CCE, 2 mars 2005, n° 2005-786
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Aide d'État octroyée par l'Allemagne à Chemische Werke Piesteritz
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément aux articles susmentionnés (1) et compte tenu de ces observations, considérant ce qui suit :
I. PROCÉDURE
(1) Par lettre du 7 mars 1997, reçue le 15 avril et enregistrée le 18 avril 1997, l'Allemagne a notifié des mesures d'aide nationales au profit de Chemische Werke Piesteritz GmbH (ci-après "CWP"). Selon cette notification, une partie de l'aide avait déjà été accordée. La Commission a exigé un complément d'informations par lettres datées des 14 mai, 22 juillet et 4 novembre 1997, informations fournies par l'Allemagne dans ses lettres du 10 juillet et du 2 septembre 1997, enregistrées à chaque fois le jour même. Les questions posées dans la lettre de la Commission du 4 novembre ont été débattues lors d'une réunion avec les autorités allemandes le 24 novembre 1997.
(2) Le 17 juin 1997, la Commission a reçu une demande de renseignements de la part d'un concurrent direct du destinataire de l'aide. Le 28 juillet, la Société chimique Prayon- Rupel SA (ci-après "Prayon-Rupel"), un concurrent direct, a émis certaines réserves quant au respect de la législation en matière de concurrence.
(3) Le 16 décembre 1997, la Commission a décidé de ne soulever aucune objection; cette décision a été communiquée à l'Allemagne le 22 janvier 1998. Un résumé de la décision a été publié au Journal officiel des Communautés européennes (2). La Commission a en outre informé Prayon-Rupel le 19 décembre 1997 et lui a transmis le texte intégral de sa décision en date du 5 mars 1998.
(4) Le 5 mai 1998, Prayon-Rupel a déposé un recours en annulation auprès du Tribunal de première instance des Communautés européennes (TPICE), qui a annulé la décision controversée le 15 mars 2001 (3). Cet arrêt a été notifié à la Commission le 19 mars.
(5) À la suite de cet arrêt, la Commission a entamé la procédure formelle d'examen le 20 juin 2001. La décision de la Commission sur ce point a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (4). La Commission a appelé toutes les parties à s'exprimer concernant les aides. Un concurrent, Chemische Fabrik Budenheim Rudolf A. Oetker (ci-après "CFB"), a transmis son avis par sa lettre datée du 20 août 2001, enregistrée le 21 août. Par sa lettre du 10 septembre 2001, enregistrée le 13 septembre, Prayon-Rupel a complété sa position du 15 juin 2001. BK Giulini GmbH (ci-après "BK Giulini") a rendu son avis par sa lettre du 26 septembre 2001, enregistrée le jour même. Ces positions ont été transmises à l'Allemagne le 29 octobre 2001 et le 6 août 2002. L'Allemagne y a répondu par sa lettre datée du 8 octobre 2002, enregistrée le même jour, dans laquelle elle transmettait la réponse de CWP aux remarques des tierces parties.
(6) L'Allemagne a répondu à l'ouverture de la procédure formelle d'examen par sa lettre datée du 21 septembre 2001, enregistrée le 27 septembre. Les annexes, constituées des rapports d'activité pour la période 1994-1999, ont été transmises avec la lettre du 26 septembre 2001, qui a été enregistrée le 4 octobre. Des informations importantes étant toujours manquantes, la Commission, dans sa lettre du 25 octobre 2001, a exigé que celles-ci lui soient transmises. Le 4 décembre 2001 s'est tenue à Bruxelles une réunion avec des représentants du Gouvernement allemand et du bénéficiaire de l'aide. À la suite de celle-ci, la Commission a transmis une série de questions le 14 décembre 2001. Par sa lettre du 20 décembre 2001, enregistrée le 4 janvier 2002, l'Allemagne a présenté les documents demandés au cours de la réunion. Elle a répondu à la lettre de la Commission du 14 décembre 2001 par sa lettre datée du 6 février 2002, enregistrée le 8 février, et par une autre datée du 21 février 2002, enregistrée le même jour. Dans la première de ces lettres, l'Allemagne a également transmis la position du bénéficiaire de l'aide. Dans son courrier du 7 février 2002, enregistré le 14 février, elle a transmis les annexes à sa lettre du 6 février. Dans celle du 22 février, enregistrée le 26, elle a présenté le rapport d'activité de l'exercice 2000. De plus amples informations ont été communiquées dans sa lettre du 13 mars 2002, enregistrée le 14 mars, et dans celle du 4 avril 2002, enregistrée le 5 avril. Le 14 août 2002, la Commission a demandé des clarifications concernant l'aide. L'Allemagne a transmis ces clarifications dans sa lettre du 15 octobre 2002, enregistrée le même jour.
(7) Le 6 mars 2003, la Commission a fait part à l'Allemagne de sa décision d'exiger la fourniture de certaines informations afin de clarifier les faits incriminés et de déterminer si certaines mesures devaient être considérées comme des aides.
(8) L'Allemagne a communiqué les renseignements demandés par la Commission dans ses lettres du 17 avril et du 5 mai 2003, enregistrées respectivement le 22 avril et le 6 mai. Elle a transmis les annexes relatives à ces lettres par son courrier du 28 avril 2003, enregistré le 6 mai. Ensuite, la lettre du 13 juin 2003, enregistrée le jour même, ainsi que celles des 4, 9 et 29 juillet, enregistrées les 7, 17 et 29 juillet respectivement, et la lettre du 13 août, enregistrée le jour même, ont apporté des compléments d'informations. Le 22 août 2003, la Commission s'est entretenue avec les représentants des gouvernements fédéral et régional ainsi que de CWP. Les lettres du 3 et du 26 septembre 2003, enregistrées respectivement le 4 et le 26 septembre, ont fourni les réponses aux questions soulevées à cette occasion.
(9) Le 14 mai 2004, une nouvelle réunion a été organisée avec les autorités allemandes. Par sa lettre du 18 juin 2004, enregistrée le 24 juin, l'Allemagne a formulé des remarques complémentaires. Le 6 juillet 2004, une dernière discussion a eu lieu avec les autorités allemandes; une lettre de conclusion datée du 29 juillet 2004 a été enregistrée le jour même. L'Allemagne a communiqué d'autres informations dans sa lettre du 26 août 2004, enregistrée le jour même.
II. DESCRIPTION
A. Le bénéficiaire
(10) CWP est une société à responsabilité limitée basée à Piesteritz, en Saxe-Anhalt, une région qui bénéficie d'aides au titre de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE. Elle fabrique de l'acide phosphorique et des produits dérivés, en particulier des phosphates. CWP a été fondée en 1994 afin de reprendre le secteur "produits dérivés du phosphore" de la Stickstoffwerke AG Wittenberg Piesteritz (ci-après "Stickstoffwerke") dans le cadre du processus de privatisation. L'usine Stickstoffwerke produisait des produits chimiques et était entre les mains de la Treuhandanstalt ("THA"), un organisme de droit public en charge de la privatisation et de la restructuration d'entreprises de l'ancienne République démocratique allemande.
(11) La privatisation a eu lieu le 29 juin 1994 à la suite d'un appel d'offres organisé par Goldmann Sachs. Les propriétaires de CWP étaient Vopelius GmbH, Urseko GmbH, Phosphor AG (Kazakhstan), ainsi que huit investisseurs privés. Cette opération était conditionnée à un accroissement de l'apport de Phosphor AG de 30 000 marks allemands [DEM] à 1,6 million de DEM. Cette augmentation n'ayant pas été réalisée, les parts d'Urseko GmbH et de Phosphor AG ont été reprises par Vopelius GmbH et par six collaborateurs de CWP. Selon les informations fournies par l'Allemagne, l'accord de privatisation est entré en vigueur le 30 novembre 1994.
(12) L'Allemagne a transmis les données suivantes concernant les activités de CWP :
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(13) D'après les données fournies par l'Allemagne, CWP dispose depuis décembre 1998 d'un capital social de 288 880 EUR (0,565 million de DEM). L'entreprise est la propriété de Vopelius Chemie AG (29,2 %), de Vopelius GmbH (28,3 %), de M. Thilo Koth von Vopelius (17,7 %) et de BVT Industrie GmbH & Co. Chemische Werke Piesteritz KG (24,8 %).
(14) Vopelius Chemie AG et Vopelius GmbH, ainsi que Galvano Chemie Leipzig GmbH et Vopelius-Bioprodukte GmbH (6), filiales de Vopelius Chemie AG, forment un groupe intégré (le groupe Vopelius). Le président du directoire de Vopelius Chemie AG est M. Thilo von Vopelius. En incluant les parts personnelles de M. Vopelius, le groupe Vopelius détient 75,2 % du capital de CWP. Comme l'a indiqué l'Allemagne dans le cadre de la demande de renseignements, le groupe (à l'exclusion de CWP) employait 43 collaborateurs en 2002, pour un chiffre d'affaires de 17 252 657 EUR (33,755 millions de DEM) et possédait des avoirs s'élevant à 6 777 174 EUR (13,255 millions de DEM). Il est à noter que, d'après les indications fournies par l'Allemagne, ces entreprises ne forment pas un groupe au sens du droit commercial.
(15) L'entreprise BVT Industrie GmbH & Co. Chemische Werke Piesteritz KG fait partie du groupe BVT, une entreprise internationale qui fournit des services dans les domaines de l'investissement et de la finance, et dont le volume total d'investissements dépasse 3 milliards d'EUR (6 milliards de DEM) (7). Ce groupe détient 24,8 % du capital de CWP et est considéré par les autorités allemandes comme un partenaire institutionnel.
(16) En février 2001, CWP a racheté les sites de production de phosphate à [...]* (*) ("TI"), qui produit du phosphore et des produits dérivés. Selon le contrat de vente, la capacité d'innovation, les avoirs incorporels, les réserves, etc., ont été cédés pour un montant de [...]* EUR ([...]* DEM), et les biens fonciers et les installations pour un montant de [...]* EUR ([...]* DEM). D'après les données fournies par l'Allemagne, l'acquisition des biens fonciers et des installations dépend cependant d'un transfert sans charges des biens ainsi que d'une décision de la Commission concernant les aides d'État octroyées à CWP. Il en résulte que TI ne peut être pris en considération dans l'éventualité d'un remboursement des aides. En cas de décision positive de la Commission, la BvS (Bundesanstalt für vereinigungsbedingte Sonderaufgaben, l'autorité qui prendra la succession de la THA) et le Land de Saxe- Anhalt lèveront les sécurités apposées aux biens de TI à reprendre, afin que le critère d'une reprise des biens sans charges puisse être rempli et que le contrat de vente puisse entrer en vigueur. Tant que celui-ci ne sera pas effectif, le paiement de [...]* EUR ([...]* DEM) restera en suspens. Jusqu'à l'entrée en vigueur de ce contrat, CWP produit des phosphates exclusivement pour TI, qui, en contrepartie, fournit la matière première.
B. Les mesures financières publiques
(17) Pour la privatisation du 29 juin 1994, CWP a convenu d'un prix d'achat de 3 181 769 EUR (6,223 millions de DEM) pour le secteur "projets dérivés du phosphore" de Stickstoffwerke, payable en trois tranches d'un montant de 511 292 EUR (1 million de DEM) aux dates des 30 juin 1995, 1er juin 1996 et 30 juin 1996 ainsi qu'en une tranche de 1 647 894 EUR (3,223 millions de DEM) payable le 1er juillet 1997. CWP s'est en outre engagée à garantir 70 postes de travail jusqu'au 1er octobre 1999 et à lancer des investissements d'une valeur de 5 112 919 EUR (10 millions de DEM) pour le 31 décembre 2002.
(18) En contrepartie, THA a prévu différentes mesures. Certaines ont été adaptées dans le cadre des nombreux compléments au contrat de privatisation dans les années 1994 à 2003. Le tableau 2 ci-dessous en fournit un aperçu :
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(19) Mesure 1 : cautionnement à hauteur de 1 022 583 EUR (2 millions de DEM) pour un crédit en compte courant. Ce crédit a été souscrit au départ auprès de la Deutsche Bank et transféré ensuite à la Commerzbank en 1996 et à la Hypovereinsbank en 1998.
(20) Mesure 1a : à l'origine, le cautionnement cité dans la mesure 1 devait durer jusqu'en décembre 1995. Après le lancement de la procédure formelle d'examen, l'Allemagne a cependant fait savoir qu'il serait prolongé à plusieurs reprises, jusqu'au 30 novembre 2000, dans le cadre de différents compléments au programme de privatisation. Avant l'écoulement de ce délai, la BvS a consenti à CWP, le 21 novembre 2000, un prêt d'une valeur égale au remboursement du crédit garanti par le cautionnement. Ce prêt a remplacé le crédit existant et le cautionnement a pris fin. Selon l'Allemagne, le nouveau prêt court jusqu'au 31 décembre 2005 et le taux d'intérêt correspond au taux de référence défini par la Commission (8). La dernière modification du contrat de privatisation, qui date de juillet 2003, prévoyait, en cas de décision positive de la Commission, la conversion du prêt en subvention, c'est-à-dire le renoncement au remboursement par CWP.
(21) Mesure 2 : subvention non remboursable d'une valeur de 3 067 751 EUR (6 millions de DEM) pour le financement d'investissements visant à maintenir la production.
(22) Mesure 3 : la THA a repris les coûts du traitement des retards de production, qui s'élevaient à 623 776 EUR (1,22 million de DEM). Cette subvention a ensuite été relevée de 306 775 EUR (0,6 million de DEM). Selon les données fournies par l'Allemagne, ce montant complémentaire n'a cependant jamais été acquitté, car le projet qui aurait dû être subventionné s'est avéré irréalisable d'un point de vue technique.
Mesures de financement d'après les informations fournies par l'Allemagne en 1997
(23) Les premières modifications du contrat de privatisation prévoyaient notamment la prolongation, au titre de la mesure 1 (mesure 1a), du cautionnement précité et du délai de paiement du prix d'achat.
(24) Un nouvel accord a été conclu fin1996/début 1997 entre l'entreprise et la BvS afin d'éviter le dépôt de bilan de CWP. Une série de mesures publiques ont été prévues, qui formaient le cœur de la déclaration de l'année 1997. Le tableau 3 ci-dessous fournit un aperçu des mesures de restructuration annoncées en 1997.
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(25) Mesure 4 : dans le cadre de cet accord, la BvS a consenti en décembre 1996 à reporter une nouvelle fois - jusqu'au 31 décembre 1999 - le paiement du prix d'acquisition, qui avait déjà été retardé à plusieurs reprises en raison de précédentes modifications du contrat de privatisation. Le 5 juillet 1999, la transaction d'achat a enfin été effectuée. La Commission en a été tenue informée via le registre de la "gestion de contrats", qui fournit des éclaircissements sur les activités de la BvS dans le domaine de la surveillance des contrats (9).
(26) Mesure 5 : après le lancement de la procédure formelle d'examen, l'Allemagne a admis que les intérêts d'une valeur de 237 239 EUR (0,464 million de DEM) engendrés par le report du paiement avaient été effacés par une décision de décembre 1996. La BvS s'est en outre déclarée prête à ne réclamer aucun intérêt à l'avenir pour le report du paiement du prix d'acquisition.
(27) Mesure 6 : la BvS a rehaussé la subvention relative au financement des investissements liés au maintien de la production (mesure 2) de 2 065 619 EUR (4,04 millions de DEM). Après le lancement de la procédure formelle d'examen, l'Allemagne a indiqué que, sur les 5 133 370 EUR (10,04 millions DEM) alloués au total pour le financement des investissements (mesures 2 et 6), seuls 4 867 499 EUR (9,52 millions de DEM) avaient été pris en considération. Il s'ensuit que la hausse des subventions s'élève à 1 799 747 EUR (3,52 millions de DEM).
(28) Mesure 7 : en avril 1998, CWP a reçu de la Hypovereinsbank un prêt portant sur les moyens de production d'une valeur de 3 221 139 EUR (6,3 millions de DEM). Ce prêt était assorti d'un cautionnement de 20 % de la BvS, soit 644 228 EUR (1,26 million de DEM). Les 80 % restants étaient assurés par un cautionnement du Land de Saxe- Anhalt (mesure 9). Le prêt devait courir jusqu'en décembre 1998. Il a cependant été prolongé plusieurs fois depuis lors et, selon les dernières informations disponibles, n'a toujours pas été remboursé.
(29) Mesure 8 : en avril 1998, CWP a également reçu un prêt à l'investissement de la Hypovereinsbank d'une valeur de 4 345 981 EUR (8,5 millions DEM). Ce prêt était assorti d'un cautionnement de 20 % de la BvS, soit 869 196 EUR (1,7 million de DEM). Les 80 % restants étaient assurés par un cautionnement du Land de Saxe-Anhalt (mesure 10). Ce prêt court jusqu'en mai 2013. Selon les dernières informations disponibles, il n'a toujours pas été remboursé.
(30) Mesures 7a/8a : après le lancement de la procédure formelle d'examen, l'Allemagne a admis que les cautionnements de 20 % de la BvS avaient été prolongés à plusieurs reprises. Le 21 novembre 2000, cette dernière a enfin payé directement aux banques la partie du prêt assurée par ces cautionnements, à savoir 1 513 424 EUR (2,96 millions de DEM). Ces liquidités servent de sécurité pour le remboursement du crédit par CWP. Pour les banques, il s'agit donc uniquement du remplacement des sécurités existantes. Pour CWP, par contre, il s'agit d'un nouveau prêt qui remplace 20 % des précédents. CWP devrait payer 1 513 424 EUR (2,96 millions de DEM) d'ici au 31 décembre 2005 et régler les intérêts en se fondant sur les taux d'intérêt de référence fixés par la Commission. Dans sa réponse à la demande d'informations, l'Allemagne a cependant concédé que CWP ne payait aucun intérêt depuis janvier 2003 et que les paiements avaient été retardés. Les intérêts qui couraient jusqu'en décembre 2002, d'une valeur de 301 000 EUR (588 705 DEM), ont été versés en juillet 2003. La dernière modification du contrat de privatisation, à cette date, prévoyait la conversion de ce prêt - y compris les intérêts en souffrance depuis janvier 2003 - en une subvention, et donc le renoncement au paiement du prêt - y compris les intérêts non encore payés - par CWP en cas de décision positive de la Commission. Puisque les mesures en question ne consistent qu'à proroger ou à compléter celles couvertes par la décision de lancer la procédure formelle d'examen, elles doivent être évaluées par la Commission dans le cadre de la présente décision.
(31) Mesure 9 : le reste du prêt portant sur les moyens de production, d'une valeur de 3 221 138 EUR (6,3 millions de DEM) (mesure 7), était également garanti par un cautionnement de 80 % d'une valeur de 2 576 911 EUR (5,04 millions de DEM) de la part du Land de Saxe-Anhalt. À l'origine, ce cautionnement était assuré jusqu'au 30 avril 1998, mais il a été prolongé d'un an à plusieurs reprises. CWP a sollicité une nouvelle prorogation. D'après les informations fournies par l'Allemagne, le cautionnement est apparemment toujours d'application. En cas de décision positive de la Commission dans cette affaire, le Land de Saxe-Anhalt en envisagerait une nouvelle prolongation.
(32) Mesure 10 : le reste du prêt d'investissement, d'une valeur de 4 345 981 EUR (8,5 millions de DEM) (mesure 8), était également garanti par un cautionnement de 80 %, d'une valeur de 3 476 785 EUR (6,8 millions de DEM), de la part du Land de Saxe-Anhalt. La période de cautionnement prend fin en avril 2013.
(33) Mesure 11 : des subventions à l'investissement d'une valeur de 1 937 796 EUR (3,79 millions de DEM) ont été consenties le 8 juillet 1998. D'après les données allemandes, seuls 1 845 764 EUR (3,61 millions de DEM) ont été pris en considération.
(34) Mesure 12 : primes fiscales à l'investissement d'une valeur de 357 904 EUR (0,7 million de DEM).
C. La restructuration
(35) D'après les informations communiquées par l'Allemagne en 1997, les premiers efforts de restructuration ont déjà été entrepris dans le cadre de la privatisation, avec le soutien des mesures de la THA (mesures 1-3). Ces efforts n'ont cependant pas abouti et, durant l'exercice 1996, CWP a été confrontée à des difficultés en raison d'une insuffisance de fonds propres, d'une rupture de l'approvisionnement en matières premières et d'un manque de liquidités.
(36) L'insuffisance de fonds propres est due au fait que Phosphor AG n'a relevé ses capitaux que le 30 septembre 1994, pour les faire passer de 15 339 EUR (30 000 DEM) à 818 067 EUR (1,6 million de DEM). Concernant l'approvisionnement, CWP comptait sur la livraison de phosphore élémentaire en guise de matière première pour la production d'acide phosphorique, qui sert à son tour de base à la production de phosphates. Le phosphore élémentaire devait être livré par Phosphor AG en provenance du Kazakhstan. Ces livraisons n'ayant pas été effectuées, l'exercice 1995-1996 a été marqué par des difficultés dans la livraison des matières premières. L'entreprise n'est parvenue qu'en partie à combler ce déficit, en achetant des matières premières à un prix plus élevé sur d'autres marchés. Cette situation a entraîné un arrêt de la production, qui a engendré à son tour des pertes en 1995 et 1996, ce qui a sensiblement réduit la marge de manœuvre de l'entreprise en termes de liquidités.
Le plan de restructuration original
(37) Pour rétablir la rentabilité à long terme de l'entreprise, une solide restructuration était nécessaire. Selon la déclaration de 1997, elle devait être menée entre 1997 et 2000. Elle prévoyait essentiellement des investissements dans un nouveau procédé de production (le "procédé humide").
(38) Jusqu'en 1996, CWP produisait essentiellement des phosphates d'un faible niveau de pureté qui étaient utilisés essentiellement dans les produits de lessive. Les phosphates sont fabriqués à partir d'acide phosphorique. CWP produisait de l'acide phosphorique aussi bien pour sa propre consommation (transformation en phosphates) que pour la vente à des tiers. Il existe deux méthodes de fabrication de l'acide phosphorique, qui utilisent chacune leur propre matière première. Le "procédé humide" permet de produire de l'acide phosphorique pur à partir d'acide phosphorique brut (Merchant Grade Acid - MGA) par réaction chimique. Le procédé thermique, utilisé par CWP, permet d'obtenir de l'acide phosphorique pur par combustion de phosphore élémentaire. Puisque, selon la déclaration de l'Allemagne, l'acide phosphorique est disponible plus facilement et peut être traité à meilleur prix que le phosphore élémentaire, CWP a décidé, dans le cadre de son plan de restructuration, de changer de matière première et, par là même, de procédé de production. Le problème des difficultés de livraison du phosphore élémentaire en provenance du Kazakhstan devait ainsi être résolu.
(39) L'Allemagne a présenté deux documents qui sont supposés décrire un plan de restructuration. Ces documents entrent en contradiction avec la déclaration de 1997.
(40) Le premier document, daté du 29 mai 1996 et intitulé "Neues Unternehmenskonzept zur Weiterführung der CWP als Nachfolgeunternehmen des Bereiches Phosphorfolgeprodukte aus der Stickstoffwerke AG Wittenberg", résume la stratégie de restructuration de CWP. Celle-ci poursuit pour l'essentiel deux objectifs : premièrement, l'élargissement de la base de matières premières et, deuxièmement, la diversification des activités de l'entreprise. Cependant, le document ne mentionne aucunement l'abandon du mode de production thermique. Au lieu de cela, il préconise de poursuivre la production à base de phosphore élémentaire au moyen du procédé thermique et de modifier certaines installations pour la transformation d'acide phosphorique acquis à un prix élevé. Il propose également d'envisager à moyen terme la construction d'un site d'extraction pour le nettoyage du MGA, c'est-à-dire la production à partir du procédé humide.
(41) Dans le second document, intitulé "Vorschlag zur langfristigen Sicherung des Unternehmens CWP einschließlich Investitions- und Finanzierungsplan" et daté du 16 octobre 1996, CWP définit ses priorités en matière d'investissements et précise le mode de financement retenu, sans remettre en question la précédente stratégie de maintien du procédé de production thermique en parallèle à l'introduction du procédé humide. Parmi les priorités d'investissement, on retrouve l'adaptation des sites et installations existants au traitement de l'acide phosphorique humide et la construction du site d'extraction susmentionné, afin que CWP ne dépende plus du phosphore élémentaire jusqu'en septembre 1998. La faisabilité du projet de site d'extraction a fait l'objet d'une étude réalisée par un bureau d'experts, DLM (10), qui a également effectué une étude des coûts (11), dans laquelle il a estimé ceux nécessaires à la construction du site à 3,07 millions EUR (6 millions de DEM).
Modification du projet
(42) Dans sa réponse au lancement de la procédure formelle d'examen, l'Allemagne a admis que le projet technique de construction du site d'extraction serait modifié et élargi. Une première modification a eu lieu en décembre 1997, lorsqu'une batterie de tests a démontré qu'un traitement ultérieur de l'acide, consistant en une étape de défluorisation et une étape de concentration, était nécessaire pour atteindre une qualité alimentaire. En février 1999, un fournisseur de CWP qui livrait de l'acide de qualité MAG ne nécessitant pas de prénettoyage a résilié son contrat de livraison. À la suite de cet incident, CWP a dû acheter, prénettoyer et décolorer de l'acide de qualité standard MAG. Ces deux modifications ont entraîné des coûts supplémentaires et des retards d'environ un an et demi dans la mise en œuvre du projet; elles ont en outre contraint CWP à agrandir ses installations, ce qui a également généré de nouveaux coûts et retardé la transformation. Les coûts générés par le site d'extraction sont passés de 3,07 millions EUR (6 millions de DEM) à 7,772 millions EUR (15,1 millions de DEM).
(43) À cela est venu se greffer en 2000 le problème du coproduit extrêmement toxique qu'est le raffinat. Dans sa réponse au lancement de la procédure formelle d'examen, l'Allemagne a avancé que CWP avait compté sur une entreprise extérieure pour l'exploitation du raffinat et qu'elle avait dû constater qu'il n'existait aucune offre en la matière. Associée aux retards pris dans la mise en œuvre des mesures de restructuration, la crise qui en a résulté a entraîné l'arrêt de la construction du site d'extraction. Malgré plusieurs augmentations de capital de la part des associés, l'entreprise s'est retrouvée à l'été 2000 au bord du dépôt de bilan. Ce dernier a finalement pu être évité grâce à un contrat avec TI.
(44) Ce contrat a été conclu au début de l'année 2001. Il prévoyait la vente de la production de phosphates à TI, comme indiqué précédemment. Jusqu'à l'entrée en vigueur de ce contrat, CWP ne produira des phosphates que pour TI et celui-ci fournira la matière première. Après l'entrée en vigueur du contrat, CWP cessera totalement sa production de phosphates et se limitera à la production d'acide phosphorique au moyen du procédé humide dès que le site d'extraction sera opérationnel. Cela implique l'adoption de nouvelles mesures visant l'arrêt des sites de production thermique d'acide phosphorique (méthode de production traditionnelle de CWP), d'anhydride phosphorique, d'hypophosphite de sodium (un des produits introduits dans le cadre de la restructuration) et de dépôts de phosphore (puisque le phosphore n'est plus utilisé comme matière première). Les effectifs de CWP ont été réduits d'environ 33 personnes.
(45) Selon l'Allemagne, la restructuration de CWP dans le domaine de la production de phosphates, qui devait être reprise par TI, s'est déroulée avec succès. Il en ira de même pour la production d'acide phosphorique, dès que TI se sera acquitté du prix d'achat. CWP pourra ensuite préparer le site d'extraction et assurer sa viabilité à long terme sans s'écarter fondamentalement du plan original de restructuration. Toujours selon l'Allemagne, le site d'extraction est déjà prêt à 90 %. La production thermique d'acide phosphorique a été arrêtée dès février 2001. Les installations ont été vidées et nettoyées et ne sont plus utilisées.
D. Les coûts de la restructuration
(46) D'après le document intitulé "Vorschlag zur langfristigen Sicherung des Unternehmens CWP einschließlich Investitionsund Finanzierungsplan" et publié le 16 octobre 1996, les besoins d'investissement de CWP s'élevaient à 5,62 millions EUR (11 millions de DEM) et les besoins en termes de moyens de production à 2,56 millions EUR (5 millions de DEM) pour la période 1996-2000. Ce même document contient néanmoins un plan d'investissements qui prévoit des investissements d'une valeur totale de 9,29 millions EUR (18,17 millions de DEM). D'après la déclaration de 1997, les frais de restructuration s'élèvent au total à 12,88 millions EUR (25,2 millions de DEM). Les mesures de restructuration annoncées en 1997 sont résumées dans le tableau 4.
<emplacement tableau>
(47) Après le lancement de la procédure formelle d'examen, ces mêmes coûts ont été fixés à 18,87 millions EUR (36,9 millions de DEM). Les deux nouvelles rubriques du tableau 5 ci-dessous, "subventions" et "remise du prix d'achat", représentent plutôt des moyens financiers que des coûts de restructuration.
<emplacement tableau>
(48) Dans sa réponse à la demande d'informations, l'Allemagne a divisé la restructuration en deux catégories : celle de la production de phosphates et celle des autres secteurs (principalement la production d'acide phosphorique). Les coûts mentionnés pour la restructuration de la production de phosphates s'élevaient à 7,99 millions EUR (15,63 millions de DEM) et englobaient des investissements pour un montant de 4,71 millions EUR (9,21 millions de DEM). Ceux de la restructuration des autres secteurs étaient estimés à 27,14 millions EUR (53,08 millions de DEM) au total et comprenaient des investissements à hauteur de 13,22 millions EUR (25,86 millions de DEM). Il en ressort que les coûts de restructuration s'élevaient au total à 35,13 millions EUR (68,71 millions de DEM). Il convient cependant de constater qu'ils incluent les dépenses de la période 1995- 2001 (12), et donc également de la période infructueuse de restructuration ayant fait suite à la privatisation.
(49) Dans sa lettre du 26 août 2004, l'Allemagne a finalement évalué l'ensemble des coûts de 1997 à cette date à environ 31,20 millions EUR (61 millions de DEM). Elle n'a cependant fourni aucune explication quant à l'écart par rapport aux chiffres mentionnés dans la réponse à la demande d'informations.
E. La contribution propre
(50) Dans la déclaration de 1997, la contribution propre de CWP à la restructuration portait sur le financement d'investissements spécifiques et sur une contribution des associés.
(51) À la date du 31 décembre 2002, CWP aurait effectué des investissements pour un montant total de 5,11 millions EUR (10 millions de DEM). Il convient néanmoins de noter que cette obligation d'investissements avait déjà été convenue lors de la privatisation du 29 juin 1994 et qu'elle ne prévoyait aucunement de financer ces derniers au moyen de fonds privés.
(52) Dans sa réponse au lancement de la procédure formelle d'examen, l'Allemagne a admis que, pour la période 1994-2000, des investissements d'une valeur de 15,7 millions EUR (30,70 millions de DEM) avaient été effectués. Sur ces derniers, 7,21 millions EUR (14,11 millions de DEM) auraient été financés à partir de fonds privés. À noter cependant que cette somme contient des mesures financées par le public pour un montant de 3,73 millions EUR (7,3 millions de DEM). La contribution des associés à ces investissements s'élève donc à 3,48 millions EUR (6,81 millions de DEM).
(53) Pour ce qui est de la deuxième composante de la contribution propre, c'est-à-dire les contributions des associés, la déclaration de 1997 indique que Vopelius Chemie GmbH aurait débloqué un crédit de 0,15 million EUR (0,3 million de DEM). Dans sa réponse au lancement de la procédure formelle d'examen, l'Allemagne a signalé qu'il s'agissait là de la location-vente des biens d'investissement, pour lesquels Vopelius a repris un cautionnement solidaire.
(54) Dans sa réponse au lancement de la procédure formelle d'examen, l'Allemagne a en outre repris la déclaration selon laquelle les fonds propres d'une valeur de 288 879 EUR (0,565 million de DEM) qui ont été versés devraient également être considérés comme une contribution des associés au financement des investissements.
(55) Dans sa réponse à la demande d'informations, l'Allemagne a énuméré (tableau 6) les mesures qui devaient selon elle être rangées dans la catégorie du financement privé.
<emplacement tableau>
(56) L'augmentation du financement privé telle qu'elle a été présentée par l'Allemagne est essentiellement à mettre sur le compte de la contribution en capital de BVT, qui a repris une atypique participation occulte dans l'entreprise CWP en décembre 1998. BVT a également octroyé un prêt en mars 2001 et une subvention en septembre de la même année. L'Allemagne a en outre cité comme contribution d'investisseurs un crédit fournisseur de la part de Vopelius, consenti entre janvier 1997 et janvier 1998 et consistant en un report de paiement pour les matières premières livrées par ce dernier, ainsi que les recettes qu'aurait engrangées CWP grâce à la vente de son secteur des phosphates à TI.
(57) Il reste toutefois à clarifier le lien qui unit les mesures énoncées dans le tableau 6 et les coûts de restructuration décrits aux considérants 46 à 49.
F. Analyse du marché
(58) CWP était traditionnellement un producteur de phosphates industriels ainsi que d'acides phosphoriques pour sa propre consommation. D'après le plan de restructuration, la qualité des phosphates devrait être améliorée afin de pouvoir orienter la production vers l'industrie alimentaire, et le procédé humide devrait être introduit pour la production d'acide phosphorique. Il faut préciser que l'acide phosphorique produit selon le procédé humide présente la même qualité et les mêmes propriétés que l'acide phosphorique thermique. Les deux modes de production utilisent cependant des matières premières différentes, à savoir le phosphore élémentaire pour la méthode thermique et le MAG pour le procédé humide. En outre, le procédé humide se compose de différentes étapes et génère des coproduits (en particulier le raffinat) qui doivent être retraités.
(59) L'acide phosphorique est à la base de la fabrication de produits dérivés du phosphate, qui nécessitent une matière première d'un niveau de pureté supérieur. Il est utilisé dans la production d'engrais au phosphate pour l'agriculture et de phosphates pour l'industrie alimentaire. Les polyphosphates, et en particulier le tripolyphosphate de sodium, sont utilisés dans les produits lessiviels et les produits de vaisselle ainsi que dans d'autres produits d'entretien. Ils trouvent également d'autres applications techniques et industrielles.
(60) Le "Chemical Economics Handbook" de 2002 indique que la demande d'acide phosphorique thermique est en régression spectaculaire du fait que l'on privilégie l'acide phosphorique produit selon la méthode humide pour les produits chimiques à stocker. Le secteur connaîtrait en outre une concurrence acharnée en raison des importations chinoises. Pour nombre de produits à base de phosphates et d'applications directes pour lesquels on utilisait de l'acide phosphorique thermique, on aurait à présent recours au phosphore d'extraction, qui est particulièrement avantageux en termes de coûts. L'acide phosphorique brut est disponible à profusion et est relativement bon marché. La revue précise encore qu'il n'existait plus, en 2002, que quatre producteurs d'acide phosphorique thermique en Europe occidentale, à savoir TI (le plus grand producteur), CWP, FEBEX S.A. et Krems Chemie.
(61) Selon les données allemandes, le marché européen de l'acide phosphorique et des phosphates se caractérise par un oligopole et ne connaît aucune surcapacité. CWP estime cependant qu'il n'existe pas d'oligopole sur ce marché européen. Certains concurrents de CWP partagent ce point de vue, mais considèrent que le secteur est clairement en surcapacité.
(62) Tant l'Allemagne que CWP considèrent que la part de marché de CWP sur l'ensemble du marché ouest-européen des phosphates (phosphates industriels et phosphates alimentaires) est insignifiante. Elle était estimée à 5,1 % pour l'année 2000. Depuis 2001, CWP ne produit plus que pour TI et n'est donc plus présent sur le marché. Ses parts de marché ont été reprises par TI. Comme l'indique par ailleurs l'Allemagne, TI n'est pas actif dans le secteur des phosphates spéciaux, mais dans celui du phosphore, des acides phosphoriques et d'autres produits dérivés.
(63) Concernant la production d'acide thermique, CWP constate que sa production devrait passer de 40 000 t d'acide phosphorique thermique à 20 000 t d'acide d'extraction. La part de marché de 6 % initialement prévue pour l'acide phosphorique a été ramenée à 3 % pour l'Europe occidentale. Dans la mesure où les installations thermiques ont été arrêtées et où le site d'extraction n'est pas encore opérationnel, CWP ne produit pas d'acide phosphorique à l'heure actuelle et sa part de marché équivaut à zéro.
III. MOTIFS DU LANCEMENT DE LA PROCÉDURE FORMELLE D'EXAMEN
(64) À la suite d'un recours en annulation déposé par Prayon- Rupel, le TPICE a cassé dans son arrêt du 15 mars 2001 la décision de la Commission du 16 décembre 1997 (13) en raison d'un vice de forme. Il a constaté que la Commission avait été contrainte de lancer la procédure formelle d'examen en raison de graves difficultés au moment de déterminer la compatibilité de l'aide avec le Marché commun.
(65) Le tribunal a imputé ces difficultés au fait que la Commission avait rendu sa décision sans avoir eu suffisamment connaissance des mesures techniques de restructuration. Il a tout d'abord confirmé qu'elle avait mal décrit les mesures de restructuration entreprises par CWP. La Commission s'était appuyée pour ce faire sur les informations fournies par l'Allemagne en 1997, selon lesquelles le procédé thermique de production d'acide phosphorique serait remplacé par le procédé humide. Comme le signale cependant le TPICE, aucun des deux projets de restructuration de mai et d'octobre 1996 présentés par l'Allemagne à la Commission ne mentionnait un abandon du procédé thermique. Il a ensuite constaté que la Commission avait visiblement mal estimé la faisabilité technique et la rentabilité des mesures de restructuration. Il considère qu'une expertise présentée par la plaignante le prouve de manière incontestable.
(66) Au titre de l'article 233, paragraphe 1, du traité CE, la Commission était tenue de prendre les mesures nécessaires pour se conformer à l'arrêt du TPICE. Elle a entrepris un examen préliminaire des mesures prises en faveur de CWP, en ce compris des mesures qui ne sont pas examinées dans la précédente décision, et s'est confortée dans son opinion quant à l'existence d'une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE. La Commission avait cependant de sérieux doutes quant à la compatibilité de cette aide avec le Marché commun. D'une part, elle ne pouvait déterminer précisément le montant total de l'aide. D'autre part, un examen préliminaire à l'aune des lignes directrices communautaires de 1994 pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (ci-après les "lignes directrices communautaires de 1994") (14) a soulevé de sérieux doutes quant à la compatibilité des aides avec les règles du Marché commun. C'est sur cette base que la Commission a entamé la procédure formelle d'examen.
IV. MOTIFS DE LA DEMANDE D'INFORMATIONS
(67) La Commission a entamé la procédure sur la base principalement des informations présentées en 1997. La réponse de l'Allemagne à la demande d'informations contenait cependant des détails relatifs à des mesures antérieures qui étaient présentées comme des mesures actuelles (mesures 1-3) et à des modifications de certaines mesures (mesures 1a et 7a/8a). En outre, certaines mesures présentées auparavant comme des mesures ad hoc ont été requalifiées par l'Allemagne en aides existantes à la suite du lancement de la procédure (mesures 9 et 10). La Commission ne pouvait pas, sur la base des informations disponibles, déterminer si les mesures qualifiées d'aides actuelles étaient effectivement compatibles avec les réglementations sur la base desquelles elles avaient prétendument été adoptées. Pour clarifier ce point, elle a adressé une demande d'informations le 6 mars 2003.
V. POSITIONS DES DIFFÉRENTS ACTEURS
(68) Après le lancement de la procédure formelle d'examen, trois concurrents directs de CWP ainsi que CWP elle-même ont spontanément fait connaître leur position. Celles-ci sont résumées ci-dessous.
A. Position de Prayon-Rupel
(69) Prayon-Rupel a transmis une description détaillée des deux procédés de production (thermique et humide) ainsi que des produits et des marchés correspondants. En premier lieu, il doute que le processus puisse être considéré comme un plan de restructuration. Selon lui, une modification du procédé de production ne constitue pas une restructuration digne de ce nom au sens des lignes directrices communautaires de 1994. En outre, si les difficultés de l'entreprise sont dues à un problème d'approvisionnement, celui-ci ne pourrait se résoudre par une modification du procédé de production. Il n'existe par ailleurs aucun problème d'approvisionnement, dans la mesure où l'entreprise pourrait se procurer du phosphore en provenance de Chine, qui en est le plus grand producteur mondial, en lieu et place du Kazakhstan.
(70) Deuxièmement, Prayon-Rupel doute de la pertinence du plan de restructuration. Il affirme que le passage du procédé thermique au procédé humide tel qu'il est prévu dans le premier document n'est pas possible. Une telle conversion exigerait d'importants investissements, en ce compris un tout nouveau site de production, et non les maigres investissements cités par l'Allemagne. En outre, une modification du procédé de production n'accroîtrait pas la valeur du produit - cet avis est partagé par l'Allemagne. Enfin, Prayon-Rupel émet des doutes quant au retour de CWP à la rentabilité, dans la mesure où les prévisions de chiffre d'affaires reposent sur des hypothèses extrêmement optimistes et où les résultats de l'entreprise restent négatifs. Une modification du procédé de production assortie d'investissements insuffisants ne peut déboucher que sur des produits de moindre qualité, et donc sur un nouveau tassement des bénéfices.
(71) Troisièmement, Prayon-Rupel estime que CWP renforce ses capacités. D'après le premier document relatif à la restructuration, le procédé humide devrait être introduit sans abandonner le procédé thermique. Cela implique, selon Prayon-Rupel, un doublement des capacités.
(72) Quatrièmement, Prayon-Rupel estime que l'aide ne se limite pas au minimum nécessaire et que l'obligation des associés d'investir 5,11 millions EUR (10 millions de DEM) au cours du processus de privatisation n'est pas liée à la restructuration, mais revêt un caractère hypothétique et insuffisant.
(73) Enfin, Prayon-Rupel doute que le plan de restructuration sera pleinement mis en œuvre. La reprise de la production de phosphore de CWP par TI confirme déjà, selon lui, que le plan n'est pas appliqué comme prévu initialement.
B. Position de Chemische Fabrik Budenheim
A. Oetker
(74) Chemische Fabrik Budenheim A. Oetker (ci-dessous "CFB") a mis en doute, dans sa lettre du 20 août 2001, la faisabilité du plan de restructuration. Selon elle, la construction du nouveau site d'extraction ne serait pas réalisable à des coûts aussi réduits et dans des délais aussi brefs que ceux décrits par CWP. Cela s'est confirmé ultérieurement puisque, selon les informations du marché, le site thermique de CWP a été arrêté et les travaux de construction du nouveau site d'extraction ont été interrompus. CFB estime que les frais de construction de la nouvelle installation ont été sous-évalués et que CWP ne dispose pas du savoir-faire nécessaire pour se lancer dans un nouveau procédé de fabrication d'acide phosphorique. Par ailleurs, CWP omet de mentionner de quelle manière seront retraités les coproduits toxiques générés par le nouveau mode de production. CFB constate en outre que TI produit avec succès de l'acide phosphorique au moyen du procédé thermique, ce qui contredit l'argument selon lequel une modification du procédé de production est nécessaire pour ramener CWP à la rentabilité. CFB doute de l'existence de problèmes d'approvisionnement en phosphore élémentaire, auquel cas la production d'acide phosphorique sur le nouveau site ne réduirait pas les frais de préfinancement.
(75) CFB constate en outre que l'étroite collaboration entre CWP et TI, qui se traduit notamment par l'accord de cession du secteur des phosphates à TI et par le droit pour TI, après un certain délai, de reprendre ce secteur d'activité à CWP, soulève la question de savoir si, en définitive, l'aide ne profite pas à TI.
(76) Enfin, CFB signale que CWP est soutenu financièrement par ses associés, au premier chef desquels se trouvent BVT Industrie GmbH et TI. La situation des fonds propres de CWP devrait donc être prise en considération lorsque des aides lui sont consenties.
C. Position de BK Giulini
(77) BK Giulini indique dans sa lettre du 26 septembre 2001 que CWP ne dispose d'aucun plan de restructuration et que le projet est insuffisant et disproportionné. La modification du procédé de production ne serait pas nécessaire et serait irréalisable d'un point de vue technique et économique. Du fait qu'en outre CWP ne prévoit pas d'abandonner la méthode de production thermique, ces mesures constituent des aides au fonctionnement incompatibles. Les difficultés de livraison et le manque de liquidités ne sont pas des raisons suffisantes pour entamer une conversion du processus de production ou une restructuration. Les aides consenties n'ont pas été utilisées à des fins d'investissement, mais comme subventions sous forme de liquidités, ce qui a entraîné des distorsions de concurrence au sein de la Communauté. Un autre argument s'opposant aux aides accordées à CWP est la surcapacité qui prévaut sur le marché européen de l'acide phosphorique.
(78) BK Giulini constate en outre que les aides consenties par l'Allemagne n'ont clairement pas contribué à restaurer la viabilité de CWP. Malgré ces aides, l'entreprise enregistre des pertes depuis 1998. L'accord conclu entre CWP et TI confirme l'échec total des mesures de restructuration.
(79) Selon BK Giulini, TI est en outre le véritable bénéficiaire des aides.
D. Position de CWP
(80) Dans ses lettres du 21 septembre 2001 et du 6 février 2002, l'Allemagne a transmis la réaction de CWP au lancement de la procédure formelle d'examen. Dans celle du 8 octobre 2002, dans laquelle elle communiquait la réponse de CWP aux positions des tierces parties susmentionnées, celui-ci est revenu sur les doutes émis par la Commission lors du lancement de la procédure formelle d'examen et par toutes les autres parties impliquées.
(81) Concernant l'existence d'un projet de restructuration, CWP explique que ce dernier poursuivait globalement deux objectifs : la diversification de la gamme de produits dans le secteur des phosphates et l'élargissement de la base de matières premières par le biais de solutions de remplacement bon marché au phosphore. Rien n'a changé quant à ces objectifs durant l'ensemble du processus de restructuration, même si le projet a en effet été modifié à plusieurs reprises.
(82) Concernant les doutes quant à la viabilité des mesures de restructuration, CWP estime que l'élargissement de la gamme de produits dans le secteur des phosphates peut être atteint via l'installation d'un nouveau dessiccateur à lit fluidisé pour la production de phosphate anhydre. Concernant le deuxième objectif d'élargissement de la base de matières premières, CWP constate que le site d'extraction permet de fabriquer les mêmes produits dans les mêmes quantités et à moindre coût qu'avec le procédé thermique, sans devoir dépendre de tiers pour la livraison de phosphore élémentaire.
(83) Concernant la remarque de CFB selon laquelle TI produit avec succès de l'acide phosphorique selon le procédé thermique, CWP explique que TI ne dépend pas de la livraison de phosphore élémentaire car il produit le sien lui-même. TI pourrait également maîtriser, notamment, ses coûts d'électricité (qui forment la majeure partie des coûts de production de phosphore élémentaire), dans la mesure où l'un de ses associés exploite une centrale nucléaire, ce qui lui permet d'obtenir l'électricité à des tarifs avantageux. TI se trouverait donc dans une tout autre situation que CWP.
(84) Concernant les doutes exprimés quant au succès du projet de restructuration, CWP explique que les mesures prises constituent une restructuration classique d'entreprise. La construction des deux sites aurait été une décision prometteuse. L'objectif visé par la construction du site d'extraction était essentiellement de réduire de 7 % les coûts de production par rapport au procédé thermique et de parvenir à un rendement net sur capital de 23 %. Les premiers tests ont indiqué que le site d'extraction permettrait de produire de l'acide phosphorique de même qualité qu'avec le procédé thermique. CWP constate en outre que d'autres concurrents, notamment Prayon-Rupel, ont annoncé la construction d'un site d'extraction six fois plus grand que son propre site. Les retards pris dans la construction de celui-ci seraient dus à des problèmes de livraison et non au caractère prétendument irréalisable de l'installation. Le site serait à présent prêt à 90 %, et une entreprise aurait montré son intérêt pour une licence relative au savoir-faire.
(85) CWP estime en outre qu'il n'existe aucune distorsion de concurrence. Elle signale que CRU International Ltd a prévu, dans une mise à jour de l'étude "The Market for Industrial and Food Phosphates" portant sur la période 1998-2002, que, si l'industrie dans son ensemble disposait sans doute en 2003 de capacités suffisantes pour satisfaire la demande, des déséquilibres régionaux non négligeables subsisteraient et qu'il faudrait les combler. La surcapacité dans la production des phosphates industriels et alimentaires n'existe que sur papier du fait que, selon ce rapport, les installations sont en très mauvais état et doivent être rénovées. Par ailleurs, la part de marché de CWP sur les marchés concernés, telle qu'elle est décrite aux considérants 62 et 63, est insignifiante. CWP n'aurait en outre jamais vendu à des prix inférieurs à ceux du marché.
(86) CWP constate en outre que BK Giulini n'est pas un concurrent direct. L'entreprise, qui produit des phosphates spéciaux, aurait acheté en 2000 plus de deux tiers de la production de phosphates de CWP et se serait montrée intéressée par la reprise de son secteur de production d'acide phosphorique et de phosphate. CWP estime que les aides n'ont pas eu la moindre incidence sur BK Giulini.
(87) Concernant la contribution propre à la restructuration, CWP constate que l'entreprise n'était pas en mesure, en raison du coût élevé des matières premières, de financer cette restructuration exclusivement sur fonds propres. Elle y a néanmoins apporté une contribution substantielle. Selon les données fournies par CWP, les investissements privés s'élevaient à 5,11 millions EUR (10 millions de DEM). Tous les prêts qui lui ont été consentis - en ce compris ceux assurés par des cautionnements de la BvS et du Land - devraient être considérés comme une contribution propre à la restructuration, car CWP a versé les intérêts et en prévoit le remboursement au moyen des recettes dégagées par la vente du site de production de phosphates à TI.
(88) Concernant l'identité des destinataires des aides, CWP constate que l'entreprise n'a pas été intégrée à TI. Après la vente du secteur des phosphates à TI, le site de CWP abritera deux entreprises indépendantes : TI s'occupera du secteur des phosphates et CWP de la production d'acide phosphorique. Contrairement aux dires de CFB, CWP n'a jamais livré d'acide phosphorique thermique à TI. CWP serait en outre l'unique bénéficiaire des aides.
VI. POSITION DE L'ALLEMAGNE
(89) Dans sa réponse au lancement de la procédure formelle d'examen, l'Allemagne a transmis les informations décrites aux considérants 42 à 44 concernant la modification du projet de restructuration. Elle a également fourni des renseignements concernant toutes les mesures financières publiques déployées pour l'entreprise durant la privatisation et la restructuration, telles qu'elles sont décrites aux considérants 17 à 34. De même, les informations fournies aux considérants 50 à 57 concernant la contribution propre à la restructuration ainsi que les rapports d'activité de l'entreprise pour les exercices 1994-2000 et les données relatives aux marchés ont été communiqués. Concernant les positions des tierces parties, l'Allemagne renvoie aux réactions de CWP, qui ont été transmises par sa lettre du 8 octobre 2002.
(90) Dans sa réponse à la demande d'informations, l'Allemagne a présenté ses arguments relatifs à la compatibilité des mesures d'aide existantes avec la réglementation sur laquelle elles devaient reposer. Elle s'est en outre prononcée pour une scission de la procédure entre le secteur des phosphates, qui a selon elle été restructuré avec succès, et les autres secteurs d'activité de CWP, à savoir essentiellement la production d'acide phosphorique au moyen du site d'extraction, qui devraient fonctionner correctement dès que TI aura payé la partie du prix d'achat encore due.
VII. APPRÉCIATION
A. Introduction
(91) Certaines des mesures qui font l'objet de cette appréciation ont déjà été examinées dans la décision précédente, qui a été annulée par le Tribunal de première instance; certaines d'entre elles avaient été déclarées conformes à l'article 93, paragraphe 3, du traité CE (à présent l'article 88, paragraphe 3, du traité) au début du projet, tandis que d'autres avaient été appliquées avant toute décision de la Commission. D'autres mesures n'ont pas été examinées dans le cadre de la décision annulée ou ont été prolongées ou complétées après que celle-ci a été rendue.
(92) Pour l'examen des différentes mesures, la Commission se placera dans la situation qui prévalait au moment de la première décision pour les mesures déclarées et se concentrera sur la période durant laquelle les mesures de soutien financier ont été consenties pour les mesures non déclarées. Elle doit cependant entreprendre une évaluation globale de la restructuration qui tienne compte de tous les développements pertinents jusqu'au moment où les dernières mesures ont été prises.
B. L'entreprise concernée
(93) À la suite de la demande d'informations, l'Allemagne a transmis des renseignements détaillés concernant la structure d'entreprise de CWP. Il en ressort qu'avec le groupe Vopelius - en ce compris M. Vopelius -, qui détient 75,2 % du capital, CWP occupait 100 travailleurs, que ses avoirs s'élevaient à 25,81 millions EUR (50,48 millions de DEM) et que son chiffre d'affaires atteignait 22,36 millions EUR (43,73 millions de DEM) en 2002. Les seuils définis dans la recommandation 96/280/CE de la Commission du 3 avril 1996 concernant la définition des petites et moyennes entreprises (15) ne sont donc pas dépassés.
(94) Concernant le groupe BVT, qui détient les 24,8 % des parts restants, l'Allemagne indique qu'il doit être considéré comme un investisseur institutionnel, car il ne fournit que du capital à risque sans exercer de contrôle sur la gestion opérationnelle de CWP, qui peut par conséquent être classée dans la catégorie des PME. Pour les exercices antérieurs à 1997 (la première année pour laquelle des chiffres complets sont disponibles), CWP a également rempli les critères de classification dans la catégorie des PME.
(95) La Commission constate que, sur la base des informations disponibles, aucune mesure de financement d'origine publique ne semble avoir été consentie à CWP après la conclusion du contrat avec TI en février 2001. Elle a en outre pris connaissance de l'expertise produite par AnChem Consult et transmise par l'Allemagne, selon laquelle : 1) le contrat a été conclu au terme d'une procédure ouverte et transparente durant laquelle toutes les entreprises européennes actives sur le marché concerné ont eu l'occasion de soumettre une offre; 2) l'offre de TI a été retenue parce qu'elle était la meilleure et la plus avantageuse économiquement; et 3) le prix d'achat correspondait au prix du marché. La Commission est donc d'avis que les aides d'État octroyées à CWP n'ont profité à TI ni directement, ni indirectement.
C. Les aides existantes
(96) Plusieurs mesures constituent apparemment une aide existante et ne doivent pas être à nouveau appréciées par la Commission. Leur compatibilité avec la réglementation sur laquelle elles sont supposées se fonder doit en revanche être contrôlée.
(97) Mesures 1, 2 et 3 : puisque l'entreprise employait environ 70 personnes au moment de la privatisation, toutes les aides accordées dans ce contexte tombent, selon l'Allemagne, sous le coup du régime de la THA N 768/94 (16). La Commission reconnaît que l'entreprise employait moins de 250 personnes au moment de cette privatisation. Ces mesures ne devaient donc pas être notifiées à la Commission et sont à ranger dans la catégorie des aides existantes.
(98) Mesure 1a : puisque l'octroi du cautionnement tombe sous le régime de la THA, la possibilité d'une conversion de ce cautionnement en un prêt ou une subvention a été envisagée dès le début, car l'entreprise connaissait déjà des difficultés. Une telle possibilité a été unanimement reconnue dans les trois régimes de THA, qui forment la base juridique de l'octroi d'un cautionnement. Dans la décision E 15/92 sur le régime de la THA, il est expressément stipulé que les prêts et les cautionnements consentis par la THA sont de plus en plus fréquemment voués à se transformer en subventions (17). La conversion du cautionnement en prêt ou en subvention était déjà couverte par le régime de la THA et ne peut donc être considérée comme une nouvelle aide.
(99) Mesures 9 et 10 : après le lancement de la procédure formelle d'examen, l'Allemagne a indiqué pour la première fois que ces cautionnements avaient été effectués sur la base d'un programme relatif au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté approuvé par la Commission (18). Cette dernière constate que toutes les conditions préalables relatives à l'attribution d'un cautionnement contenues dans ce programme avaient été remplies dans le cas présent. Il est à noter que le règlement a été introduit avant l'entrée en vigueur des lignes directrices communautaires de 1994 et que ces dernières n'exigeaient pas des États membres qu'ils mettent leurs réglementations existantes en matière d'aide en conformité avec les nouvelles dispositions (voir le paragraphe 2.5 des lignes directrices communautaires de 1994). Qui plus est, la Commission n'a pas examiné le règlement en question après l'entrée en vigueur de ces lignes directrices. Cela explique pourquoi les mesures 9 et 10 correspondent au programme de sauvetage et de restructuration, mais ne sont pas conformes auxdites lignes directrices. Il s'ensuit qu'elles peuvent être classées comme aides existantes qui ne doivent pas faire l'objet d'une nouvelle appréciation.
(100) Mesure 11 : des primes fiscales à l'investissement d'une valeur de 1,94 million EUR (3,8 millions de DEM) ont été accordées sur la base d'un programme d'aide approuvé par la Commission en tant qu'aide régionale à l'investissement (19). Dans sa réponse à la demande d'informations, l'Allemagne a expliqué qu'elle garantissait que les règlements sur le cumul avaient été respectés lors de l'octroi des aides régionales à CWP et que les intensités d'aide régionale maximale pour les PME l'avaient également été. La Commission considère donc la mesure comme une aide existante. Qui plus est, la mesure d'aide n'avait pas été enregistrée lors du lancement de la procédure formelle d'examen.
(101) Mesure 12 : des primes fiscales à l'investissement d'une valeur de 0,36 million EUR (0,7 million de DEM) ont été octroyées sous forme d'incitation régionale à l'investissement sur la base du programme d'aide approuvé par la Commission. Dans sa réponse à la demande d'informations, l'Allemagne a expliqué qu'elle garantissait que les règlements sur le cumul avaient été respectés lors de l'octroi des aides régionales à CWP et que les intensités d'aide régionale maximale pour les PME l'avaient également été. La Commission considère donc la mesure comme une aide existante. Qui plus est, la mesure d'aide n'avait pas été enregistrée lors du lancement de la procédure formelle d'examen.
(102) La Commission estime donc, sur la base des informations disponibles, que les mesures 1 (y compris 1a), 2 et 3 ainsi que les mesures 9, 10, 11 et 12 constituent des aides existantes qui ne doivent pas faire l'objet d'une nouvelle appréciation de sa part. Leurs valeurs seront néanmoins prises en considération au moment d'évaluer le caractère proportionné de l'aide globale.
D. Autres aides d'État au titre de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE
(103) Conformément à l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, les aides, quelles qu'elles soient, qui faussent ou menacent de fausser la concurrence au travers d'avantages accordés à certaines entreprises sont incompatibles avec le Marché commun dans la mesure où elles affectent les échanges entre les États membres. Les mesures financières adoptées au profit de CWP ont procuré à l'entreprise des avantages qu'une entreprise en difficulté sur le marché n'aurait pas dû recevoir. Il est rappelé que CWP était proche du dépôt de bilan en 1997 et qu'aucun investisseur privé n'était prêt à l'époque à lui procurer les fonds dont elle avait besoin. Puisque les produits fabriqués par CWP sont également commercialisés dans d'autres États membres et que des concurrents de CWP sont présents dans ces derniers, ces mesures menacent de fausser la concurrence et affectent les échanges entre les États membres.
(104) Les mesures sont financées sur des fonds publics et sont consenties par la THA/BvS ou par le Land de Saxe- Anhalt. La THA était un organisme de droit public chargé de la privatisation des entreprises publiques de l'ancienne République démocratique allemande et était sous la responsabilité directe du ministère allemand des Finances. La BvS, qui a succédé à la THA, est également un organisme de droit public. Les mesures prises sont donc imputables à l'État. Elles constituent une aide d'État au titre de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE et doivent dès lors être considérées comme telles.
(105) Mesures 4, 5, 6, 7 et 8 : ces mesures, c'est-à-dire la remise du prix d'achat et des intérêts accumulés, des subventions à l'investissement ainsi que des deux cautionnements de 20 % couverts par la BvS, ont été consenties en dehors des règlements relatifs aux aides. Elles constituent donc une aide ad hoc et doivent être considérées comme telles. Ce point n'est pas contesté par l'Allemagne.
(106) Mesures 7a/8a : d'après l'Allemagne, la prolongation des cautionnements et leur conversion ultérieure en prêts et en subventions ne doivent pas être considérées comme de nouvelles aides. Cet élément n'aurait cependant été pertinent que si les mesures 7 et 8 avaient été des aides existantes, ce qui n'est pas le cas. Puisque ces deux mesures doivent être considérées comme des aides ad hoc, les mesures 7a et 8a sont incluses dans l'appréciation de compatibilité en tant que parties des mesures 7 et 8.
(107) Les cautionnements consentis dans le cadre de la mesure 7 (y compris 7a) et de la mesure 8 (y compris 8a) ont permis à CWP d'obtenir des prêts à des conditions plus favorables que celles proposées habituellement sur les marchés financiers. La Commission considère la différence entre le taux d'intérêt dont CWP aurait dû s'acquitter pour un prêt aux conditions du marché (c'est-à-dire en l'absence de cautionnement) et celui auquel le prêt avec cautionnement a effectivement été consenti comme un élément d'aide du cautionnement dans le cadre des mesures 7 et 8. Puisque CWP se trouvait dans de sérieuses difficultés financières au moment où les cautionnements lui ont été consentis et où les prêts lui ont été octroyés, l'élément d'aide pourrait atteindre jusqu'à 100 % des cautionnements, puisque personne n'aurait consenti de prêts sans cautionnement. Selon la communication de la Commission concernant la méthode de fixation des taux de référence et d'actualisation (20), les taux de référence devraient refléter la valeur moyenne des taux d'intérêt ayant cours sur le marché pour les prêts à moyen et à long terme assortis des sécurités d'usage. La communication stipule en outre que le taux de référence ainsi déterminé est un taux minimal qui peut être revu à la hausse en cas de risques particuliers (par exemple une entreprise en difficulté). Dans un tel cas de figure, la majoration peut se situer aux alentours de 400 points de base, voire plus. Dans le cas présent, la Commission estime dès lors que, sans les cautionnements, CWP aurait dû s'acquitter d'un taux d'intérêt supérieur au minimum de 400 points de base au taux de référence. L'élément d'aide de chaque cautionnement correspond dès lors à la différence entre le taux d'intérêt de référence majoré de 400 points de base et le taux d'intérêt auquel le prêt assuré par le cautionnement a été consenti.
(108) On peut appliquer un raisonnement identique à la conversion des cautionnements en prêts de la BvS. La Commission estime que les prêts ont été assortis d'un taux d'intérêt inférieur à celui dont aurait bénéficié CWP sur le marché. L'élément d'aide du prêt de la BvS dans le cadre de la mesure 7 (y compris 7a) et de la mesure 8 (y compris 8a) correspond donc à la différence entre le taux d'intérêt qu'aurait obtenu CWP sur le marché pour un tel prêt et celui auquel le prêt a été consenti par la BvS. La Commission estime que CWP aurait dû s'acquitter d'un taux d'intérêt supérieur au minimum de 400 points de base au taux de référence. L'élément d'aide de chaque prêt correspond dès lors à la différence entre le taux d'intérêt de référence majoré de 400 points de base et le taux d'intérêt auquel le prêt a effectivement été consenti.
E. Compatibilité
(109) Les mesures 4, 5, 6, 7 (y compris 7a) et 8 (y compris 8a) doivent être considérées comme des aides ad hoc par la Commission. Les paragraphes 2 et 3 de l'article 87 du traité CE prévoient des exceptions à l'interdiction générale d'aides énoncée au paragraphe 1 de ce même article.
(110) Les exceptions prévues à l'article 87, paragraphe 2, du traité CE ne s'appliquent pas au cas présent, car il ne s'agit ni d'aides d'État à caractère social accordées à des consommateurs individuels, ni d'aides destinées à remédier aux dommages causés par des calamités naturelles ou d'autres événements extraordinaires, ni d'aides économiques aux régions allemandes affectées par la division de l'Allemagne. L'Allemagne n'a pas fait valoir ces exceptions.
(111) L'article 87, paragraphe 3, points a) et c), du traité CE prévoit d'autres exceptions. Puisque le principal objectif des aides n'est pas le développement régional, mais le retour à la rentabilité à long terme d'une entreprise en difficulté, les aides à la restructuration ne sont pas acceptables dans le cas présent. Elles sont essentiellement justifiées par les exceptions prévues à l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE.
(112) Pour l'examen des aides au sauvetage et à la restructuration, la Commission a rédigé les lignes directrices communautaires de 1994 (21), qui s'appliquent au cas présent (22). Les conditions préalables à leur application sont examinées ci-dessous.
(113) La Commission considère qu'aucune autre base ne permet de déterminer la compatibilité des aides, et en particulier aucun des cadres communautaires relatifs par exemple à la recherche et au développement, à la protection de l'environnement, aux petites et moyennes entreprises, à l'emploi et à la formation ou au capital à risque.
Éligibilité de l'entreprise
(114) Selon le paragraphe 2.1 des lignes directrices communautaires de 1994, la faiblesse financière des entreprises qui bénéficient d'aides à la restructuration résulte de l'insuffisance des performances passées et de perspectives d'avenir défavorables. Parmi les symptômes typiques figurent une baisse de la rentabilité ou une augmentation des pertes, un chiffre d'affaires à la baisse, une accumulation des stocks, une surcapacité, une baisse de la marge brute d'autofinancement, une hausse de l'endettement et des charges financières ainsi qu'un tassement de la valeur comptable nette.
(115) À l'heure de l'octroi des aides, CWP enregistrait des pertes croissantes et connaissait de graves problèmes de liquidités, comme indiqué ci-dessus. La Commission considère donc qu'elle était alors une entreprise en difficulté.
Restauration de la rentabilité
(116) Une condition sine qua non à tout plan de restructuration doit être que celui-ci rétablisse la rentabilité à long terme de l'entreprise dans un délai déterminé, sur la base de projections réalistes concernant son évolution future. Il s'ensuit que les aides à la restructuration doivent être associées à un projet pertinent de restructuration. Le plan de restructuration prévoit en général la réorganisation et la rationalisation des secteurs d'activité sur une base plus efficace. Il convient notamment de prendre en considération les circonstances qui ont plongé l'entreprise dans ses difficultés.
(117) Dans le cas de CWP, on constate qu'une première restructuration faisant suite à la privatisation a échoué. Une deuxième restructuration sur la base des deux documents mentionnés aux considérants 40 et 41 a été entreprise en 1997. S'il existe quelques différences entre ces deux documents, la stratégie adoptée visait visiblement à introduire le procédé humide, pour lequel un site d'extraction était nécessaire, afin de pouvoir utiliser le MGA comme matière première et de réduire la dépendance face aux prix élevés du phosphore élémentaire. La qualité du principal produit fini, le phosphate, devait en outre être améliorée. Les deux objectifs sont liés l'un à l'autre : la production rentable de phosphate à partir des matières premières les plus accessibles et les moins onéreuses n'était envisageable pour CWP qu'au moyen du procédé humide. Pour déterminer si la stratégie de 1996 était applicable, il faut évaluer les mesures prévues pour l'introduction du procédé humide.
(118) Comme l'indique l'expertise de Prayon-Rupel, le nouveau mode de production ne peut être introduit au moyen de simples modifications des installations actuelles. Le procédé humide nécessite des installations tout à fait différentes de celles utilisées pour le procédé thermique, ainsi notamment qu'un traitement préalable et postérieur du produit comprenant la défluoration, la concentration, la décoloration, etc. La stratégie de 1996 ne prévoyait cependant aucune de ces étapes. L'étape de prétraitement a été introduite en décembre 1997, alors que le projet était déjà entamé et après que les tests en laboratoire en eurent révélé la nécessité. Ces tests auraient dû être réalisés avant le lancement du projet, afin de servir de base au calcul des frais globaux. L'étude DLM de novembre 1997 sur le caractère réalisable de l'installation mentionne également la nécessité de prétraiter l'acide phosphorique, dans l'hypothèse de la mise en œuvre du procédé humide. Cette étude aurait dû être élaborée avant le déploiement du plan de restructuration et être intégrée à la base d'évaluation des prix et du financement de la restructuration. Le post-traitement n'a quant à lui été introduit qu'au début de l'année 1999, même si CWP affirme qu'il ne s'est avéré nécessaire qu'en raison de l'incapacité de son fournisseur à fournir de l'acide de qualité appropriée. La Commission ne saurait cependant partager cet avis : le contrat entre CWP et son fournisseur date de juillet 1998, alors que le projet a été élaboré en 1996. Il aurait donc dû apparaître clairement dès 1996 qu'une phase de post-traitement serait nécessaire, en particulier pour obtenir des produits d'un degré élevé de pureté pour l'industrie alimentaire, comme le prévoyait CWP. Le prétraitement et le post-traitement des produits présupposent en outre des installations plus grandes, comme l'a constaté CWP en 1999. Cela aurait également dû être prévu dès le début.
(119) Les documents datant de 1996, qui étaient à l'origine du projet de restructuration, ne prévoyaient en outre aucune solution adéquate concernant le raffinat extrêmement toxique. Il n'en est fait mention nulle part, pas même dans la déclaration de 1997. L'étude DLM de novembre 1997 sur le caractère réalisable du site d'extraction indique que le phosphate collecté sur le raffinat (qui contient de l'acide phosphorique) présentait une teneur trop élevée en métaux et qu'il conviendrait de définir ce qu'est un taux acceptable. En d'autres termes, elle soulignait un problème ainsi qu'une piste éventuelle pour le résoudre, mais n'offrait aucune véritable solution. CWP a certes espéré par la suite pouvoir vendre le raffinat, mais a dû constater qu'il n'existait aucune demande en la matière, ce qui a contribué à la grave crise financière de 2000. Il aurait dû être clair dès la phase de conception en 1996 qu'une solution devait être trouvée pour le raffinat toxique. Si cette solution passait par une vente, il aurait fallu déterminer, à l'aide d'une étude de marché, si elle était envisageable. Le problème n'est cependant pas abordé une seule fois dans les documents de 1996 et 1997.
(120) En raison de la planification insuffisante des étapes nécessaires pour atteindre l'objectif recherché, les coûts de l'ensemble du programme d'investissement, et en particulier du site d'extraction, ont été clairement sous-estimés. L'Allemagne ne partage cependant pas cet avis et a présenté une étude de DLM sur les coûts du site d'extraction. Ce document de quatre pages, qui se base sur des calculs théoriques devant être corroborés au moyen de tests pratiques, est une simple énumération des coûts de production d'acide phosphorique via le procédé humide. Il ne prend pas en considération les coûts liés à la construction du site proprement dite. Cela ne modifie donc en rien l'appréciation selon laquelle les coûts du programme d'investissements, et en particulier du site d'extraction, n'ont pas été calculés avec suffisamment de soin lors de l'élaboration de la stratégie de restructuration. Cela s'est confirmé par la suite, car les coûts ont été fortement sous-estimés. Le site d'extraction prévu en 1996 pour 3,07 millions EUR (6 millions de DEM) avait généré jusqu'en 2000-2001, au moment où les travaux ont été interrompus en raison d'un manque de liquidités, des dépenses s'élevant à 7,72 millions EUR (15,1 millions de DEM). La valeur totale des investissements, estimée en 1996 à 7,67 millions EUR, s'élevait en 2000-2001 à 17,93 millions EUR.
(121) Les lacunes dans la planification des mesures de restructuration et des coûts d'investissement ont inévitablement eu pour conséquence que le site d'extraction n'a pas été achevé pour 1998 et que CWP n'a pas retrouvé sa rentabilité à long terme à partir de 2000, comme prévu initialement. En 2000, l'entreprise n'avait remboursé aucun des prêts qui lui avaient été consentis; le site d'extraction était loin d'être achevé, et CWP dépendait toujours du phosphore élémentaire et risquait le dépôt de bilan. On peut donc en déduire qu'en 2000 la stratégie de restructuration de 1996 avait échoué.
(122) L'Allemagne est cependant d'un autre avis. Elle estime qu'en évitant la faillite en cédant son secteur des phosphates à TI, CWP a réussi la restructuration de ce secteur industriel. Elle ajoute que celle du secteur de l'acide phosphorique sera achevée avec succès dès que TI aura payé le restant du prix d'achat, car CWP terminera alors son nouveau site d'extraction et pourra retrouver sa rentabilité. Pour étayer cette affirmation, l'Allemagne a présenté le rapport d'un expert, M. Scheibitz, daté du 25 juillet 2000. Elle arrive à la conclusion que la stratégie de départ a été une réussite et que, même si la Commission ne partage pas cet avis, les modifications du projet de base ont assuré la viabilité de CWP.
(123) La Commission ne saurait partager cet avis. Tout d'abord, la restructuration de CWP ne peut être scindée en deux domaines d'activité (phosphates et acide phosphorique) : il s'agit d'une seule et même entreprise qui a connu des difficultés et pour laquelle une stratégie de restructuration a été imaginée. En outre, les restructurations des deux secteurs sont liées : une production efficace de phosphates n'était possible que si CWP pouvait s'appuyer sur une production rentable d'acide phosphorique. Quand bien même l'entreprise a élargi sa gamme de produits et amélioré potentiellement la qualité de ses phosphates, une production efficace n'a été possible à aucun moment, car la dépendance par rapport au phosphore élémentaire perdurait. Le fait que CWP se soit retiré de son marché traditionnel en cédant son secteur des phosphates en vue d'éviter la faillite ne peut être considéré comme une restructuration fructueuse, mais est une preuve de l'échec du projet d'origine. Il convient en outre de constater que la restructuration n'est pas encore achevée. Le site d'extraction, dont la construction devait être terminée en 1998, c'est-à-dire avant la "cession" du secteur des phosphates à TI, n'est pas encore opérationnel, et les installations de production d'acide phosphorique au moyen du procédé thermique ont été arrêtées. La Commission ne saurait considérer cette tournure des événements comme une modification du projet de restructuration initial : il est clair qu'en 2000, la stratégie de départ était un échec total et que CWP se trouve depuis lors dans une situation totalement différente.
(124) La Commission ne peut en outre partager l'avis de l'Allemagne selon lequel la stratégie modifiée améliorerait les chances de survie de CWP. Elle constate que le rapport de M. Scheibitz, que l'Allemagne a présenté comme une preuve de la faisabilité technique du site d'extraction, met en évidence deux problèmes principaux. Premièrement, le site ne peut être exploité si le problème du raffinat n'est pas résolu. Deuxièmement, CWP n'avait apparemment pas prévu de phase pilote, qui aurait pu indiquer clairement si l'installation présentait des problèmes. Comme on pouvait s'y attendre, CWP s'est à nouveau retrouvée au bord du dépôt de bilan peu après cette expertise. D'après les informations en notre possession, le problème du raffinat n'est toujours pas résolu. Même si CWP pouvait rendre son site opérationnel, de nouveaux problèmes risqueraient de voir le jour en l'absence de phase pilote. Enfin, la Commission constate que CWP est un petit acteur sur un marché difficile, fortement concentré et dominé par de grandes entreprises, telles que Rhodia, Astaris, Prayon et TI. Il apparaît que CWP n'a pas un accès facile aux sources de financement et qu'elle souffre d'un manque chronique de liquidités. Même l'ouverture du site d'extraction ne suffirait pas à garantir sa survie.
(125) La Commission estime enfin que la stratégie de 1996 n'a pas été soigneusement planifiée, que certaines étapes faisaient défaut et que les coûts avaient été sous-estimés. Une telle stratégie ne pouvait entraîner une restauration de la viabilité à long terme. Les nombreuses modifications du projet le confirment. Il n'est dès lors pas surprenant que CWP se soit retrouvée au bord du dépôt de bilan au moment où la restructuration aurait dû avoir été conclue avec succès. La Commission est par ailleurs convaincue que la stratégie de 1996, pour laquelle les aides ont été accordées, était, en 2000, un échec total et qu'il n'existe aucune garantie quant à la survie de CWP. Il s'ensuit que les conditions préalables telles qu'elles sont définies au paragraphe 3.2.2, point i), des lignes directrices communautaires de 1994 ne sont manifestement pas remplies.
Position concernant les coûts et les besoins de la restructuration
(126) L'ampleur et l'intensité des aides doivent se limiter au minimum nécessaire à la restructuration et correspondre aux besoins estimés du point de vue communautaire. C'est pourquoi on exige normalement des destinataires d'aides une contribution substantielle au plan de restructuration, sur fonds propres ou par le biais d'un financement étranger. En outre, l'aide doit être accordée sous une forme telle que l'entreprise ne recevra pas de liquidités excédentaires qui lui permettraient d'adopter un comportement agressif et anticoncurrentiel dans des secteurs qui ne sont pas concernés par le processus de restructuration.
(127) Selon les chiffres de l'Allemagne de 1997, les coûts de la restructuration devaient s'élever au total à 12,88 millions EUR, comme indiqué dans le tableau 4. Dans sa réponse au lancement de la procédure formelle d'examen, l'Allemagne a indiqué que ces coûts atteignaient au total 18,87 millions EUR, comme mentionné dans le tableau 5.
(128) Deux postes ont été mentionnés dans la déclaration de 1997 comme contributions du bénéficiaire de l'aide : le financement d'investissements pour un montant de 5,11 millions EUR (10 millions de DEM) et la contribution des associés, d'une valeur initiale de 0,5 million EUR (0,3 million de DEM). Comme cela a été constaté lors du lancement de la procédure formelle d'examen, l'obligation d'investissement était une condition préalable à la privatisation de 1994, qui a été entreprise deux ans avant le début de la restructuration, et pas une contribution à la restructuration de 1996. En outre, cette obligation d'investissement impliquait uniquement que des investissements d'une valeur de 5,11 millions EUR soient réalisés. Elle ne peut donc pas être considérée comme une contribution des investisseurs privés à la restructuration de 1996.
(129) Les prêts assurés par des cautionnements publics ne peuvent être considérés comme des contributions de la part des investisseurs privés, comme l'affirme CWP.
(130) Dans sa réponse à la demande d'informations, l'Allemagne cite un crédit fournisseur de Vopelius comme une contribution d'investisseurs. Or, il ne s'agit pas ici d'un crédit en tant que tel, mais d'un report de paiement de plusieurs semaines pour des livraisons de matières premières par Vopelius. Le montant que l'Allemagne qualifie de contribution d'investisseur, d'une valeur de 2,75 millions EUR, correspond à la facture de Vopelius de janvier 1998. Le montant de cette facture est en diminution constante. Il s'élevait à 0,73 million EUR en janvier 1997, avant de chuter à 0,4 million EUR en avril 1997 puis de repartir à la hausse jusqu'en janvier 1998. Ce report de paiement à court terme pour des obligations qui n'ont aucun lien avec le financement des frais de restructuration ne peut être considéré comme une contribution propre à la restructuration.
(131) Les autres mesures définies par l'Allemagne comme des contributions propres dans sa réponse à la demande d'informations datent de la période postérieure à la fin 1998 et n'ont donc aucun rapport avec les aides accordées fin 1996/début 1997 ni avec le projet original de restructuration.
(132) Même si la Commission prenait en considération les coûts de restructuration programmés, tels que l'Allemagne les a indiqués à l'origine (12,8 millions EUR), et si elle considérait le capital souscrit de l'entreprise, d'une valeur de 0,29 million EUR, ainsi que les 0,15 million EUR des associés mentionnés dans la déclaration, comme des contributions propres, elle arriverait à une contribution équivalente à 3,4 % des coûts de restructuration, ce qui est clairement insuffisant, même en tenant compte de l'ancienne pratique en matière d'aides aux entreprises en vigueur dans les Länder d'Allemagne de l'Est.
(133) Il s'ensuit que la condition selon laquelle l'aide doit être proportionnelle aux coûts et aux besoins de la restructuration n'a pas été remplie. Les critères définis au paragraphe 3.2.2, point iii), des lignes directrices communautaires de 1994 n'ont visiblement pas été respectés.
Application complète du plan de restructuration
(134) Comme indiqué précédemment, le "projet de restructuration " de 1996 n'a pas été appliqué. Il en résulte que les conditions posées au paragraphe 3.2.2, point iv), des lignes directrices communautaires de 1994 n'ont, elles non plus, pas été remplies.
F. Conclusion
(135) Une évaluation ex ante indique que les aides prévues et consenties à l'origine ne remplissent pas les conditions préalables énoncées dans les lignes directrices communautaires de 1994 et qu'elles ne peuvent donc pas être considérées comme compatibles avec les règles du Marché commun. Il convient par ailleurs de constater que des événements ultérieurs - survenus aussi bien durant la période d'application des nouvelles mesures qu'après l'application des dernières mesures - confirment cette conclusion : il ressort clairement que la stratégie de départ pour laquelle les aides ont été consenties a échoué et que l'avenir de l'entreprise est extrêmement incertain.
(136) La Commission considère donc les aides accordées à CWP comme incompatibles avec le Marché commun. Conformément à l'article 14 du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil (23), la Commission décide, en cas de décision négative concernant une aide illégale, que l'État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer le montant de l'aide, sauf si cette démarche va à l'encontre d'un principe général de droit communautaire.
(137) Dans le cas présent, toutes les mesures d'aide, y compris celles déclarées initialement, ont été accordées sans être approuvées par une décision valide de la Commission. Ces aides doivent dès lors être considérées comme illégales. Étant donné que la précédente décision a été juridiquement contestée dans le respect des délais et qu'elle a été cassée par le Tribunal de première instance, les principes généraux du droit communautaire, et en particulier ceux de la sécurité juridique et de la confiance légitime, n'excluent pas le remboursement. Cela est conforme à la jurisprudence des tribunaux communautaires en la matière (24). Sans cela, le contrôle de la légalité des actes juridiques adoptés par les organes communautaires, tel que l'exercent les juges communautaires conformément à l'article 220, à l'article 230, paragraphe 1, et à l'article 233 du traité CE, perdrait toute efficacité pratique (25). Sur ce point, aucune distinction ne peut être établie entre les mesures d'aide initialement déclarées et celles octroyées illégalement depuis lors.
(138) La Commission estime dès lors que l'Allemagne devrait obliger le destinataire des aides à rembourser les montants qu'il a perçus à ce titre, intérêts compris, dans les deux mois suivant cette décision. Elle considère en outre comme indispensable que l'Allemagne transmette, dans le même délai, les documents qui prouvent qu'une procédure de remboursement a été entamée à l'encontre du destinataire des aides illégales (comme des circulaires administratives ou des ordres de remboursement).
A arrêté la présente décision :
Article premier
L'aide d'État accordée par l'Allemagne à Chemische Werke Piesteritz est incompatible avec le Marché commun.
Cette aide comprend les mesures suivantes :
1) mesure 4 : remise du prix d'achat pour un montant de 3 181 769 EUR;
2) mesure 5 : remise des intérêts liés au prix d'achat jusqu'à la fin 1996 pour un montant de 237 239 EUR;
3) mesure 6 : subvention à l'investissement pour un montant de 1 799 747 EUR;
4) mesure 7 (y compris 7a) : cautionnement/prêt de la BvS pour un montant de 644 228 EUR. L'élément d'aide du cautionnement correspond à la différence entre le taux d'intérêt de référence majoré de 400 points de base et le taux d'intérêt auquel le prêt assuré par le cautionnement a été consenti. L'élément d'aide du prêt correspond à la différence entre le taux d'intérêt de référence majoré de 400 points de base et le taux d'intérêt auquel le prêt a été consenti par la BvS;
5) mesure 8 (y compris 8a) : cautionnement/prêt de la BvS pour un montant de 869 196 EUR. L'élément d'aide du cautionnement correspond à la différence entre le taux d'intérêt de référence majoré de 400 points de base et le taux d'intérêt auquel le prêt assuré par le cautionnement a été consenti. L'élément d'aide du prêt correspond à la différence entre le taux d'intérêt de référence majoré de 400 points de base et le taux d'intérêt auquel le prêt a été consenti par la BvS.
Article 2
1. L'Allemagne prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de son bénéficiaire l'aide visée à l'article 1er et déjà illégalement mise à sa disposition. Le prêt consenti dans le cadre de la mesure 7 (y compris 7a) et celui consenti dans le cadre de la mesure 8 (y compris 8a) cessent d'être mis à disposition dans les deux mois suivant la notification de la présente décision.
2. La récupération a lieu sans délai conformément aux procédures du droit national, pour autant qu'elles permettent l'exécution immédiate et effective de la présente décision. Les aides à récupérer comprennent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition du bénéficiaire jusqu'à la date de leur récupération. Ces intérêts sont calculés conformément aux dispositions du chapitre V du règlement (CE) n° 794-2004 de la Commission (26).
Article 3
L'Allemagne informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la présente décision, des mesures qu'elle a prises pour s'y conformer.
Elle utilise pour ce faire le questionnaire joint en annexe. Elle soumet en particulier à la Commission tous les documents prouvant qu'une procédure de récupération a été entamée à l'encontre du destinataire de l'aide illégale.
Article 4
La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.
Notes
(1) JO C 226 du 11.8.2001, p. 2.
(2) JO C 51 du 18.2.1998, p. 7.
(3) Arrêt du Tribunal de première instance du 15 mars 2001, aff. T- 73-98, Société chimique Prayon-Rupel SA/Commission des Communautés européennes, Rec. 2001, p. II-867.
(4) Voir note de bas de page 1.
(5) En 1998, CWP a modifié sa méthode de présentation des comptes. Les chiffres relatifs à l'exercice 1998 correspondent à la période octobre-décembre 1998.
(6) Dans le cadre de la demande d'informations, l'Allemagne a informé la Commission que CWP était détentrice à 100 % d'une filiale, KEB Kali Elektrolyse GmbH, Bitterfeld. Cette filiale avait été fondée en 1998 en vue d'exploiter une usine d'électrolyse de potasse. Cette opération n'ayant pas fonctionné, l'entreprise a été rebaptisée Vopelius- Bioprodukte GmbH et vendue ensuite à Vopelius Chemie AG.
(7) http://www.bvt.de/
(*) Des parties de ce texte ont été omises afin de garantir qu'aucune information confidentielle ne soit communiquée. Ces parties sont indiquées entre crochets, suivis d'un astérisque.
(8) http://europa.eu.int/comm/competition/state_aid/others/ reference_rates.html
(9) Registre des négociations de la BvS déclarées comme clôturées en août 1999, n° 33. La transaction s'est effectuée à condition qu'un nouveau partenaire de CWP fournisse un apport de capitaux de 2,05 millions d'euro (4 millions DEM) sous forme de liquidités.
(10) Expertise "Reinigung von Nassphosphorsäure durch Flüssig-flüssig-Extraktion ", DLM, novembre 1997.
(11) "Betriebskostenabschätzung für eine Extraktionsanlage zur Extraktion von Nassphosphorsäure", DLM, septembre 1996.
(12) Annexe 42 de la lettre du 4 juillet 2003.
(13) Voir la note 3.
(14) JO C 368 du 23.12.1994, p. 12.
(15) JO L 107 du 30.4.1996, p. 4.
(16) Le considérant 3.1 du régime de la THA N 768/94 stipule que les processus de privatisation ne doivent être notifiés à la Commission que s'ils visent des entreprises qui emploient plus de 250 personnes au moment de l'opération [SG(95) D/1062 du 1.2.1995].
(17) SG(92) D/17613 du 8.12.1992.
(18) N 413/91, directive du Land de Saxe-Anhalt sur le cautionnement, SG(91) D/15633 du 8.8.1991.
(19) 26e plan-cadre, mission d'intérêt commun pour l'amélioration des structures économiques régionales, N 123/97, SG(97) D/7104 du 18.8.1997 et SG(98) D/7191 du 18.8.1998.
(20) JO C 273 du 9.9.1997, p. 3.
(21) Voir la note 14.
(22) Le point 7.5 des lignes directrices de 1999 stipule que "la Commission examinera la compatibilité avec le Marché commun de toute aide destinée au sauvetage et à la restructuration qui est octroyée sans l'autorisation de la Commission [...] sur la base des lignes directrices en vigueur au moment de l'octroi de l'aide", JO C 288 du 9.10.1999, p. 2.
(23) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1. Règlement modifié par l'acte d'adhésion de 2003.
(24) Arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 14 janvier 1997 dans l'affaire C-169-95, Royaume d'Espagne/Commission des Communautés européennes, Rec. 1997, p. I-135, et arrêt du Tribunal de première instance du 5 août 2003 dans les affaires liées T-116-01 et T-118-01, P&O European Ferries (Vizcoya), SA V, et Diputación Foral de Vizcoya/Commission des Communautés européennes, Rec. 2003, p. II-2957.
(25) Affaires liées T-116-01 et T-118-01 déjà citées, considérant 209. (26) JO L 140 du 30.4.2004, p. 1.