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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 9 novembre 2005, n° 03-09967

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

L'Etoile Auto (SARL)

Défendeur :

Sonauto (SA), Daimler Chrysler France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Conseillers :

MM. Roche, Byk

Avoués :

Mes Cordeau, SCP Taze-Bernard-Broquet, SCP Duboscq-Pellerin

Avocats :

Mes Bally, Godet, Escat

TGI Paris, du 28 févr. 2003

28 février 2003

Le 17 juin 1993 la société Etoile Auto 38 signait avec la société Sonauto, laquelle était jusqu'en 1996 l'importateur exclusif pour la France des véhicules de la marque Chrysler, un contrat de concession exclusive lui accordant la distribution des véhicules de cette marque sur le territoire de l'arrondissement de Grenoble.

Le 8 février 1996 et afin de tenir compte de l'entrée en vigueur du règlement européen n° 1475-95, un nouveau contrat était régularisé entre les parties et son article 8-4 prévoyait, notamment, la faculté pour la société Sonauto de se substituer un tiers dans l'exécution de ses obligations.

Le 22 mai suivant la société Sonauto décidait de céder son fonds de commerce à la société Chrysler France, devenue depuis Daimler Chrysler France, laquelle reprenait l'ensemble des droits de distribution des véhicules de la marque Chrysler en France.

Ultérieurement les relations contractuelles entre le concessionnaire et le nouveau concédant se sont normalement poursuivies jusqu'à ce que ce dernier informe, par lettre circulaire du 26 septembre 1997, l'ensemble de ses concessionnaires de son intention de résilier la totalité de ses contrats de concession en vigueur afin de permettre la réorganisation de son réseau.

Le 30 septembre suivant la même société Chrysler France notifiait à la société Etoile Auto la résiliation de son contrat avec un préavis d'un an.

Constatant fin 1998 qu'elle ne serait pas retenue dans le nouveau réseau de concessionnaires mis en place et estimant abusive une résiliation intervenue avec un préavis d'une seule année contrairement au droit commun de deux années la société Etoile Auto a par actes des 12 et 13 novembre 1998, fait assigner les sociétés Sonauto et Chrysler France devant le Tribunal de grande instance de Paris aux fins de leur condamnation solidaire en dommages-intérêts.

Le 17 mai 1999 l'intéressée a assigné en outre la société Chrysler Financial France avec laquelle elle avait, le 13 mars 1997, conclu un accord destiné à faciliter le financement des produits contractuels commercialisés par la société Chrysler France.

Si les deux instances ainsi engagées ont initialement fait l'objet d'une jonction le juge de la mise en état devait, par ordonnance du 7 juin 2002, constater le désistement d'instance et d'action de la société Etoile Auto 38 à l'encontre de la société Chrysler Financial France.

C'est dans ces conditions que, par le jugement présentement déféré du 28 février 2003 le tribunal saisi a :

- déclaré irrecevable la demande additionnelle de la société Etoile Auto 38 en nullité fondée sur les dispositions de la loi Doubin,

- constaté l'extinction des liens contractuels entre la société Etoile Auto 38 et la société Sonauto à compter du 22 mai 1996,

- constaté le respect par la société Daimler Chrysler France de la procédure de résiliation du contrat de concession en litige,

- débouté en conséquence la société Etoile Auto 38 de ses demandes,

- débouté la société Daimler Chrysler France de sa demande en garantie à l'encontre de la société Sonauto,

- condamné la société Etoile Auto 38 à payer à chacune des sociétés Sonauto et Daimler Chrysler France par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, une somme de 2 000 euro.

Régulièrement appelante la société Etoile Auto 38, par conclusions enregistrées le 1er août 2003, prié la cour de :

- dire et juger abusive la rupture du contrat intervenue,

- constater notamment que le délai de préavis légal n'a pas été respecté,

- condamner, en conséquence, conjointement et solidairement les sociétés Sonauto et Chrysler France à l'indemniser du préjudice subi par le règlement d'une somme en principal de 550 659,11 euro outre intérêts de droit calculés au taux légal à compter du 12 novembre 1998, date de délivrance de l'assignation initiale,

- condamner, en outre, conjointement et solidairement les mêmes à lui payer une somme de 15 244,90 euro à titre de dommages et intérêts complémentaires, outre 22 867,35 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions enregistrées le 25 novembre 2003 la société Daimler Chrysler France a demandé à la cour de :

- confirmer le jugement,

- condamner la société Etoile Auto 38 aux dépens et à lui verser la somme de 15 000 euro au titre des frais hors dépens, à litre subsidaire

- condamner - à supposer que les conditions de cession du contrat entre elle-même et la société Sonauto soient considérées comme fautives - cette dernière à supporter seule les conséquences financières de l'absence de transmission régulière du contrat de concession conclu entre celle-ci et la société Etoile Auto 38.

Par conclusions enregistrées le 24 novembre 2003 la société Sonauto a sollicité de la cour de :

- confirmer le jugement du 28 février 2003,

- constater la substitution de co-contractant réalisée à compter du 22 mai 1996 au profit de la société Daimler Chrysler France et l'extinction de tous liens contractuels entre elle-même et l'appelante,

En conséquence,

- débouter la société Etoile Auto 38 ainsi que la société Daimler Chrysler France de l'ensemble de leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées à son encontre, reconventionnellement ;

- condamner la société Etoile Auto 38 aux dépens et à lui verser la somme de 8 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce,

Considérant qu'ainsi qu'il a été ci-dessus rappelé l'article 8-4 du contrat de concession conclu entre les sociétés Sonauto et Etoile Auto conférait à cette dernière la faculté de se substituer dans les droits et obligations découlant du contrat une tierce société qui deviendrait seule responsable de la poursuite de celui-ci et ce sans que soit prévue, au profit du cocontractant, une quelconque condition d'agrément ou d'acceptation ; qu'ainsi en souscrivant le 6 février 1996 le contrat litigieux la liant à la société Sonauto l'appelante a nécessairement manifesté son consentement à toute cession ultérieure des droits et obligations y afférents par la société concédante ; que si la société Sonauto n'a informé la société Etoile Auto 38 de l'existence de pourparlers en cours entre elle-même et le groupe Chrysler au sujet de l'éventuelle reprise de son contrat de distribution que par lettre du 19 avril 1996, soit seulement un mois avant la cession effective de son fonds à la société Chrysler France, et ce alors que le contrat de concession stipulait qu'elle devait aviser son concessionnaire de la mise en œuvre de la faculté de substitution dont elle entendait se prévaloir trois mois avant l'exercice de celle-ci, il convient de relever à la fois l'absence de toute sanction contractuelle à l'obligation de respecter le délai susmentionné de trois mois et, surtout, l'accord non équivoque donné à cette substitution par l'appelante et manifesté par la poursuite des relations contractuelles avec la nouvelle société concédante pendant de nombreux mois ainsi que le révèlent les multiples commandes passées avec cette dernière et le règlement régulier des factures afférentes à celles-ci ; que, dans ces conditions, le défaut de respect dudit délai doit être regardé comme étant sans influence sur la validité du transfert du contrat de concession et son opposabilité à l'appelante ; que, par suite la société Sonauto qui n'avait désormais plus de liens contractuels avec la société Etoile Auto 38 à compter du 22 mai 1996 ne saurait, dès lors, être poursuivie en raison de la résiliation ultérieure de ce contrat par le concédant substitué ;

Considérant en revanche, que l'article 22-2 du contrat liant les sociétés Etoile Auto 38 et Daimler Chrysler France prévoyait expressément et conformément aux dispositions du règlement communautaire d'exemption n° 1475-95 du 28 juin 1995 dont il reprend les termes la possibilité d'une résiliation avec un préavis d'une année en cas de nécessité de réorganisation de l'ensemble ou d'une partie substantielle du réseau ; qu'aucune stipulation contractuelle ou disposition réglementaire ne subordonne l'exercice d'une telle faculté à la conclusion ou même à la recherche d'un accord préalable des parties quant à la nécessité ou aux modalités de la réorganisation envisagée ; qu'en l'occurrence, l'examen des pièces du dossier établit qu'à l'époque de la résiliation litigieuse les constructeurs automobiles ont tous été, en raison d'une concurrence accrue, contraints de s'orienter vers une réduction du nombre de leurs concessionnaires respectifs avec une extension corrélative des territoires concédés afin de permettre une rationalisation de la commercialisation des véhicules ; que, par ailleurs, il est également constant qu'à l'époque des faits la marque Chrysler connaissait en France une récession importante de ses ventes ; que, par ailleurs, la réorganisation mise en œuvre a présenté un caractère substantiel eu égard tant à son ampleur géographique qu'à son importance économique dès lors que tous les contrats de concession ont été résiliés et que le réseau a été réduit de 100 à 62 concessionnaires ; que, dans ces conditions, et compte tenu de l'exactitude matérielle ci-dessus démontrée du motif invoqué, la société Daimler Chrysler France n'a fait qu'exercer la faculté que lui conférait l'article 22-2 du contrat de concession qui la liait à l'appelante en procédant à la résiliation litigieuse ; que, toutefois, si celle-ci peut, même en ce cas, revêtir un caractère abusif en raison des circonstances accompagnant la rupture et révélant un manquement à la bonne foi contractuelle exigée par l'article 1134 alinéa 3 du Code civil, il ressort de l'examen des circonstances de la cause que la société Daimler Chrysler France n'a jamais créé chez son concessionnaire une confiance erronée et fallacieuse dans la poursuite de la relation contractuelle les unissant ni usé de manœuvres destinées à l'écarter de son réseau pour des motifs non objectifs ; que, par suite, n'est démontré aucun manquement de la part du concédant à son obligation de bonne foi et de loyauté contractuelle susceptible d'engager sa responsabilité vis-à-vis de son concessionnaire sur le fondement de l'article 1134 alinéa 3 susvisé ; qu'enfin l'intéressée s'est bornée à user de sa liberté de choix de nouveaux concessionnaire en ne maintenant que certains d'entre eux au sein de son réseau rénové et ce au vu de critères tenant aux seules potentialités économiques des intéressés et sans que soit démontrée l'existence d'une quelconque discrimination vis-à-vis de l'appelante ; qu'il convient, en conséquence, de débouter cette dernière de l'ensemble de ses prétentions indemnitaires en l'absence de toute faute imputable aux intimées et de confirmer, par suite, le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Considérant que l'équité commande, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société Etoile Auto 38 à verser à chacune des sociétés intimées la somme de 3 000 euro au titre des frais hors dépens ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel jugé régulier en la forme, Au fond, le rejetant, Confirme le jugement, Déboute la société Etoile Auto 38 de l'ensemble de ses prétentions, Condamne cette dernière aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des SCP Duboscq Pellerin et Taze Bernard Broquet, avoués, La condamne aussi à payer à chacune des deux sociétés intimées la somme de 3 000 euro au titre des frais hors dépens.