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Décisions

CA Caen, 3e ch. sect. 2 soc., 20 juin 2003, n° 02-02392

CAEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Luxottica France (SA)

Défendeur :

Lefebvre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Déroyer

Conseillers :

MM. Jaouen, Richez

Avocats :

Mes Delplancke, Morice

Cons. prud'h. Caen, du 5 juill. 2002

5 juillet 2002

La société Luxottica a engagé Monsieur Lefebvre à compter du 21 avril 1987 en qualité de VRP exclusif chargé de vendre des lunettes suivant une rémunération constituée par des commissions de 15 % sur le chiffre d'affaires net, ce taux pouvant être diminué dans le cas où il accorderait une remise supérieure à 15 %.

Monsieur Lefebvre a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de rappel de commissions pour les années 1995 à 2000.

Vu le jugement rendu le 5 juillet 2002 par le Conseil de prud'hommes de Caen ;

Vu les conclusions déposées le 19 mars 2003 par la société Luxottica, appelante ;

Vu les conclusions déposées le 16 mai 2003 par Monsieur Lefebvre ;

Motifs

- Sur les commissions

La rémunération contractuelle ou son mode de calcul ne peuvent être modifiés sans l'accord exprès du salarié, la seule poursuite du travail aux nouvelles conditions ne suffisant pas à établir qu'il a tacitement accepté la modification ni même l'absence de protestation.

En l'espèce Luxottica accordait des remises supérieures à 15 % aux opticiens adhérents de groupements d'achat, Monsieur Lefebvre demeurant étranger aux négociations de celles-ci sur ce point par la direction commerciale.

De fait les taux de commission étaient diversifiés, allant de 8,50 à 16,50 % du chiffre d'affaires net.

Or les clauses du contrat de travail sont claires et précises quant au mode de calcul de la rémunération et ne doivent pas être dénaturées.

Celui-ci prévoit une commission de 15 % pouvant le cas échéant être réduite si le représentant accorde une remise supérieure à 15 % à ses clients ce qui suppose que ce soit lui et non pas la direction commerciale qui prenne l'initiative d'accorder cette remise.

Ainsi les dispositions contractuelles doivent s'appliquer y compris pour les clients adhérents de centrales d'achat, dès lors que Monsieur Lefebvre n'a pas donné son accord à la modification de sa rémunération.

Les premiers juges ont fixé exactement le rappel de commissions pour la période d'octobre 1995 à octobre 2000.

La société Luxottica sera invitée à le chiffrer pour la période postérieure.

- Sur la résiliation du contrat de travail

La société Luxottica ayant imposé la modification du contrat de travail malgré le refus de Monsieur Lefebvre, celui-ci est fondé en sa demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, laquelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Elle correspond à trois mois de salaire soit le montant réclamé de 20 060,25 euro augmenté de l'indemnité de congés payés afférents.

- Sur l'indemnité de clientèle

Suivant l'article L. 751-9 du Code du travail, en cas de résiliation d'un contrat à durée indéterminée par le fait de l'employeur et lorsque cette résiliation n'est pas provoquée par une faute grave de l'employé, ainsi que dans le cas de cessation du contrat par suite d'accident ou de maladie entraînant une incapacité permanente totale de travail de l'employé, celui-ci a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui, compte tenu des rémunérations spéciales accordées en cours de contrat pour le même objet ainsi que des diminutions qui pourraient être constatées dans la clientèle préexistante et provenant du fait de l'employé.

Le développement de la clientèle s'apprécie en combinant l'accroissement en nombre et en valeur.

En l'espèce Monsieur Lefebvre justifie d'un développement en valeur du chiffre d'affaires mais ne justifie pas d'un développement en nombre de sorte qu'il ne peut prétendre à une indemnité de clientèle.

- Sur les dommages-intérêts

Monsieur Lefebvre est âgé de 59 ans et a 16 années d'ancienneté.

La société Luxottica n'alléguant pas occuper habituellement moins de onze salariés, il convient de faire application de l'article L. 122-14-4 du Code du travail et d'octroyer à Monsieur Lefebvre une indemnité de 50 000 euro.

Il convient ainsi de confirmer le jugement en y ajoutant en considération de ce qui précède. La société Luxottica sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à Monsieur Lefebvre la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement entrepris ; Y ajoutant ; Enjoint à la société Luxottica de calculer et verser à Monsieur Lefebvre le rappel de commissions pour la période du 1er novembre 2000 jusqu'à ce jour sur la base d'un taux de 15 % du chiffre d'affaires net hors taxes réalisé, augmenté de l'indemnité de congés payés de 10 % et ce sous astreinte de 50 euro par jour à compter du 45e jour suivant la notification de la présente décision ; Dit qu'en cas de difficulté la cour pourra être saisie à la requête de la partie la plus diligente ; Prononce la résolution du contrat de travail aux torts de la société Luxottica; La condamne à payer à Monsieur Lefebvre les sommes suivantes : 20 060,25 euro à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 2 006 euro au titre d'indemnité de congés payés afférents, 50 000 euro à titre de dommages-intérêts, 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Déboute Monsieur Lefebvre du surplus de ses demandes ; Condamne la société Luxottica aux dépens d'appel.