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Décisions

Conseil Conc., 19 décembre 2005, n° 05-D-70

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques mises en œuvre dans le secteur des vidéos cassettes préenregistrées

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport oral de Mme Toulemont-Dakouré, par Mme Perrot, vice-présidente, présidant la séance, MM. Flichy, Honorat, Gauron, , Mmes Behar-Touchais, Renard-Payen, membres.

Conseil Conc. n° 05-D-70

19 décembre 2005

Vu la lettre enregistrée le 22 décembre 1999 sous le numéro F 1196, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les sociétés BVHE France, Carrefour SAS France, Carrefour SA, Casino Guichard Perrachon et SDO dans le secteur de la commercialisation des vidéocassettes préenregistrées ; Vu les articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002, fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce ; Vu le procès-verbal du 18 mai 2005, par lequel la société BVHE France a demandé à bénéficier des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le procès-verbal du 23 juin 2005, par lequel la société Carrefour SAS France a demandé à bénéficier des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu les observations présentées par les sociétés BVHE, Carrefour SAS, Carrefour SA, Casino Guichard Perrachon et SDO et par le commissaire du gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du gouvernement et les sociétés BVHE, Carrefour SAS, Carrefour SA, Casino Guichard Perrachon, SDO entendus lors de la séance du 19 octobre 2005 ;

Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LE SECTEUR CONCERNÉ

1. LES VIDÉOCASSETTES

1. Le produit concerné est la vidéocassette préenregistrée destinée à la vente aux consommateurs, et plus particulièrement celle spécifiquement destinée aux enfants.

2. Les vidéocassettes, comme les magnétoscopes relèvent de deux standards techniques distincts : le système SECAM, adopté par la France et le système PAL adopté par d'autres pays européens. Les vidéodisques DVD, nécessitant un lecteur spécifique et dont la technologie est apparue vers 1995, se sont très rapidement développés, au point d'avoir, dès 2001, supplanté les vidéocassettes, alors qu'ils ne représentaient que 8 % des ventes françaises en 1998. Leur développement est resté toutefois très marginal au cours de la période considérée ici et a fait l'objet, entre les entreprises dont les pratiques fondent la présente décision, d'accords commerciaux distincts de ceux portant sur les vidéocassettes : aussi, la commercialisation des DVD est-elle écartée des faits examinés.

3. Le marché des vidéocassettes préenregistrées destinées à la vente doit être distingué du marché des vidéocassettes destinées à la location, en raison des modalités de leur mise à la disposition des consommateurs et des modes de commercialisation de ces produits auprès des circuits de vente au détail ou du circuit des vidéoclubs.

4. Parmi les dispositions juridiques propres au secteur, figure depuis 1993 une taxe de 2 % prélevée sur le chiffre d'affaires des éditeurs vidéo. Le produit en est reversé à l'édition vidéo et aux producteurs en fonction des modalités d'attribution adoptées en 1994. En outre, la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle a institué un délai légal pour la commercialisation de films en vidéo après leur sortie en salle. Ce délai a été ramené en 1996 de 12 à 9 mois.

5. Les professionnels du secteur classent les œuvres en trois familles : les films, parmi lesquels on peut distinguer films étrangers et français ; les titres pour enfants, dont la plus grande partie est constituée par les films d'animation (dessins animés) ; le "hors film".

6. Outre les dessins animés, la catégorie des titres pour enfants comprend également des films et des "hors films". Les ventes de titres pour enfants se sont développées au cours des années 1990, avec le succès de titres comme "Babe" (400 000 cassettes vendues), ou "Les 101 Dalmatiens" ; leur poids est toutefois demeuré inférieur à 20 % des ventes destinées à ce public. La catégorie des hors-films pour enfants (documentaires pour enfants, titres à vocation éducative, reprises d'émissions télévisées...) demeurait encore peu significative (moins de 8 % des cassettes vidéo pour enfants).

2. LES ENTREPRISES PRÉSENTES SUR CE SECTEUR

7. Les plus importants éditeurs de vidéogrammes sont les filiales de distribution vidéo des studios de production cinématographiques français et américains, ainsi que celles des réseaux français de télévision hertzienne, plusieurs de ces éditeurs étant regroupés pour la commercialisation de leurs titres au sein de groupements d'intérêt économique.

8. Les principaux éditeurs vidéo sont affiliés au Syndicat des éditeurs vidéo (S.E.V.), qui représente selon son délégué général entre 80 % et 85 % du chiffre d'affaires du secteur ; en sont exclus les éditeurs de titres à caractère pornographique qui compteraient pour 10 % du marché de la vidéo. Le chiffre d'affaires des éditeurs membres du SEV s'élevait en 1996 à 3,6 milliards de francs HT, dont 10 % réalisés avec le circuit de la location.

9. La société Buena Vista Home Entertainment (France) (ci-après BVHE) a été constituée en mars 1991 sous forme de société anonyme. Elle a été transformée en septembre 2001 en société par actions simplifiée. Son capital est de 37 500 €. Son président à l'époque des faits visés par la saisine était M. Christian X..., qui a été remplacé depuis par M. Daniel-Georges Y..., précédemment directeur général adjoint. BVHE détient l'exclusivité pour la France des droits de commercialisation sur supports audiovisuels domestiques des œuvres cinématographiques Walt Disney, et de certaines autres marques (Touchstone, Hollywood, Miramax). Elle a directement pris en charge à partir du 1er juillet 1993 la commercialisation de ces vidéogrammes destinés à la vente aux consommateurs, précédemment assurée par la société Film Office, laquelle est restée en charge de la commercialisation des produits destinés au circuit locatif.

10. BVHE a pour associé unique la S.A. Walt Disney Participations, elle-même filiale du groupe The Walt Disney Company, dont le chiffre d'affaires consolidé atteignait en 1997 22 473 millions de dollars répartis pour 44 % dans les activités à contenu créatif (dont relève Buena Vista Home Entertainment International et ses filiales locales), pour 30 % dans les activités de diffusion audiovisuelle (notamment télévisée) et pour 26 % dans l'exploitation de parcs de loisirs.

11. Les résultats d'une enquête de l'institut Sofres, portant sur les volumes de ventes en 1997 de vidéocassettes, hors celles de l'éditeur Atlas et celles effectuées en kiosque à un prix inférieur à 100 F, révèlent la place de leader de l'éditeur BVHE sur le marché de la vidéo toutes catégories confondues, mais surtout son positionnement atypique par rapport à ses concurrents sur les différents segments du marché avec une part de marché particulièrement importante dans la catégorie " enfants " :

<emplacement tableau>

12. Le SEV collecte auprès de ses membres leurs chiffres de ventes de vidéogrammes, ventilés suivant leur répartition par genre dans les quatre segments que constituent le film français, le film étranger, le hors film et les titres destinés aux enfants. S'agissant de cette dernière catégorie, les chiffres d'affaires de ses membres pour les années 1995 à 1998 collectés par le SEV pour les vidéocassettes destinées à la vente, repris sur certains documents sous le libellé "Animation- Enfant" et dans d'autres sous le seul terme "Animation", sont repris dans le tableau ci-après : <emplacement tableau>

13. D'autres indications sont fournies par les chiffres du panel Scanvidéo Nielsen, qui mesure également la part de marché, dans le circuit des hypermarchés, de chaque éditeur sur les différentes catégories de vidéocassettes (cinéma, dessins animés et hors-film). S'agissant de la catégorie des dessins animés, les parts de marché sont indiquées dans le tableau qui suit. Il est intéressant de noter que BVHE présente systématiquement une part de marché en valeur supérieure à sa part en volume, contrairement à tous les autres concurrents.

<emplacement tableau>

3. LES CIRCUITS DE DISTRIBUTION

14. Deux principales étapes marquent le cycle de vie d'une vidéocassette : sa sortie en tant que nouveauté, pendant trois mois environ, puis son passage en fond de catalogue ; les nouveautés sont les œuvres éditées en vidéo pour la première fois, 9 mois minimum après la sortie des œuvres dans les salles de cinéma, sortie faisant généralement l'objet d'une campagne promotionnelle importante.

15. Selon les déclarations du délégué général du Syndicat des éditeurs vidéo (SEV), les nouveautés représentent environ 80 % du chiffre d'affaires des vidéocassettes destinées à la vente (cotes 491 à 504 du rapport).

16. Selon une estimation publiée par la revue LSA en 1997, 66 % des cassettes vidéo étaient commercialisées par la grande distribution à dominante alimentaire (hypermarchés et supermarchés), 14 % par les spécialistes et les grands magasins, 16 % par les kiosques et 4 % par la VPC Il convient de distinguer au sein de la grande distribution alimentaire le circuit des hypermarchés, dont les centrales d'achat entretiennent une relation commerciale directe avec la plupart des éditeurs vidéo, et le circuit des supermarchés, qui s'approvisionnent par l'intermédiaire des grossistes, souvent dans le cadre d'accords commerciaux passés avec leurs centrales d'achat (cotes 764 à 765).

a) Les hypermarchés

17. Selon les estimations du SEV, les hypermarchés assurent 50 % environ de la distribution des produits vidéo. S'agissant de BVHE, ses ventes directes aux structures d'achat de ce circuit de distribution ont représenté 55,8 % de son chiffre d'affaires en 1995, 57,8 % en 1996 et 62,1 % en 1997. Cette progression est imputable à la politique de BVHE qui vise à maximiser la proportion des points de vente avec lesquels elle établit une relation commerciale directe, sans intermédiation de grossistes.

18. Le GIE IC Vidéo était à la période visée par la saisine un groupement détenu à parts égales par les Sociétés Carrefour SAS et Casino Guichard Perrachon (ci-après Casino), qui centralisait les achats vidéo des 230 hypermarchés des deux enseignes. Il a réalisé un chiffre d'affaires de 737 millions de francs en 1997 et employait 21 salariés. Son siège social est situé 22 rue Jean Mermoz à Évry, ce qui est aussi l'adresse de la société Carrefour France. En 1997, BVHE était le premier grand compte du GIE et pesait 25-30 % de son chiffre d'affaires. IC Vidéo représentait la même année 21,31 % des ventes de BVHE.

19. Le groupe Auchan exploitait en 1997 125 hypermarchés en France pour un chiffre d'affaires de 109,621 milliards de francs T.T.C (hors essence). Ce total résulte du rachat en 1996 par la société Auchan de la société Docks de France, qui exploitait 77 hypermarchés sous l'enseigne Mammouth, approvisionnés par la centrale d'achat Paridoc. La vidéo a représenté 0,73 % du C.A total de ses achats hors essence, soit 794,8 millions de francs et la vidéo enfant a représenté 36 % de ce montant, soit 286 millions de francs.

20. Le Galec est la centrale de référencement de l'enseigne Leclerc, qui regroupe 126 hypermarchés (les supermarchés étant approvisionnés par l'intermédiaire de grossistes). BVHE représente en moyenne 35-40 % du chiffre d'affaires vidéo au sein du Galec.

21. Le groupe Promodes était constitué en France, avant sa fusion en 2000 avec le groupe Carrefour, de 86 hypermarchés à l'enseigne Continent dont 65 étaient gérés en direct. La CIM (Centrale Internationale de marchandises) était la centrale d'achats non alimentaires du groupe, la société Logidis assurant quant à elle une fonction logistique dans l'approvisionnement des hypermarchés. Le chiffre d'affaires vidéo enfant représente 35 % du chiffre d'affaires total vidéo du groupe.

22. Le groupe Cora exploite 59 hypermarchés en France. Il a réalisé en 1997 un chiffre d'affaires de 170 millions de francs pour la vidéo, tous segments confondus. La vidéo enfant a représenté 66 millions de francs, soit 38,8 % du rayon vidéo et BVHE a représenté 40,8 millions de francs, soit 61 % de la vidéo enfant.

b) Les grossistes

23. Les grossistes jouent un rôle d'intermédiaire entre les éditeurs et les points de vente de taille inférieure à celle des hypermarchés (supermarchés, magasins populaires, vidéoclubs...). Leur fonction logistique et de redistribution consiste à assurer la réception des produits dans leurs entrepôts et l'approvisionnement des points de vente de leur clientèle. Cette fonction se double, vis-à-vis de certains clients, d'une fonction de merchandising qui les amène à participer activement à la gestion du rayon vidéo des magasins qu'ils approvisionnent : ils prennent en charge la mise en place des vidéocassettes en linéaires en fournissant parfois des mobiliers d'exposition, et en gérant les commandes et réassorts, ainsi que l'étiquetage des produits. Les grossistes ont représenté 26 % du chiffre d'affaires de BVHE en 1995, et 28 % en 1996 et 1997.

24. SDO (Sélection Disc Organisation) est un grossiste en produits audio et vidéo qui a réalisé en 1997 un chiffre d'affaires de 820 millions de francs, pour un effectif d'environ 300 salariés. La vidéo a représenté sur la période 1995-1998 une part de son chiffre d'affaires fluctuant suivant les années entre 27 % et 35 %. SDO constitue le deuxième plus important client de BVHE, derrière IC Vidéo, et BVHE constitue le premier fournisseur de SDO dans le domaine de la vidéo, malgré la baisse sensible de sa part dans les approvisionnements, de 47 % en 1995 à 32 % en 1997.

25. Les principaux clients de SDO sont des supermarchés de la grande distribution alimentaire, qu'elle approvisionne dans le cadre d'accords commerciaux conclus avec leurs centrales d'achat. Les chiffres d'un tableau saisi au siège de SDO montrent que les 8 principales centrales d'achats (Galec, Intermarché, Système U, Cim, Casino, Paridoc, Hyperselection et Comptoirs Modernes) ont représenté au cours des années 1994 à 1997 plus de 90 % de son chiffre d'affaires.

26. Le grossiste COGEDEP (Compagnie générale européenne de distribution et d'édition phonographique) est une filiale commune de plusieurs éditeurs du secteur du disque, et intervient également dans le domaine de la vidéo. Il a réalisé un chiffre d'affaires de 641 millions de francs en 1997 (toutes activités confondues). BVHE estimait en 1996 son chiffre d'affaires avec ce grossiste à 80 MF sur un total de 650 MF environ.

27. La société DISCA 7 regroupe l'approvisionnement de l'enseigne DCG Madison Nuggets et des grossistes DEM et ERBEL. Elle a réalisé en 1996 un chiffre d'affaires de 350 MF environ, dont 50 MF avec BVHE.

c) La grande distribution spécialisée

28. Selon l'estimation publiée dans un article de la revue LSA, la grande distribution spécialisée et les grands magasins ont représenté en 1997 14 % de la distribution en volume du secteur de la vidéo tous genres confondus, le groupe FNAC représentant près de la moitié des ventes réalisées dans ces circuits.

29. Les grands magasins (Galeries Lafayette, Printemps, BHV, Samaritaine, Le Bon Marché) ne représentent qu'une part modeste des ventes au détail de vidéocassettes. Ils ne distribuent, ensemble, que 2 % des ventes en valeur de BVHE.

B. LES PRATIQUES RELEVÉES

1. LES CONDITIONS DE VENTE DE BVHE

30. Les conditions commerciales proposées par BVHE pour ses vidéocassettes s'articulent autour de trois documents : en premier lieu, son tarif VHS, édité selon une périodicité trimestrielle, comportant la liste des titres disponibles assortis de leur prix unitaire de base hors taxe et, au verso de ce document : les conditions générales de vente, qui précisent les règles juridiques applicables à ces ventes ; en deuxième lieu, les accords commerciaux cadre annuels conclus avec chaque client, qui prévoient les conditions tarifaires et les remises ; en troisième lieu, les accords particuliers relatifs à la commercialisation de chaque nouveauté ou de chaque réédition, qui prévoient les conditions de rémunération par BVHE des prestations de coopération commerciale susceptibles d'être rendues par le distributeur.

31. Plusieurs clauses des accords commerciaux proposés par BVHE ont pour effet d'interdire de considérer les ristournes comme acquises ou chiffrables avant leur date de règlement prévue au 31 mars de l'exercice suivant : leur assiette, " le chiffre d'affaires ristournable " est défini comme " le chiffre d'affaires hors taxe facturé au cours de l'exercice de référence, diminué de l'ensemble des avoirs, en particulier pour retours accordés contractuellement au cours de l'exercice " ; elles sont stipulées n'être " considérées comme acquises qu'après règlement effectif par le client de l'ensemble des factures dues au titre de la période de référence " ; celles des ristournes basées sur les conditions d'exposition des produits dans les lieux de vente sont stipulées " n'être réputées atteintes qu'à partir du 31 décembre, après vérification effective de la réalité des contreparties correspondantes, pendant la durée totale de l'exercice de référence. Le contrôle des réalisations effectives sera effectué par la force de vente BVHE sur la base d'un relevé trimestriel visé par les magasins. Le refus de signer un ou plusieurs relevés entraîne la suppression de fait du règlement de ces ristournes, ceci faisant l'objet d'un courrier adressé à la centrale ".

32. L'ensemble des ristournes fait l'objet du rappel suivant : " Les contreparties commerciales mentionnées ci-dessus correspondent à des contreparties qualitatives et quantitatives sur la période de 1er janvier au 31 décembre dont la réalisation effective sera confirmée après contrôle le 31 décembre. En conséquence, ces avantages différés sont strictement conditionnels ".

a) La ristourne d'espace linéaire

33. Les accords commerciaux que BVHE propose à ses clients comportent une remise dénommée " ristourne d'espace linéaire " (REL) leur permettant de bénéficier d'un pourcentage de réduction pouvant atteindre 1 à 3 % du chiffre d'affaires annuel hors taxe diminué des reprises d'invendus, en contrepartie de la réservation aux vidéocassettes Disney de 12 à 16 % du linéaire vidéo global, soit 50 % du linéaire vidéo enfants.

34. Un certain nombre de déclarations convergentes des clients de BVHE indiquent que cette ristourne, que BVHE est seule à proposer, a pour conséquence une sur-représentation des cassettes Disney tout au long de l'année dans les rayons de la grande distribution et permet à BVHE de préserver une part d'espace dans les linéaires qui ne correspond plus à ses ventes réelles, en diminution constante.

b) La rémunération pour " mise en avant " des nouveautés Disney

35. Cette rémunération est proposée à l'occasion du lancement de chacune des principales nouveautés et rééditions de BVHE en vue de leur mise en avant dans les points de vente, pendant une certaine période, en particulier leur exposition en tête de gondole. Les termes des contrats de mise en avant peuvent varier en fonction des obligations liées à un titre spécifique, mais restent toujours identiques du point de vue de la rémunération du distributeur, quel que soit le titre, c'est-à-dire 4 francs par cassette jusqu'en 1995 et 4 % depuis cette date du montant net des ventes facturé par BVHE. Les contrats standards prévoient une rémunération de 2 % pour une exposition en " allée pénétrante " pendant une quinzaine de jours, puis une rémunération de 1% pour un second emplacement en tête de gondole et enfin un maintien de mise en avant rémunéré 1 %, l'intégralité des engagements durant à peu près deux mois.

36. Plusieurs notes saisies au siège de BVHE établissent l'existence d'une stratégie commerciale de cet éditeur destinée à assurer une présence dans les rayons de la grande distribution aux différents points stratégiques : têtes de gondole, allée centrale, zone promotionnelle. Une note datant de 1995 et présentant les points à améliorer pour optimiser les ventes indique : " Action : toujours verrouiller l'emplacement à la fin de la visite de vente, en insistant sur la différence de rotation entre rayon et tête de gondole, en particulier sur la fréquence des achats d'impulsion...idéalement, un grand classique doit avoir 3 localisations dès la sortie : 1) allée centrale 2) TG [Tête de Gondole] au niveau de la zone vidéo 3) présence au rayon " (cotes 953 à 954).

37. Cette rémunération reste toutefois subordonnée à l'acceptation des " préconisations quantitatives " de BVHE, décrites ci-après.

c) La politique de " préconisations quantitatives "

38. Les " préconisations quantitatives " sont déterminées titre par titre. Elles définissent le niveau de pré-commandes souhaité par BVHE. Elles ne donnent pas droit, en général, à une remise en tant que telle, mais l'acceptation par les distributeurs ou les grossistes des quantités définies par BVHE conditionne à la fois le bénéfice de la remise de mise en avant des titres et l'engagement de reprise des invendus par l'éditeur.

39. Différents arguments et données sont apportés par l'enquête administrative montrant que, dans de nombreux cas, celles-ci sont au-dessus des ventes réelles qui se situent systématiquement entre 60 et 70 % de ces quantités.

40. Les conditions de reprise d'invendus sont fixées pour chaque titre par une lettre de BVHE qui s'engage à reprendre tout ou partie des invendus. Cependant, les règles de reprise d'invendus peuvent varier d'un titre à l'autre avec une franchise variant entre 10 et 20 % ou d'un client à l'autre. En modulant les proportions de retour d'invendus en fonction des clients et des titres à chaque fois et, non dans le cadre de conditions annuelles déterminées dans les conditions générales de vente, BVHE fait peser une incertitude sur le niveau de reprises d'invendus.

41. BVHE utilise cet instrument comme une variable d'ajustement, liée par exemple au succès du titre en salle, et de négociation avec ses distributeurs ou ses grossistes. Certains documents internes saisis par les services d'enquête en témoignent. Le compte rendu du comité de management commercial de BVHE du 1er mars 1996 prévoit après l'évocation des résultats de La Belle au Bois Dormant inférieurs aux objectifs : " afin de respecter le budget de l'entreprise, ne pas prendre + de 10 % de retour sur " La Belle au Bois Dormant " et indique également : " Zorro : droit de retour 20 % + assouplissement pouvant aller jusqu'au retour intégral -5 (coffrets ou K7) si respect du prix de vente consommateurs et TG 15 jours " (cote 1398).

42. Les déclarations des responsables des achats de produits vidéo de la centrale Eurochan résument les obligations imposées par BVHE : " Lors des négociations BVHE/Auchan, nous sommes fortement incités à accepter les préconisations quantitatives de BVHE car leur acceptation est liée à trois éléments fondamentaux : 1) Si nous acceptons ces préconisations BVHE s'engage à reprendre la totalité des invendus alors qu'en cas de refus de ces préconisations les reprises seront partielles ; 2) si nous n'acceptons pas ces préconisations, BVHE ne reprendra pas les invendus que nous avons en stock puisqu'ils considèrent que le partenariat est rompu, ce qui représente une perte sèche pour notre centrale ; 3) l'acceptation de ces préconisations est liée à une participation publicitaire par cassette qui représente une marge importante pour ces produits.... De plus, ces préconisations quantitatives excessives de BVHE entraînent systématiquement un sur-stock d'invendus qui piège nos magasins car lors de chaque négociation pour une nouveauté, le représentant BVHE accepte de reprendre le sur-stock d'invendus à condition que le magasin accepte les préconisations quantitatives qu'il propose. Ce système permet donc à BVHE d'imposer indirectement à nos magasins ses préconisations quantitatives... " (cotes 669 à 683).

2. LES FREINS À L'IMPORTATION

43. La société BVHE a intégré à ses conditions générales de vente, au moins jusqu'en 1998, une clause prévoyant l'obligation pour ses clients de recueillir préalablement son accord en cas de revente de ses produits. La clause stipule que : " Les commandes ne seront acceptées que pour une distribution de vidéocassettes sur le territoire métropolitain et des DOM TOM et des états de l'Union européenne. Elles ne pourront être exportées par le client ni faire l'objet de campagne de promotion vers l'étranger, même à l'intérieur de l'Union Européenne sans le consentement exprès de Buena Vista Home Entertainment France S.A ".

44. Par ailleurs, plusieurs éléments du dossier, dont des courriers électroniques saisis au siège de BVHE, montrent qu'elle est intervenue auprès de la filiale du groupe au Royaume-Uni afin qu'elle s'abstienne de donner suite à la demande d'importation directe des cassettes Walt Disney en langue anglaise émanant du grand magasin Le Bon Marché. Le président de BVHE a, en effet, réagi à cette demande dans les termes suivants : " Je crois plutôt que chaque pays doit livrer ses clients sans quoi demain des clients français pourraient décider d'acheter directement chez BVHE Belgique... ".

3. LA POLITIQUE DE PRIX

a) L'intervention de BVHE dans la détermination des prix de vente au détail

45. Les lettres de présentation des nouveautés adressées par BVHE à ses clients mentionnent à la fois le prix net facturé hors taxe et le prix net facturé TTC. Le prix net hors taxe est égal au prix tarif, diminué de la remise sur facture de 5 % que BVHE consent à tous ses clients et de la sur-remise qu'elle accorde également sur facture pour toute commande passée avant une certaine date antérieure à la sortie du film.

46. Par exemple, pour la commercialisation de la cassette Le Bossu de Notre-Dame sortie en 1997, dont les bases de tarification correspondent au calcul de fixation de prix choisi par le directeur du marketing de BVHE dans une télécopie adressé en octobre 1996 (cote 1333) au service de marketing européen pour expliquer la politique tarifaire en France, les lettres adressés par BVHE à ses distributeurs précisent : " Soit un prix net facturé de 124,13 FF HT ou 149,70 FF TTC ".

47. Sur une note relative aux stratégies commerciales de BVHE, non datée, saisie en 1995 dans les locaux de BVHE concernant la stratégie tarifaire relative à la vente de " Pinocchio ", le prix est présenté comme suit : " Tarif : 149 FF, remise sur facture 5 % (cote 1332); sur-remise 5 % sur quantités précommandées soit prix d'achat 134,47 F ; PVC 159,48 F ". C'est également le cas de deux documents similaires datés de juin et septembre 1997 (cotes 1380 à 1392) communiqués par le directeur de l'hypermarché Leclerc de Léognan, qui précise, lors de son audition du 9 décembre 1997, que les annotations manuscrites de la main des représentants de BVHE comportent, pour les titres " le Bossu de Notre-Dame " et " la Belle et le Clochard ", l'indication " PVC " de 149,70 FFC, soit un prix égal au prix net majoré de la TVA (cotes 1379 à 1489).

48. Le responsable de l'hypermarché Continent de Montereau déclare le 28 novembre 1997 (cotes 1441 à 1446) : " Pour les nouveautés Disney, le visiteur de Buena Vista nous fixe un prix de vente qui sera le prix minimum appliqué sur tout le marché ". De même, le responsable du Leclerc de Coulommiers indique (cotes 1418 à 1423) : " Avec Buena Vista, ils nous fixent le prix de vente conseillé au centime près pour la revente au public " ; celui de Provins : " Nous ne cassons pas les prix du marché car nous acceptons les prix dans un partenariat réciproque afin d'éviter une guerre des prix ". Enfin, le responsable de l'hypermarché Leclerc de Léognan précise (cotes 1379 à 1389) : " Les documents Buena Vista qui sont joints en annexe comportent des mentions manuscrites définissant le prix de revente, de la main de la représentante Buena Vista (...) Pour les vidéo cassettes Buena Vista, les prix de vente aux consommateurs sont établis sur la base des prix pratiqués par la concurrence. C'est devenu un automatisme pour Walt Disney : on prend les prix facture et on applique la TVA, ce qui définit notre prix de vente au consommateur ".

b) La surveillance des prix pratiqués par les distributeurs

49. Les responsables du centre Leclerc de Coulommiers ont indiqué dans un procès-verbal du 27 novembre 1997 : " BVHE passe dans les rayons vérifier les prix pour empêcher que nous revendions en dessous du prix qu'ils nous ont conseillé. " (cotes 1418 à 1423).

50. Les responsables du centre Leclerc de Provins déclarent également dans un procès-verbal du 28 novembre 1997 : " Le prix des films dont les prix ont été constatés est un prix imposé au niveau national, similaire dans tous les distributeurs sur le territoire et la région. Le visiteur de Buena Vista passe une fois par mois. Le visiteur contrôle les prix tous les mois. " (cotes 1469 à 1475).

51. Les responsables de l'hypermarché Continent d'Epernay signalent de même dans un procès-verbal du 3 décembre 1997 : " BVHE passent tous les mois environ. Systématiquement, ils relèvent les prix de vente. Ils effectuent une surveillance systématique des prix de vente de ce marché.(...). Nous sommes systématiquement surveillés par Buena Vista pour le niveau de prix public de ces produits. Leur surveillance sur les prix s'exerce au centime près (...) Nous sommes liés au prix de vente imposé de BVHE pour les cassettes Disney " (cotes 1424 à 1430).

52. Les responsables du supermarché Champion de Nangis soulignent dans un procès-verbal du 28 novembre 1997: " Buena Vista viennent nous voir. Ils surveillent que nos prix soient conformes aux prix conseillés par le grossiste. Ils passent au moins une fois par mois . " (cotes 1476 à 1481).

53. BVHE a fait un rappel à l'ordre, en octobre 1995, sur la mise en vente de la cassette " Le Roi Lion " à la centrale d'achat Paridoc qui affichait la cassette à 159,92 FF (cote 1500). Le chef des produits culturels de Paridoc a déclaré à propos de cet incident le 2 octobre 1998 : " Lors d'un entretien téléphonique, j'ai subi des pressions commerciales de BVHE à propos de cet incident : BVHE me précisait que le prix de vente risquait de provoquer une rupture de partenariat ( suppression des remises arrière..) si nous ne remontions pas le prix de vente " (cotes 669 à 681).

54. Une lettre du 26 octobre 1994 a été adressée au magasin Auchan, qui présentait un prix de 149,95 F pour " Le livre de la jungle " et " La Belle et la Bête " dans son catalogue, leur imposant de " faire rectifier ce prix dans les meilleurs délais, avec mise en place d'un erratum en magasin et de lui envoyer par retour de fax son nouveau prix pour le 27/10 avant 14 heures " (cote 1494).

55. Une lettre, également datée du 26 octobre 1994, a été envoyée à la centrale d'achat Galec, centrale d'achat des enseignes Leclerc leur enjoignant de rectifier le prix des cassettes " Blanche Neige " et " Aladdin " sur leur catalogue national Jouets (cote 1399).

56. De même, dans un courrier du 11 janvier 1995, saisi au siège de BVHE, l'éditeur interpelle le grossiste SDO sur ses conditions de facturation du titre " Les Aristochats " qu'un document parvenu à sa connaissance fait ressortir à 121,50 FF alors que son prix de facturation est de 126,35 FF. BVHE a demandé une rectification sous 5 jours de ce prix (cote 1848).

57. Dans une note du 1er mars 1996, saisie par les services d'enquête, il est inscrit à propos de Zorro : " tarif : 78 FF l'unité et 192 FF le coffret + sur-remise de 10 % + droit de retour 20 %+ assouplissement pouvant aller jusqu'au retour intégral- 5 coffrets ou K7) si respect du prix de vente consommateurs et TG 15 jours " (cote 1398). Le président de BVHE a justifié ces mentions dans les termes suivants : " Nous avons mis en place ce type de système qui conditionne le retour intégral des invendus à un prix de vente consommateur qui ne soit pas supérieur à 200 FF (cotes 523-543). Ce système avait pour objectif d'éviter que le distributeur ne vende trop cher son produit ce qui aurait nui à la commercialisation de ce titre, la fixation du prix de revente restant de la responsabilité exclusive du distributeur. Par la phrase " respect du prix de vente consommateurs ", nous entendons le prix de marché qui correspond en général au prix facturé + TVA au moment de la sortie du titre ".

58. Le président de BVHE a également signalé dans son audition du 12 février 1999 : " Dans un document comme la lettre du 26 octobre envoyée au Galec par M. Z..., la connaissance que celui-ci a des prix qui figureront sur un catalogue Leclerc 15 jours avant sa sortie, provient sans doute du fait qu'il aura eu connaissance de la maquette ou du bon à tirer. Dans un souci de cohérence et de préservation de nos éléments de propriété littéraire et artistique, nos conditions générales de vente prévoient l'obligation de nous soumettre tout projet de reproduction picturale de nos produits. Il arrive donc fréquemment que nous ayons connaissance de la partie maquette du catalogue reproduisant nos produits, marque et personnage avant l'édition de ces prospectus. Il arrive que ces maquettes comportent des prix, ce qui a pu être le cas avec la lettre du 26 octobre 1994 " (cotes 523-543).

4. L'APPLICATION DE LA POLITIQUE DE PRIX DE BVHE PAR IC VIDÉO

a) La participation d'IC Vidéo à la politique de surveillance des prix

59. Les responsables du GIE, lors de leur audition du 27 novembre 1998, déclarent : " Lorsque nous constatons qu'un concurrent de nos adhérents vend une vidéocassette moins chère que le service dont nous avons bénéficié, nous alertons les éditeurs vidéo pour leur demander d'intervenir auprès de l'enseigne concernée. Nous pratiquons systématiquement cette alerte auprès d'un éditeur lorsque nous constatons qu'une enseigne est en revente à perte. Dans la plupart des cas ce sont nos adhérents qui nous alertent d'un prix visiblement en revente à perte dans des enseignes concurrentes. Nous intervenons auprès de l'éditeur suite aux sollicitations de nos adhérents dans la plupart des cas. Il s'agit d'une des fonctions du GIE en tant qu'interface entre nos adhérents et les éditeurs " (cotes 768-787).

60. Plusieurs documents saisis par les services d'enquêtes corroborent ces déclarations. Une lettre datée du 1er mars 1996 (cote 1688) émanant d'IC Vidéo et adressée à BVHE, dénonçant certaines pratiques de prix de l'hypermarché Leclerc Paridis à Nantes. Le GIE IC Vidéo adresse le 5 avril 1995 un fax à BVHE dans lequel il est indiqué : " Carrefour Antibes nous informe que Leclerc de Cannet Rocheville vend la cassette Pinocchio à 149,80 FF. Merci de faire le nécessaire " (cote 1689).

61. Le responsable vidéo de l'hypermarché Carrefour de Tourville la Rivière a, en outre, déclaré le 16 décembre 1997 : " Nous ne pouvons pas en fait pour des raisons matérielles brader les cassettes vidéo nouvelles car le système informatique est verrouillé ; les prix de vente sont enregistrés par IC Vidéo et ne peuvent être modifiés en magasin sans que l'information remonte à IC Vidéo très rapidement (en moins de 24 heures) " (cotes 1461 à 1468).

b) Le taux global des remises négocié entre BVHE et IC Vidéo

62. Plusieurs lettres saisies par les services d'enquête montrent que le taux global des ristournes est négocié ex ante par les deux parties (cotes 1688-1689).

63. La lettre du 8 juin 1993 de BVHE à IC Vidéo porte la mention suivante soulignée : " niveau minimum de ristournes acquis : 14,15 %. Soit un solde restant dû de 4,15 % au titre de l'année 1993 (cote 1586), compte tenu de l'application d'une avance sur facture de 10 %... Faisant suite à notre entretien du 7 courant, j'ai le plaisir de vous confirmer les nouvelles conditions d'application des accords IC Vidéo/BVHE qui entrent en vigueur à compter du 1er juillet 1993 ".

64. Une lettre du 16 décembre 1993 (cote 1587), reconduction identique de la précédente, précise : " nous vous précisons que les modalités d'application des accords entre IC Vidéo et BVHE précisées dans notre courrier du 8 juin 93 sont reconduites à l'identique et sans restriction pour l'exercice civil 1994 ". Cette lettre fait référence explicitement aux accords commerciaux exposés dans la lettre du 8 juin, qui fixe un taux de ristournes minimum.

65. Un projet de lettre du 10 janvier 1995 (cote 1588) saisi chez IC Vidéo indique : " En conséquence, et compte tenu des avances sur ristournes dont nous bénéficions, nous avons bien noté que le solde prévu des avantages différés cumulés se rapportant au chiffre d'affaires net ristournable BVHE/IC Vidéo, pour l'année civile ne saurait être inférieur à 4,83 % ". Puis, le chiffre de 4,83 % est raturé et remplacé à la main par le chiffre de 6,83 %.

66. La lettre du 2 décembre 1996 (cote 1601 à 1604) est dépourvue d'ambiguïté en ce qui concerne IC Vidéo : " C'est ainsi que nous prenons bonne note de votre souhait de nous accorder, en intégrant l'accord commercial n° 0069, une rémunération ne pouvant être inférieure à 24,96 % (hors budgets catalogues) sur la base du chiffre d'affaires 1997 ". L'entreprise s'attend à recevoir " une rémunération ne pouvant être inférieure à 24,96 % ". La lettre du 3 décembre confirme l'accord de BVHE sur ce taux de rémunération.

67. La lettre du 17 décembre 1997 d'IC Vidéo à BVHE et la réponse du lendemain offrent un nouvel exemple du fait que le taux de rémunération est négocié ex ante. Il y est écrit au dernier paragraphe : " En contrepartie nous prenons bonne note de votre accord sur une rémunération globale (ristournes + coopération commerciale) égale au maximum contractuel auquel s'ajoutera un montant cumulé des prestations de services et mise en avant qui ne sera pas inférieur à 4,96 % (hors budget catalogue) du CA ristournable 1998 " (cotes 1603 à 1604).

c) Le détail des remises négociées avec IC Vidéo dans les accords de 1997, 1998 et 1999

68. BVHE a communiqué les accords (cotes 1876 à 1909) pour les années 1997, 1998 et 1999. Elle a également fourni la décomposition des ristournes versées à IC Vidéo pour les années 1997, 1998 et 1999, les éléments pour 1997 ne comprenant, en outre, que les ristournes proprement dites sans intégrer les sommes versées au titre de la coopération commerciale.

69. Les remises présentées dans les accords 1997, 1998 et 1999 comme des remises conditionnelles ont été systématiquement attribuées à leur taux maximum tous les ans à l'exception de la ristourne de dynamique de chiffre d'affaires qui n'a pas été versée en 1999 (cotes 2018 à 2024).

La ristourne de préconisation centrale

70. Pour 1997, 1998 et 1999, la rédaction de la ristourne de 2 % dans l'accord signé entre les parties était : " Pour préconisation en gamme obligatoire par le GIE IC Vidéo et achat effectif du 1er janvier au 31 décembre par l'ensemble des magasins de 100 % de l'assortiment disponible BVHE France permettant la présence effective et permanente dans les rayons des magasins d'au moins 60 % des titres...2 % ".

71. La ristourne de préconisation centrale se comprend, contrairement aux stipulations de la dite clause, mais conformément aux déclarations du président de BVHE lors de son audition par le rapporteur, comme une prime de référencement. Elle correspond au fait que la centrale d'achat préconise à l'ensemble des magasins affiliés l'intégralité de l'assortiment Disney, sans obligation d'achat. Cela revient à mettre en place pour les points de vente affiliés à IC Vidéo une procédure informatique leur permettant de commander l'ensemble des titres de la gamme Disney. Cette opération est rémunérée 2 %.

72. Aucune procédure formalisée spécifique de contrôle n'est prévue dans les contrats pour vérifier que le GIE a effectivement référencé l'ensemble du catalogue des titres Disney, tout au long de l'année. Néanmoins, BVHE a accordé cette ristourne à son taux plein à IC Vidéo chacune des trois années 1997, 1998, 1999. Les ristournes liées à l'évolution du chiffre d'affaires

73. Pour l'année 1995, IC Vidéo a bénéficié de la ristourne de progression du chiffre d'affaires à son taux maximal, comme l'ensemble des clients. Cette année-là, il n'aurait pourtant dû percevoir que 0,5 % au titre de cette remise. BVHE a accordé pour des raisons qui lui sont propres, liées à des commandes exagérément optimistes, le taux maximum à l'ensemble des revendeurs.

74. A partir de 1996, cette ristourne offerte à un client n'est plus fondée sur la progression de ses achats par rapport à ceux de l'année précédente, mais sur le différentiel constaté entre l'évolution de ses achats et celle du chiffre d'affaires réalisé par BVHE avec l'ensemble des distributeurs. La modification du calcul de la ristourne pour l'année 1996 a incité BVHE à donner à l'ensemble des distributeurs le taux maximal afin que chacun se familiarise avec le nouveau mode de calcul. Pour l'année 1996, IC Vidéo, à l'image de l'ensemble des distributeurs, a également bénéficié de ce taux à son niveau maximum alors que d'après les chiffres, il n'aurait dû obtenir que 1,5 %.

75. En 1997, IC Vidéo a bénéficié, seul, du taux maximum de 2 %, alors qu'il aurait dû obtenir 0,5 %. En 1998, il remplissait les conditions requises pour l'obtention de cette ristourne à hauteur de 2 %. En 1999, il n'a rien obtenu.

La ristourne d'achat direct

76. La ristourne de 4 %, prévue par les accords 1997 et 1998, est attribuée en cas " d'achat direct " défini de la façon suivante : " Pour l'achat en direct du 1er janvier au 31 décembre auprès du GIE IC Vidéo, par 100 % des magasins des enseignes qu'il approvisionne, de l'ensemble des titres BVHE tels que figurant sur nos tarifs trimestriels permettant la présence effective et permanente dans les rayons des magasins d'au moins 60 % des titres...". En 1999, le 100 % est remplacé par 90 %.

77. Le directeur du GIE a donné les précisions suivantes sur cette ristourne (cotes 768 à 787) : " Concernant la ristourne " approvisionnement direct BVHE ", cela concernait à mon avis la prestation logistique suivant laquelle IC Vidéo réceptionnait les livraisons de BVHE et approvisionnait les magasins. Cette ristourne était selon moi conditionnelle car la fonction logistique du GIE était toujours susceptible d'être remise en cause. S'agissant de la condition supplémentaire qui figure dans la lettre de confirmation des accords 1998 par BVHE, portant sur la présence effective et permanente dans les magasins d'au moins 60 des titres, je sais qu'IC Vidéo a, durant toute la période où je l'ai dirigé, obtenu les ristournes prévues par nos accords avec BVHE au taux maximum accessible, l'ensemble des objectifs ayant été atteint ".

78. Cette ristourne a pour objet de rémunérer le fait que les magasins Carrefour et Casino s'approvisionnent auprès de leur GIE commun IC Vidéo, créé à cet effet. Le GIE sert d'interface entre les magasins et BVHE. Dans ses statuts, il est d'ailleurs précisé que le GIE a pour fonction l'approvisionnement, la livraison et la facturation à titre exclusif des magasins Carrefour et Casino. La responsable des achats du groupe Casino a confirmé lors de son audition par le rapporteur le 1er avril 2004 (cotes 2106 à 2107) : " S'agissant du groupe Casino, celui-ci ayant une structure intégrée, il s'ensuivait que la règle était celle d'un approvisionnement exclusif auprès du GIE ".

79. Cette ristourne a été octroyée à son taux maximum chaque année.

La ristourne d'espace linéaire

80. Cette ristourne s'intitule : " Pour le regroupement permanent des titres Walt Disney Home vidéo dans un espace avec balisage signalétique " Espace Walt Disney " au sein de la surface de vente du 1er janvier au 31 décembre (...) supérieur à 16 % ". Elle est de 3 %.

81. Cette ristourne rémunère la surface réservée aux cassettes Disney dans les magasins. Le taux octroyé aux distributeurs est maximal si BVHE occupe 50 % de l'espace réservé aux vidéo enfants et 16 % de l'espace vidéo total.

82. Cette ristourne est accordée sur la base d'un dossier merchandising, présentant un schéma d'implantation du rayon vidéo, qu'avait soumis le GIE à BVHE, par un courrier de novembre 1997. Ce dossier, envoyé aux magasins en juin 1996 et présenté comme conforme aux objectifs de BVHE, exposait l'organisation du linéaire vidéo des magasins Carrefour et Géant. Le président de BVHE, dans sa lettre du 10 février 2003 adressée au rapporteur, confirme que " les ristournes d'espace linéaire BVHE ont été accordées à IC Vidéo sur la base des documents joints à notre lettre du 22 février 1999 à la DNEC " (cotes 1856 à 1858). Les documents cités sont les planogrammes référencés avec le dossier merchandising. Ce point est également confirmé par le responsable des achats dans le cadre des accords commerciaux pour 1998 : " Nous agirons auprès des magasins pour faire appliquer la politique merchandising de BVHE telle que convenue dans nos accords et notre courrier du 17 décembre 1997 ".

83. Le dossier d'implantation type des rayons IC Vidéo est négocié et accepté par BVHE dès novembre 1997, pour l'année 1997 et 1998. Ainsi, les prestations exactes que les enseignes doivent fournir sont déterminées et connues contractuellement avant fin 1997.

84. La seule incertitude vient du respect de ce contrat par les enseignes. Aucun élément ne permet de vérifier l'effectivité des contrôles confiés, dans le cas spécifique des enseignes Carrefour et Casino, à des prestataires extérieurs et non pas aux forces de vente de BVHE.

85. Les enseignes ont bénéficié systématiquement du taux maximum égal à 3 %. La ristourne de présence effective

86. Elle est inscrite de la façon suivante dans les accords : " Pour la présence permanente en linéaire du 1er janvier au 31 décembre des titres disponibles BVHE, ristourne de représentativité d'assortiment selon paliers ci-dessous". Elle est de 3 %.

87. Cette ristourne rémunère la présence effective d'une certaine proportion des titres du catalogue Disney dans les magasins. L'assortiment Disney comportait 200 références dans les années 90.

88. Il apparaît ainsi que la mesure du taux de présence d'assortiment ne s'effectuait pas, concernant les distributeurs approvisionnés par IC Vidéo, dans les mêmes conditions que celles appliquées à l'égard de ses concurrents, c'est-à-dire sur la base des relevés effectués par la force de vente de BVHE. La présence effective des titres était contrôlée par des prestataires extérieurs. Ce sont les mêmes contrôles que ceux réalisés pour le respect de la ristourne d'espace linéaire.

89. Le directeur du GIE a indiqué au rapporteur lors de son audition (cotes 1992 à 2003) : " La ristourne de présence effective d'assortiment avait bien pour contrepartie le fait que chaque magasin distribué par IC Vidéo présente en linéaire de manière permanente tout au long de l'exercice une proportion donnée de l'assortiment BVHE. Le taux de 3 % qui figure sur l'accord cadre signifie qu'IC Vidéo estimait être en mesure d'atteindre le taux de 90 % sans que ce soit une certitude. C'est à l'aide des relevés COFIM qu'IC Vidéo mesurait le taux de présence des produits dans les magasins et ces relevés pouvaient être communiqués à BVHE si celle-ci en formulait la demande. Celle-ci alertait périodiquement IC Vidéo sur les dysfonctionnements localisés dans tel ou tel magasin Carrefour ou Géant, ce qui montre qu'elle procédait elle-même à des vérifications ".

90. Or, les forces de vente de BVHE n'avaient pas accès aux magasins approvisionnés par le GIE comme le souligne le président de BVHE dans son audition avec le rapporteur (cotes 2013 à 2017) : " Compte tenu du fait qu'IC Vidéo interdisait l'intervention de nos forces de vente dans les magasins qu'il servait pour des présentations commerciales, il ne nous apparaissait pas productif d'utiliser ces forces de vente pour contrôler le respect des critères de mise en vente ".

91. Aucun exemple précis des contrôles et de leur périodicité n'est fourni au dossier.

92. Cette ristourne a été attribuée à son taux plein chaque année. d) La coopération commerciale spécifique entre IC Vidéo et BVHE

93. Les intitulés et les taux accordés à IC Vidéo dans les accords relatifs aux années 1995, 1996, 1997 et 1998, diffèrent de ceux dont bénéficient les autres distributeurs, et sont disproportionnés par rapport au service réellement rendu ou totalement fictifs. D'ailleurs, les accords ont été modifiés à partir de 1999, avec un alignement des dénominations et des taux sur les autres distributeurs sauf pour la remise intitulée " autre ", rémunérée à 2 %. La remise " animation et conseil sur les produits vidéo de BVHE "

94. Selon les explications du président de BVHE, cette remise rémunérée à hauteur de 3 %, servait " à l'élaboration d'un plan détaillé du linéaire BVHE adapté en fonction de la typologie du magasin ".

95. Ce service correspond à l'application de la configuration des rayons telle que prévue par le planogramme d'IC Vidéo dont il a été exposé qu'il constituait le fondement de la ristourne d'espace linéaire.

96. Le président de BVHE avait, de plus, identifié le caractère disproportionné de la rémunération par rapport au service rendu, au cours de son audition du 9 décembre avec le rapporteur (cotes 1992 à 2003) : " S'agissant des contrats de service conclus avec IC Vidéo, le service " dossier merchandising " consistait dans l'élaboration d'un plan détaillé du linéaire BVHE adapté en fonction de la typologie des magasins. Un tel service m'est également rendu par d'autres clients. Le prix demandé par IC Vidéo étant nettement supérieur jusqu'en 1998 à celui demandé par ceux-ci, j'ai décidé après cette date de réviser à la baisse son prix". Le taux a ainsi été ramené de 3 à 0,5 %. La remise " intervention IC Vidéo pour préconisation et optimisation des commandes dans le respect des objectifs proposés par BVHE "

97. Pour les autres distributeurs, l'acceptation des préconisations quantitatives sur les précommandes des titres Disney conditionne l'octroi de la remise de mise en avant des titres ainsi que la négociation de la reprise des invendus, mais ne fait pas l'objet d'une rémunération spécifique, alors que dans le cas d'IC Vidéo, elle fait également l'objet d'une rémunération spécifique de 2 %.

98. Le président de BVHE explique : " S'agissant du service de " préconisation ", il consistait pour IC Vidéo à relayer nos objectifs quantitatifs et qualitatifs de mise en avant afin de respecter les objectifs quantitatifs convenus avec BVHE ".

99. Aux dires du représentant de Carrefour auditionné par le rapporteur (cote 2072) : " S'il n'existe pas d'éléments spécifiquement dédiés qui formalisent son exécution, d'autres éléments peuvent en attester, par exemple des notes de nouveautés ". Or, les notes de nouveautés constituent un des moyens de contrôle des prestations mises en place au titre de l'objectif de " développement et diffusion de technique micro-marketing ".

100. Une transformation des dénominations et de certains taux des remises ainsi que la modification des services de coopération commerciale a été décidée entre 1998 et 1999, avec l'introduction de services dont les dénominations se rapprochent de ce qui est réalisé avec les autres distributeurs, à l'exception d'un service intitulé " autre " rémunéré 2 %, et dont les niveaux de rémunérations sont revus à la baisse.

5. L'APPLICATION DE LA POLITIQUE DE PRIX DE BVHE PAR LE GROSSISTE SDO

a) Les interventions de SDO dans la détermination des prix de ses clients

101. SDO participe à la mise en œuvre de la politique tarifaire décidée par BVHE, en précisant systématiquement sur les fiches de présentation des nouveautés adressées à ses clients le " prix de vente minimum consommateur " ou " prix de vente consommateur " (cotes 1811 à 1825). Ce prix est égal au prix de vente de SDO majoré de la TVA. Il correspond de fait au prix conseillé par BVHE. Les fiches de présentation des titres " Cendrillon " et " les 101 Dalmatiens ", (cotes 1791 à 1798) font ainsi apparaître un prix net facturé exactement identique à celui annoncé par BVHE pour la commercialisation de ces deux titres. De fait, les détaillants approvisionnés par l'intermédiaire de SDO n'ont pas de remise sur facture et se rémunèrent uniquement en marges arrières.

102. Le directeur de SDO indique dans un procès-verbal d'audition du 10 novembre 1998 un changement de dénomination du prix au consommateur: " Nous adressons aux centrales de référencement et à nos propres collaborateurs un document comportant le prix de revente SDO et donc le seuil de revente à perte. Ce document est adressé aux centrales des clients (Galec, CIM, etc...). Sur ces documents, la formule actuellement employée est " prix public généralement constaté ". L'objectif de cette information sur les prix est de préciser aux centrales des clients et à nos commerciaux le seuil de revente à perte. La formule " prix public généralement constaté " est en fait une formule maladroite que nous avons modifiée depuis l'été 1998. Cette formule tenait compte également du fait que nous connaissons la politique des supermarchés qui se servent de nos produits comme produits d'appel en ajoutant la TVA au prix sur facture (prix net) pour déterminer le prix de vente public " (cotes 792 à 808).

103. Plusieurs déclarations de clients font par ailleurs état d'un pré-étiquetage des produits, sur les lieux de vente, par SDO.

104. Le directeur d'Intermarché à Provins a, en effet, déclaré aux enquêteurs (cotes 1828 à 1831) : " Les cassettes sont pré-étiquettées par SDO, nous ne fixons pas le prix, c'est en fait le grossiste SDO qui gère le rayon ". La directrice d'un supermarché Intermarché de Brest ajoute (cotes 1832 à 1835) : " Notre magasin est facturé directement par SDO, qui, par l'intermédiaire de son représentant gère le rayon. Ainsi, il effectue sa mise en place et étiquette lui-même les prix sur les cassettes vidéo, avant de les mettre sous emballage antivol. Les prix " magasin " des cassettes vidéo sont donc établis par SDO ". La responsable du supermarché Intermarché de Murat précise : " En ce qui concerne la constitution des prix de vente TTC des cassettes vidéo Disney, nous suivons le prix de vente conseillé par le fournisseur, en l'occurrence SDO, agence de Clermont. Concrètement, le commercial de SDO passe dans le magasin et gère lui-même l'étiquetage des produits. Il en est de même pour l'ensemble des cassettes vidéo " (cotes 1845 à 1847).

b) La participation de SDO à la surveillance des prix pour BVHE

105. Par un courrier du 11 janvier 1995 (cote 1848) saisi au siège de BVHE, l'éditeur interpelle SDO sur ses conditions de facturation du titre " Les Aristochats " qu'un document parvenu à sa connaissance fait ressortir à 121,50 FF alors que son prix de facturation est de 126,35 FF. BVHE demande une rectification sous 5 jours de ce prix. Par télécopie parvenue le même jour chez BVHE, SDO lui confirme la modification du prix conformément à celui facturé par BVHE, soit 126,35 FF.

106. L'audition du directeur général de SDO par les services d'enquête confirme aussi " Lorsque nous constatons qu'un client est en revente à perte, nous l'informons et lui demandons de remonter son prix de revente à perte. Ce genre d'incident arrive parfois. Lorsque nous constatons qu'un magasin que nous ne distribuons pas vend des cassettes vidéo à un prix qui au regard de nos tarifs semble être en revente à perte nous informons BVHE de cet incident. Dans ces cas nous sollicitons BVHE pour qu'il intervienne auprès du magasin concerné et lui demande de remonter son prix de vente " (cotes 792 à 808).

107. Plusieurs documents montrent la participation de SDO aux remontées d'informations (cotes 1849 et 1850), comme par exemple une télécopie du 6 avril 1995 par laquelle le directeur commercial de SDO communique à BVHE un ticket de caisse daté du même jour de l'hypermarché Mammouth de Dieppe portant sur la vente d'une vidéocassette Walt Disney " Pinocchio " ou une télécopie émanant de SDO informant BVHE que le magasin Leclerc d'Orthez affichait la cassette " Le Roi Lion " à 135 FF au lieu des 149,70 FF exigés, intervention immédiatement suivie d'une télécopie de BVHE au groupe Leclerc lui demandant de rectifier le prix (cote 1852).

108. Dans une lettre adressée par SDO à BVHE le 21 octobre 1996, il est écrit à propos du titre " Pocahontas " facturé 149,70 FF par BVHE : " 2 magasins situés dans le Var (Continent et Mammouth) proposaient ce titre à 149 FF TTC. Nous sommes persuadés que, pour les prochains titres, vous livrerez volontairement ces magasins avec 24 ou 48 heures de retard " (cotes 1393-1394).

c) Les ristournes octroyées par BVHE à SDO

La ristourne de gamme obligatoire

109. Sa rédaction est la suivante en 1998 : " Pour achat effectif par SDO et préconisation à l'ensemble des magasins sur base permanente de 100 % de l'assortiment disponible BVHE du 1er janvier au 31 décembre, ristourne de gamme obligatoire : 2 % ". La rédaction de cette clause de ristourne a été modifiée plusieurs fois (3 fois en 5 ans).

110. Le président de BVHE a indiqué, lors de son audition par le rapporteur qu'elle s'analysait, chaque année, comme une prime de référencement ayant comme objectif de récompenser le référencement de toute la gamme Disney par le grossiste : " S'agissant des accords cadre conclus avec nos clients, nous n'attendons pas d'eux qu'ils préconisent et recommandent l'achat effectif par leurs clients supermarchés d'autre chose que les listes des indispensables (soit environ 30 % en moyenne du catalogue disponible)".

111. SDO a bénéficié de cette ristourne chaque année à son taux plein.

La ristourne liée au chiffre d'affaires

112. Les conditions commerciales de BVHE prévoient une ristourne conditionnée par le dépassement d'un certain palier de chiffre d'affaires réalisé par les grossistes, net des retours. Le taux de cette ristourne a été réduit de 10 % à 7 % en 1996. Toutefois, une ristourne supplémentaire de 5 % a été créée en novembre 1996, afin de compenser les effets de cette baisse.

113. Le président de BVHE, lors de son audition par le rapporteur, à propos de ces accords, explique : " S'agissant de l'additif à l'accord commercial proposé aux grossistes en novembre 1996, sur le modèle de celui adressé à SDO qui leur offrait 5 % supplémentaires du montant du chiffre d'affaires annuel s'il atteignait un palier de 60 millions de francs HT, cette proposition visait à remédier au fait que les ristournes accessibles au terme de notre accord grossiste ne leur permettait pas de leur point de vue de rendre à BVHE le service escompté dans des conditions économiques supportables pour eux. A priori, les trois grossistes qui avaient une couverture nationale étaient susceptibles de pouvoir bénéficier de cette offre : SDO, Disca7 et COGEDEP. Les chiffres dont nous disposons montrent que ces trois grossistes ont bénéficié cette année là d'un taux RFA compris entre 14 et 15% et ont sans doute bénéficié de cette offre " (cotes 2013 à 2017).

114. Il a également précisé que cet accord signé en novembre 1996 accordait à SDO et aux autres grossistes 5 % supplémentaires du montant du chiffre d'affaires si un palier de 60 MF était atteint en fin d'année. Or, ce chiffre d'affaires était déjà dépassé à la signature des contrats, le chiffre d'affaires réalisé sur l'ensemble de l'année ayant in fine atteint 112 MF avec 9 % d'invendus en 1996.

115. Selon les règles comptables que BVHE a déterminées, il faut attendre la fin de l'exercice pour estimer les retours. BVHE considère donc que la ristourne n'est acquise qu'à la fin de l'année car fondée sur le chiffre d'affaires net des retours.

Les autres remises

116. Pour compenser la baisse du niveau de la ristourne sur le chiffre d'affaires à partir de 1997, le taux maximum étant réduit à 5 %, plusieurs avantages supplémentaires ont été accordés aux grossistes. L'accord commercial de 1998 communiqué au rapporteur par courrier du 4 décembre 2003 ne constitue qu'une partie des conditions tarifaires accordées aux grossistes. Les conditions qui leur ont été accordées sont contenues dans quatre courriers.

117. Outre les ristournes de gamme obligatoire, de présence effective, d'assortiment et d'espace linéaire, identiques à celles négociées avec IC Vidéo et inscrites dans les accords cadre, ont été introduites diverses rémunérations supplémentaires : tout d'abord, une rémunération de 4 % au titre de la mise en avant, ou participations publicitaires dans les circuits approvisionnés, d'une liste de titres, rémunération subordonnée à la pré-commande de 75 % au moins des préconisations quantités définies par BVHE pour les titres appartenant au segment enfants, complétée par une rémunération pour le segment hors enfant ; ensuite, une ristourne intitulée " plan + " pouvant atteindre 1 %, rémunérant les efforts de vente de 75 à 90 % des objectifs sur les mêmes préconisations et les mêmes titres ; enfin, une ristourne dite " d'adhésion aux objectifs " qui récompense la pré-commande de 60 à 80 % des préconisations quantitatives précédemment déterminées, de 12 titres. Cette ristourne est introduite dans les accords cadre 1999.

118. La ristourne " plan + " n'est acquise qu'en fin d'année et non tout au long de celle-ci, puisqu'elle est calculée en fonction du chiffre d'affaires net ristournable au 31 décembre, c'est-à-dire correspondant aux livraisons nettes des retours. BVHE calcule le nombre de retours en fin d'année.

119. La ristourne d'espace linéaire qui rémunère le regroupement permanent des titres Walt Disney dans un espace avec balisage signalétique dans chacun des points de vente des circuits supermarchés et magasins populaires servis par SDO est contrôlée par BVHE, la rémunération étant versée au grossiste. Aucun élément du dossier ne permet d'expliciter les modalités de vérification de cette ristourne.

120. La ristourne d'adhésion aux objectifs rémunère le fait pour le grossiste de pré-commander un nombre de cassettes défini par BVHE sur une liste prédéterminée de 12 titres, en début d'année.

121. Cette ristourne, qui ne s'adressait qu'aux grossistes, a été réintégrée dans les accords cadre pour 1999 pour les distributeurs. Elle est rédigée comme suit: " Pour réalisations cumulées en pré-commande et livraison à la mise en place correspondant au barème ci-dessous par groupe de titres concernés du TOP 12, ristourne d'adhésion aux objectifs selon paliers suivants : 6 titres Opération animation du TOP 12, entre 1 et 3% selon que les réalisations sont comprises entre 60 et 80 % des objectifs et 6 titres Films du TOP 12 entre 1 et 2 % selon les objectifs atteints entre 60 et 80 % ".

122. BVHE rémunère jusqu'à 5 % SDO lorsqu'elle pré-commande en début d'année 12 titres non encore disponibles correspondant à 80% des objectifs quantitatifs fixés par BVHE.

123. Le président de BVHE a précisé dans son audition : " S'agissant de la question de la reprise des invendus chez les grossistes, si les contrats de mise en place que nous leur adressons sont souvent muets quant à nos engagements sur ce point...c'est pour tenir compte du caractère moins prévisible du front de vente dans lequel nos produits seront placés et par là même de la couverture consommateur correspondante. Toutefois, dans la pratique, le taux de retour accordé aux grossistes est comparable à celui accordé aux autres circuits de distribution ". Il indique par ailleurs : " Pour nos titres majeurs, la politique est une reprise intégrale -10 % des invendus si acceptation des préconisations quantitatives ". L'acceptation des préconisations quantitatives pour chaque titre conditionne la reprise des invendus par BVHE, moyennant une franchise de 10 %.

124. Entre 80 et 90 % des invendus sont repris par BVHE.

125. SDO est incité à commander l'ensemble des titres préconisés sur cette liste, ce qui lui permet d'obtenir la ristourne de 5 %, sachant que son acceptation des préconisations quantitatives, titre par titre, lui assure une reprise d'invendus comprise entre 80 et 90 % pour chaque titre.

126. Les rémunérations de mise en avant des titres sont subordonnées comme pour les distributeurs directs, à l'acceptation d'un objectif de pré-commande des titres. D'après les déclarations du directeur de SDO, elles récompensent la mise en avant des titres dans les points de vente finaux, donc, auprès des clients du grossiste, par l'intermédiaire de ce grossiste.

127. Aucune répercussion des ces modalités de mise en avant n'est signalée dans les contrats liant les distributeurs et SDO. SDO rémunère les distributeurs en francs par cassettes pour des participations publicitaires sans exigence particulière. La nature des contreparties exigées pour percevoir ces rémunérations n'apparaît pas dans les relations entre SDO et ses clients, alors que, au contraire, BVHE, dans ses contrats avec les distributeurs, précise jour après jour les emplacements précis des titres, selon la date de sortie.

6. L'APPLICATION DE LA POLITIQUE DE PRIX DE BVHE PAR LA CIM

a) Lors de la commercialisation du titre " Le Roi Lion "

128. Une note interne de la CIM relative aux conditions de vente du Roi Lion en 1995, communiquée lors d'une audition avec le responsable d'un hypermarché Continent précise : " Conditions particulières internes. CIM Confidentiel ce document ne doit pas être connu des représentants de BVHE, ni de vos grossistes. La livraison se fera directement par BVHE dans votre magasin. La facturation se fera par l'intermédiaire de Logidis Thouars. Cette facture, comme pour Blanche Neige, se fera nette de RFA, soit : PA HT tarif 148, 5 remises facture 5 % sur remise 6 % avance RFA 14,5% net RFA 113,38 facture par Thouars. Cette opération nécessite de votre part confidentialité totale vis à vis de vos grossistes et représentants mais aussi respect absolu du PV catalogue et demande par la CIM et BVHE, soit 159,95 F. Si ce prix de vente n'était pas respecté, l'ensemble des avantages serait supprimé. Merci de votre collaboration et de votre discrétion " (cote 1698).

129. La responsable de la centrale d'achat CIM signale : " En 1995, lors de la commercialisation du Roi Lion, nous avions mis au point un accord particulier aux termes duquel la RFA de 14,5 % sur cette cassette était une avance à condition que les magasins respectent le prix de vente communiqué dans cet accord de ce produit. Nous avions inscrit sur cet accord la condition du respect du prix de vente afin d'éviter que les magasins n'intègrent cette remise dans leur seuil de revente à perte. Il s'agissait en fait d'une avance fictive de RFA que nous faisions aux magasins afin de les inciter à accepter les préconisations quantitatives sur ce titre dont le succès nous semblait certain. Cet accord interne ne s'est pas fait avec l'aval de BVHE, il s'agissait d'un accord interne. Nous ne souhaitions pas que les représentants de BVHE aient connaissance de cette avance fictive sur RFA car cela relevait d'une décision interne et confidentielle de CIM " (cotes 966 à 974).

130. BVHE a eu connaissance de cette note interne, ce qui a suscité les commentaires suivants au cours d'un comité de management commercial du 23 mai 1996 (cote 1700) : " Continent : Compte tenu du mémo de France de Mijolla tous les magasins doivent savoir qu'ils bénéficient de 14 % de RFA néanmoins PHM va informer France de Mijolla qu'elle prend un risque important en communiquant ce type d'information ".

131. Ces déclarations sont corroborées par une note manuscrite du président de BVHE saisie au siège de BVHE, non datée mais portée sur un cahier dont les pages précédentes sont datées de mars 1996, relevant qu'une garantie de taux global de ristournes de fin d'année ou RFA de 14,5 % avait été donnée à la CIM (cote 1701).

b) Dans le cadre des importations

132. La CIM international a relancé des négociations avec BVHE afin de globaliser ses achats et d'obtenir de meilleurs tarifs. Elle souhaitait bénéficier des mêmes tarifs que ses filiales belges, tarifs inférieurs de 10% aux tarifs français.

133. Le directeur des achats de CIM international déclarait à ce propos (cotes 1703 à 1709) : " Lors d'une réunion avec BVHE nous avions abordé le problème de la différence de prix entre les cassettes BVHE belges et françaises. Nous avions calculé que cette différence de prix s'élevait entre 8 et 10 % environ. Or nous avions la possibilité via notre filiale belge GIB en Belgique de nous approvisionner avec des tarifs plus intéressants. Nous avons présenté cette revendication à BVHE ".

134. Une télécopie saisie au siège de BVHE expose l'argumentaire devant être exposé à la CIM lors d'une réunion du 13 décembre 1996, résumé par le Président de BVHE lors de son audition : " La CIM international en 1996 a constaté des différences de prix d'achat entre BVHE Paris et ses filiales GB et GIB en Belgique et nous ont demandé des explications, ceci dans le but d'obtenir de meilleures conditions d'achats. Nous leur avons répondu trois choses : 1/ pour comparer ce qui était comparable il fallait prendre en considération les avantages différés et pas seulement les tarifs. 2/ Il y avait une influence majeure au niveau des taux de change. 3/ BVHE n'ayant pas de stratégie européenne mais locale, les tarifs étaient locaux. Lorsque j'ai exposé le fait qu'il fallait comparer les avantages différés de BVHE Paris par rapport à ceux de Belgique je leur ai précisé tous les avantages différés : trois grands pôles : ristournes de fin d'année, participations publicitaires pour mise en avant et participations pour catalogue. Je leur ai alors précisé qu'il fallait prendre en compte des éléments dans l'analyse comparative de leurs conditions d'achat sur ces deux marchés. A l'issue de cet entretien, CIM international ne nous a pas demandé depuis d'explication concernant cette différence de tarifs entre la France et la Belgique " (cotes 1710 et 1711).

135. BVHE a ainsi convaincu les responsables de la CIM qui ont renoncé à revendiquer le bénéfice du tarif belge : " BVHE nous a alors présenté comme argument le fait que les marges en valeur/cash étaient plus importantes en France qu'en Belgique puisque le prix de vente aux consommateurs en Belgique était inférieur. Nous n'avions donc pas forcément intérêt à revendiquer cette différence de prix " (cotes 1703-1709).

7. L'APPLICATION DES PRIX PAR LES DISTRIBUTEURS.

136. Des relevés de prix ont effectués par la DGCCRF sur deux titres édités par la société BVHE, " Le Bossu de Notre Dame " et " La Belle et le Clochard ", dans un échantillon de 102 points de vente répartis sur tout le territoire et appartenant à quatorze enseignes différentes.

Le Bossu de Notre-Dame Hypermarchés et supermarchés et grandes surfaces spécialisées

<emplacement tableau>

La Belle et le Clochard Hypermarchés et supermarchés et grandes surfaces spécialisées

<emplacement tableau>

137. Figurent également au dossier, les prospectus publicitaires des enseignes des hypermarchés Leclerc, Continent, Cora, Géant, Mammouth, et Carrefour en 1997. Les prix des vidéocassettes Disney annoncés sur ces prospectus sont systématiquement fixés à l'un des montants ci-après pour les titres suivants : 159,95 FF pour les titres Le Roi Lion, les 101 dalmatiens et Blanche Neige et les 7 Nains, 149,70 FF pour les titres Le Bossu de Notre Dame, Pinocchio, les Aristochats, Aladdin, 1001 Pattes, Mulan, le Roi Lion 2 ou 139,50 FF pour les titres Rox et Rouky, Robin des bois, Winnie l'ourson, Les aventures de Bernard et Bianca au pays des kangourous, Merlin l'enchanteur, Peter et Elliot le Dragon, Basil détective privé, Alice au pays des merveilles, L'apprentie sorcière, la Belle au bois dormant, Taram et le chaudron magique, Mary Poppins, Les Aventures de Winnie l'ourson.

C. LES GRIEFS NOTIFIÉS

138. Au vu de l'ensemble des éléments présentés ci-dessus, les griefs suivants ont été notifiés : Il est reproché à BVHE France : " d'avoir mis en place, dans les accords commerciaux proposés à ses clients au cours des années 1994 à 1999, une ristourne dénommée " ristourne d'espace linéaire " leur permettant de bénéficier d'un pourcentage de réduction atteignant 3 % sur le montant de leurs achats en contrepartie de la réservation aux vidéocassettes Walt Disney d'une part de linéaire vidéo représentant 50% environ du linéaire vidéo enfant, ristourne ayant pour objet et pour effet de restreindre l'accès des titres de ses concurrents aux linéaires de la grande distribution et de conforter sa position dominante sur le marché des vidéocassettes destinés aux enfants, en violation des dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce " (grief n° 1).

Il est reproché à BVHE France : " d'avoir au cours des années 1995 à 1998, offert à ses clients des rémunérations au titre de la mise en avant de ses principales nouveautés dans des conditions visant la préemption de l'espace de vente susceptible d'être consacré à ces produits notamment dans le circuit des hypermarchés, pratique ayant pour objet et pour effet de restreindre l'accès des nouveautés de ses concurrents aux emplacements de vente privilégiée de ces magasins et de conforter sa position dominante sur le marché des vidéocassettes destinées aux enfants, en violation des dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce " (grief n° 2).

Il est reproché à BVHE France : " d'avoir adressé à ses clients des préconisations quantitatives surdimensionnées, dont l'acceptation conditionnait divers avantages commerciaux, indépendamment du volume final de leurs achats nets de reprise d'invendus, pratiques ayant eu pour objet et pour effet de restreindre l'approvisionnement des distributeurs auprès des éditeurs concurrents et de conforter sa position dominante sur le marché des vidéocassettes destinées aux enfants, en violation des dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce. Les avantages ainsi accordés sont les suivants : au cours des années 1995 à 1999, la subordination de la rémunération des prestations de mise en avant de ses titres par ses clients à l'acceptation par ceux-ci de ses préconisations quantitatives ; au cours des années 1996 à 1999, l'octroi à ses clients de ristournes dont le taux était déterminé en fonction du niveau atteint par leurs pré-commandes de ses principales nouveautés par rapport à ses préconisations quantitatives ; au cours des années 1996 à 1999, l'engagement contractuel de reprise de tout ou partie des quantités invendues des nouveautés et rééditions faisant l'objet des préconisations quantitatives, au terme de leur période de commercialisation ; en plusieurs occasions, au cours des années 1996 à 1998, la reprise dans des conditions dérogatoires aux clauses contractuelles de stocks de vidéocassettes invendues en contrepartie de l'acceptation de préconisations quantitatives sur des titres nouveaux " (grief n° 3).

Il est reproché à BVHE France : " d'avoir mis en place, dès l'année 1994, et plus particulièrement de 1995 à 1999, en s'appuyant sur le pouvoir de marché que lui conférait sa position dominante sur le marché des vidéocassettes destinées aux enfants, une politique tarifaire basée sur le caractère faussement conditionnel de plusieurs des ristournes proposées à ses clients, ou sur des sommes indûment présentées comme la rémunération de services qu'ils lui rendraient, afin de leur interdire, sous prétexte de la prohibition de la revente à perte, la répercussion sur les prix de vente aux consommateurs de ses vidéocassettes des avantages tarifaires différés qu'elle leur accordait, et d'avoir assorti cette politique tarifaire de la communication aux distributeurs des prix de vente aux consommateurs qu'elle souhaitait voir pratiqués pour ses principales nouveautés et rééditions, et d'un contrôle actif du respect de ces prix, dont elle sanctionnait les manquements par des retards ou des cessations de livraison, pratiques ayant eu pour objet et pour effet de compromettre l'exercice de la concurrence par les prix au stade de la vente au détail de ses nouveautés et rééditions, en violation des dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce " (grief n° 4).

Il est reproché à BVHE France : " d'avoir intégré à ses conditions générales de vente, au moins jusqu'en 1998, une clause prévoyant l'obligation pour ses clients de recueillir préalablement son accord en cas de revente de ses produits et d'être intervenue auprès de la filiale du groupe BVHE au Royaume-Uni qu'elle s'abstienne de donner suite à la demande d'importation directe des cassettes Walt Disney en langue anglaise émanant du grand magasin Le Bon marché, ainsi qu'auprès de la filiale du groupe BVHE pour le Benelux pour qu'elle s'oppose aux approvisionnements en vidéocassettes Walt Disney effectués par la société Euro K7 sur le marché belge afin de les proposer à des détaillants français, pratiques ayant pour objet et pour effet de restreindre la libre circulation et l'exercice de la concurrence dans une partie substantielle de l'Union Européenne, en violation des dispositions de l'article 82 du traité de l'Union Européenne " (grief n° 5). Il est reproché à BVHE France :

" D'avoir convenu ,

* avec le GIE IC Vidéo et les deux membres de ce groupement, les distributeurs, Carrefour et Casino, au titre du second semestre de l'année 1993 et des exercices 1994 à 1998,

* avec la centrale CIM et les sociétés exploitant les hypermarchés du groupe Promodès, à l'occasion de la commercialisation de la vidéocassette Le Roi Lion en 1995,

* avec le grossiste SDO, au cours des années 1995 à 1999 de la garantie du versement d'un montant minimum de ristournes et rémunérations de prestations de services, réelles ou fictives, en contrepartie de la participation active par ces clients au respect de sa politique de prix telle que fondant le grief n°4, en violation des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce " (grief n° 6).

Il est reproché à BVHE France :

" d'avoir convenu avec le distributeur Promodès, de 1996 à 1999, de verser à sa centrale d'achat CIM un niveau minimum d'avantages tarifaires différés sur le montant de ses achats, en contrepartie du respect par les hypermarchés Continent de la politique de prix de BVHE telle que fondant le grief n°4 et de son renoncement à bénéficier des conditions tarifaires plus avantageuses accordées aux filiales belges du groupe Promodès par la filiale du groupe BVHE pour le Benelux, en violation des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 du traité de l'Union Européenne " (grief n° 7). Il est reproché aux sociétés Carrefour France et Casino France :

" d'avoir convenu avec la société BVHE, au titre du second semestre de l'année 1993 et des exercices 1994 à 1998, d'un accord prévoyant la garantie du versement à leur profit de l'ensemble des ristournes prévues par les accords commerciaux, ainsi que les sommes indûment présentées comme rémunérations de prestations de services, qu'ils s'interdisaient de répercuter sur les prix de revente aux consommateurs des vidéocassettes de ce fournisseur dans l'ensemble des hypermarchés Carrefour et Géant, dans le respect de la politique de prix de l'éditeur telle que fondant le grief n° 4 et d'avoir ainsi renoncé à l'exercice de toute concurrence par les prix lors de la revente de ces produits, tant entre elles que vis à vis des autres distributeurs, en violation des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce " (grief n° 8).

Il est reproché à SDO :

" d'avoir convenu avec la société BVHE d'un accord garantissant le versement par celle-ci à son profit d'un niveau substantiel d'avantages tarifaires, en contrepartie de son soutien à la politique de prix de l'éditeur telle que fondant le grief n°4, en particulier afin d'en assurer le respect par sa propre clientèle, en interdisant à celle-ci l'exercice de toute concurrence par les prix au stade de la revente aux consommateurs des vidéocassettes de BVHE qu'elle leur fournissait, en violation des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce " (grief n° 9).

Il est reproché à la société Continent Hypermarché :

" d'avoir convenu en 1995, avec la société BVHE, d'un accord garantissant le versement à sa filiale CIM d'un taux minimum d'avantages tarifaires, en contrepartie du respect par les hypermarchés à l'enseigne Continent du prix de revente aux consommateurs de la vidéocassette le Roi Lion souhaité par BVHE, en violation des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce " (grief n° 10).

" d'avoir convenu en 1995 avec la société BVHE, par l'intermédiaire d'un accord garantissant le versement au profit de sa filiale CIM d'un taux minimum d'avantages tarifaires en contrepartie du respect par les hypermarchés à l'enseigne Continent de la politique de prix de BVHE telle que fondant le grief n°4 et de son renoncement à bénéficier des conditions tarifaires plus avantageuses accordées aux filiales belges de groupe Promodès par la filiale du groupe BVHE pour le Bénélux, renonçant ainsi à l'exercice de toute concurrence par les prix tant au stade de leur approvisionnement qu'à celui de la revente de ces produits, en violation des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 du traité de l'Union européenne " (grief n° 11).

139. Après réception de la notification des griefs, les sociétés BVHE et Carrefour France SAS ont demandé l'application du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce qui dispose que : " Lorsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés et s'engage à modifier ses comportements pour l'avenir, le rapporteur général peut proposer au Conseil de la concurrence, qui entend les parties et le commissaire du gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I. en tenant compte de l'absence de contestation. Dans ce cas, le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié. ".

140. Ces dispositions ont été mises en œuvre par deux procès-verbaux du 18 mai 2005 et 23 juin 2005, signés par le rapporteur général, d'une part et par les conseils des sociétés BVHE et Carrefour SAS, d'autre part.

141. Dans les procès verbaux, les sociétés déclarent qu'en raison de circonstances qui leur sont propres, elles ne souhaitent pas contester les griefs qui leur ont été notifiés. Ces sociétés ont, en conséquence, formellement renoncé à une telle contestation, ce dont il convient de prendre acte, avant d'examiner les engagements qu'elles ont également souscrits.

142. Un rapport a été établi pour répondre aux observations des autres parties.

II. Discussion

A. SUR LA PROCÉDURE

143. Les sociétés BVHE et Carrefour France SAS, qui ne contestent pas les griefs qui leur ont été notifiés, ont par là même renoncé aux moyens de procédure qu'elles avaient initialement soulevés.

Sur la durée anormalement longue de la procédure

144. Les autres sociétés mises en cause soutiennent que, du fait de sa durée excessive, la procédure contrevient aux dispositions de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elles indiquent que ni la complexité ni l'ampleur du dossier, critères d'appréciation du délai raisonnable, ne justifient un tel délai, qu'elles n'ont pas conservé d'archives sur des faits remontant à plus de dix années et que les responsables qu'elles employaient à cette époque ont quitté les entreprises mises en cause. Elles font valoir que, mises dans l'incapacité de présenter des observations utiles, leurs droits à une défense équitable ont été irrémédiablement compromis, ce qui doit conduire à la nullité de la procédure.

145. La société SDO indique ne pas pouvoir prouver le caractère conditionnel des remises de BVHE présentées en raison de l'ancienneté de l'enquête et de la destruction des documents commerciaux et des rapports de gestion de l'époque. La société Casino insiste également sur le caractère préjudiciable de la durée excessive de la procédure lui interdisant d'exercer utilement ses droits et de présenter des documents utiles à sa défense, documents dont elle soutient que rien ne la contraignait à les conserver aussi longtemps. La société Carrefour SA fait valoir que les pratiques visées ont pris place plus de cinq années avant qu'elle n'ait acquis la société Promodes.

146. Toutefois, l'enquête administrative, au cours de laquelle de nombreux responsables des entreprises mises en cause ont été régulièrement entendus et mis en mesure de présenter tous les documents utiles, a débuté en février 1996. En tout état de cause, la qualification des pratiques ne repose pas sur le fait que les sociétés mises en cause n'ont pas été en mesure de donner des explications satisfaisantes au cours de l'instruction, mais sur des éléments de fait et de droit dont les parties n'allèguent pas qu'ils pourraient être utilement contredits à l'aide d'éléments qui ne pourraient plus être produits compte tenu de la longueur de la procédure.

147. Enfin, il résulte d'une jurisprudence constante qu'" à supposer le délai excessif (....) la sanction qui s'attache à la violation de l'obligation pour le Conseil de se prononcer dans un délai raisonnable (...) n'est pas l'annulation ou la réformation de la décision mais la réparation du préjudice résultant de la durée excessive du procès " (cf. notamment l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 8 septembre 1998 et l'arrêt de la Cour de cassation du 28 janvier 2003).

Sur les destinataires des griefs

148. Casino fait valoir, et ce à titre principal, qu'elle n'a pas à répondre de pratiques mises en œuvre par le GIE IC Vidéo car, selon une jurisprudence constante du Conseil, la responsabilité du comportement infractionnel suit la personne morale auteur de ce comportement, c'est-à-dire, dans le cas présent, le GIE IC Vidéo. Ainsi, le GIE IC Vidéo aurait dû être destinataire de la notification parce que, d'une part, il existe toujours en tant qu'entité juridique et peut répondre de ses actes et, d'autre part, le GIE fonctionnait en toute autonomie par rapport à chacun de ses membres. Casino soutient que le GIE disposait de l'autonomie de gestion et de décision, d'une équipe commerciale propre et d'un financement essentiellement assuré par fonds propres et que les négociations avec les fournisseurs étaient menées par le GIE uniquement et directement. Elle signale que les représentants des enseignes ne sont présents que dans les réunions faisant le point sur l'exécution des accords.

149. De même, la société Carrefour SA soutient que les griefs auraient dû être adressés à la CIM, dans la mesure où elle disposait d'une totale autonomie par rapport à sa maison mère, la société Continent Hypermarchés, et où elle existe toujours.

150. Il résulte d'une jurisprudence constante que les pratiques enfreignant les dispositions des articles L. 420-1, 2 et 5 et 81 et 82 du traité de l'Union, ne peuvent être imputées qu'aux entreprises pouvant être considérées comme les auteurs de ces pratiques, c'est-à-dire disposant d'une autonomie suffisante, en particulier dans les domaines de compétence concernés par les pratiques (cf. notamment les décisions n° 98-D-52 et 04-D-32 du Conseil).

151. S'agissant de centrales d'achat communes à plusieurs distributeurs telle IC Vidéo et la CIM, les autorités chargées du contrôle des concentrations ont déjà été amenées à juger qu'une entreprise commune qui a pour seuls clients ou pour seuls fournisseurs ses entreprises fondatrices n'est pas suffisamment autonome pour relever du contrôle des concentrations. Le ministre, dans une décision du 11 août 1999, confirmée par le Conseil d'Etat dans une décision du 31 mai 2000, a ainsi estimé que la création de la centrale d'achat Opéra, qui avait pour objet social la négociation des conditions d'achat avec les producteurs, n'était pas une opération de concentration.

152. Dans le cas d'espèce, il ressort de l'analyse du fonctionnement du GIE IC Vidéo que cette centrale d'achat ne disposait pas d'une autonomie suffisante vis-à-vis des deux distributeurs qui l'ont créée, et qu'en tout état de cause, la fixation des prix de détail des vidéocassettes dans les lieux de vente, mise en cause dans les pratiques qui sont reprochées, ne relevait pas de sa compétence.

153. En effet, les statuts du GIE IC Vidéo précisent, dans son article 10, que le financement du GIE est assuré par apport en compte courant de chacun de ses membres et, dans son article 14, que les administrateurs du groupement sont choisis parmi les dirigeants des entreprises membres ou parmi les personnes proposées par eux et désignées par l'assemblée des membres du groupement. Il apparaît également que le siège social du GIE est le même que celui de la société Carrefour. Le responsable qui assurait, jusqu'en mai 1997, les fonctions de directeur du GIE IC Vidéo a depuis été nommé directeur des produits culturels au sein du groupe Carrefour et a continué les négociations annuelles entre IC Vidéo et BVHE, au titre de ses nouvelles fonctions (cotes 1573 à 1585).

154. De plus, contrairement à ce qu'affirme Casino dans ses écritures, les représentants des enseignes sont systématiquement présents lors des réunions avec les éditeurs pour la négociation des contrats cadre comme cela ressort du procès-verbal d'audition du directeur du GIE (cotes 768 à 787) : " Pour les contrats cadre annuels, MM. A... et B... reçoivent les éditeurs ainsi qu'un représentant de Carrefour et de Casino. Nous recevons chaque année les éditeurs vidéo pour la négociation du contrat cadre qui comprend les conditions générales de vente. Le rôle des représentants de Carrefour et Casino est d'apporter une caution lors de ces négociations ". Deux documents, datés de 1997, saisis par les enquêteurs chez BVHE confirment la présence des responsables des deux enseignes aux réunions annuelles sur la négociation des taux d'avantages tarifaires avec BVHE (cotes 1666 et 1667).

155. Par ailleurs, plusieurs déclarations montrent que les prises de décision en terme de politique tarifaire et stratégique étaient le fait des deux enseignes. L'objet statutaire du GIE, détaillé dans l'article 2, ne mentionne aucunement la mise en œuvre de la politique commerciale ou tarifaire puisqu'il est rédigé comme suit : " le groupement a pour objet, la mise en œuvre de tous les moyens propres à faciliter, ou à développer l'activité de ses membres dans le domaine de l'approvisionnement en supports vidéo enregistrés, notamment par la création et l'exploitation de services communs, et plus spécialement d'un service commercial chargé à titre exclusif de l'achat en France ou à l'étranger de produits en vue de leur revente, de l'entreposage des produits en cours de fabrication ou finis, de leur livraison et de leur facturation aux magasins affiliés à leur enseigne, le conseil de ses membres en ce qui concerne les techniques de vente des supports vidéo enregistrés ".

156. Le directeur du GIE explique: " Le GIE était mandaté par les groupes Carrefour et Casino pour négocier avec les fournisseurs les prestations de coopération commerciale qui pouvaient leur être rendues, et en particulier, celles relatives à la présentation des produits dans les catalogues. En revanche, la détermination du prix de vente de ces produits qui allait être mentionné dans ces catalogues était de la responsabilité de chacune des enseignes concernées. En l'occurrence, à l'époque où M. C... était directeur d'IC Vidéo, c'était de la responsabilité de M. D..., ancien directeur d'IC Vidéo devenu responsable des produits culturels chez Carrefour et du responsable de la vidéo chez Casino pour ce qui concerne cette enseigne".

157. De fait, le GIE servait d'interface entre les enseignes et BVHE et permettait de regrouper au sein d'une même unité plusieurs fonctions logistiques (approvisionnement, livraison, facturation...), définies dans les statuts, et ainsi, de réaliser des économies de coûts. Mais, chaque enseigne demeurait autonome dans la définition de sa politique tarifaire et commerciale.

158. De même, s'agissant de la centrale d'achat CIM, il ressort des déclarations de la responsable des achats de la CIM ainsi que des auditions des responsables des achats des magasins à l'enseigne Continent que c'est la société Continent Hypermarchés, société exploitant les hypermarchés à l'enseigne Continent, qui était responsable de la fixation des prix de vente des vidéocassettes dans les lieux de vente (cotes 966 à 974, 1424 à 1430, 1437 à 1440, 1450 à 1456, 1486 à 1487, 1548 à 1555).

B. SUR LE MARCHÉ PERTINENT ET LA POSITION DE BVHE SUR CE MARCHÉ

Sur l'existence d'un marché de l'édition de vidéocassettes pour enfants

159. Le marché pertinent concerné par les pratiques d'abus de position dominante et d'ententes qui ont été notifiées est celui de l'édition de vidéocassettes destinées aux enfants.

160. Ce marché correspond à l'une des catégories définies par les professionnels du secteur qui classent les œuvres en trois familles : les films étrangers ou français, les films pour les enfants et le hors film.

161. La spécificité du produit, au point de vue de la demande finale, ressort, en premier lieu, du mode de création des films d'animation qui constituent la majeure partie des œuvres à destination des enfants, basé non sur l'enregistrement de scènes réelles mais sur leur fabrication à partir d'un processus de dessin, ou, pour les œuvres plus récentes, d'images conçues au moyen de techniques informatiques. De plus, le contenu des œuvres destinées aux enfants, souvent emprunté à l'univers des contes, est adapté aux comportements, aux attentes et à la compréhension des enfants et se caractérise par son ancrage dans la thématique du merveilleux : les thèmes de la magie (Aladdin et la Lampe Merveilleuse), la sorcellerie (Blanche-Neige), le monde des animaux qui parlent (Babe, Bambi) ou les personnages surnaturels (La Belle et la Bête, Pinocchio) sont des thèmes récurrents des œuvres destinées aux enfants. Comme les autorités de la concurrence l'ont déjà souligné à propos de certains produits du secteur des jouets, la demande pour ce type de produit se caractérise aussi par l'existence d'un prescripteur, l'enfant, différent de l'acheteur (cf. notamment la décision n° 99-D-45).

162. La spécificité des œuvres destinées aux enfants est reconnue par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) qui, afin de leur octroyer un label " jeunesse " lorsqu'elles sont télédiffusées, utilise un faisceau d'indices parmi lesquels figurent la thématique et l'absence de violence physique ou psychologique. Ce label " jeunesse " est signalé dans les programmes et emporte notamment des contraintes telles que l'absence de coupure publicitaire.

163. D'autres marchés de produits spécifiquement destinés aux enfants ont déjà fait l'objet d'une délimitation par le Conseil et par le ministre de l'Economie, se référant à une décision de la Commission européenne (Décision M.2978 Lagardère/Natexis/VUP du 7 janvier 2004). Ainsi, lors de la concentration Bayard Presse/Milan, le marché de la vente de livres destinés à la jeunesse a été défini par le ministre de l'Economie : " En ce qui concerne l'édition de livres, les entreprises concernées estiment que leurs activités se chevauchent principalement sur le marché de la vente de livres destinés à la jeunesse......Dans une décision récente, la Commission européenne a indiqué que le marché de la vente de livres pour la jeunesse constituait un marché pertinent distinct ". (Lettre du 11 février 2004 du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie). Le Conseil de la concurrence, dans sa décision n° 04-D-55, a défini un marché des vignettes de collection en identifiant une demande des enfants âgés de 5 à 14 ans, c'est-à-dire définie par la cible visée : " Les demandeurs sont des enfants âgés de 5 à 14 ans ".

164. Enfin, le marché de l'édition vidéo présente une saisonnalité prononcée, avec des ventes majoritairement enregistrées au cours du second semestre. Ce phénomène est en grande partie imputable aux ventes des produits destinés aux enfants, pour lesquels la période des fêtes de fin d'année constitue un temps majeur : la société BVHE, éditrice du catalogue Walt Disney, a quant à elle, indiqué que les mois de novembre et décembre représentaient 40 % des ventes sur le marché de la vidéo.

165. Il y a donc lieu de considérer que, du point de vue de la demande finale, les vidéocassettes pour enfants ne sont pas substituables aux autres vidéocassettes.

166. De ce fait, les distributeurs et les grossistes qui s'approvisionnent directement auprès des éditeurs, dont BVHE, se doivent de proposer à leurs clients, magasins de détail ou consommateurs, une gamme étendue de produits, dont des films pour enfants. De leur point de vue, les cassettes pour enfants ne sont pas non plus substituables à d'autres vidéocassettes. La spécificité du public " enfants " est d'ailleurs attestée par l'organisation du linéaire vidéo des distributeurs. Ceci ressort des documents présentant le plan d'implantation du linéaire vidéo des hypermarchés Carrefour et Géant, document mis au point par le GIE IC Vidéo, sur lequel l'offre des titres destinés au public " enfant " est clairement séparée du reste du linaire vidéo. Cette séparation existe également dans les points de vente de moindre dimension, ainsi qu'on peut l'observer à travers la configuration des mobiliers-type d'exposition proposés à sa clientèle de supermarchés par le grossiste SDO.

167. Les auditions des distributeurs réalisées par les services d'enquête confirment l'existence d'un rayon particulier consacré aux enfants, en raison du rôle prescripteur de l'enfant. Le chef du rayon Cora indique, par exemple : " Le rayon enfants est un rayon particulier dans la mesure où c'est souvent l'enfant qui est prescripteur et donc les comportements du consommateur ne sont pas les mêmes que l'ensemble de la vidéo " (cotes 697 à 709).

168. L'ensemble de ces particularités conduit à considérer un marché pertinent de l'édition des vidéocassettes destinées aux enfants. En raison de l'application en France d'un standard SECAM ainsi que de la particularité de la langue, le marché géographique est le marché national.

Sur la position occupée par la société BVHE sur ce marché

169. La position de la société BVHE sur le marché des vidéocassettes destinées aux enfants doit s'apprécier à la lumière de sa part de marché et de la notoriété du catalogue Walt Disney qu'elle distribue. Les parts de marché des différents éditeurs ont été rappelées aux paragraphes 11 et 12 de la présente décision. Pendant la période considérée par la saisine, BVHE détenait une place de leader incontesté sur le marché des cassettes à destination des enfants avec une part de marché variant entre 58 % et 82 % en fonction des années et des sources statistiques.

170. A côté des nouveautés, BVHE dispose d'un catalogue de dessins animés Walt Disney dénommés " grands classiques " comme Blanche-Neige ou Les 101 Dalmatiens, considérés depuis plusieurs dizaines d'années comme des chefs d'œuvre du dessin animé. Le directeur de l'annuaire européen de la vidéo affirme à ce propos dans cet annuaire : " Le phénomène Disney est dû au caractère unique et universel de son catalogue ". D'ailleurs, BVHE utilise ce catalogue en mettant en place une stratégie commerciale unique consistant à retirer ses grands classiques (Bambi, Blanche Neige, Cendrillon...) de la commercialisation pendant plusieurs années, avant d'en organiser la réédition suivant des modalités comparables à celles des nouveautés.

171. Le fait d'être estampillé " produit Disney " peut à lui seul déclencher l'acte d'achat chez le consommateur, comme le déclarent les éditeurs vidéo et les distributeurs interrogés. BVHE l'affirme également dans une des notes d'orientation de la politique commerciale de la société : " Disney est la seule marque du marché ". La marque Disney appartient à la catégorie des marques universelles et génériques. La notoriété de cette marque s'appuie aussi sur la présence de Disney dans d'autres secteurs (parcs d'attractions, édition de magazines pour enfants, jouets, produits divers pour enfants). L'attractivité de la marque joue surtout pour les nouveaux titres (Le Roi Lion ou Le Bossu De Notre Dame qui bénéficient de la notoriété de la marque pour accompagner leur lancement. Mais contrairement à ses concurrents, qui peuvent ponctuellement faire paraître un film qui deviendra un grand succès pour enfants (comme ce fut le cas du film " Anastasia " en 1998), Disney est le seul opérateur sur le marché à disposer de ce fond de catalogue permanent.

172. De fait, les distributeurs soutiennent que la marque Disney est incontournable. Les responsables des achats de produits vidéo au sein de la société Eurochan, centrale d'achats du groupe Auchan, déclarent ainsi : " À la différence des autres éditeurs vidéo, Disney est une marque à très forte notoriété qui se vend bien. Ce produit est donc incontournable pour nos magasins " (cotes 669 à 683). La directrice des produits culturels de la centrale d'achats Galec déclare : " BVHE pèse environ 35-40 % du CA vidéo au sein du Galec. Les cassettes Disney sont un produit marqué par une très forte notoriété et sont donc incontournables pour nos magasins. La particularité de Disney par rapport aux autres éditeurs vidéo réside dans le fait Disney est un produit non substituable pour le consommateur et qui chaque année sort plusieurs nouveautés à grand succès. " (cotes 684 à 696).

173. Enfin, un article publié dans la revue LSA du 28 août 1997, relatif aux mauvaises performances des ventes de vidéo au premier semestre 1997, débute sur la citation suivante : " Lorsque Buena Vista éternue, c'est tout le secteur qui s'enrhume. C'est ainsi qu'un professionnel résume l'influence du distributeur des productions Disney sur le marché français de la vidéo ". Dans le même numéro de cette revue, il est indiqué à propos de la baisse des ventes globales de vidéocassettes en hypermarchés au premier semestre 1997 par rapport à la même période de l'année précédente que " l'activité des principaux concurrents du leader n'a pas suffi pour soutenir le marché ".

174. De fait, les chiffres cités par cet article montrent que les performances commerciales en baisse des titres commercialisés par BVHE au premier semestre 1997 (27,5 % des ventes vidéo globales des hypermarchés, contre 40,3 % au premier semestre 1996) se sont traduites par une baisse du chiffre d'affaires global de ces points de vente en vidéo (-5,6 % en volume et -13,4 % en valeur), et par une modification de la répartition des ventes vidéo entre films et dessins animés. Les dessins animés, qui représentaient 41,8 % de l'offre au premier semestre 1996, n'en constituaient ainsi plus que 31,1 % au premier semestre 1997. La chute des ventes de vidéocassettes Disney n'a donc pas été compensée ni par une hausse des ventes des dessins animés de ses concurrents, ni par une hausse des ventes de films.

175. La part de marché très importante détenue par la société BVHE dans la catégorie des titres vidéo destinés aux enfants, l'écart considérable entre sa part de marché et celles de ses concurrents, la très forte et historique notoriété attachée à la marque Walt Disney ainsi que l'importance de son catalogue caractérisent la position dominante détenue par la société BVHE sur le marché des vidéocassettes destinées aux enfants, pendant la période considérée.

C. SUR LES PRATIQUES D'ENTENTE VERTICALE RELATIVES AUX PRIX DE REVENTE MINIMUM (GRIEFS N° 6, 8, 9 ET 10)

176. Il est reproché à la société BVHE, à la société Carrefour SAS, à la société Casino, à la société SDO et à la société Carrefour SA de s'être entendues afin de fixer le prix de vente au détail des vidéocassettes éditées par BVHE.

177. Les sociétés BVHE et Carrefour SAS, ayant sollicité le bénéfice du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, n'ont pas contesté les griefs.

178. Selon une jurisprudence constante (cf. par exemple les décisions n° 04-D-33 du 19 juillet 2004 et 05-D-06 du 23 février 2005), le Conseil considère qu'un alignement des prix peut constituer l'un des indices d'une entente portant sur la fixation de prix de vente minimum mais qu'il ne peut suffire, en lui-même, à caractériser une telle entente dans la mesure où s'il peut résulter d'une entente horizontale directe sur les prix entre distributeurs, ou encore d'une série d'ententes verticales entre chaque fournisseur et chacun de ses distributeurs autour d'un prix de revente déterminé par ce fournisseur, un tel alignement peut également s'expliquer par un parallélisme de comportement qui viendrait d'une réaction identique des distributeurs à la diffusion de " prix conseillés " ou de " martingales " par le fournisseur, parallélisme de comportement uniquement guidé par la concurrence qui règnerait dans ce secteur et qui ferait converger les prix vers des montants identiques.

179. Pour trancher entre les interprétations, plusieurs éléments peuvent, toutefois, conduire le Conseil à établir que l'alignement résulte d'une série d'ententes verticales entre chaque fournisseur et chacun de ses distributeurs : il convient ainsi de rechercher si, en premier lieu, des indices permettent de penser que des prix de vente au détail ont été évoqués au cours de négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs ; en deuxième lieu, si le fait que les prix ainsi déterminés ont été effectivement pratiqués par ces distributeurs, ce qui traduirait l'existence d'un accord de volonté, et donc d'une entente ; en troisième lieu, si des éléments montrent qu'un système de contrôle des prix aurait été mis en place, un tel système étant, en général, nécessaire au fonctionnement durable d'une entente sur les prix.

180. De plus, le Conseil a déjà eu l'occasion de constater que l'entente entre producteurs et distributeurs pouvait s'appuyer sur la négociation entre eux d'un système de ristournes artificiellement conditionnelles et de fausses marges arrières, de façon à ce que ces rabais ne puissent apparaître sur la facture et être répercutés aux consommateurs puisqu'ils sont supposés ne pas être acquis à la date de la facturation, alors que, dans les faits, les distributeurs sont assurés d'en bénéficier même s'ils n'atteignent pas les objectifs présentés comme la condition de leur attribution. Ainsi, dans une décision mettant en cause deux des principaux fournisseurs de calculatrices à usage scolaire (Texas Instrument et Noblet), il a été établi qu'un système de remises faussement conditionnelles garantissait aux fournisseurs le respect d'un prix de revente au détail uniforme et artificiellement élevé, puisque les distributeurs ne pouvaient répercuter les remises concernées sans enfreindre les dispositions relatives à l'interdiction de revente à perte. Ces remises étaient d'ailleurs accompagnées d'une politique de surveillance des prix pratiqués par les distributeurs comportant au besoin le rappel de l'interdiction de la revente à perte.

181. Ce mécanisme a également été décrit par le Conseil dans l'avis n° 04-A-18 du 18 octobre 2004, relatif aux conditions de la concurrence dans le secteur de la grande distribution non spécialisée. Il figure aussi dans le rapport d'un groupe d'experts relatif aux relations entre industrie et commerce, présidé par M. E..., premier président de la Cour de Cassation, publié en octobre 2004, qui le résume de la façon suivante : " Le seuil de revente à perte permet donc à un producteur puissant de contrôler le prix de revente de ses produits, en augmentant le prix sur facture et en rétribuant les distributeurs par le biais des marges arrière plus fortes, afin qu'ils acceptent de commercialiser le produit malgré le prix plus élevé. Les distributeurs, qui se font une concurrence particulièrement vive sur un petit nombre de grandes marques, sont les premiers avantagés par cette mesure d'interdiction de la revente à perte, puisque ce mécanisme de prix plancher limite alors directement la concurrence intra-marque sur ces produits. Le producteur bénéficie aussi directement de cette pratique. Par exemple, en éliminant la concurrence intra-marque, l'introduction du seuil de revente à perte fait que les consommateurs ne bénéficient plus de la puissance d'achat des distributeurs ; les prix à la consommation augmentent, ce qui accroît les profits joints du producteur et des distributeurs, au détriment des consommateurs. Ce profit accru peut ensuite être partagé entre les parties par le biais des marges arrière ".

182. La société Casino oppose à la qualification d'entente verticale le fait que BVHE lui imposait sa politique de prix et ses conditions générales de vente. Elle soutient que l'importance des parts de marché de BVHE et la notoriété de la marque Disney rendent ce fournisseur incontournable et l'ont placée en état de dépendance économique vis-à-vis de BVHE. Elle ajoute que la notion d'accord de volonté indispensable à la qualification d'entente est par définition incompatible avec la notion de contrainte qui caractérise nécessairement les pratiques d'abus de position dominante. Enfin, elle soutient qu'il ne peut lui être reproché d'appliquer des prix convenus avec BVHE au motif que les prix qu'elle pratique seraient les mêmes que ceux qui sont constatés chez l'ensemble des distributeurs alors que la plupart de ces distributeurs ne sont pas mis en cause en l'espèce.

183. La société SDO conteste qu'une pratique concertée puisse lui être imputée car d'une part, aucune pièce du dossier ne permet d'affirmer qu'elle avait l'intention de participer à une entente anticoncurrentielle et d'autre part, elle ne faisait que subir les pratiques de prix de BVHE en se voyant appliquer les conditions générales de vente.

184. Toutefois, il résulte de la jurisprudence rappelée ci-dessus, qu'en présence d'une invitation d'un fabricant à respecter des prix " conseillés ", l'accord de volonté des distributeurs est démontré lorsque les distributeurs appliquent dans les faits ce prix conseillé. A fortiori, lorsque l'entente s'appuie sur un système de ristournes faussement conditionnelles, l'accord de volonté des distributeurs est démontré par leur acceptation des conditions commerciales du fournisseur et leur volonté de considérer les prix de vente au détail " conseillés " comme le seuil de revente à perte alors qu'il est artificiel.

185. S'agissant de la contrainte qui aurait été exercée sur les distributeurs, il convient de rappeler qu'il résulte de la jurisprudence, tant nationale que communautaire, que ne sont admises comme exonératoires au regard du droit de la concurrence que certaines atteintes à la validité du consentement des parties que le droit civil identifie comme vices du consentement. L'arrêt du Tribunal de première instance des communautés européennes du 15 mars 2000 (T-25/95 cimenterie CBR SA e.a) souligne : " Des entreprises ne sauraient justifier une infraction aux règles de concurrence en prétextant qu'elles y ont été poussées par le comportement d'autres opérateurs économiques ". Le Tribunal indique aussi dans un arrêt du 6 avril 1995 (Solatrenz T-149/89, 53) : " La requérante ne peut se prévaloir du fait d'avoir participé à ces ententes sous la contrainte. En effet, à supposer que des pressions aient été effectivement exercées à son encontre, elle aurait pu les dénoncer aux autorités compétentes et introduire auprès de la commission une plainte en application de l'article 3 du règlement n° 17, plutôt que de participer aux ententes en cause ". Le rapport 2003 du Conseil de la concurrence précise : " Les atteintes non irrésistibles au consentement des parties à l'accord, comme par exemple, l'existence de menaces de rétorsion, de même que l'absence de preuve que l'atteinte à la concurrence a été recherchée par les auteurs des pratiques seront prises en compte au moment d'évaluer la sanction encourue ".

186. En l'espèce, ont été notifiées des pratiques d'entente entre le fournisseur BVHE et les distributeurs ayant joué un rôle actif dans la surveillance des prix, distributeurs qui étaient de plus les principaux clients de BVHE à l'époque des faits. L'absence de mise en cause des autres distributeurs des produits BVHE ne démontre toutefois pas que les prix qu'ils pratiquent et qui, de fait, sont les prix conseillés par BVHE à l'ensemble des ces distributeurs, sont des prix résultant du libre jeu de la concurrence.

187. Il ressort de l'ensemble de cette jurisprudence qu'il convient d'apprécier les éléments de fait suivants :

- l'évocation de prix de vente au détail entre BVHE et les distributeurs,

- l'application par les distributeurs d'un prix de détail uniforme,

- le caractère artificiel des remises conditionnelles et des marges arrières,

- la surveillance des prix.

1. L'ÉVOCATION DU PRIX DE VENTE PAR BVHE

188. Plusieurs éléments du dossier attestent que la société BVHE communique aux distributeurs les prix de vente au détail qu'elle entend voir appliquer.

189. En premier lieu, les lettres de présentation des nouveautés adressées par BVHE à ses clients mentionnent à la fois le prix net facturé hors taxe et le prix net facturé TTC. Le prix net est égal au prix de gros, diminué de la remise sur facture de 5 % que BVHE consent à tous ses clients et de la sur-remise qu'elle accorde également sur facture pour toute commande passée avant une certaine date antérieure à la sortie du film. Or, ces deux types de remises étant les seules consenties par BVHE qui soient présentées comme non conditionnelles et donc déductibles de la facture en vertu de la législation sur le seuil de vente à perte, ce prix net facturé TTC constitue le seuil de revente à perte et de fait, il correspond au prix de vente constaté dans les relevés de prix effectués sur les lieux de vente et dans les catalogues des distributeurs (cf. paragraphe 46 ci-dessus).

190. En deuxième lieu, une mention " PVC " manuscrite a été portée sur plusieurs documents figurant au dossier (cf. paragraphe 46 ci-dessus).

191. En troisième lieu, la communication par BVHE de prix de vente au détail est confirmée par plusieurs déclarations des distributeurs (cf. paragraphe 48 ci-dessus).

2. L'APPLICATION DU PRIX DE VENTE PAR LES DISTRIBUTEURS

192. Les relevés de prix effectués par la DGCCRF sur les titres " Le Bossu de Notre Dame " et " La Belle et le Clochard " (voir paragraphe 136 ci-dessus) font apparaître une homogénéité remarquable des prix de vente au détail. " Le Bossu de Notre Dame " est présenté, à quelques exceptions près dans les hypermarchés ou supermarchés et ce, quel que soit le département, à 149,70 FF, prix exactement identique au prix conseillé par BVHE. De la même façon, le prix constaté pour la cassette " La Belle et le Clochard " est identique dans presque tous les points de vente visités par les services de la DGCCRF, à savoir 97 sur 102, et égal au prix conseillé par BVHE à savoir 139,50 FF. L'alignement des prix est également illustré par les prospectus publicitaires des enseignes qui font apparaître des prix identiques.

193. Les sociétés Casino et SDO ne remettent pas en cause la réalité de l'homogénéité des prix des cassettes Disney. Cependant, elles font valoir que l'identité constatée des prix s'explique, d'une part, par le respect des dispositions légales interdisant la revente à perte, et, d'autre part, par un simple parallélisme de comportement qui les amène à adapter rationnellement leur politique de prix au comportement de leurs concurrents. Elles expliquent que ces contraintes les incitent à fixer le même prix que celui proposé par les concurrents pour éviter la perte de parts de marché sur un produit d'appel incontournable et non substituable pour le consommateur. De ce fait, leur politique tarifaire, tout en tenant compte des contraintes, serait selon elles menée de manière autonome. Casino soutient que : " l'uniformisation des prix de vente de certains titres Walt Disney résulte non pas d'une entente mais d'un phénomène de marché ". SDO indique : " La forte demande des clients sur les nouveautés et titres Disney ne permettait pas à la société SDO de s'assurer d'une marge à la revente supplémentaire à celle de ses concurrents ".

194. Toutefois, il sera démontré ci-après que le prix présenté par les sociétés Casino et SDO comme le seuil de revente à perte légal, en-dessous duquel elles ne pouvaient descendre, est un seuil artificiel compte tenu du caractère faussement conditionnel des remises, la prétendue coopération commerciale ne correspondant à aucune prestation réelle. D'ailleurs, le fait que l'ensemble des distributeurs ait un seuil de revente à perte identique, quels que soient le type de distribution qu'il pratique et le niveau de ses coûts propres, confirme son caractère artificiel et ne s'explique que parce que l'essentiel de la marge des distributeurs est constitué des marges dites " arrières ". Les seules marges " avant " accordées par SDO sont, de fait, une remise sur facture de 5 % identique pour tous ses clients et une sur-remise qu'elle accorde également sur facture, pour toute commande passée avant une certaine date antérieure à la sortie du film. Par exemple, ces remises sur factures et donc le prix présenté comme le seuil de revente à perte sont exactement identiques pour les distributeurs Carrefour et Casino, via la centrale d'achat IC Vidéo, et pour le grossiste SDO.

3. SUR LE CARACTÈRE CONDITIONNEL DES REMISES NÉGOCIÉES AVEC LE GIE IC VIDÉO ET LA SOCIÉTÉ SDO

Avec la société SDO

195. La société SDO affirme que les versements de BVHE au titre des ristournes conditionnelles ont été subordonnés à la réalisation d'objectifs précis et qu'elle n'a pas bénéficié d'une rémunération préférentielle de la part de BVHE, avec laquelle elle précise que les relations étaient difficiles. Elle fait valoir que, n'ayant pas atteint les paliers de linéaires fixés dans le cas des grossistes à 25 et à 35 %, elle n'a perçu aucune somme pour les années 1997 et 1998 au titre de la ristourne d'espace linéaire.

196. SDO expose encore que le caractère fictif de la ristourne de gamme obligatoire n'est pas démontré. Concernant la ristourne de chiffre d'affaires, elle indique que le fait que la condition d'obtention d'une remise supplémentaire de 5 % était déjà remplie à la date de signature du contrat, en novembre 1996, ne démontre pas son caractère faussement conditionnel puisque le chiffre d'affaires cible s'entend net des retours et ne peut donc être calculé qu'en fin d'année. Enfin, s'agissant de la rémunération de mise en avant, la société SDO soutient que l'absence de contrats la liant à ses clients et précisant les modalités de cette mise en avant, ne peut être utilisée pour arguer du caractère faussement conditionnel de cette remise puisque c'est elle qui, en tant que grossiste, assure directement la mise en avant dans les rayons.

197. Toutefois, la rémunération de SDO par BVHE est largement fondée sur un système de ristournes conditionnelles, représentant 16,59 % du prix de gros des vidéocassettes, dont l'obtention, par le grossiste, est contractuellement liée à la qualité des prestations qu'il fournit aux détaillants, sans que ces critères qualitatifs soient toujours clairement définis et surtout sans que BVHE ait les moyens d'en vérifier la réalité.

198. Ainsi, s'agissant de la remise de gamme, son caractère faussement conditionnel est révélé par la divergence existant entre les stipulations du contrat la concernant et les services réellement attendus par BVHE. Alors que le contrat précise que cette remise rémunère l'achat et la préconisation de 100 % de l'assortiment disponible, le président de BVHE considère qu'elle vise à ce que les grossistes recommandent les " indispensables ", soit 30 % environ du catalogue (paragraphes 109 et 110 ci-dessus). De plus, aucun contrôle des prestations que cette ristourne est supposée rémunérer n'a été effectué, alors que cette ristourne a été octroyée en 1998 et 1999 à son taux maximum.

199. De même, les conditions définies pour la ristourne de mise en avant ne prévoient pas de modalités précises, alors qu'au contraire, les contrats liant BVHE aux distributeurs que la société livre directement précisent les prestations rémunérées (type d'emplacements, durée de l'exposition, etc). De plus, contrairement à ce que SDO affirme, la société BVHE n'effectue pas elle-même systématiquement la mise en place dans les rayons des détaillants puisque son propre tarif prévoit une rémunération au titre de la mise en avant, sans d'ailleurs que les modalités en soient définies. L'absence de critères précis rend la réalité de ces prestations invérifiable.

200. Par ailleurs, s'agissant de la remise en fonction du chiffre d'affaires réalisé, la signature, au moins de novembre 1996, d'un avenant prévoyant une remise supplémentaire de 5 % dans l'hypothèse où le chiffre d'affaires réalisé sur l'année dépasserait 60 MF alors que cet objectif est, à cette date, déjà atteint et que le chiffre d'affaires sur l'ensemble de l'année atteindra 112 MF, soit près du double, ne laisse aucune place à l'incertitude. Il ressort de plus des déclarations du président de BVHE que cette ristourne avait pour objectif de compenser la diminution du taux maximal de ristourne prévue à partir des accords de 1995 " de rendre à BVHE le service escompté dans des conditions économiques supportables pour eux " (cf. paragraphes 112 à 115 ci-dessus), ce qui paraît incompatible avec l'aléa qui devrait en principe être attaché au versement d'une ristourne qualifiée de conditionnelle.

Avec IC Vidéo

Sur les ristournes conditionnelles

201. La société Casino soutient que le sens des courriers cités ci-dessus aux paragraphes 62 à 67 a été dénaturé, et qu'ils ne démontrent pas que Casino connaissait, dès le début de l'année, le taux global des remises qui lui serait versés. La société ajoute qu'il n'a pas été tenu compte d'autres courriers figurant au dossier, qui précisaient que les avances consenties seraient remboursées dans le cas où les conditions d'acquisition ne seraient pas remplies. Elle cite en particulier un courrier de BVHE en date du 28 février 1996 : " Nous vous rappelons néanmoins qu'en aucun cas le paiement de cette avance ne pourra préjuger de l'obtention définitive des avantages liés aux contreparties correspondantes et devra être restituée à BVHE dans le cas où les conditions ne seraient pas remplies ".

202. Casino indique, par ailleurs, qu'il est incohérent de prétendre que le GIE IC Vidéo se serait entendu avec BVHE sur l'obtention de la ristourne sur le chiffre d'affaires puisqu'il a été constaté qu'en l'absence du respect des critères contractuels, aucune rémunération n'a été versée au GIE en 1999. Casino soutient aussi qu'il n'a bénéficié d'aucun traitement de faveur par rapport aux autres distributeurs. Casino fait également valoir que la ristourne d'achat direct était aléatoire car, malgré les statuts du GIE affirmant que tous les magasins affiliés au GIE s'approvisionnent à titre exclusif auprès du GIE, le parc de magasins étant évolutif, il fallait s'assurer que les nouveaux magasins respectent cette condition. Enfin, en ce qui concerne la ristourne d'espace linéaire, Casino considère que les déclarations du président de BVHE du 9 décembre 2005, selon lesquelles " S'agissant des relations entre BVHE et IC Vidéo, le planogramme mis au point par le GIE constituait la base d'application de la ristourne d'espace linéaire sachant qu'il était conforme à nos objectifs. Moi-même et mes responsables commerciaux faisions des contrôles par sondage dans environ 10 % des points de vente pour vérifier le respect de ces planogrammes... ", démontrent que le respect des conditions posées était bien vérifié.

203. Les termes des courriers cités ci-dessus aux paragraphes 62 à 67 démontrent toutefois que IC Vidéo négociait avec BVHE un taux global de remises qui était acquis quelle que soit sa décomposition par type de remise. La lettre du 8 juin mentionne " un taux minimum de ristourne acquis " ; celle du 10 janvier 1995 précise que le solde des ristournes " ne saurait être inférieur à 4,83 % " ; celle du 2 décembre 1996 étend cette demande de garantie à l'ensemble de la rémunération " ne pouvant être inférieure à 4,96 % " ; celle du 17 décembre 1997 vise le " maximum contractuel " en matière de ristournes et précise que le montant des prestations de service ne saurait être inférieur à 4,96 %.

204. Ces mentions sont contradictoires avec l'avertissement contenu dans le courrier du 28 février 1996 et souligné par la société Casino, selon lequel IC Vidéo aurait pu être amené à reverser une partie des remises qu'il considérait comme " acquises " portant ainsi le montant total des remises à un niveau inférieur à ceux mentionnés. Il convient toutefois de relever qu'en 1996 et en 1997, les ristournes effectivement reçues par IC Vidéo n'ont été amputées d'aucun remboursement. En tout état de cause, le caractère faussement conditionnel du système de remises négocié entre BVHE et IC Vidéo découle du rapprochement de ces courriers avec d'autres indices spécifiques à certaines remises. L'avertissement dont parle la société Casino est donc resté purement théorique.

205. S'agissant de la ristourne de progression du chiffre d'affaires, il ressort des éléments du dossier que BVHE a accordé cette ristourne à son taux maximal à l'ensemble des clients, en 1995 et 1996, alors même que certains d'entre eux, dont IC Vidéo, ne remplissaient pas les conditions requises. De même, en 1998, IC Vidéo a, à nouveau, perçu la rémunération maximale, soit 2 %, alors que, compte tenu des critères fixés par BVHE, il n'aurait dû percevoir que 1,5 %. Si IC Vidéo n'a pas bénéficié d'un traitement discriminatoire par rapport à l'ensemble des clients de BVHE, et si cette ristourne, qui n'a pas été versée à IC Vidéo en 1999, était conditionnelle cette année-là, il n'en demeure pas moins qu'elle n'était pas conditionnelle les années précédentes.

206. S'agissant de la ristourne d'achat direct, l'argument avancé selon lequel l'obligation d'achat exclusif imposée aux magasins affiliés aux GIE IC Vidéo ne concernerait que les anciens magasins affiliés et non les nouveaux magasins affiliés, est démentie par la responsable des achats du groupe Casino qui déclare : " S'agissant du groupe Casino, celui-ci ayant une structure intégrée, il s'ensuivait que la règle était celle d'un approvisionnement exclusif auprès du GIE ". La condition posée pour l'obtention de cette ristourne était donc systématiquement atteinte et cette dernière a d'ailleurs été versée à son taux plein chaque année.

207. Enfin, s'agissant de la ristourne d'espace linéaire, les déclarations du président de BVHE selon lesquelles lui-même et ses responsables commerciaux faisaient des contrôles par sondage dans environ 10 % des points de vente pour vérifier le respect des planogrammes sont contradictoires avec ce qu'il affirme ensuite : " Compte tenu du fait que IC Vidéo interdisait l'intervention de nos forces de vente dans les magasins qu'il servait pour des présentations commerciales, il ne nous apparaissait pas productif d'utiliser ces forces de vente pour contrôler le respect des critères de mise en vente ". IC Vidéo a bénéficié chaque année du taux maximum de 3 % sans que des contrôles aient été réalisés pour vérifier la part du linéaire des magasins Casino et Carrefour effectivement réservée aux vidéocassettes livrées par BVHE.

Sur la coopération commerciale

208. Casino explique que la remise " animation et conseil sur les produits vidéo BVHE effectués par les équipes de merchandising d'IC Vidéo " est réelle puisqu'elle rémunère l'élaboration d'un plan détaillé du linéaire BVHE. Enfin, pour justifier la réalité du service intitulé " intervention d'IC Vidéo pour préconisation et optimisation des commandes dans le respect des objectifs proposés par BVHE dans l'ensemble des PDV servis par IC Vidéo ", Casino précise que cette remise avait une réelle contrepartie puisqu'il s'agissait pour le GIE de relayer auprès des enseignes les objectifs quantitatifs ou qualitatifs de mise en avant de BVHE.

209. Toutefois, la coopération commerciale représente pour les années 1995, 1996, 1997 et 1998, une part non négligeable de la rémunération de IC Vidéo et des détaillants qui y sont affiliés pour la distribution des vidéocassettes éditées par BVHE, alors que les services visés sont soit redondants avec d'autres déjà rémunérés par ailleurs, soit définis de façon vague, soit d'un intérêt mineur par rapport à la rémunération prévue.

210. Ainsi, le service " animation et conseil sur les produits vidéo BVHE effectués par les équipes de merchandising d'IC Vidéo " est déjà rémunéré par la remise d'espace linéaire versée à partir de la négociation de planogrammes détaillés. Cette rémunération est redondante avec celle dont il est établi qu'elle est non conditionnelle. De plus, son caractère disproportionné a été dénoncé par BVHE lui-même qui l'a ramenée de 3 à 0,5 % à partir de 1998. S'agissant du service " intervention d'IC Vidéo pour préconisation et optimisation des commandes dans le respect des objectifs proposés par BVHE dans l'ensemble des PDV servis par IC Vidéo ", le représentant de Carrefour affirme que : " S'il n'existe pas d'éléments spécifiquement dédiés qui formalise son exécution, d'autres éléments peuvent en attester, par exemple des notes de nouveautés ". Mais ces notes sont déjà utilisées pour évaluer la réalité du service intitulé " développement et diffusion de technique micro-marketing " laissant à penser que ces deux services se recoupent largement.

211. Au total, les remises présentées comme conditionnelles ou les ristournes liées à la coopération commerciale, le manque de précision des services rendus, la surévaluation de ces services, les modifications et l'opacité des dénominations, le défaut de correspondance entre les prestations convenues et les prestations fournies, la difficulté de contrôler leur mise en œuvre effective sont autant d'éléments qui indiquent que c'est à tort que certaines d'entre elles étaient présentées par BVHE et les distributeurs en cause comme non déductibles des factures et donc, éventuellement du prix d'achat, en vertu de la législation sur le seuil de revente à perte.

212. Il résulte de ce qui précède que BVHE a conseillé à ses distributeurs des prix, qui par le biais de politiques complémentaires de surveillance et de remontée d'informations, sont devenus des prix imposés. Les prix constituant le seuil de revente à perte ont été artificiellement relevés, de par le caractère faussement conditionnel de certaines remises empêchant de les intégrer dans le seuil de revente à perte, en infraction avec la réglementation.

213. Cette stratégie a permis à BVHE et à ses distributeurs de mettre en œuvre un prix sur le marché de détail qui se situe très au-dessus de son niveau concurrentiel, engendrant à son tour un niveau de demande répercuté en amont par les distributeurs et permettant l'établissement d'un prix élevé sur le marché intermédiaire. C'est ce mécanisme qui a permis à BVHE de maintenir sur le marché intermédiaire, un prix lui-même plus élevé que celui qui résulterait de négociations bilatérales (et peut être secrètes) avec ses distributeurs. En l'absence d'un tel mécanisme, le fournisseur ne peut maintenir sur le marché intermédiaire un prix suffisamment élevé, faute de pouvoir s'engager de façon crédible à ne pas le laisser baisser. Forcer les prix de détail, uniformes et publics, à s'aligner sur le prix de gros permet de restaurer des prix intermédiaires élevés (1).

(1) Ce mécanisme, développé initialement par le modèle de Hart et Tirole (1990), ou encore dans O'Brien et Schaffer (1994), Journal of Law, Economics & Organisation, est expliqué, plus récemment dans l'article de P. Rey et J. Tirole " A Primer on Foreclosure " (2003), à paraître, Handbook of Industrial Organisation, Armstrong et Porter éds.

4. LA SURVEILLANCE DES PRIX PAR LES SOCIÉTÉS BVHE, SDO ET PAR LE GIE IC VIDÉO

Par SDO

214. SDO affirme dans ses écritures ne pas influencer le niveau des prix au consommateur pratiqué par les détaillants et précise que " les cassettes vidéo BVHE livrées par SDO à ses clients ne sont pas pré-étiquetées ". La société explique qu'elle n'assure que les prestations d'étiquetage, c'est-à-dire d'édition des étiquettes, à la demande et pour le compte des clients qui fixent eux-mêmes les prix. SDO fait valoir également que seule une lecture erronée a pu mener à interpréter la déclaration du dirigeant comme l'exposé d'une politique de police des prix alors que le dirigeant ne fait état que de son attention au seuil de revente à perte dont " le respect est assorti de sanctions pénales ".

215. Cependant, il ressort des pièces du dossier que SDO a relayé, auprès des détaillants qu'il approvisionne, les prix conseillés par BVHE et s'est assuré qu'ils sont appliqués. En premier lieu, il a transmis aux détaillants le " prix de vente minimum consommateur " ou " prix de vente consommateur " de chaque produit, qui correspond à son prix de vente majoré de la TVA et au prix conseillé par BVHE. Si, à partir de 1997, le prix est dénommé " prix public généralement constaté ", il convient de relever que ces fiches sont établies avant la commercialisation des titres.

216. En deuxième lieu, le grossiste procédait au pré-étiquetage des prix, le directeur du supermarché Intermarché de Provins indiquant en effet : " Les cassettes sont pré-étiquetées par SDO, nous ne fixons pas le prix c'est en fait le grossiste SDO qui gère le rayon, détermine le prix de vente au public ", de même que le directeur du supermarché Champion à Nangis : " Nous passons par un grossiste SDO pour tous nos produits. Le grossiste nous fixe un tarif. Le produit est pré-étiqueté (..) ". D'ailleurs, SDO relève les prix lorsque des injonctions en ce sens lui sont données par BVHE (cf. ci-dessus paragraphe 105).

217. En troisième lieu, SDO signalait à BVHE les points de vente dans lesquels ont été constatés des prix inférieurs aux prix conseillés et suggère même des mesures de rétorsion appropriées : " nous sommes persuadés que pour les prochains titres, vous livrerez volontairement avec 24 ou 48 heures de retard " (cf. ci-dessus paragraphes 106 à 108). Par IC Vidéo

218. Casino souligne qu'elle faisait réaliser des suivis concurrentiels de prix par la société COFIM afin de réajuster le niveau des prix en fonction de ceux pratiqués par la concurrence mais que ces relevés de prix ne servaient qu'à la mise en place d'une simple veille concurrentielle, habituelle dans la grande distribution. Les divergences constatées de prix ont pu les amener à alerter BVHE mais uniquement dans le souci d'éviter la discrimination.

219. Toutefois, il ressort du dossier que IC Vidéo se faisait le relais de la surveillance des prix conseillés par BVHE. D'une part, il s'assurait du respect des prix imposés par les magasins affiliés au GIE en contrôlant directement leurs prix. D'autre part, il signalait à BVHE les établissements concurrents dans lesquels des prix inférieurs aux prix conseillés étaient constatés. Ce comportement dépasse les nécessités d'une simple veille concurrentielle (cf. ci-dessus paragraphes 59 à 61).

5. LA SURVEILLANCE DES PRIX PAR LA CIM

220. La société Carrefour SA souligne que, contrairement aux autres distributeurs, sa mise en cause ne concerne qu'une seule vidéocassette, " Le Roi Lion ", de façon ponctuelle, durant la période des fêtes de l'année 1995. Elle rappelle aussi que la responsable des achats de la CIM a précisé à propos de la note saisie (cf. ci-dessus paragraphes 128), que l'accord particulier sur cette cassette garantissant une avance sur remises de 14,5 % en contrepartie du respect du prix consommateur était un accord interne, ayant pour objectif d'inciter les magasins à accepter les préconisations quantitatives de BVHE qui conditionnaient l'octroi des remises. La condition relative au respect du prix avait uniquement pour but d'éviter que les magasins n'intègrent cette avance dans le seuil de revente à perte. Cette démarche a été réalisée à titre tout à fait exceptionnel pour anticiper l'extraordinaire succès du " Roi Lion ". Enfin, la société Carrefour SA défend le caractère conditionnel de chacune des remises négociées par la CIM : remise sur chiffre d'affaires payée en 1995, remise de préconisation centrale pour 1995 et remise d'achat direct pour 1996.

221. Toutefois, le caractère conditionnel des remises négociées par la CIM n'a pas été mis en cause dans la notification de grief, son adhésion à la politique de prix imposés de BVHE étant démontrée, en ce qui la concerne, par le fait qu'elle pratiquait, comme l'ensemble des distributeurs, les prix conseillés par BVHE et qu'elle relayait les recommandations faites par BVHE dans le cadre de la surveillance de sa politique de prix imposés, auprès des magasins qui lui sont affiliés.

222. En effet, la note saisie (cf. ci-dessus paragraphe 128), indique explicitement que " le respect absolu du prix catalogue, demandé par la CIM et BVHE ", conditionne le versement des remises tout comme " la confidentialité totale vis-à-vis des grossistes et représentants ". Ces remises étaient donc bien conditionnelles, le caractère conditionnel n'étant pas seulement lié au respect des préconisations quantitatives mais aussi au respect des prix imposés. De plus, ces instructions ne correspondent pas à un rappel des obligations imposées par la législation sur le seuil de vente à perte, celle-ci n'étant pas mentionnée dans la note. Par ailleurs, le compte rendu du comité de management de BVHE (cf. ci-dessus paragraphe 130) montre que le fournisseur connaissait l'existence de cette note et en soulignait les risques, même s'il ne les explicitait pas.

223. Un tel comportement, qui consiste pour les distributeurs à faire respecter les prix élevés par le fournisseur, profite aussi aux distributeurs puisque cette pratique permet d'extraire des consommateurs un surplus plus élevé qui sera ensuite partagé entre le fournisseur et les distributeurs.

6. CONCLUSION SUR LES GRIEFS D'ENTENTE VERTICALE SUR LES PRIX DE REVENTE MINIMUM (GRIEFS N° 6, 8, 9 ET 10)

224. Il résulte de ce qui précède que les prix aux consommateurs ont été systématiquement conseillés par BVHE (cf. ci-dessus paragraphes 189 à 191), que ces prix ont été effectivement et uniformément appliqués par les distributeurs (cf. ci-dessus paragraphes 136-137 et 192-194) et que les parties, fournisseurs, grossistes et distributeurs, ont mis en place une politique de surveillance des prix et de remontées d'informations (cf. ci-dessus paragraphes 49 à 61 et 105 à 108 ). Ces trois éléments réunis démontrent que l'alignement des prix résultait d'une entente verticale entre BVHE et ses distributeurs (cf. ci-dessus paragraphes 178-179) et non de comportements parallèles.

225. Il résulte de ce qui précède qu'il est établi que les sociétés BVHE, Carrefour SAS et Casino se sont entendues, de 1994 à 1998, afin que les prix de vente au consommateur conseillés par BVHE, pour les vidéocassettes éditées par Disney, soient appliqués par les magasins affiliés à la centrale d'achat IC Vidéo, le respect de ces prix étant assuré par leur correspondance avec un seuil de vente à perte artificiellement fixé au même niveau pour chacun des distributeurs, du fait du report de la majeure partie de la rémunération des distributeurs en ristournes faussement conditionnelles ou en prestations de services fictives. Cette pratique qui a pour objet et pour effet d'empêcher la fixation des prix de vente au consommateur par le libre jeu de la concurrence est prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce.

226. Il résulte également de ce qui précède qu'il est établi que les sociétés BVHE et SDO se sont entendues, de 1995 à 1999, afin que les prix de vente au consommateur conseillés par BVHE, pour les vidéocassettes éditées par Disney, soient appliqués par les détaillants approvisionnés par SDO, le respect de ces prix étant assuré par leur correspondance avec un seuil de vente à perte artificiellement fixé au même niveau, du fait du report de la majeure partie de la rémunération de SDO en ristournes faussement conditionnelles ou en prestations de services fictives. Cette pratique qui a pour objet et pour effet d'empêcher la fixation des prix de vente au consommateur par le libre jeu de la concurrence est prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce.

227. Il résulte enfin de ce qui précède qu'il est établi que les sociétés BVHE et Continent Hypermarchés se sont entendus, en 1995, afin que les prix de vente au consommateur conseillés par BVHE, pour les vidéocassettes éditées par Disney, soient appliqués par les magasins à l'enseigne Continent approvisionnés par l'intermédiaire de la centrale d'achat CIM, le respect de ces prix étant assuré par le versement d'un taux minimum de ristournes. Cette pratique qui a pour objet et pour effet d'empêcher la fixation des prix de vente au consommateur par le libre jeu de la concurrence est prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce.

D. SUR LES PRATIQUES D'ABUS DE POSITION DOMINANTE

228. Bien qu'aucun des griefs notifiés n'ait été contesté par la société BHVE, il convient néanmoins d'examiner le bien-fondé des griefs notifiés au titre de l'abus de position dominante, afin de déterminer si la pratique de prix imposés doit être qualifiée non seulement au titre d'ententes verticales entre BVHE et ses distributeurs, ententes établies par les développements qui précèdent, mais également au titre d'un comportement abusif unilatéral de la part de BVHE et qu'il conviendrait alors de sanctionner en tant que tel. Cet examen est sans influence sur les engagements pris par la société BVHE à l'occasion de sa renonciation à contester les griefs notifiés, dans la mesure où ces engagements ont exclusivement pour objet de remédier aux pratiques qualifiées d'ententes verticales.

En ce qui concerne les griefs n° 1 et 3

229. Il est reproché à la société BVHE de proposer aux distributeurs une ristourne d'espace linéaire lui assurant 16 % de l'espace vidéo global et 50 % de l'espace réservé aux cassettes vidéo pour enfants, susceptible d'avoir pour effet d'inciter les distributeurs à exclure les concurrents de BVHE des linéaires.

230. La société BVHE, ayant sollicité le bénéfice du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, n'a pas contesté le grief.

231. La déclaration du responsable achat des produits vidéo du groupe Auchan déclare à propos de cette ristourne : " Le 25 avril 1997, M. F... avait adressé un courrier à BVHE pour protester contre cette remise dont le taux de 16% du linéaire lui semblait trop important eu égard à l'évolution du marché : en effet, d'après les statistiques de ventes de Auchan, nous avions constaté que Disney était sur-représenté par rapport à ses ventes réelles : ce taux de linéaire n'était plus en correspondance avec leur part de marché réelle. Cette surreprésentation de Disney nous empêchait donc de mieux présenter en linéaire d'autres éditeurs " (cotes 669 à 683).

232. La déclaration du chef de rayon de l'hypermarché Leclerc à Trésillac le 27 juillet 1998 insiste également sur ces implications : " Je considère que cette remise de fidélité de BVHE n'a plus lieu d'être car réserver 50% du linéaire enfant à cet éditeur est excessif et empêche les autres éditeurs de pénétrer le marché " (cotes 710 à 721).

233. Parallèlement, BVHE adresse à ses clients un système de préconisations quantitatives à l'occasion de la sortie en cassette de chaque nouveauté et réédition Disney dont l'acceptation conditionne la rémunération pour mise en avant et le niveau de retour des invendus. L'instruction a mis en lumière le niveau élevé et systématiquement surdimensionné des préconisations quantitatives. Les diverses déclarations des clients relèvent aussi le caractère excessif des quantités que les contrats BVHE imposent de commander.

234. Le chef de rayon de l'hypermarché Leclerc de Saumur a déclaré le 25 septembre 1998 : " Les préconisations quantitatives étaient trop importantes. Ils nous forçaient à accepter ces préconisations. Nous nous retrouvions avec des invendus importants et non repris. Nous devions alors accepter leurs préconisations pour qu'ils reprennent les invendus. Le caractère excessif des préconisations quantitatives de BVHE dépassait souvent de plus de 50% les ventes réelles. Actuellement, nous continuons de refuser systématiquement les préconisations quantitatives de BVHE, celles-ci demeurant excessives. De fait nous sommes privés de marge arrière et nous vendons ces produits quasiment à marge zéro " (cotes 749 à 755).

235. Sur le principe, ce système de remises vise à occuper les linéaires, ressource rare de la grande distribution, d'une part, en s'assurant une part fixe du linéaire, et ce, au détriment des concurrents, et d'autre part, en incitant les distributeurs à mettre les cassettes Disney en rayons afin d'épuiser leurs sur-stocks.

236. Les autorités nationales et communautaires de la concurrence ont déjà été amenées à constater que, proposées par une entreprise en position dominante sur le marché concerné, des remises de ce type étaient susceptibles d'avoir des effets d'exclusion vis-à-vis des autres producteurs du marché, qui ne sont pas en mesure d'assurer aux distributeurs une rémunération équivalente à celle offerte par le système de remise en échange de leur éviction (cf. notamment l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes 85/ du 13 février 1979, Hoffmann Laroche, et la décision du Conseil n° 04-D-13, Société des caves de Roquefort). Les critères dégagés par cette jurisprudence afin d'apprécier les effets potentiels de telles remises sur la structure concurrentielle du marché sont, en premier lieu, la part de linéaire que les distributeurs doivent réserver au producteur en position dominante pour pouvoir bénéficier des remises ; en deuxième lieu, la rémunération des distributeurs, c'est-à-dire le taux de cette remise et de son assiette ; en troisième lieu, la capacité des concurrents à proposer une offre compétitive doit être prise en compte : elle dépend notamment du caractère éventuellement incontournable des produits de l'entreprise dominante et de la taille des concurrents.

237. Mais en l'espèce, la proportion de l'espace réservé à BVHE est restée limitée à 16 % de l'espace vidéo global et à 50 % de l'espace vidéo enfants. Cette proportion a pu être jugée excessive par les concurrents de Disney ainsi que par certains distributeurs (cf. paragraphes 231 et 232 ci-dessus). Il en est de même pour les préconisations quantitatives surdimensionnées par rapport aux ventes réelles (cf. paragraphes 234 et 42 ci-dessus). Toutefois, si ces conditions de rémunération peuvent inciter les distributeurs à assurer aux produits Disney un espace ne correspondant pas toujours à l'attractivité de ces produits à un moment donné, elles ne peuvent avoir des effets d'exclusion sur les concurrents. Dans le cas d'espèce, la clause d'espace linéaire préserve 50% d'espace accessible. Dans le cadre des remises octroyées par la société des caves de Roquefort, les taux relevés étaient très nettement supérieurs.

238. S'agissant du taux de la ristourne d'espace linéaire, il est progressif selon la part de linéaire assurée à BVHE et atteint un maximum de 3 %, soit beaucoup moins, par exemple, que dans le cas des remises octroyées par la Société des caves des Roquefort, pour lequel le caractère particulièrement attractif des taux avait été dénoncé par le Conseil.

239. Il ressort par ailleurs des éléments du dossier que, si la marque Disney est qualifiée d'incontournable par de nombreux distributeurs, l'animation du rayon des vidéocassettes pour enfants dans les grandes surfaces concernées est très dépendante de la sortie des nouveautés, pour lesquelles la qualité, le marketing ainsi que le succès en salle peuvent contrebalancer l'effet de la marque Disney. Les distributeurs et grossistes présents en séance ont ainsi expliqué qu'ils privilégiaient la mise en place de " block busters ", qui représentent 80% des ventes dans la grande distribution, et ce, quel que soit l'éditeur. De fait, l'actualité du marché au cours de la période considérée à été marquée par le succès de quelques titres édités par des concurrents de Disney. A titre d'exemple, PFC Vidéo a pénétré le marché des vidéo cassettes pour enfants en 1996 avec " Astérix et les indiens " et, en 1998, la première place en nombre de cassettes vendues était détenue par le titre " Anastasia " d'un éditeur concurrent, le titre " Hercule " de BVHE n'obtenant que la seconde place. S'agissant des concurrents de BVHE, certains d'entre eux sont des'entreprises multinationales déjà spécialisées dans le cinéma et l'animation. L'innovation a aussi joué un rôle important au cours de la période, marquée par le développement des techniques numériques. Film Office a ainsi pénétré le marché, en 1999, avec " Kirikou et la sorcière ".

240. Enfin, il a été établi ci-dessus au paragraphe 207 que la ristourne d'espace linéaire accordée à certains distributeurs avait un caractère faussement conditionnel. IC Vidéo a ainsi bénéficié chaque année du taux maximum de 3 % sans que des contrôles aient été réalisés pour vérifier la part du linéaire des magasins Casino et Carrefour effectivement réservée aux vidéocassettes livrées par BVHE.

241. Dès lors, selon les circonstances de l'espèce, il n'est pas établi que la remise d'espace linéaire et les conditions de reprise des invendus offertes par BVHE aient été de nature à inciter les distributeurs à exclure les concurrents de BVHE.

242. On constate d'ailleurs que l'évolution du marché au cours de la période concernée ne met pas en évidence de tels effets. Les éléments au dossier ne font pas non plus apparaître de cas de déréférencement d'éditeurs concurrents. La période est, au contraire, marquée par la progression des parts de marché des concurrents de Disney. Selon les statistiques du SEV, la part de marché de Pathé Fox est passée de 2,3 % en 1995 sur le marché des cassettes vidéo à destination des enfants à 19,4 % en 1998. Parallèlement, la part de marché de BVHE n'a cessé de reculer. Le chiffre d'affaires réalisé par BVHE avec les différentes parties, IC Vidéo, CIM et SDO ont ainsi diminué pendant la période considérée, passant de 282 millions de FF à 151 millions de FF avec IC Vidéo, de 66 à 49 millions de FF avec CIM et de 104 à 82 millions de FF avec SDO.

En ce qui concerne le grief n° 2

243. Il est reproché à BVHE de proposer une rémunération au titre de la mise en avant de ses produits. Ces rémunérations versées en contrepartie de la mise à disposition d'emplacements de vente privilégiés ont pour objectif d'assurer une visibilité et une présence optimales des titres de BVHE dans les endroits stratégiques des rayons des distributeurs, têtes de gondole ou emplacements privilégiés, à l'occasion du lancement d'un titre.

244. La société BVHE, ayant sollicité le bénéfice du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, n'a pas contesté le grief.

245. Ce type de rémunération n'est pas spécifique au groupe BVHE, tous les éditeurs proposant ce type de contrats à leurs distributeurs pour la sortie de leurs titres. Aucune exclusivité n'est, d'ailleurs, exigée par BVHE : les espaces stratégiques (têtes de gondole ou allées pénétrantes) peuvent accueillir, en même temps, plusieurs titres émanant d'éditeurs différents. Ces ristournes sont des mécanismes incitatifs engageant les distributeurs, à fournir des efforts commerciaux sur les produits concernés. En ce sens, ces ristournes peuvent accroître l'efficacité de la distribution, et dans la mesure où chaque fournisseur veut encourager la vente de ses propres produits, elles peuvent stimuler la concurrence intermarques.

246. Dans le rapport pour 2004, le Conseil a indiqué à propos des niveaux de taux : " Une remise est d'abord caractérisée par son taux. A priori, plus le taux est élevé, plus grand est l'effet incitatif et potentiellement anticoncurrentiel. Dans la décision 04-D-13 du 8 avril 2004 précitée, le Conseil a ainsi noté que le montant très élevé des rémunérations versées par ce dernier aux magasins à l'enseigne Carrefour, soit 8.60%, contre une moyenne de 5 % versée par les autres fournisseurs de roquefort, venait encore confirmer le fait que ces remises achetaient l'exclusivité de l'approvisionnement ". Par ailleurs, la ristourne de mise en avant n'est proposée qu'à l'occasion du lancement de chacune des nouveautés. L'exposition en tête de gondole ou sur des emplacements privilégiés stratégiques des nouveaux titres dure une quinzaine de jours et est rémunérée 3 %. Les contrats prévoient de plus une localisation des titres pendant une durée résiduelle dans des emplacements secondaires, allées secondaires ou 2ème tête de gondole rémunérée 1 %. Les taux restent donc modérés.

247. Dès lors, il n'est pas établi que les conditions de cette ristourne soient de nature à exclure les concurrents de BVHE ou aient pu avoir de tels effets.

En ce qui concerne le grief n° 4

248. Il est reproché à la société BVHE d'avoir abusé de sa position dominante sur le marché des vidéocassettes pour enfants en imposant des prix de vente au détail aux distributeurs. Le commissaire du gouvernement a soutenu dans ses écritures et a maintenu au cours de la séance que les pratiques de prix imposés pourraient être qualifiées à la fois au titre de l'article L. 420-1 et de l'article L. 420-2 du Code de commerce.

249. La société BVHE, ayant sollicité le bénéfice du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, n'a pas contesté le grief.

250. Toutefois, la constitution de l'infraction d'abus de position dominante suppose que soit établi le lien de causalité entre le pouvoir de domination de l'entreprise et l'entrave apportée au libre jeu du marché. L'entrave doit, donc, résulter de l'utilisation du pouvoir de domination de l'entreprise. Il a été rappelé par la Commission de la concurrence dans une décision du 30 septembre 1977 relative au secteur des matériaux pour canalisations d'eau que si l'entreprise dominante, bien qu'ayant joué un rôle directeur dans la conclusion d'accords de partage du marché, et ayant par là considéré et défendu sa position, n'a pas imposé ces accords, qui ont été conclus avec des partenaires de sa taille, le lien de causalité n'apparaît pas établi.

251. En l'espèce, il a été établi ci-dessus que les distributeurs ont adhéré à la politique tarifaire de BVHE, en appliquant les prix au détail communiqués par BVHE et, pour certains d'entre eux, en contribuant à la surveillance des prix au détail. Il n'est donc pas démontré que BVHE a usé de son pouvoir de marché pour leur imposer les prix de vente au détail. La pratique n'est donc pas qualifiable au regard de l'article L. 420-2 du Code de commerce.

En ce qui concerne le grief n° 5

252. Il est reproché à la société BVHE d'avoir inclus dans ses conditions générales de vente l'obligation de recueillir son accord préalable en cas de revente de produits BVHE à l'étranger, de s'être opposée, en 1996, à la demande d'importation directe de cassettes vidéo Walt Disney en langue anglaise adressée par le Bon Marché à la filiale britannique du groupe Disney et d'être intervenue auprès de la filiale du groupe au Bénélux pour qu'elle s'oppose aux approvisionnements en vidéocassettes Disney sur le marché belge en vue de revente à des détaillants français.

253. La société BVHE, ayant sollicité le bénéfice du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, n'a pas contesté le grief.

254. De telles pratiques sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres de l'Union européenne et peuvent donc constituer des pratiques prohibées par l'article 82 du traité CE. Toutefois, si la jurisprudence a reconnu que, pour que l'article 82 du traité soit applicable, il n'est pas nécessaire de constater un effet actuel et réel sur le commerce interétatique mais qu'il suffit que le comportement abusif soit de nature à affecter les échanges entre Etats membres, il convient néanmoins de démontrer que les échanges intracommunautaires peuvent potentiellement être affectés de façon significative (cf. notamment arrêt du Tribunal de première instance des communautés européennes du 1er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum).

255. Or, en l'espèce, la société BVHE n'a jamais fait jouer la clause mentionnée ci-dessus, en reprochant à un distributeur d'avoir procédé à des importations sans son accord, ou en refusant son accord lorsqu'il lui était demandé. S'agissant du refus d'importation de cassettes en langue anglaise opposé au Bon Marché, il n'est pas non plus susceptible d'affecter de façon sensible les échanges intracommunautaires compte tenu du volume concerné (100 cassettes) et du caractère ponctuel du refus. Il en de même pour l'approvisionnement en cassettes à partir de la Belgique, qui ne concerne qu'une seule offre de la société Euro K7 au dernier trimestre de l'année 1996.

256. Les faits de l'espèce ne constituent donc pas des entraves au fonctionnement du Marché commun suffisamment sensibles pour que leur qualification puisse être recherchée sur le fondement de l'article 82 du traité.

E. SUR L'ENTENTE ENTRE LA SOCIÉTÉ BVHE ET LA CIM VISANT À LIMITER LES IMPORTATIONS EN PROVENANCE DE LA BELGIQUE (GRIEF N° 7 ET N° 11)

257. La société Carrefour SA fait valoir que les documents ou déclarations recueillis au cours de l'instruction ne reflètent que l'existence de négociations commerciales entre BVHE et la CIM. Elle reconnaît qu'au cours de celles-ci a effectivement été évoquée la différence de prix entre la France et la Belgique mais objecte que rien n'indique qu'un accord aurait été passé entre BVHE et la CIM, par lequel BVHE aurait rémunéré un renoncement à importer des produits de Belgique et que l'existence d'un tel accord ne peut être inférée de la seule absence d'importations.

258. Il n'existe en effet au dossier aucun élément démontrant l'existence d'une entente entre la société BVHE et la CIM ayant pour objet et pour effet de limiter les importations parallèles au sein de l'Union européenne. Il n'est donc pas établi que la société BVHE et la CIM aient enfreint les dispositions de l'article 81 du traité de l'Union en se concertant pour limiter les importations de vidéocassettes en provenance de Belgique.

F. L'IMPUTATION DES PRATIQUES

259. Il ressort d'une jurisprudence constante, et notamment de l'arrêt Enichem Anic du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 17 décembre 1991, que lorsque l'existence d'une infraction est établie, il convient de déterminer la personne physique ou morale qui était responsable de l'exploitation de l'entreprise en cause au moment où l'infraction a été commise, afin qu'elle réponde de cette infraction.

260. En cas de fusion ultérieure de la société responsable de l'exploitation avec une autre société, cette fusion, qui peut résulter soit de la création d'une société nouvelle soit de l'absorption de la société responsable par une autre société, entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine, actif et passif, aux sociétés bénéficiaires, dans l'état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération. Dès lors, en application de la jurisprudence précitée, la société nouvelle ou la société absorbante doit répondre des infractions commises antérieurement à cette date par la société partie à la fusion.

261. Lorsqu'entre le moment où l'infraction a été commise et le moment où l'entreprise en cause doit en répondre, la personne morale responsable de l'exploitation de cette entreprise a cessé d'exister juridiquement, sans que cette disparition se soit accompagnée de la transmission universelle de ses droits et obligations à une autre personne, il convient de localiser, dans un premier temps, l'ensemble des éléments matériels et humains ayant concouru à la commission de l'infraction pour identifier, dans un second temps, la personne qui est devenue responsable de l'exploitation de cet ensemble, afin d'éviter qu'en raison de la disparition de la personne responsable de son exploitation au moment de l'infraction, l'entreprise ne puisse pas répondre de la commission de celle-ci.

262. En l'espèce, la société Continent Hypermarchés, principal actionnaire de la CIM, a fait l'objet d'une fusion absorption par la société CRFP 6 en octobre 2003 et a été ensuite radiée du registre du commerce et des sociétés. La société CRFP 6 a elle-même été dissoute en décembre 2003 avec transmission universelle du patrimoine à son associé unique, la société Carrefour SA (RCS Paris 652 014 051).

263. En application des principes rappelés ci-dessus, la société Carrefour SA doit donc répondre des pratiques mises en œuvre par la société Continent Hypermarchés.

G. SUR LES SANCTIONS

264. Les pratiques retenues à l'encontre des sociétés dans la présente affaire ont été commises antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. En vertu du principe de non-rétroactivité de la loi répressive plus sévère, les dispositions introduites par cette loi à l'article L. 464-2 du Code de commerce, en ce qu'elles sont plus rigoureuses que celles antérieurement en vigueur, ne sont pas applicables à ces infractions.

265. Aux termes de l'article L. 464-2-II du Code du commerce dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement soit en cas de non-exécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au cours du dernier exercice clos.".

1. SUR LA GRAVITÉ DES PRATIQUES

266. La société BVHE justifie l'absence de gravité des pratiques au motif que, contrairement à ce qui était le cas dans l'affaire ayant donné lieu à la décision n° 03-D-45 du 25 septembre 2003 du Conseil, seule une pratique d'entente verticale est relevée, susceptible d'affecter tout au plus la concurrence intra-marque. Toutefois, cette atteinte serait compensée par la concurrence inter-marque existant sur le marché vidéo pour enfants. Elle souligne également qu'aucune répartition de clientèle n'est mise en cause dans le dossier, comme cela a été relevé dans l'affaire décrite dans la décision n° 05-D-32 du 22 juin 2005.

267. Toutefois, les ententes et actions concertées, ayant pour objet et pour effet d'empêcher le jeu de la concurrence en faisant obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché et en favorisant artificiellement leur hausse, font partie des pratiques que le Conseil de la concurrence estime particulièrement graves car très préjudiciables au bon fonctionnement du marché, et donc aux avantages que peuvent en attendre les consommateurs.

268. Dans son rapport d'activité pour l'année 1987, notamment, le Conseil avait expliqué dans un chapitre consacré aux " ententes sur les prix et marges " qu'il était " très attaché à ce que soit préservée sur les marchés où s'affrontent différents producteurs ou différents distributeurs l'indépendance de chacun des opérateurs dans ses décisions de prix. Cette indépendance dans les décisions est en effet une condition nécessaire à l'émergence d'une compétition sur les prix, qui, pour n'être que l'une des formes par laquelle la concurrence joue, n'en constitue pas moins un des éléments déterminants en ce qu'elle oblige chacun des opérateurs à faire l'utilisation la plus économique possible des ressources qu'il mobilise ". L'entente permettant de diffuser et faire respecter des prix minimum conseillés de revente des vidéocassettes éditées par la société BVHE a ainsi revêtu une particulière gravité puisqu'elle a privé les consommateurs de la possibilité d'acquérir les produits en cause à un prix moindre, qui aurait résulté d'une véritable concurrence par les prix entre réseaux de distribution.

269. Par rapport à une entente entre concurrents portant sur les prix, la gravité d'une entente entre un fabricant et ses distributeurs doit s'apprécier en fonction de la part du marché de détail affectée par la pratique. Par exemple, si la part du marché du fabricant est de 100% et si tous les distributeurs sont impliqués dans l'entente, l'effet potentiel de la pratique est le même que celui d'une entente réunissant tous les fabricants. En l'espèce, BVHE occupait à l'époque des faits une position dominante sur le marché concerné, avec une part de marché qui a évolué de 72,5% en 1995 à 58,6% en 1998. La société BVHE dans ses observations fait valoir que les distributeurs mis en cause (IC VIDéo, CIM et SDO) ne représentaient en volume que 38% de ses ventes en 1998 et 34% en 1999. Toutefois en valeur, la part de ces distributeurs dans les ventes de BVHE représentait 50 % en 1995, 47,5 % en 1996, 45% en 1997 et 76 % en 1998.

270. S'agissant de BVHE, la gravité des pratiques doit également s'apprécier en notant que cette société est la seule à détenir un fonds de catalogue faisant l'objet d'une demande permanente, et sur lequel tout jeu de la concurrence été empêché sur le marché de détail par l'imposition de prix de détail élevés. Elle appartient de plus à un grand groupe d'envergure internationale, dont les comportements sont susceptibles de constituer la norme dans le secteur.

271. S'agissant des sociétés BVHE, Carrefour SAS, Casino et SDO, la gravité des pratiques établies résulte également du fait qu'elles s'appuient sur le détournement de la législation prohibant la revente à perte, les prix de vente au détail pratiqués étant présentés comme le seuil légal de revente à perte, alors que l'essentiel de la marge des distributeurs a été basculé en marges arrières faussement conditionnelles et en prestations de coopération commerciales fictives.

272. Enfin, les pratiques en cause sont particulièrement graves et dommageables lorsqu'elles sont le fait de distributeurs qui se présentent comme des enseignes ayant une politique de prix agressive. A cet égard, le Conseil relève que le GIE IC Vidéo était à l'époque des faits le plus gros client de BVHE, avec 282 MF d'achats sur un total de chiffre d'affaires réalisé par BVHE de 918,4 MF, soit plus de 30 % en 1995, 264 MF sur 925 MF, soit 28 % en 1996, 194 MF sur 705, soit 27,5 % en 1997, 202 MF sur 421, soit 48 % pour 1998.

2. SUR LE DOMMAGE À L'ÉCONOMIE

273. Selon la société Casino, aucune démonstration n'est apportée en ce qui concerne l'affectation du marché. Les sociétés Carrefour SA, Carrefour SAS et BVHE font valoir que le surprofit qu'elles ont réalisé ensemble ne peut être assimilé à l'intégralité des marges arrières. La société BVHE fait aussi observer que toutes les remises n'ont pas été mises en cause par le rapport, que la coopération commerciale ne peut en aucun cas être réintégrée sur la facture et que le niveau de marge qu'un distributeur peut réaliser sur ces produits ne peut être arbitrairement fixé par le Conseil. La société BVHE demande encore au Conseil de prendre en compte l'ancienneté des faits, la longueur de la procédure, le fait que l'illicéité de certaines remises n'est établie que de façon ponctuelle, que sa part de marché a décliné au cours de la période sur laquelle son comportement est mis en cause, que seule une partie des distributeurs a été mise en cause et que les prix de détail de ses produits ont baissé au cours de la même période.

274. Le rapport du groupe d'experts déjà cité ci-dessus au paragraphe 181 analyse les mécanismes qui, en l'absence d'entente verticale sur les prix, incitent les distributeurs à baisser leurs prix : " Lorsque producteur et distributeur fixent leurs prix respectifs, chacun affecte de fait le profit de l'autre ; en l'absence d'un contrôle des prix par le producteur, ceci conduit les distributeurs à pratiquer malgré eux des prix trop bas du point de vue des profits joints. En effet, les distributeurs exercent tout d'abord leur puissance d'achat pour réduire au maximum leur coût d'acquisition. Mais la concurrence intra-marque transfère ensuite aux consommateurs, sous la forme de baisse de prix, une partie des gains réalisés ".

275. En revanche, l'entente entre un fournisseur et ses distributeurs portant sur le prix de vente au détail de produits a pour objet et pour effet d'annuler le processus décrit ci-dessus et de leur assurer un prix de vente au détail plus élevé qui permet de maximiser leur profit joint, la négociation portant sur la répartition entre eux de ce profit.

276. Afin d'apprécier l'ampleur du dommage à l'économie, il y a lieu de prendre en compte la taille du marché en cause, 1266 MF en 1995, 1209 MF en 1996, 976 MF en 1997 et 718 MF en 1998. Il convient également de prendre en compte la part des vidéocassettes Disney dans ce total, qui a varié de 72,5% en 1995 à 58,6% en 1999, ainsi que la part des distributeurs impliqués dans les ventes de BVHE (voir paragraphe 269). De plus, les pratiques sont établies, pour ce qui concerne l'entente entre BVHE et IC Vidéo, de 1994 à 1999, pour ce qui concerne l'entente entre BVHE et SDO, de 1995 à 1998, et pour ce qui concerne l'entente entre le CIM et BVHE, pour l'année 1998.

277. On peut aussi, pour évaluer l'importance des pratiques, comparer l'évolution des prix des différents types de cassettes. Entre 1995 et 1999, les cassettes hors enfants ont vu leur prix baisser de 13 %, tandis que le prix moyen d'une cassette enfant n'a baissé que de 6 %. Il est vrai que celui des cassettes enfants éditées par BVHE a légèrement plus baissé durant cette même période, mais le niveau absolu des prix pratiqués par BVHE est plus élevé que celui des concurrents. Tandis que le prix moyen d'une cassette enfant passe de 138 à 130 F pendant cette période, celui d'une cassette BVHE passe de 154 à 143 F. Le prix moyen d'une cassette hors segment enfants passe quant à lui de 132 à 115 F.

3. EN CE QUI CONCERNE LA SOCIÉTÉ BVHE

278. La société BVHE a, dans le procès-verbal de mise en œuvre du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, en date du 18 mai 2005, souscrit les engagements suivants (cotes 2108 à 2112) :

" 1) La société BVHE s'engage à ne plus traiter et présenter comme conditionnelles dans sa politique de facturation auprès des distributeurs et des grossistes les remises visées dans la notification des griefs suivantes : la ristourne de préconisation centrale, la ristourne d'achat direct, la ristourne de présence effective, la ristourne Plan+, ainsi que la ristourne de gamme obligatoire, ou toutes autres ristournes identiques sous une appellation différente, qui auraient un caractère inconditionnel, et s'engage soit à les supprimer, soit à les réintégrer sur la facture au titre des remises non conditionnelles ;

2) De même, BVHE s'engage à supprimer ou à réintégrer sur la facture au titre des remises non conditionnelles la ristourne de mise en avant accordée aux grossistes ;

3) La société BVHE s'engage à mettre en place un contrôle effectif des contreparties conditionnant l'octroi de la ristourne d'espace linéaire et de la ristourne de mise en avant. A cet effet, elle fournit au Conseil de la concurrence les contrats qu'elle passe avec les prestataires de service chargés de sa mise en œuvre. Ces contrats devront expliquer, de façon précise, les méthodes et la périodicité utilisées pour vérifier que l'implantation des produits BVHE dans les linéaires des distributeurs correspond aux objectifs préalablement négociés avec eux. La société BVHE s'engage à conserver les documents permettant de vérifier la réalité de ces contrôles pour une année donnée pendant une période de cinq années suivant l'année de la vérification ;

4) La société BVHE s'engage à ne plus lier l'octroi d'un avantage au distributeur en matière de reprise des invendus et la ristourne d'adhésion aux objectifs ou toute autre remise qui rémunère le fait pour les distributeurs de s'engager sur un niveau de précommande, et à intégrer les principes de sa politique de reprise des invendus dans ses conditions générales de vente ;

5) La société BVHE s'engage à modifier les conditions d'octroi de la ristourne d'adhésion aux objectifs, qui rémunère le fait pour les distributeurs de s'engager en début d'année et pour les 12 mois de l'année en cours à effectuer le niveau de pré-commande de chacun des titres déterminés par BHVE, de manière à prendre en compte le fait pour un distributeur de ne pas atteindre le niveau de pré-commande défini. La société BVHE s'engage également à conserver les justificatifs démontrant que ses clients ont effectivement rempli les conditions permettant l'octroi de la ristourne d'adhésion aux objectifs pour une année donnée pendant une période de cinq ans suivant l'année de la vérification ;

6) La société BVHE s'engage à ne pas présenter et traiter comme conditionnelles les avantages commerciaux qui ne rempliraient pas les critères fixés par la loi, la réglementation et la jurisprudence applicables ; seule la rémunération des services spécifiques rendus par ses distributeurs, à la condition que cette rémunération corresponde à des prestations de services réels, non redondants, dont la matérialité et l'effectivité sont vérifiables par les autorités de la concurrence, peut faire l'objet d'une facturation séparée, à l'exception des prestations visées aux paragraphes 1 et 2 ci-dessus;

7) La société BVHE s'engage à liquider les ristournes liées à l'évolution du chiffre d'affaires au moins deux fois par an. Pour cela, la société BVHE s'engage à contrôler le montant du chiffre d'affaires atteint par le distributeur à la fin de chaque semestre et à verser la ristourne liée au chiffre d'affaires seulement si le chiffre d'affaires net intermédiaire du distributeur servant de base au calcul de la remise a atteint de manière définitive le palier de remise applicable, compte tenu des retours d'invendus effectués par le distributeur lors du semestre écoulé.

8) Ces engagements correspondent aux caractéristiques actuelles de la législation et de la jurisprudence. Ils devraient par conséquent être reconsidérés en cas d'évolution significative du cadre législatif et réglementaire ou de la pratique décisionnelle et de la jurisprudence des autorités de concurrence. La société BVHE s'engage d'une part, à ce que figurent dans ses conditions générales de vente toutes les réductions de prix qu'elle propose et que la loi, la réglementation et la jurisprudence, applicables au moment où elle les propose, définissent comme des rabais devant apparaître sur la facture, seule la rémunération des services spécifiques rendus par ses distributeurs pouvant faire l'objet d'une facturation séparée de la part de ces derniers ;

9) La société BVHE tiendra le rapporteur général informé, pendant une durée de cinq ans, de toute décision prise de ne pas appliquer les engagements tels que souscrits à ce jour en raison d'une telle évolution ;

10) La société BVHE s'engage à rappeler régulièrement les termes et l'importance de ces engagements à tous ses responsables et à tous les membres de ses forces de vente et /ou mettre en place un programme de formation portant sur les thèmes et sujets évoqués cidessus. ".

279. Lors de la séance, la société BVHE a confirmé ses engagements. Elle a également précisé que ses engagements s'appliquaient à toutes les formes de supports vidéo et qu'elle modifierait ses conditions générales de vente, de façon conforme à ses engagements, avec tous ses distributeurs.

280. Le Conseil considère que les engagements qui lui sont soumis sont significatifs, crédibles et vérifiables.

281. La mise en œuvre effective des engagements sera contrôlée par le Conseil de la concurrence. Les parties devront avoir achevé ces modifications à partir de la signature des conditions générales de vente entrant en vigueur pour l'année 2006. Il y a lieu pour le Conseil de prendre acte de ces engagements et d'enjoindre à la société de les respecter.

282. S'agissant des sanctions, le III de l'article L. 464-2 du Code de commerce prévoit que, lorsqu'il est mis en œuvre " le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié ". Ces dispositions ont pour objet de garantir aux entreprises intéressées que si le Conseil accepte les engagements qu'elles ont pris, le plafond légal applicable aux sanctions qu'il édicte est divisé par deux par rapport au régime de droit commun. Toutefois, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que, dans la limite de ce nouveau plafond, le Conseil apprécie le montant de la sanction qui aurait été encourue par chaque entreprise et y applique le taux de réfaction qu'il retient, compte tenu des propositions faites par le rapporteur général.

283. En l'espèce, le rapporteur général a proposé que la sanction encourue soit réduite dans une proportion allant de 25 % à 30 % du montant qui aurait été normalement infligé.

284. Le chiffre d'affaires de BVHE réalisé en France au cours de l'exercice clos le 30 septembre 2005 s'élève à 165,69 millions d'euro. En application des éléments relatifs au dommage à l'économie et à la gravité des pratiques tels qu'exposés ci-dessus, le montant de la sanction pécuniaire infligée à cette société aurait été fixé par le Conseil à 4,14 millions d'euro. Pour tenir compte de l'absence de contestation et des engagements pris en application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, ce montant est ramené à 3,1 millions d'euro.

4. EN CE QUI CONCERNE LA SOCIÉTÉ CARREFOUR SAS

285. La société Carrefour SAS a, dans le procès-verbal de mise en œuvre du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce en date du 23 juin 2005, souscrit les engagements suivants (cotes 2218 à 2219) :

" La société Carrefour s'engage à ne plus accepter des éditeurs de vidéocassettes et de DVD des conditions commerciales fondées sur des remises présentées comme conditionnelles, qui ont, de fait, un caractère inconditionnel, en particulier les remises suivantes visées dans la notification des griefs : la ristourne de préconisation centrale, la ristourne d'achat direct, la ristourne de présence effective ou toute autre ristourne identique sous une appellation différente ;

La société Carrefour s'engage à mettre les contrats de distribution qu'elle signe avec les éditeurs de vidéocassettes et de DVD en conformité avec la législation en vigueur et, en particulier, à ne plus accepter au titre des remises conditionnelles non intégrées à la facture tout avantage commercial qui ne remplirait pas les critères fixés par la loi, la réglementation et la jurisprudence applicables en la matière : seule la réduction de prix, non acquise à la date de la vente, rémunérant des services spécifiques rendus aux fournisseurs susvisés, à la condition que ces services soient réels et non redondants, peut faire l'objet d'une facturation séparée ;

La société Carrefour s'engage, en outre, à ne pas mettre en œuvre une surveillance des prix des vidéocassettes et DVD dans le but de faire remonter systématiquement les niveaux des prix pratiqués par les enseignes concurrentes à la demande et pour le compte du fournisseur ;

Les engagements ci-dessus, pris en l'état actuel de la législation et de la jurisprudence, devraient être mis à jour en cas d'évolution significative du cadre législatif et réglementaire ou de la jurisprudence des autorités de concurrence. A cet effet, la société Carrefour s'engage à tenir le rapporteur général informé, pendant une durée de cinq ans, de toute décision prise de ne pas appliquer ou d'amender les engagements tels que souscrits à ce jour en raison d'une telle évolution ;

La société Carrefour s'engage à rappeler régulièrement les termes et l'importance de ces engagements à tous ses responsables et à tous les membres de ses forces de vente et/ou mettre en place un programme de formation portant sur les thèmes et sujets évoqués ci-dessus ".

286. Lors de la séance, la société Carrefour SAS a confirmé ses engagements. Elle s'est engagée à modifier son comportement avec l'ensemble des fournisseurs de supports vidéo et à ne plus s'associer à ses fournisseurs dans la mise en œuvre de leur politique de surveillance des prix au consommateur.

287. Le Conseil considère que les engagements qui lui sont soumis sont significatifs, crédibles et vérifiables. Par ailleurs, leur mise en œuvre effective sera contrôlée par le Conseil de la concurrence. Les parties devront avoir achevé ces modifications à partir de la signature des conditions générales de vente entrant en vigueur pour l'année 2006. Il y a lieu pour le Conseil de prendre acte de ces engagements et d'enjoindre à la société de les respecter.

288. S'agissant des sanctions, le III de l'article L. 464-2 du Code de commerce prévoit que, lorsqu'il est mis en œuvre "le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié". Ces dispositions ont pour objet de garantir aux entreprises intéressées que si le Conseil accepte les engagements qu'elles ont pris, le plafond légal applicable aux sanctions qu'il édicte, est divisé par deux par rapport au régime de droit commun. Toutefois, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que, dans la limite de ce nouveau plafond, le Conseil apprécie le montant de la sanction qui aurait été encourue par chaque entreprise et y applique le taux de réfaction qu'il retient, compte tenu des propositions faites par le rapporteur général.

289. Dans le cadre de la procédure instituée par le III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le rapporteur général a proposé que la sanction encourue par Carrefour SAS soit réduite dans une proportion allant de 40 à 50 % du montant qui aurait été normalement infligé en l'absence de cette procédure.

290. Le chiffre d'affaires de Carrefour SAS réalisé en France au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2004 s'élève à 379,05 millions d'euro. En application des éléments relatifs au dommage à l'économie et à la gravité des pratiques tels qu'exposés ci- dessus, le montant de la sanction pécuniaire infligée à cette société aurait été fixé par le Conseil à 9,5 millions d'euro. Pour tenir compte de l'absence de contestation et des engagements pris en application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, ce montant est ramené à 5,7 millions d'euro.

5. EN CE QUI CONCERNE LES SOCIÉTÉS CASINO, SDO ET CARREFOUR SA

291. Le chiffre d'affaires de la société Casino, réalisé en France au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2004, s'élève à 107 millions d'euro. En application des éléments généraux et individuels exposés ci- dessus, le montant de la sanction pécuniaire infligée à cette société est de 3,2 millions d'euro.

292. Le chiffre d'affaires de la société SDO, réalisé en France au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2004, s'élève à 237,62 millions d'euro. En application des éléments généraux et individuels exposés ci- dessus, le montant de la sanction pécuniaire infligée à cette société est de 2,4 millions d'euro.

293. La société Carrefour SA n'a pas de chiffre d'affaires. Il ne peut donc lui être infligé de sanction.

Décision

Article 1 : Il n'est pas établi que la société BVHE ait enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce, et 81 et 82 du traité CE.

Article 2 : Il n'est pas établi que la société Carrefour SA ait enfreint les dispositions de l'article 81 du traité CE.

Article 3 : Il est établi que les sociétés BVHE, Carrefour SAS, SDO, Casino Guichard Perrachon et Carrefour SA ont enfreint les dispositifs de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 4 : Il est pris acte des engagements souscrits par les sociétés Carrefour SAS et BVHE tels qu'ils sont mentionnés aux paragraphes 278 et 285 de la présente décision et il leur est enjoint de s'y conformer en tous points.

Article 5 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

- A la société BVHE une sanction de 3 100 000 euro ;

- A la société Carrefour SAS une sanction de 5 700 000 euro ;

- A la société Casino Guichard Perrachon une sanction de 3 200 000 euro ;

- A la société SDO une sanction de 2 400 000 euro.