqu'alors jamais été condamnée pour des pratiques anticoncurrentielles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du Code de commerce dans sa rédaction applicable à la cause ; 3°) que les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés à l'importance du dommage causé à l'économie ; qu'elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise sanctionnée et de façon motivée pour chaque sanction ; qu'il s'en déduit que, lorsque plusieurs comportements anticoncurrentiels sont relevés à l'encontre d'une même entreprise, chaque pratique doit faire l'objet d'une sanction individuelle, proportionnée à sa gravité et à son impact sur le fonctionnement du marché de référence ; qu'en infligeant à Dexxon une sanction pécuniaire globale, sans faire le départ entre la répression de l'entente verticale entre la société Noblet et ses distributeurs d'une part, et celle de l'entente horizontale avec Texas, d'autre part, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard de l'article L. 464-2 du Code de commerce dans sa rédaction applicable à la cause ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui pouvait prononcer une sanction unique à l'encontre de la société Dexxon en raison des ententes horizontale et verticale auxquelles celle-ci avait participé, ententes qui avaient concouru à faire obstacle à la fixation des prix par le jeu de la concurrence sur le marché des calculatrices à usage scolaire, et qui a tenu compte du dommage causé à l'économie par ces pratiques, de la gravité des faits imputés à cette entreprise, de la situation tenant à sa position conjointement dominante sur le marché de préconisation considéré et de ses facultés contributives, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen du pourvoi formé par la société Carrefour : - Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu que l'arrêt rejette le recours formé par la société Carrefour qui sollicitait une réduction de la sanction prononcée par le Conseil ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans donner de motif à sa décision, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Par ces motifs : Rejette les pourvois formés par les sociétés Texas instruments France et Dexxon data média ; Casse et annule, mais seulement en ses dispositions relatives à la sanction pécuniaire infligée à la société Carrefour hypermarchés France, l'arrêt rendu le 21 septembre 2004, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris, remet en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être faire droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.