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Décisions

Cass. com., 6 décembre 2005, n° 05-10.929

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Usines Merger (SA)

Défendeur :

Giat Industries (SA), Compagnie des engrenages et réducteurs Messian Durand (SA), Foc Transmissions (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Beaudonnet

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Thomas-Raquin, Benabent, SCP Monod, Colin, SCP Baraduc, Duhamel

T. com. Versailles, 3e ch., du 6 févr. 2…

6 février 2004

LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 25 novembre 2004), que la société Usines Merger (Merger) qui fabrique et commercialise des réducteurs de vitesse, a reproché à la société Giat industries (Giat), à sa holding Gitech et à ses filiales Foc transmissions (Foc) et Compagnie engrenages et réducteurs Messian Durand (CMD) de s'être livrées sur ce marché, à partir de 1993, à des pratiques d'entente, d'abus de position dominante et de prix abusivement bas ainsi qu'à des actes de concurrence déloyale ; que, saisi pour avis par le Tribunal de commerce de Versailles le 16 février 2001, le Conseil de la concurrence (le Conseil) a, le 15 juillet 2003, conclu que les pratiques dénoncées ne contreviennent pas aux dispositions des articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5 du Code de commerce ; que par jugement du 6 février 2004, le tribunal, après avoir rejeté les demandes de la société Merger fondées sur ces dispositions du Code de commerce, a retenu que les sociétés Giat, Foc et CMD, la première cédant à la seconde à des prix anormalement bas les réducteurs qu'elle fabrique et la seconde les rétrocédant à la troisième, ont agi de façon déloyale en perturbant le marché et créant de ce fait à la société Merger un préjudice réparable sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que la société Merger fait grief à l'arrêt d'avoir, par infirmation du jugement entrepris, rejeté sa demande en responsabilité pour concurrence déloyale par la pratique de " prix anormalement bas ", alors, selon le moyen : 1°) qu'engage la responsabilité civile de son auteur pour concurrence déloyale, la pratique de prix anormalement bas rompant au profit de l'opérateur intéressé et au détriment de ses concurrents l'égalité des chances qui doit constituer la base du jeu concurrentiel propre à l'activité commerciale, même si cette pratique ne remplit pas les conditions prévues par les articles L. 420-1 et suivants du Code de commerce pour caractériser une " pratique anticoncurrentielle " ; qu'en l'espèce, en écartant toute faute délictuelle de ce chef eu égard au caractère restreint du marché et au fait que l'entreprise mise en cause constituait une " importante entreprise publique ", la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a, par là même, violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) que le fait que le Conseil ait rendu un avis écartant l'application de l'article L. 420-5 du Code de commerce, sans que cet avis soit critiqué dans le cadre précis de ce texte, n'exclut pas que le juge de droit commun saisi d'une action en concurrence déloyale doive apprécier si la pratique dénoncée ne constitue pas une faute de nature délictuelle de droit commun ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui s'est abstenue de rechercher concrètement si les prix pratiqués par la société Giat industries, via ses filiales, n'étaient pas caractéristiques d'une faute civile au titre de la concurrence déloyale en s'abritant derrière le fait inopérant que " la société Merger ne critique pas l'avis du Conseil et n'invoque aucun fait déloyal autre que la pratique de prix " anormalement bas " a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que la société Merger, concurrente des sociétés Foc et CMD sur le marché des réducteurs de vitesse, reproche sur le fondement de l'article 1382 du Code civil à la société Giat de consentir à ses filiales des prix anormalement bas ayant pour conséquence de la désavantager sur ce marché et que ce grief n'est pas différent de celui soumis à l'avis du Conseil et écarté par le tribunal sur le fondement des dispositions du Code de commerce, la cour d'appel, qui a relevé que la société Merger ne conteste plus que les pratiques qu'elle incrimine ne contreviennent pas aux dispositions des articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5 du Code de commerce, et qui a retenu que cette société n'invoque aucun fait déloyal autre qu'une pratique de prix, qualifié d'"anormalement bas", désorganisant le marché, a pu statuer comme elle a fait et a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.