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Conseil Conc., 20 décembre 2005, n° 05-D-72

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques mises en œuvre par divers laboratoires dans le secteur des exportations parallèles de médicaments

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme de Mallmann, par Mme Aubert, vice-présidente, présidant la séance, MM. Bidaud, Flichy, Ripotot, membres.

Conseil Conc. n° 05-D-72

20 décembre 2005

Vu les lettres des sociétés Pharma-Lab enregistrées les 11 juillet 2000 et 17 août 2001 sous les numéros F 1249 et F 1331, Pharmajet enregistrées les 11 janvier, 5 avril, 16 mai et 28 novembre 2001 sous le numéro F 1286, le 19 février 2002 sous le numéro 02-0031F, le 3 octobre 2002 sous le numéro 02-0090F, Pharmadex T.M.C enregistrées le 30 mai 2001 et le 9 août 2002 sous les numéros F 1314 et 02-0075F, European Trade Company (ETC) enregistrées le 11 décembre 2001 sous les numéros F 1364, F 1365, F 1366, F 1367, F 1369, AD Pharm enregistrée le 24 juin 2003 sous le numéro 03/0043F par lesquelles ces sociétés ont saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les laboratoires Glaxo-Wellcome devenu GlaxoSmithkline (GSK), Lilly France, Boehringer Ingelheim, Wyeth Lederlé, Leo France, Ferring, Abbott Medisense France, Novartis Pharma, Pfizer, Merck Sharp et Dohme-Chibret (MSD), Norgine Pharma, Fournier, Sanofi-Synthelabo, Smith Nephew, Janssen-Cilag, Shering Plough, LifeScan, Aventis, Bayer Diagnostics, NovoNordisk et Astra Zeneca ; Vu la décision de jonction des affaires prise par le rapporteur général du Conseil de la concurrence le 2 avril 2004 ; Vu les décisions de secret des affaires n° 05-DSA-23 à 05-DSA-27 du 29 juin 2005 ; Vu les articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant ses conditions d'application ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu les observations présentées par les sociétés Pharma-Lab, Pharmajet, Pharmadex-TMC, et le commissaire du Gouvernement, La rapporteure, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, les représentants des sociétés Pharma-Lab, Pharmajet entendus lors de la séance du 18 octobre 2005, en présence du représentant de la société et Pharmadex-TMC; les sociétés AD-Pharm et European Trade Company ayant été régulièrement convoquées ;

Vu la note en délibéré du 26 octobre 2005 de la société Pharma-Lab, que celle-ci a été autorisée à produire ;

Adopte le décision suivante :

I. Constatations

A. Le secteur

1. Données générales sur le commerce parallèle

1. On désigne par les termes "commerce parallèle des produits pharmaceutiques" les flux commerciaux de médicaments opérés entre grossistes exportateurs et importateurs de différents pays, par opposition aux flux commerciaux opérés par les laboratoires eux mêmes lorsqu'ils livrent directement ou par l'intermédiaire de filiales locales leurs produits dans les différents pays. Dans le cas d'une commercialisation par les fabricants, la première mise sur le marché des médicaments est faite normalement directement dans le pays de consommation finale aux prix en vigueur dans ce pays, alors que dans le cas des exportations parallèles la première mise sur le marché est faite dans un autre pays que celui de consommation finale, au prix domestique de cet autre pays, et n'est donc pas suivie par une consommation finale locale, mais par une seconde étape de commercialisation vers le pays de consommation finale.

2. Les produits visés par le commerce parallèle sont principalement les molécules sous brevet offrant un différentiel de prix élevé, d'au moins 15 %, entre le tarif réglementé en vigueur dans l'Etat d'où partent les produits exportés et le tarif réglementé en vigueur dans le pays où ces produits sont consommés ou, éventuellement, le prix libre qui y est pratiqué. Le cas où les prix sont libres dans le pays importateur n'est guère différent car, dans cette hypothèse, le commerce parallèle ne s'instaure que si le prix de marché constaté dans le pays d'importation est sensiblement supérieur au tarif réglementé du pays de départ des produits exportés.

3. Si le Royaume-Uni reste le principal pays d'importation au moyen du commerce parallèle, du fait du niveau élevé des prix pratiqués pour les médicaments sous brevet, l'Allemagne pourrait constituer à terme le plus vaste marché. En effet, la législation allemande oblige les pharmaciens à substituer au médicament vendu au prix domestique par la filiale locale du laboratoire, un médicament issu du commerce parallèle à partir du moment où le différentiel de prix atteint 10 %. En 2001, les Pays-Bas avaient le taux de pénétration du marché le plus élevé en commerce parallèle dans l'Union européenne, soit 15 % du marché local. La France connaît des prix proches de la moyenne européenne bien qu'inférieurs de plus de 20 % à ceux pratiqués au Royaume-Uni et en Allemagne, si bien qu'elle peut constituer une base d'exportation pour ces deux marchés.

4. D'après IMS Health, société qui effectue des études au niveau mondial concernant le secteur de la santé, le commerce parallèle provenant de tous les pays de l'Union européenne représente 4 à 5 % du total du marché européen qui s'est élevé, en 2002, à environ 100 MdE. Selon l'association European Association of Euro-Pharmaceutical Companies (EAEPC) le développement du marché parallèle évalué à partir du prix d'achat pharmacie s'établit (en ME) pour les années 2000, 2001 et 2002 comme suit :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

2. Les opérateurs

5. Le Code de la santé publique, notamment son article L. 5124-11, soumet l'activité d'exportation de médicaments à un régime d'autorisation administrative et à une réglementation stricte qui prévoit, notamment, une liste limitative de types d'opérateurs susceptibles de procéder à des exportations, ainsi qu'une limitation des destinataires de ces exportations.

6. Le 7° de l'article R.5124-2 du Code de la santé publique distingue la catégorie des distributeurs en gros à l'exportation, qui désigne des entreprises "se livrant à l'achat et au stockage de médicaments (....) en vue de leur exportation en l'état". Cette définition a un caractère restrictif et signifie que ces exportateurs ne sont pas autorisés à vendre des médicaments sur le territoire national.

7. Il est important de noter que cette catégorie des purs exportateurs ne bénéficie d'aucun monopole pour les exportations. De nombreux autres opérateurs actifs sur le territoire national peuvent en effet exporter :

"Les fabricants, les importateurs, les exploitants, les dépositaires, les grossistes-répartiteurs, (....) peuvent exporter en dehors du territoire national les médicaments ou produits qu'ils vendent, cèdent à titre gratuit ou distribuent. Les exportations effectuées par ces entreprises ou organismes, ainsi que par les distributeurs en gros à l'exportation, vers d'autres Etats membres de la Communauté européenne ou parties à l'accord sur l'espace économique européen ne peuvent être destinées qu'à des personnes physiques ou morales autorisées à exercer des activités analogues ou habilitées à dispenser des médicaments ou produits concernés dans ces États" (article R.5124-2 du Code de la santé publique).

8. Parmi les entreprises habilitées à exporter des médicaments, il est donc pertinent pour les besoins de la présente affaire de distinguer les purs exportateurs visés au 7° de l'article R. 5124-2 du Code de la santé publique, qui exportent mais ne peuvent vendre sur le territoire national, et les autres opérateurs qui peuvent faire les deux, au premier chef les grossistes-répartiteurs qui sont les acteurs majeurs de la distribution de médicaments en France du fait de leur rôle clé dans la sécurité d'approvisionnement des officines.

9. Les grossistes-répartiteurs sont, en effet, soumis à une série d'obligations de service public destinées à assurer la sécurité des approvisionnements en médicaments pour les besoins de la consommation domestique et qui sont énumérées à l'article R. 5124-59 du Code de la santé publique : "Sur son territoire de répartition l'établissement est tenu aux obligations de service public suivantes :

1° Il doit disposer d'un assortiment de médicaments comportant au moins les neuf dixièmes des présentations effectivement exploitées en France

2° Il doit être en mesure :

a) De satisfaire à tout moment la consommation de sa clientèle habituelle durant au moins deux semaines ;

b) De livrer dans les 24 heures suivant la réception de la commande tout médicament faisant partie de son assortiment ;

c) De livrer tout médicament (...) à toute officine qui le lui demande".

10. Une des conséquences de ces charges de service public sur les autres opérateurs du secteur est de placer les fabricants dans l'obligation de livrer les grossistes pour les spécialités qui ont fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché et qui sont susceptibles d'être prescrites par les médecins et demandées par les pharmaciens.

11. Par ailleurs, le Code de la santé publique prévoit, à ses articles R. 5142-16 et suivants, les procédures de délivrance des certificats temporaires d'exportation par le directeur de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), certaines exportations pouvant être soumises à des interdictions temporaires. Ainsi, l'activité d'exportation n'est pas une activité générale et permanente mais une activité fragmentée et ciblée sur certains médicaments et certains pays, selon les demandes des importateurs.

12. Il faut également noter que les grossistes-répartiteurs n'usent pas tous de leur droit de procéder directement à des exportations : certains se sont organisés en filialisant cette partie de leur activité. Ces filiales spécialisées bénéficient néanmoins d'un accès privilégié aux produits du fait de la garantie de livraison minimale dont dispose leur maison mère vis à vis des laboratoires.

13. Selon le directeur de Pharmadex-TMC, les exportateurs indépendants, qui ne sont pas les filiales de grossistes-répartiteurs, n'occupent qu'une place minoritaire dans les flux d'exportations : "Nous estimons le marché des exportations de médicaments à partir de la France vers d'autres pays à environ 550 ME. Nous estimons la part des grossistes exportateurs non filialisés (tels que nous-même, Pharmajet, Euromedex, Intermed, ETC, Dipharmex et de petites sociétés) à 180 ME, le reste du chiffre d'affaires étant réalisé par les grossistes répartiteurs et des grossistes exportateurs filiales des grossistes répartiteurs" (Procès-verbal du 19 mai 2003). Le partage de l'activité d'exportation en valeur serait donc d'un tiers pour les exportateurs et deux tiers pour les grossistes-répartiteurs et leurs filiales.

14. Cette estimation est globalement confirmée par l'addition des chiffres d'affaires des principaux acteurs (voir points 15 à 28 ci-après). Même si le volume global du marché semble, pour la période 2000-2002, plus proche de 600 ME que de 550 ME, le partage un tiers/deux tiers se révèle exact. Il apparaît ainsi que les exportateurs indépendants (désignés simplement les "exportateurs" dans la suite de la présente décision) ne représentent qu'une part minoritaire des exportations parallèles au départ de la France, lesquelles sont majoritairement réalisées par les grossistes-répartiteurs nationaux et leurs filiales.

a) Les principaux exportateurs

15. La société Pharma-Lab exerce ses activités en tant qu'établissement pharmaceutique de distribution en gros à l'exportation en vertu d'un arrêté du ministre de la santé en date du 2 octobre 1995. Son chiffre d'affaires était de 74 ME (485 MF) en 1999 et de 79 ME (516 MF) en 2000, réalisé par des exportations dirigées pour un peu moins de la moitié vers le Royaume-Uni, pour un quart vers les Pays-bas et pour 10% chacun vers l'Allemagne et le Danemark. Jusqu'en 1995, elle a exporté et prospecté en "grand export", notamment vers les pays d'Asie, l'Europe de l'Est, l'Afrique francophone et l'Amérique du Sud. Entre 1995 et 2000, elle a continué à livrer quelques clients en "grand export". Son directeur général adjoint a indiqué le 9 octobre 2001 qu' "actuellement, la société Pharma- Lab n'exporte que vers les pays de l'Union européenne". Il a encore déclaré : "Pharma-Lab ne fonctionne que sous un système de pré-vente (...). Si l'achat auprès d'un laboratoire n'est pas possible, Pharma-Lab s'adresse à des grossistes (...).Pour chaque pays de l'Union européenne, Pharma-Lab s'abonne à une base de données pour connaître les conditions de commercialisation (licence, autorisation de mise sur le marché (...). L'importateur qui obtient une licence pour importer un produit ne l'obtient que pour ce produit (...). Il paie cette licence (en moyenne 10 000 F) et l'obtient après un délai (variable d'un pays à l'autre) (...)".

16. La société Pharmajet, créée en 1997, a pour activité la revente en gros de spécialités pharmaceutiques, avec un chiffre d'affaires d'environ 62 ME (420 MF en 2001), réalisé pour 90 % sur le territoire de la Communauté européenne. Son président directeur général a déclaré le 29 octobre 2001 : "(...) Actuellement, nous réalisons un chiffre d'affaires d'environ 420 millions de francs répartis comme suit : environ 300 millions vers l'export auprès de l'Angleterre, environ 50 millions de francs à l'export vers l'Allemagne et la Hollande puis vers le Danemark et la Norvège et environ 50 millions de francs vers l'Afrique et le Moyen-Orient (...). Nous ne revendons (...) que des produits dont le différentiel de prix entre la France et l'Angleterre est d'environ 25% minimum (...)".

17. La société Pharmadex TMC (Trading Medical Company) a été agréée comme exportateur de médicaments en octobre 1994. Elle a pour activité la revente en gros de spécialités pharmaceutiques avec un chiffre d'affaires de 31 ME en 2002, réalisé pour 90 % sur le territoire de la Communauté européenne. Dans cette part, les deux tiers sont réalisés avec le Royaume-Uni. Son président directeur général, a déclaré le 19 mai 2003 : " (...) Lorsque nous avons débuté notre activité, environ 50 % (...) concernait l'exportation hors Europe. Puis, vers le milieu d'année 1998, nous avons réorienté notre activité vers l'exportation à destination de l'Union européenne (...). Actuellement, la part du "grand export" (hors Union européenne) est d'environ 10 % de notre chiffre d'affaires (...). Nous achetons les médicaments auprès des laboratoires aux prix grossistes (...) Nous revendons ces médicaments à un prix d'achat officine moins 7% en moyenne (à partir d'un prix grossiste à - 9,7 %). Notre marge est donc de 2,7 %, (...). Pour qu'un produit puisse être exporté de France vers un autre pays de l'Union européenne, il faut que le différentiel de prix soit de 15 à 20% entre le prix grossiste en France et le prix grossiste du pays importateur (...)".

18. La société Ad-Pharm a débuté son activité de revente en gros à l'exportation vers les pays de l'Union européenne, après avoir reçu son agrément le 24 septembre 1998. Son chiffre d'affaires à l'exportation était d'environ 20 ME en 2002 principalement en direction du Royaume-Uni (60 %), l'Allemagne et les Pays-Bas.

19. La société Intermed a débuté ses activités en 1991 en tant que courtier à l'export ("grand export") pour le compte de répartiteurs. Elle ne pratique l'exportation à destination de la zone communautaire que depuis 1996. Elle a réalisé à l'export 10 ME de chiffre d'affaires en 2001, dont 75% sur le territoire de l'Union européenne.

20. La société Sirdev a pour activité l'exportation en gros de produits pharmaceutiques depuis 1992. Son activité est en quasi-totalité dirigée vers l'Union européenne, pour un chiffre d'affaires de 5,5 ME en 2002.

21. La société Médicor exerce l'activité de revente de médicaments à l'exportation intra et extra communautaire depuis le 25 juillet 2001. Son chiffre d'affaires est d'environ 6 ME en 2002. Son directeur commercial a déclaré le 25 juin 2003 : "(...) L'exportation de médicaments et de dispositifs médicaux est intéressante à partir d'un différentiel de prix de 15 % minimum. Nous prenons une marge moyenne de 4 à 5%. Notre marge peut aller de 3 % (brut) à 17 % (cette marge de 17 % exceptionnelle était réalisée en 2001 et 2002 sur les produits Zocor et Lodales (...))".

22. La société Euromedex France exerce l'activité de vente en gros à l'exportation pour environ 40% de son chiffre d'affaires. Cette part à l'exportation était de 5,9 ME en 2002.

23. La société ETC (European Trade Company) a pour activité l'exportation en gros de spécialités pharmaceutiques, avec un chiffre d'affaires de 2,3 ME en 2002, réalisé sur le territoire de la Communauté européenne pour 60 % à 70 % et sur le grand export (Afrique et Moyen-Orient) pour le reste.

b) Les principaux grossistes-répartiteurs ayant un département export ou une filiale export

24. Le groupe Alliance Santé France possède la société par actions simplifiée Alliance Santé qui est un grossiste-répartiteur et la société Serex Alliance Santé qui est un grossiste exportateur et dont le chiffre d'affaires export était de 122 ME en 2002.

25. La société CERP Lorraine Export est une filiale du grossiste-répartiteur CERP Lorraine. Elle avait un chiffre d'affaires export de 73 ME en 2001.

26. La société nouvelle Médical Export (MEX) est une filiale du grossiste-répartiteur CERP Bretagne. Ses représentants ont déclaré le 3 décembre 2001 "La société Mex a été créée en 1998. La société CERP Bretagne nord a commencé une activité export en 1992". Son chiffre d'affaires export était environ de 80 ME en 2000.

27. Le grossiste-répartiteur CERP Rouen n'a pas créé de filiale exportation mais son département export a réalisé environ 100 ME de chiffre d'affaires en 2002, essentiellement en Europe.

28. La société OCP Répartition est également un grossiste-répartiteur qui n'a pas créé de filiale exportation. Son activité d'exportation intra-communautaire ne s'est développée que récemment et a réalisé un chiffre d'affaires de 60 ME en 2003.

29. A vu de l'ensemble des chiffres d'affaires export disponibles, on constate que les cinq principaux grossistes-répartiteurs sont des acteurs majeurs du secteur et que seuls les deux premiers exportateurs Pharma-Lab et Pharmajet ont un volume d'affaires à l'export comparable aux leurs. Les deux exportateurs suivants, Pharmadex et Ad-Pharm, sont de taille nettement plus réduite. Les autres exportateurs sont des acteurs très minoritaires.

3. Les produits

30. Il s'agit des médicaments ou spécialités pharmaceutiques et des dispositifs médicaux. Ces produits sont définis comme suit par le Code de la santé publique :

Article L. 5111-1 : "On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que tout produit pouvant être administré à l'homme ou à l'animal, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques...".

Article L. 5211-1 : "On entend par dispositif médical tout instrument, appareil, équipement, matière, produit, à l'exception des produits d'origine humaine, ou autre article utilisé seul ou en association, y compris les accessoires et logiciels intervenant dans son fonctionnement, destiné par le fabricant à être utilisé chez l'homme à des fins médicales et dont l'action principale voulue n'est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens".

31. En matière d'exportation, les médicaments, spécialités pharmaceutiques et dispositifs médicaux les plus recherchés sont des produits "princeps". Leur brevet est actif et la demande peut être satisfaite sur le marché local. Sur le marché européen, chaque pays dispose en effet d'une offre locale provenant, soit de la filiale d'un groupe pharmaceutique établie dans un pays, soit d'un autre établissement sous accord de distribution.

32. Cependant, le recours à l'importation des médicaments et spécialités pharmaceutiques n'est possible que sous la condition d'obtention d'une licence d'importation. En revanche, les dispositifs médicaux peuvent circuler librement dans les pays de l'Union européenne à la condition de disposer du marquage CE.

33. Les principaux offreurs de médicaments, de spécialités pharmaceutiques et de dispositifs médicaux sont les laboratoires. Bien que certains soient des multinationales de taille importante, comme Pfizer, GSK et Merck, le secteur comprend une dizaine, voire un douzaine de "majors" et les vingt premiers groupes concentrent les 2/3 du marché mondial du médicament.

34. Sur le marché français, pour les années 2000 à 2003, la position des laboratoires mis en cause par les parties plaignantes est la suivante :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

35. Les exportations de médicaments se concentrent sur un petit nombre de spécialités, en particulier pour les exportateurs qui n'ont parfois de relations commerciales avec un laboratoire que pour un ou deux produits. Les médicaments les plus demandés entre 1999 et 2002 ont été le Zocoret le Cozaar pour MSD, le Deroxat, le Serevent et le Combivir pour GSK, le Tahor pour Pfizer, le Lodales pour Sanofi, le Mopral pour Astra Zeneca. 36. En outre, Pharma-Lab et Pharmajet, les deux plus importants exportateurs, ayant une certaine variété de fournisseurs, concentrent néanmoins la moitié de leurs achats sur trois ou quatre laboratoires. Quant aux petits exportateurs, ils réalisent souvent plus de 80% de leur activité avec un seul laboratoire.

37. Cette concentration sur un petit nombre de laboratoires est illustrée par les tableaux ci-après qui présentent la part du chiffre d'affaires de certains exportateurs réalisée avec les produits de différents laboratoires. Les valeurs faibles ne sont pas toujours portées et les volumes supérieurs à 7 % du total sont indiqués en gras.

38. En 1999

<EMPLACEMENT TABLEAU>

39. En 2000

<EMPLACEMENT TABLEAU>

40. En 2001

<EMPLACEMENT TABLEAU>

41. En 2002

<EMPLACEMENT TABLEAU>

B. Les pratiques en cause

1. Les pratiques mises en œuvre par les laboratoires qui ont mis en place un système de distribution notifié à la commission européenne

a) les pratique du laboratoire MSD Les modalités de distribution des produits MSD

42. Le laboratoire Merck a élaboré un système de gestion intégrée des stocks applicable en Europe qui a été notifié à la Commission européenne en mars 1996 et actualisé en 2000, ayant pour objectif la planification de la production. Le 23 mai 2002 son directeur financier a décrit les bases de ce système comme suit :

- "Une prévision de taux de croissance (positif ou négatif) est établie par le service de la planification stratégique des laboratoires MSD Chibret, en relation avec le service marketing.

- Ce taux de croissance est ensuite appliqué aux quantités réelles du 2ème semestre de l'année précédente, client par client, médicament par médicament (...)".

43. Les produits concernés par le système étaient en 1996 Renitec, Co-Renitec, Cozaar, Fosamax, Mevacor, Zocor, Pepcid (en France : Pepdine), Proscar (en France : Chibro- Proscar), Tienam, Trusopt. Des produits y ont été ensuite intégrés tels que le Fontzaar, en janvier 2002, le Zocor 40 mg et le Fosamax en janvier 2003. La société Supco filiale détenue par Merck qui est partie à l'accord "garde pour le territoire de chaque société un stock de réserve (...) ; ce stock doit permettre de répondre à un éventuel cas de force majeure et à toute variation imprévisible de la demande au cours de la période de référence (...)". L'intéressé a encore précisé : "(...) Avant le 1er janvier 2001, si un nouveau client nous commandait des produits concernés par le système IIMS" (Integrated Inventory

Management System)"nous faisions une demande auprès de MSD IS qui nous allouait une quantité prise sur son stock de sécurité (...). Depuis le 1er janvier 2001, les laboratoires MSD Chibret n'acceptent plus de nouveaux clients grossistes(...)".

Les pratiques dénoncées par les parties saisissantes

44. La société Pharmajet fait valoir qu'elle subit un contingentement des produits depuis le début de son activité. Ses représentants ont indiqué, le 28 février 2002 : "(...)Nous avons des commandes pour au moins 3 fois les quotas (...) par mois, notamment sur Zocor et Proscar (...)". Le 8 février 2005, son président a précisé que "MSD lui livre encore un produit sous la condition que ses commandes rentrent dans le cadre des quotas imposés par les laboratoires".

45. Le représentant de la société Pharmadex TMC a déclaré le 19 mai 2003 :"(...) Concernant le laboratoire MSD, il a été le premier à mettre en place un système de quota (...). Notre activité ayant débuté en 1994 (...), nous avons pu acheter des produits, notamment le Zocor (...). Actuellement, le système d'allocation fonctionne toujours sur les anciens produits (...) mais nous ne pouvons plus commander de nouveaux produits tels que Singulair et Vioxx (....)".

46. La société ETC fait valoir que, à la suite d'une commande du 24 juillet 2001 de 15 000 unités de la spécialité Zocor 20 mg auprès de la société MSD, cette dernière lui a répondu le 8 août 2001 que les quotas alloués pour le 2e semestre 2001, fixés à

46 179 unités étaient atteints à hauteur de 40 000 unités en exécution de précédentes commandes passées en juillet 2001, et qu'elle ne livrerait que le reliquat. Le 24 septembre 2003, son gérant a déclaré : "(...) Le laboratoire MSD continue de m'adresser des courriers, dont le dernier qui date du 1erseptembre 2003, par lequel il m'informe d'une baisse de son taux d'escompte, alors même que je ne commande aucun produit (...). Par ailleurs, je ne dispose pas d'historique sur les autres produits susceptibles d'être importés et des dotations de départ de l'ordre de 200 produits ne permettent aucune transaction (...)".

47. La société Ad Pharm invoque un refus de vente des produits Singulair 10 mg et Vioxx. Son représentant a déclaré le 12 mai 2003 : "(...) MSD a créé un système d'allocation des médicaments (...) dès le début de notre activité. Nous avons pu travailler avec ce laboratoire avec des allocations produit par produit, dont le montant était fixé unilatéralement (...) par trimestre, puis par semestre. Prétextant que nous n'avions pas d'antériorité en tant que client, nous n'avons pas pu accéder aux achats de nouveaux produits tels que Vioxx (...)".

Les éléments recueillis auprès des autres sociétés exportatrices

48. Le 5 mai 2003, les représentants de la société Euromedex ont déclaré que depuis trois ans, tous les produits susceptibles d'être revendus sur le territoire intracommunautaire font l'objet de contingentements. Euromedex s'est orientée vers d'autres sources d'approvisionnement, notamment vers le grossiste-répartiteur CERP qui n'a pas pu satisfaire ses demandes.

49. Le directeur commercial de la société Intermed a déclaré le 23 mai 2003 : "concernant les laboratoires MSD (...), ils nous contingentent mais ne nous demandent pas la destination des produits que nous exportons. Ils nous allouent des quantités et nous laissent en disposer (...)".

50. Le président de la société Sirdev a indiqué le 23 mai 2003 : (...) Nous avions acheté du Zocor à MDS dès le début de notre activité. Nous disposions donc d'un historique sur ce produit. Paradoxalement, MSD a été le premier à mettre en place un système de quotas, en 1996, mais il est aujourd'hui le seul à maintenir cette politique (...). Depuis 2002, la seule différence provient du fait que notre quota semestriel a été divisé par six pour devenir mensuel (...). Nous avons eu des demandes de produits Singulair, Crixivan et Vioxx de la part de nos clients, mais MSD nous a orienté vers sa filiale hollandaise qui nous a alors répondu que sa distribution était suffisante (...)".

51. Un représentant de la société Médicor a précisé le 3 juillet 2003 : "(...) par courrier du 30 octobre 2001", la société MSD "a fait savoir qu'elle ne souhaitait pas débuter de relations commerciales avec nous (...). Par courrier du 23 septembre 2002, la société MSD nous a indiqué que rien ne l'obligeait à entamer des relations commerciales avec notre société (...). Depuis l'automne 2002, deux produits : le Vioxx et le Singulair nous sont demandés à l'export vers l'Angleterre. Par un courrier du 18 novembre 2002, MSD nous a indiqué que sa filiale française ne commercialise pas ces deux produits qui sont distribués par sa filiale hollandaise MSD bv. Nous nous sommes donc adressés à cette filiale (...) qui nous a répondu (...) qu'elle n'acceptait pas notre proposition de services".

Les éléments recueillis auprès des grossistes-répartiteurs et leurs filiales exportatrices

52. La société Serex Alliance Santé s'approvisionne à 97 % au sein du groupe Alliance qui comprend un grossiste-répartiteur. Un de ses membres a déclaré le 8 janvier 2002 : "(...) Concernant nos relations avec le laboratoire MSD, notre historique Alliance Santé nous a permis de continuer à passer des commandes. Toutefois, le marché français devant être servi en priorité, il arrive que nous subissions des ruptures à l'export (...)".

53. Les représentants de la société CERP Lorraine Export ont indiqué le 19 décembre 2001 : "(...) Face à une demande précise, l'approvisionnement s'effectue par l'intermédiaire de CERP Lorraine (...). MSD est le premier laboratoire ayant pratiqué le contingentement en notifiant ce système à Bruxelles (...)".

54. Un membre de la société Médical Export (filiale de CERP Bretagne) a déclaré le 3 décembre 2001 : "(...) MSD a figé ses contingentements sur 1995 et n'a admis aucun développement supplémentaire (...). Le contingentement MSD a commencé avec 4 à 6 produits et aujourd'hui, il est pratiqué sur une quinzaine de produits (...)".

55. Les représentants de la société CERP Rouen qui exerce des activités de commerce intracommunautaire à travers son département export, ont déclaré le 4 décembre 2003 : "(...) Concernant le laboratoire MSD France : les contingentements sont semestriels et nationaux et fixés d'après un historique révisé d'après un taux de croissance fixé par MSD, depuis 1996 (...). De la même façon que MSD France, MSD Hollande nous informe parfois que notre quantité semestrielle est atteinte puis, quelques jours plus tard nous informe qu'elle a pu obtenir des quantités supplémentaires de la part de son fournisseur".

56. Le président de la société CERP Rhin-Rhône Méditerranée, grossiste-répartiteur qui exporte pour une très faible part de son chiffre d'affaires, a indiqué le 8 décembre 2003 : "En ce qui concerne les grossistes exportateurs, nous leur avons livré tous les produits qu'ils commandaient jusqu'au début des contingentements (2001). Depuis, nous ne leur livrons plus aucun produit contingenté mais nous leur livrons des produits non contingentés".

57. Enfin, les représentants de la société OCP Répartition qui a une activité de distribution intra-communautaire, ont déclaré le 30 octobre 2003 : "(...) Le fonctionnement du contingentement MSD a figé les parts de marché d'après les achats effectués auprès de ce laboratoire en 1995, par chaque répartiteur, que celui-ci pratique ou pas la distribution intra- communautaire (...)".

Conclusion

58. Les pratiques de MSD conduisent à réduire ou à figer les approvisionnements des exportateurs en spécialités ayant fait l'objet de commandes antérieures et à refuser la vente de nouvelles spécialités.

59. En revanche, les filiales des grossistes-répartiteurs sont toujours approvisionnées par le canal de leur maison mère mais elles subissent les effets des contingentements nationaux du fait de la priorité accordée aux livraisons sur le marché national.

b) les pratiques du laboratoire GlaxoSmithkline (GSK)

Les modalités de distribution des produits GSK

60. Le directeur juridique de GSK a déclaré le 28 mai 2002 : "Nous avons toujours servi les exportateurs en fonction des quantités résiduelles disponibles après prise en compte des contraintes suivantes : demande des grossistes-répartiteurs français ; besoins des autres entités du groupe pour leurs marchés nationaux". Le 9 juillet 2002, l'intéressé a encore déclaré : "Le 1er décembre 2001, nous avons notifié à nos clients ainsi qu'à la Commission européenne la mise en place d'un nouveau système de gestion de la chaîne des approvisionnements à partir du 1er janvier 2002 qui concerne, en France, actuellement 26 produits (...). Des volumes maxima de produits disponibles ont ainsi été mis en place, de manière équitable, établis selon les chiffres statistiques disponibles (chiffres du GERS et du CIP) sur le territoire national (...)".

61. Par lettre circulaire du 30 novembre 2001, GlaxoSmithKline a informé les grossistes exportateurs de la décision suivante : "Conformément au processus d'intégration en cours au sein du Groupe GlaxoSmithKline, afin d'améliorer et d'optimiser la fourniture de nos produits auprès des grossistes-répartiteurs, opérateurs autorisés à revendre ces produits sur le territoire français, dans le respect des dispositions du Code de la santé publique, des obligations de service public qui leur incombent légalement, et de notre mission de Santé Publique, GlaxoSmithKline a décidé, au-delà d'un délai de six (6) mois, de ne plus honorer vos commandes. Dès lors, à compter de la date de la présente, vous bénéficiez d'une période transitoire, de préavis, d'une durée de six mois au cours de laquelle nous pourrons vous fournir, sous réserve de la réception de vos commandes, une quantité mensuelle maximale de produits de surplus, basée sur la moyenne de vos achats effectifs des produits concernés, sur le premier semestre de l'année 2001 (...)".

62. Par lettre circulaire du 30 novembre 2001 il a informé les grossistes répartiteurs de sa décision de fixer, pour deux médicaments, Deroxat 20 mg et Serevent 25 µg, des quotas de livraison mensuelle par agence. Le laboratoire a précisé : "(...) Cette nouvelle organisation des commandes et de gestion des approvisionnements constitue, tant dans son adoption que dans sa mise en œuvre, un système de gestion strictement unilatéral (...)". Enfin, par lettre circulaire du 2 juillet 2002, GSK a informé les grossistes-exportateurs de sa décision de cesser d'honorer les commandes parvenues depuis l'expiration du préavis le 1er juin 2002.

63. Le directeur juridique de GSK a déclaré le 9 juillet 2003 : "(...) Nous avons pu constater que les grossistes exportateurs n'ont pas commandé la totalité des allocations qui leur avaient été allouées de manière transitoire durant la période de préavis. En ce qui concerne les grossistes exportateurs, nous avons honoré, dans la mesure de la disponibilité des produits, toutes les commandes reçues jusqu'au 28 mai 2002 à minuit (...).

Les pratiques dénoncées par les parties saisissantes

64. La société Pharma-Lab soutient que depuis octobre 1998 elle rencontre de nombreuses difficultés à se faire livrer certains médicaments commercialisés par la société GSK. Elle a complété sa saisine en dénonçant les termes de la lettre circulaire de GSK du 30 novembre 2001 susvisée. Cette société a demandé aux grossistes-répartiteurs OCP, CERP, Alliance Santé et Phoenix leurs possibilités de livraison. Ces derniers n'ont pas donné de suite favorable à sa demande. Le 5 février 2005, le directeur général de Pharma-Lab a déclaré que GSK a interrompu ses livraisons sur tous les produits de sa gamme.

65. La société Pharmajet fait valoir qu'elle subit des contingentements de ses commandes de la part de GSK depuis 1997, et que ses concurrents à l'export obtiennent jusqu'à dix fois plus de produits pour des parts de marché plus petites. Ses représentants ont déclaré le 28 février 2002 : "(...) Dès le début de notre activité nous avons eu des problèmes de livraison avec (...) Glaxo Wellcome (...)". Ils ont également communiqué la lettre circulaire de GSK du 30 novembre 2001. Enfin, le 8 février 2005, le président de la société Pharmajet a déclaré que GlaxoSmithKline ne lui livre aucun produit.

66. La société Pharmadex TMC indique qu'ayant commandé plusieurs médicaments à GSK, Serevent susp inh 25 µg/dose 120 doses, Serevent Diskus 50 µg/dose 15x4 doses, Naramig 2,5 mg en B/6, Zélitrex 500 mg (GSK) B/42 et B/10, Combivir compr B/60, Flixotide 125 mg/dose et 250/dose, elle a été satisfaite partiellement. Par la suite, elle a reçu la lettre précitée de GSK en date du 30 novembre 2001. Enfin, son président a indiqué le 19 mai 2003 qu'il ne peut plus obtenir de produit auprès de GSK depuis le 1er juin 2002.

67. La société ETC fait valoir que, suite à une commande de plusieurs médicaments auprès du laboratoire GlaxoSmithKline, en novembre 2000, ce dernier ne lui a livré qu'une partie des produits Epivir et Combivir, en février 2001. La commande de ces mêmes produits en février 2001, n'a été que partiellement satisfaite. Son gérant a déclaré le 24 septembre 2003 : "(...) En 2001, nous avons réussi à obtenir auprès des laboratoires les produits Epivir et Combivir (Glaxo) et Zerit (BMS). Nous avons pu nous approvisionner environ 6 mois, puis nous avons reçu une réponse du laboratoire Glaxo suite à l'une de nos commandes, le 30 novembre 2001, qui nous signifiait qu'au-delà de six mois il ne nous livrerait aucun produit (...)". L'intéressé a encore précisé le 19 novembre 2003 que pour les médicaments de traitement du sida, Combivir et Epivir, il avait essayé de les commander aux pharmacies centrales des hôpitaux, sans résultat.

68. La société AD Pharm soutient avoir subi de la part de GSK un refus de vente, lors du changement du traitement de ses commandes intervenu lors de la fusion, au cours de l'année 2000, des laboratoires Glaxo et SmithKline Beecham. Alors qu'elle était cliente régulière desdits laboratoires, elle a été informée par un courrier en date du 30 novembre 2001 de la clôture annoncée de son compte client.

Les éléments recueillis auprès des autres sociétés exportatrices

69. Les représentants de la société Euromedex France ont indiqué le 5 mai 2003 que depuis trois ans, tous les produits susceptibles d'être revendus sur le territoire intracommunautaire font l'objet de contingentements.

70. Le directeur commercial de la société Intermed a déclaré le 21 mai 2003 : "(...) Durant l'année 2000 et jusqu'en novembre 2001, nous n'achetions que les produits Serevent (3 types de produits) au laboratoire GSK. Par lettre du 30 novembre 2001, le laboratoire GSK nous a informé qu'à l'issue du présent préavis de 6 mois, il ne nous livrerait plus de produit, sauf si nous options pour le statut de répartiteur (...). Entre décembre 2001 et fin avril 2002, GSK nous a livré en produits Serevent sur la base d'une moyenne des quantités livrées durant le semestre précédent. Depuis le 1er mai 2002, nous n'avons plus obtenu aucun produit (...)".

71. Le président de la société Sirdev a déclaré le 23 mai 2003 : "(...) Nous n'avons pas connu de problèmes d'approvisionnement au départ (...). Lorsque le laboratoire GSK nous a adressé un préavis de six mois pour nous préparer à l'arrêt des ventes auprès des exportateurs, il nous a indiqué que pour maintenir des relations commerciales nous pouvions demander le statut de grossiste répartiteur (...)".

72. Le directeur commercial de la société Médicor a indiqué le 18 janvier 2002 : "(...) En décembre, j'ai envoyé ma commande mensuelle et nous avons reçu en date du 19 décembre 2001, par lettre recommandée, un refus motivé par la mise en application du nouveau système de gestion des approvisionnements (...)". L'intéressé a encore déclaré le 3 juillet 2003 : "(...) Historiquement, GSK avait mis en place un système de quotas dont bénéficiait tout nouvel entrant sur le marché, ce qui fut notre cas".

Les éléments recueillis auprès des grossistes-répartiteurs et leurs filiales exportatrices

73. Le président de la société Serex Alliance Santé, a déclaré le 8 janvier 2002 : "(...) A 97 %, les commandes sont passées par Alliance Santé (...). Nous avons obtenu du laboratoire Glaxo de passer des commandes à notre nom en fin d'année 2001. Toutefois, en décembre 2001, nous avons reçu un courrier nous indiquant des quotas pour 2002 (...)". Quant au représentant de la société Alliance Santé il a déclaré le 20 octobre 2003 : "(...) Concernant le laboratoire GlaxoSmithKline (GSK) : ce laboratoire nous alloue des quotas nationaux. (...) Depuis la mise en place des quotas en 2001, nous n'approvisionnons la société Serex Alliance Santé que dans la mesure de nos possibilités. Nous privilégions toujours le marché intérieur (...)".

74. Les représentants de la société CERP Lorraine Export ont déclaré le 19 décembre 2001 : "(...) Le système de contingentement qui se développe auprès des laboratoires (...) aboutit à une stagnation de la répartition sur le marché national (...). Si l'on compare les chiffres de contingentement prévus par GSK pour le 1er trimestre 2002 aux chiffres des ventes pour le même trimestre 2001, on constate que l'exportation n'est plus possible (...)".

75. Le représentant de la société Medical Export a indiqué le 3 décembre 2001 : "(...) Les ruptures d'approvisionnement de la part des laboratoires ne se produisent pas uniquement envers nous, mais envers l'ensemble des agences CERP (...)".

76. Des membres de la société CERP Rouen ont déclaré le 4 décembre 2003 : "(...) Concernant le laboratoire GSK, nous avons contesté ses conditions générales de vente notamment à propos de la liberté que se réserve cette société de livrer ou pas les quantités commandées de manière unilatérale (article 3 des CGV) (...). Par courrier du 14 mars 2003, GSK a modifié son système d'allocation pour passer des allocations par agence à des allocations nationales (...)".

77. Le président de la société CERP Rhin Rhône Méditerranée a déclaré le 8 décembre 2003 :

"(...) Nous n'avons pas subi de rupture de produit à l'échelle de notre société (...). En ce qui concerne les grossistes exportateurs, nous leur avons livré tous les produits qu'ils commandaient jusqu'au début des contingentements (2001). Depuis, nous ne leur livrons plus aucun produit contingenté mais nous leur livrons des produits non contingentés".

78. Les représentants de la société OCP (activité "distribution intra-communautaire") ont déclaré le 30 octobre 2003 : "(...) La mise en place des contingentements a bouleversé le mode habituel de fonctionnement et est contradictoire avec l'accord passé au sein du CIP (club inter pharmaceutique) qui prévoit que toute commande passée à un jour J reste valable pendant un mois (...). Notre agence de Reims était donc partie du principe que les commandes de Lamictal passées auprès de GSK et non honorées restaient valides d'un mois sur l'autre. Or, la société GSK a considéré que les commandes auraient dû être à nouveau passées et ce produit a donc subi une rupture. Après l'incident, nous avons constaté que le laboratoire GSK, qui auparavant ne nous contingentait pas, a procédé à un contingentement national (...)".

Conclusion

79. Les pratiques de GSK conduisent à cesser les livraisons auprès de la plupart des exportateurs, notamment pour les spécialités les plus demandées. En revanche, les filiales des grossistes-répartiteurs sont toujours approvisionnées par le canal de leur maison mère mais elles subissent les effets des contingentements nationaux en raison de la priorité accordée aux livraisons sur le marché national. L'une d'entre elles considère que la rigueur du système de contingentement rend la poursuite des exportations pratiquement impossible.

c) Les pratiques du laboratoire Lilly France

Les modalités de distribution des produits Lilly

80. Le directeur juridique de Lilly France a déclaré le 22 mai 2002 : "(...) Le groupe Lilly (...) a décidé, en 1999, de mettre en place, à compter du 1er mars 2000, un système appelé "système de gestion de la chaîne d'approvisionnement" (Supply Chain Management) dont le but est d'optimiser la production et la distribution des médicaments Lilly en Europe (...). Dans le système mis en place depuis le 1er mars 2000, nous ne livrons pas de nouveau client pour les 7 produits concernés par le SCMS (...). Pour ce qui concerne les exportations parallèles, un seul de ces produits (Zyprexa) fait l'objet de commandes. Des produits non inclus dans le système de gestion de la chaîne d'approvisionnement font l'objet d'exportations parallèles (tels que l'insuline, sous diverses dénominations) (...). Dans un premier temps, à partir du 1er mars 2000, le système mis en place consistait à définir les besoins du marché (local + exportations), puis à répartir les quantités sur les clients (répartiteurs + exportateurs) selon la part de marché qu'ils détenaient sur le trimestre précédent (...). Ce système a été avant tout mis en place pour rationaliser la production et la distribution de produits stratégiquement importants pour Lilly (...)". La société Eli Lilly précise que la façon dont elle calcule les allocations est unilatérale. Dans un second temps, une lettre type de Lilly du 7 février 2002 indique un changement de la base de calcul des quotas qui portent désormais non plus sur les achats durant une période de référence mais sur les ventes aux officines. Ce courrier adressé aux grossistes-répartiteurs diffère de celui adressé aux grossistes-exportateurs dans la mesure où il prévoit une possible diminution et non une suppression des allocations.

81. Sur la modification du SCMS, l'intéressé a déclaré : "(...) à partir du 1er avril 2002, les besoins du marché ne tiennent compte que du marché local (...). Ces besoins sont répartis sur les grossistes (répartiteurs uniquement) (...) en fonction des parts de marché nationales des grossistes telles que communiquées par le Club Inter Pharmaceutique (CIP). Cette modification du système en avril 2002 a également été notifiée à la Commission, le 7 février 2002 (...)".

82. Dans la notification qu'elle a adressée à la Commission européenne le 7 février 2002, la société Eli Lilly a indiqué que cette nouvelle politique ne limite en aucun cas ce que les grossistes peuvent faire avec les produits une fois qu'ils les ont obtenus. Par ailleurs, elle précise que les approvisionnements par Lilly ne sont assortis d'aucun engagement à limiter les exportations. Il s'agit d'une politique menée de façon unilatérale. Enfin, le représentant de la société Lilly France a indiqué que cette dernière ne souhaite pas vendre le produit Humalog aux grossistes exportateurs "depuis septembre 2002, dans la mesure où la combinaison du caractère erratique des commandes et les volumes considérables mettaient en péril l'approvisionnement du marché français (...)".

Les pratiques dénoncées par les parties saisissantes

83. La société Pharma-Lab fait valoir que, depuis janvier 2000, elle rencontre des difficultés à se faire livrer les médicaments Prozac et Zyprexa. De plus, lorsque ces médicaments sont livrés, ils le sont en quantités moindres avec des délais de livraison très longs. A l'appui de sa plainte Pharma-Lab a communiqué le courrier type précité que lui a adressé Lilly France le 7 février 2002. Par ailleurs, le représentant de la société Pharm-Lab a indiqué le 5 février 2005 que la société Lilly a interrompu ses livraisons de tous les produits de la gamme.

84. La société Pharmajet fait valoir qu'elle rencontre des problèmes concernant ses commandes auprès du laboratoire Lilly France depuis octobre 1999. Selon elle, Lilly "dans le sillage des laboratoires GlaxoSmithKline et Pfizer", participe à une entente avec ces laboratoires et abuse d'une position dominante dans la mesure où chaque molécule brevetée représente un marché, plaçant le laboratoire dans une situation de monopole tant que cette molécule n'est pas tombée dans le domaine public. La partie plaignante a communiqué une lettre type de Lilly France du 24 janvier 2000 annonçant la mise en place de quotas sur six produits. Elle a encore produit le courrier du 29 février 2000 de Lilly France indiquant la mise en place définitive de son système de gestion de la chaîne d'approvisionnement à partir du 1er mars 2000, et celui précité du 7 février 2002 indiquant un changement dans la base de calcul des quotas. Enfin, son représentant a déclaré le 5 février 2005 que Lilly ne lui livre aucun produit.

85. La société Pharmadex TMC fait valoir que les demandes de Zyprexa ayant fortement augmenté à l'importation depuis 1999, elle a adressé le 22 mai 2000 une lettre à la société Lilly France lui demandant d'entamer des relations commerciales, et un bon de commande dudit produit le 21 juillet 2000. En outre, elle a remis deux courriers de Lilly France en date des 21 juin et 22 juillet 2000 indiquant que la mise en place d'un "système de gestion de la chaîne des approvisionnements (Supply chain management)" la conduisait "pour l'instant à ne pas livrer de nouveaux clients".

86. La société ETC fait valoir qu'en 2001, lorsqu'elle a voulu commander au laboratoire Lilly France les médicaments Prozac et Zyprexa sous différentes formes et dosages, ce dernier lui a opposé un refus.

87. De son côté, la société Ad Pharm dénonce de la part de Lilly France un refus de vente des spécialités Zyprexa 5mg et 10 mg et Humalog.

Les éléments recueillis auprès des autres sociétés exportatrices

88. Les représentants de la société Euromedex ont communiqué le courrier type, en date du 7 février 2002, de la société Lilly France l'informant que, à la suite des changements intervenus dans son système de gestion de la chaîne des approvisionnements, elle ne lui attribuerait pas d'allocation pour le 2ème trimestre 2002 pour les produits inclus dans le système.

89. Le représentant de la société Intermed a déclaré le 21 mai 2003 : "(...) En fin de semestre, les quotas alloués par les laboratoires étant épuisés, nos clients importateurs acceptent de payer des prix plus élevés (...). Dans ce cas, il nous est alors possible de nous adresser aux répartiteurs qui, dans la mesure où eux-mêmes disposent de quantités disponibles de produits des grands laboratoires tels que (...) Lilly, nous en proposent (...)".

90. Le président de la société Sirdev a déclaré le 23 mai 2003 : "(...) Nous avons commandé (...) du Prozac au laboratoire Lilly de 1994 à 1997. Puis en 2000, nous avons eu une commande et la société Lilly nous a alors adressé un refus nous indiquant qu'elle ne référençait plus de nouveaux clients en général (...)".

91. Le représentant de la société Médicor a déclaré le 3 juillet 2003 : "(...) Concernant le laboratoire Lilly : cette société a établi une liste de sept produits qui ne sont pas accessibles à de nouveaux clients.(...)".

Les éléments recueillis auprès des grossistes-répartiteurs et leurs filiales exportatrices

92. La société Alliance santé a précisé le 20 octobre 2003 : "(...) Concernant les produits contingentés par le laboratoire Lilly France : l'allocation est trimestrielle (...). Depuis la mise en place des quotas en 2001, nous n'approvisionnons la société Serex Alliance Santé que dans la mesure de nos possibilités. Nous privilégions toujours le marché intérieur".

93. Des membres de la société CERP Lorraine Export ont déclaré le 19 décembre 1981 qu'en ce qui concerne le laboratoire Lilly des quotas leur sont imposés. Ils ont ajouté : "(...) Nous ne disposons que des reliquats des contingentements imposés à CERP Lorraine (...)".

94. Le représentant de la société Médical Export a déclaré le 31 décembre 2001 : "(...) Le laboratoire Lilly France nous a également signifié un contingentement sur les produits Prozac et Zyprexa par un courrier du 24 janvier 2000 dans lequel il indiquait qu'il mettait en place un "système de gestion de la chaîne d'approvisionnement "(supply chain management). Les contingentements par trimestre concernant le Prozac et le Zyprexa n'ont ensuite jamais cessé (...)".

95. La société CERP Rouen a déclaré le 4 décembre 2003 : "concernant le laboratoire Lilly : par un courrier du 24 janvier 2000, nous avons été informés que ce laboratoire avait mis en place un système de gestion des approvisionnements à partir du 15 décembre 1999. Les allocations sont trimestrielles et nationales (...). Lilly nous informait notamment (...) qu'il ne livrerait aucun nouveau client. Par un courrier du 3 août 2000, nous avons alerté ce laboratoire au sujet des allocations qui étaient bien inférieures à nos achats et ventes habituels, (...) Le 8 septembre 2000, Lilly France nous informait qu'il augmentait les allocations initiales concernant certains produits. Le produit Umatrope 18 UI dont l'allocation trimestrielle correspondait à nos ventes pour un mois n'a, pour autant, pas été augmenté dans ce second courrier (...). Le 7 février 2002, Lilly France nous a adressé un courrier nous informant de changements dans sa "supply chain management(...). A l'instar de certains laboratoires, nous recevons parfois des courriers nous informant que des produits sous quotas sont disponibles en quantité supérieure pour le trimestre suivant".

96. Enfin, les représentants de la société OCP Répartition ont indiqué le 30 octobre 2003 : "(...) D'autres laboratoires nous communiquent des quantités trimestrielles nationales : Lilly France (depuis le 15 octobre 1999) (...)".

Conclusion

97. Les pratiques de Lilly France consistent en des refus de vente opposés à la plupart des exportateurs. Les filiales des grossistes-répartiteurs sont toujours approvisionnées par le canal de leur maison mère mais elles subissent les effets des contingentements nationaux du fait de la priorité accordée aux livraisons sur le marché national.

d) les pratiques du laboratoire Sanofi Synthelabo France.

Les modalités de distribution des produits Sanofi Synthelabo

98. Il apparaît que ce laboratoire exige la mention du pays destinataire sur les commandes à l'export. Pour le produit Lodalès qui "(...) est fabriqué par le laboratoire américain Merck et se trouve, sur le marché français en co-marketing avec le produit Zocor (commercialisé par la filiale française de Merck)", il a mis en place des quotas.

99. Les représentants de Sanofi Synthelabo ont communiqué une note "procédure Dotation Lodalès 20mg" indiquant qu'ils procédaient aux dotations en fonction des quantités livrées par leur fournisseur en distinguant pour les grossistes-répartiteurs, selon les parts de marché déclarées au "club inter pharmaceutique" (CIP). La note précise encore : "(...) b) Pour les grossistes exportateurs, la part de marché a été déterminée en fonction des ventes Lodalès 20 mg sur l'année 2000 (...) ; c) En ce qui concerne les nouveaux clients (par exemple Médicor, (...) référencé en janvier 2002), nous lui avons attribué la même quantité que le plus petit client exportateur en l'occurrence AD Pharm".

100. Les refus de vente opposés par Sanofi Synthelabo antérieurement à la mise en place de son système de distribution ont été justifiés par des ruptures de stocks momentanées.

101. Le système de distribution notifié à la commission Européenne le 21 février 2002 par Sanofi Synthelabo précise que le "système de rationalisation et d'optimisation de la production et de la logistique" dénommé "Syropl" concerne les produits suivants : Plavix, Aprovel, Co-Aprovel, Fraxiparine, Depakine, Xatral, Stilnox, Arixtra, Tildiem, Solian, L-Thyroxine et Cordarone. "Cette liste correspond globalement aux produits les plus vendus par Sanofi-Synthelabo (...) et inclut des produits prochainement commercialisés mais dotés d'un fort potentiel de croissance (Arixtra)". Il est précisé "que le Syropl s'applique indistinctement à l'ensemble des grossistes pour l'Union européenne, sans distinguer selon la destination finale du produit vendu (...). Chacune des filiales se voit attribuer une allocation annuelle par référence de produit ; cette allocation est calculée (...) sur la base des quantités livrées l'année précédente modulée (1) de l'estimation du taux de croissance du marché domestique, et (2) éventuellement, d'un coefficient d'aléas variable selon les produits, tenant compte de leurs spécificités (...) L'allocation annuelle par filiale permet d'établir des allocations annuelles par client et par produit, elles-mêmes décomposées en allocations mensuelles (...). Les nouveaux clients sont servis de façon non discriminatoire grâce à un stock spécifique réservé aux nouveaux clients". Il est indiqué que "Le Syropl est destiné à optimiser l'approvisionnement des marchés (...)".

Les pratiques dénoncées par les parties saisissantes

102. La société Pharma-Lab fait valoir que depuis 2001, le laboratoire Sanofi-Synthelabo développe des pratiques destinées à faire échec à l'exportation de plusieurs de ses médicaments. Elle cite notamment le cas du Primperan 20 mg suppositoires et du Lodalès 20 mg. Elle indique par ailleurs que Sanofi-Synthelabo exige l'indication du pays destinataire sur les bons de commande, en se référant à l'article 13 de la directive européenne n° 91/356 du 13 juin 1991 fixant les principes et lignes directrices des bonnes pratiques de fabrication des médicaments à usage humain. Selon la partie plaignante, cette directive mentionne que l'obligation du pays destinataire des produits doit être remplie seulement "dans toute la mesure du possible". Par ailleurs, les délais de livraison sont très longs et le laboratoire invoque des indisponibilités de produits pour insuffisance de stocks.

103. Le représentant de la société Pharma-Lab a produit divers échanges de courriers entre sa société et le laboratoire Sanofi Synthelabo relatifs en particulier à des refus de livraison des produits Solian et Xatrol, qu'elle a obtenus auprès de la société CERP Lorraine. L'intéressé a également communiqué le courrier que Sanofi-Synthelabo a adressé par télécopie le 12 juillet 2002 à la société Pharma-Lab, l'informant de ses allocations de certains produits pour les deux trimestres à venir via la mise en place d'un système de "rationalisation de la production et de la logistique" depuis le 1er avril 2002. Il a aussi transmis un courrier du laboratoire du 30 août 2002 l'informant que son système de rationalisation de la production et de la logistique, élaboré par sa maison mère, pour l'ensemble des filiales européennes, intégrait six nouvelles spécialités à compter du 2 septembre 2002. Enfin l'intéressé a déclaré le 8 février 2005, : "Pour les produits anciens certains font l'objet d'une interruption (...) ou bien, ils sont en décroissance (Sanofi...)".

104. La société Pharmajet indique que le laboratoire Sanofi-Synthelabo, "met en place des quotas sur la spécialité Lodalès et ne livre désormais que la moitié de ses commandes de l'année 2000 et le tiers de celles de 2001(...)". Elle a joint à sa saisine le courrier que lui a adressé Sanofi-Synthelabo le 23 février 2001, indiquant qu'il faisait face à des difficultés d'approvisionnement pour la spécialité Lodalès 20 mg et qu'il procédait à une "répartition des stocks disponibles à chaque livraison de la production" basée sur les historiques des ventes 2000.

105. Ultérieurement, la partie plaignante a fait valoir que depuis le 14 novembre 2001 Sanofi lui refuse toute livraison de Plavix 75mg cp B+28. En outre, le 30 août 2002, elle a reçu un courrier l'informant que la mise sous quotas était étendue à d'autres spécialités représentant 90 % de son chiffre d'affaires. Enfin le 8 février 2005 son représentant a déclaré que "le laboratoire Sanofi continue de la livrer en imposant des quotas sur les produits. Exemple : Depakote (...) Aprovel (...)".

106. La société ETC fait valoir qu'en novembre 2000 elle a commandé à Sanofi-Synthelabo la spécialité Plavix 75 mg (28 comprimés) qui lui opposé un refus de vente.

107. Le représentant de la société Ad Pharm a déclaré le 12 mai 2003 : "En ce qui concerne le laboratoire Sanofi-Synthelabo, celui-ci ne pratique pas une politique de contingentement claire. Nous avons commandé auprès de ce laboratoire les produits suivants : Aprovel, CoAprovel, Plavix, ainsi que d'autres médicaments (...). Nous avons commandé le produit Lodalès pour la première fois le 4 juillet 2001 (...) et nous avons reçu sur un an et demi entre 160 et 240 boîtes par mois (...). Sur les autres produits, nous arrivons à des attributions de 1 à 26 boîtes par mois et, ne pouvant commercialiser de si petites quantités, nous ne les commandons pas".

Les éléments recueillis auprès des autres sociétés exportatrices

108. Le président de la société Pharmadex TMC, qui n'a pas mis en cause le laboratoire Sanofi Synthelabo, a déclaré au cours de l'enquête le 19 mai 2003 : "En ce qui concerne les laboratoires Sanofi-Synthelabo (...), à partir du moment où un historique a été mis en place, ne seront prises en compte que les quantités qui avaient été commandées précédemment, avec une décision unilatérale du laboratoire d'augmenter ou de diminuer ces quantités (...)".

109. Les représentants de la société Euromedex ont remis plusieurs courriers du laboratoire Sanofi Synthelabo l'informant d'une part que le minimum de commande était de 5000 euros et d'autre part de l'élargissement de son système de rationalisation de la production et de la logistique à six nouveaux produits.

110. Le président de la société Sirdev a déclaré le 23 mai 2003 : "(...) le laboratoire Sanofi-Synthelabo, auquel nous avons commandé les produits Aprovel et Lodalès en 2002 nous a adressé une réponse nous indiquant que ce produit pourrait être livré sur la base d'un historique de commandes ou d'un historique constitué sur leur fond de réserve, soit une à deux boîtes par mois (...)".

111. La société Médicor a communiqué des échanges de courriers avec Sanofi Synthelabo, dont la lettre type de ce laboratoire de juillet 2002, relative à la mise en place de son système de rationalisation de la production et de la logistique.

Les éléments recueillis auprès des grossistes-répartiteurs et leurs filiales exportatrices

112. Le président de la société Serex Alliance Santé, a déclaré le 8 janvier 2002 : "(...) Concernant nos relations avec le laboratoire Sanofi-Synthelabo, après plusieurs appels téléphoniques nous indiquant que les commandes ne seraient pas honorées (...), nous avons passé une commande de Lodalès 20mg en direct et au nom de Serex le 4 septembre 2001 qui indiquait que la destination finale était la Grande-Bretagne. Sanofi-Synthelabo nous a répondu le 7 septembre 2001 que son implantation lui permettait d'assurer une couverture géographique suffisante et qu'elle ne pouvait donner suite à notre demande (...)".

113. Les représentants de la société CERP Lorraine export, ont déclaré le 19 décembre 2001 : "Concernant Sanofi-Synthelabo : nous subissons (CERP Lorraine) un contingentement sur le Lodalès (...). Par ailleurs, nous achetons de l'Aprovel et du Plaquenil, qui ne sont pas contingentés. Concernant l'Aprovel, les "freins" sont ponctuels (...). Le Plaquenil a été contingenté jusqu'à ce que la demande cesse (...)".

114. Les responsables de la société CERP Rouen, ont déclaré le 4 décembre 2003: "(...). Concernant Sanofi-Synthelabo : les allocations sont annuelles avec répartition mensuelle, depuis juillet 2002. Les reports de commandes non passées sont possibles durant deux trimestres (...). Les commandes supérieures à l'allocation mensuelle sont annulées (...). Durant l'année 2003, le système des "reliquats" a été revu : les commandes excédentaires d'un mois sont imputées sur le mois suivant sans être annulées, mais uniquement à l'intérieur du trimestre en cours (...)".

115. Les représentants de la société OCP répartition ont déclaré le 30 octobre 2003 : "(...) Le laboratoire Sanofi-Synthelabo a mis en place, en avril 2002 un contingentement trimestriel national puis a procédé à un contingentement mensuel national par la suite (...)".

Conclusion

116. Les pratiques de Sanofi Synthélabo consistent en des contingentements très stricts qui peuvent aller jusqu'au refus de vente en fonction des destinations déclarées par les exportateurs, le laboratoire exigeant systématiquement cette déclaration. Les filiales des grossistes-répartiteurs sont toujours approvisionnées par le canal de leur maison mère mais elles subissent les effets des contingentements nationaux du fait de la priorité accordée aux livraisons sur le marché national. La règle de déclaration préalable de destination leur est également appliquée.

e) Les pratiques du laboratoire Novartis Pharma Les modalités de distribution des produits Novartis Pharma

117. La responsable du service marketing de ce laboratoire a déclaré le 30 mai 2002 :

"le groupe Novartis dispose d'environ 14 sites de production. Comme toutes les filiales du groupe, nous nous adressons à notre entité de "supply chain" basée auprès de notre maison mère : Novartis Ag à Bâle (Suisse) (...). Lors du traitement des commandes, il n'y a pas de distinction entre répartiteurs et exportateurs (...). D'une façon générale, le calcul de la part de chaque client dans le portefeuille des commandes est effectué sur la base de l'historique de commandes sur l'année N-1 et, au besoin, N-3 (...). Si un nouveau client se présente, en dehors d'une période de pénurie, ceci n'est pas prévu dans nos prévisions de vente. Ce client pourra être livré dans la mesure des quantités disponibles (...). Le système de gestion des stocks adopté par Novartis Pharma (...) a été formalisé par la "supply chain" et a été notifié à la Commission européenne par Novartis Pharma Ag en décembre 2001".

118. Il résulte de la notification du système de distribution adopté par Novartis, que la société mère Novartis Pharma AG établit un plan des besoins en production, par spécialité pharmaceutique, en accord avec la demande prévisionnelle exprimée par les filiales distributrices par pays, cette demande prévisionnelle servant de base pour la détermination des ressources et investissements requis en production. La demande sera déterminée selon les chiffres remis par les filiales basés sur leurs ventes nationales réalisées et les données statistiques concernées, prenant en considération les anticipations de développement du marché pour la période considérée. Afin d'éviter les chutes de stocks, chaque filiale libèrera les quantités excédentaires de ses produits. Les produits soumis au système sont : le Diovan et Co-Diovan, le Sandimum/Néoral, le Tégretol, l'Exelon, le Lamisil, le Sandostatin, le Lescol.

119. Le représentant du laboratoire a encore précisé : "(...) Il arrive que la "supply chain" informe le service approvisionnement de la filiale du fait que le prévisionnel ne pourra être respecté (...). Ce cas s'est produit, par suite d'une pénurie de substance active, pour le produit Lamisil, d'octobre 1999 jusqu'en fin novembre 1999. Pour le produit Gestoral : ce produit était fabriqué par une société indépendante du groupe : Pharmacia Upjohn (...). Le transfert du site de production annoncé par Pharmacia Upjohn a été beaucoup plus long que prévu(...) et les stocks que nous avions constitués en prévision des difficultés d'approvisionnement liées au transfert n'ont pas été suffisants (...)".

120. Même si, tous les produits possèdent un système d'alerte logistique, Novartis France a connu d'importants problèmes de rupture de produits sur des périodes variables de 2001 à fin 2002, dues à des difficultés liées à des ruptures de stocks de substances actives, et à des dysfonctionnements de production.

Les pratiques dénoncées par les parties saisissantes

121. La société Pharma-Lab fait valoir que de novembre 1999 à avril 2000, elle a rencontré des difficultés à se faire livrer le produit Lamisil, les délais de livraison pouvant aller jusqu'à 91 jours, alors que Novartis Pharma lui impose d'adresser ses commandes 4 mois à l'avance. De plus, en mai 2000, sa demande en produit Gestoral n'a pas été entièrement satisfaite. Novartis Pharma a notamment invoqué, des tensions relatives à l'approvisionnement du produit Lamisil ainsi qu'une "augmentation très substantielle et non prévisible par rapport au courant d'affaires" entretenu avec la partie plaignante, et une impossibilité pour la filiale française Novartis Pharma d'obtenir une "cadence de livraison" de la part de l'unité de production du produit Gestoral. Par ailleurs, Pharma-Lab se plaint de l'absence de livraison de plusieurs commandes de produits Estradem, Lescol, Rimactan, Lamisil et Néoral, depuis plus d'un mois.

122. La société AD Pharm dénonce la politique de livraison de la société Novartis Pharma, sur la base d'approvisionnements limités sans commune mesure avec les quantités commandées, notamment pour la spécialité Estraderm.

Les éléments recueillis auprès des autres sociétés exportatrices

123. La société Pharmajet n'a pas mis en cause le laboratoire Novartis Pharma dans sa saisine. Ses représentants ont déclaré aux enquêteurs, le 28 février 2002 : "(...) Un laboratoire peut (...) pratiquer une politique de prix locale destinée à bloquer ou à diminuer considérablement les importations parallèles. Ainsi le laboratoire Novartis en Angleterre pratique depuis 2000, sans discontinuer, une politique de baisse de prix systématique sous forme d'alignement (...) qui ramène le prix de gros anglais sur le prix du pays européen le plus bas à l'exportation. Ceci a notamment eu lieu concernant le Lamisil, Estraderm (...)".

124. De même le président de la société Pharmadex TMC a indiqué : "(...) certains laboratoires pratiquent des contingentements avec obligation d'avoir un historique (...). Les laboratoires (...) Novartis pratiquent les dotations sur la base d'un historique mais sans que ceci ait été formalisé par un courrier".

125. Le directeur commercial de la société Intermed a déclaré le 21 mai 2003 : "(...) Nous travaillons avec d'autres laboratoires mais de façon très ponctuelle : Novartis (produit Lamisil, par quantités résiduelles disponibles) (...)".

126. Quant au président de la société Sirdev il a déclaré le 23 mai 2003 : "(...) Concernant les laboratoires Aventis et Novartis, nous disposons de 200 à 300 boîtes de chaque produit par mois et nous les revendons, alors même qu'il y a quelques années, nous n'aurions pas travaillé dans ces conditions faute de rentabilité (...)".

Les éléments recueillis auprès des grossistes-répartiteurs et leurs filiales exportatrices

127. Le représentant de la société Medical Export a déclaré le 3 décembre 2001 : "Auprès du laboratoire Novartis, nous séparons nos commandes à l'export. Nous commandons du Lamisil, pas de Gestoral. Nous ne rencontrons pas de problème d'approvisionnement en Lamisil (...)".

Conclusion

128. Le système mis en place par Novartis Pharma apparaît sensiblement différent des autres systèmes notifiés puisqu'il conduit plutôt à des retards de livraison ou à des contingentements étroits qu'à des refus de vente. Par ailleurs, il apparaît que le problème des exportations vers le Royaume-Uni a été résolu par une politique particulière de prix de gros sur ce marché. Aucun problème particulier n'a été signalé par les grossistes-répartiteurs et leurs filiales.

2. LES PRATIQUES MISES EN œUVRE PAR LES LABORATOIRES EN VERTU D'UN SYSTEME DE DISTRIBUTION QUI N'A PAS ETE NOTIFIE A LA COMMISSION EUROPEENNE

a) Les pratiques du laboratoire Boehringer-Ingelheim France

Les modalités de distribution des produits

129. Le responsable de la distribution du laboratoire a déclaré le 17 mai 2002 : "(...) Le marché français, (...) est constitué par la demande émanant des clients installés sur le territoire national, qu'ils soient répartiteurs ou exportateurs. (...) Sur certains produits, tels que Combivent, Atrovent, Caldine 2 mg et Mobic 7,5 mg les quantités dont nous disposons sont limitées. Nous devons donc répartir ces quantités de façon à pouvoir satisfaire tous nos clients (...) Nos clients, qu'ils soient répartiteurs ou exportateurs sont traités de la même façon (...). L'allocation d'une quantité fixe a commencé au début de l'année 2001 concernant les produits Atrovent et Combivent, courant 2001 pour le produit Caldine 2 mg et depuis quelques mois pour le produit Mobic 7,5 mg (...). Pour l'ensemble de ces produits, nous avons reçu des instructions de notre maison mère en Allemagne qui nous indiquait que ces produits étaient dorénavant limités en quantité. Ces instructions résultent de réunions fixant des objectifs, notamment entre notre maison mère et Boehringer Ingelheim France (...). La base de calcul de cette limitation pour Boehringer Ingelheim Auslandsbeteiligungs a été, pour Atrovent et Combivent, nos ventes du 1er septembre 1999 au 31 août 2000, pour les quantités allouées en 2001. La base de calcul pour les quatre produits concernés, en 2002, était nos ventes en 2001 (année civile). Pour nos clients concernant ces produits, nous avons repris la même base de calcul chronologique client par client. Si un nouveau client nous demande l'un des produits concernés, nous lui indiquons que nous ne pouvons répondre à sa demande (...). Sur les produits limités en quantité, nous avons subi des ruptures de production importantes avant la limitation (notamment Atrovent et Combivent, ces deux produits étant fabriqués dans notre usine de Reims), et nous en subissons toujours". L'intéressé a ajouté : "(...) les tarifs, conditions générales de vente et délais de livraison sont les mêmes pour tous nos clients, qu'ils soient grossistes-répartiteurs ou exportateurs (...)".

Les pratiques dénoncées par les parties saisissantes

130. La société Pharma-Lab fait valoir que depuis le mois d'avril 1999, elle rencontre des difficultés à se faire livrer les produits Combivent, Atrovent et Caldine, les délais de livraisons pouvant aller jusqu'à 74 jours et les livraisons n'étant que partielles. Elle produit une lettre du laboratoire du 23 décembre 1999 faisant état de rupture de stocks en produits Combivent et Atrovent. Par ailleurs, elle indique qu'en septembre 1997 elle bénéficiait de conditions de règlement à 30 jours fin de mois avec un escompte pour paiement anticipé de 3,5 %. Cet escompte a été supprimé à partir du 1er septembre 1999, le laboratoire invoquant la baisse importante de son chiffre d'affaires en 1998 et durant les six premiers mois de 1999 avec la demanderesse.

131. L'intéressé a communiqué divers courriers échangés avec Boehringer-Ingelheim, en particulier une lettre du 15 mars 2001 qui indique : "(...) nous tenons à vous rappeler que nous livrons l'ensemble de nos grossistes sur une base parfaitement égalitaire, en fonction des consommations passées au cours de la période du 1erseptembre 1999 au 31 août 2000 (...)", et une lettre du 26 octobre 2001 qui fait état de difficultés d'approvisionnement en produit Caldine. Elle a encore transmis une lettre du 26 décembre 2002 qui précise : "(...) nous avons été amenés à réactualiser nos conditions de paiement. (...) À compter du 1er janvier 2003 vous bénéficierez d'un escompte de 1 % pour paiement comptant par LCR sur relevé décadaire". Enfin, son représentant a déclaré le 8 février 2005 que les produits anciens de Boehringer Ingelheim font l'objet d'une interruption et que le laboratoire "a interrompu ses livraisons sur tous les produits sous quotas à compter du 1er février 2005".

132. La société Pharmajet fait valoir que la société Boehringer Ingelheim France a "(...) livré en 2000 une moyenne mensuelle de 4000 boîtes de Caldine 2 mg. Or depuis le 28/02/01 les quantités disponibles sont d'une manière inexpliquée divisées par 20". Elle ajoute : "(...) Par ailleurs nous subissons de la part de Boehringer depuis 1999, et malgré nos plannings de commande, un quota sur la spécialité Combivent (...)". La partie plaignante produit à l'appui de sa saisine plusieurs courriers du laboratoire dont notamment une lettre du 1er février 2002, faisant état de difficultés d'approvisionnement concernant le produit Mobic 7,5 mg et indiquant : "(...) Dans ces conditions, nous avons décidé d'honorer les demandes de nos clients pour ce produit en fonction des quantités livrées durant la période du 01/01/2001 au 31/12/2001". Enfin, le 8 février 2005 le représentant de Pharmajet a indiqué que Boehringer Ingelheim ne lui livre aucun produit.

133. La société Ad-Pharm fait valoir que le laboratoire Boeringher-Ingelheim n'a pas donné suite à sa commande de produit Caldine 2mg du 9 avril 2001 en invoquant des difficultés et une politique d'approvisionnement basée sur les historiques des ventes durant la période du 01/09/1999 au 31/08/2000. Le 8 juillet 2002 le laboratoire lui a fait savoir qu'il ne pouvait plus proposer cette référence. Son représentant a déclaré le 12 mai 2003 : "Concernant le laboratoire Boehringer Ingelheim, nous achetions des produits phares : Combivent et Atrovent, au début de notre activité, en subissant des quotas. Ce type de relations commerciales continue concernant ces deux produits toujours sous quota. Pour ce qui est des molécules innovantes, nous ne pouvons pas en obtenir (produits Caldine et Mobic)".

Les éléments recueillis auprès des autres sociétés exportatrices

134. La société Euromedex a communiqué le courrier type de Boerinhger-Ingelheim du 10 janvier 2002, l'informant de ses difficultés d'approvisionnement pour les produits Atrovent, Combivent et Caldine 2mg.

135. Le 21 mai 2003 le représentant de la société Intermed a déclaré que le laboratoire Boerinhger-Ingelheim contingente les produits mais ne demande pas leur destination.

136. Le représentant de la société Sirdev a déclaré le 23 mai 2003 : "(...) Nous avons reçu des réponses identiques de la part des laboratoires Boehringer Ingelheim et Roche Pharma en 2002. Sous l'objet "nouvelle politique d'approvisionnement", ils nous ont adressé des lettres circulaires indiquant que nous ne pourrions travailler avec eux que sur la base d'un historique sur certains produits (...)".

137. La société Médicor indique que le laboratoire Boerinhger-Ingelheim lui a fait connaître qu'il rencontre des difficultés d'approvisionnement en produit Caldine et Mobic. Par courrier du 13 décembre 2001 il l'a informée des baisses de quotas sur les trois produits Atrovent, Combivent et Caldine. Cependant la partie plaignante, débutant son activité, ne disposait pas d'historique auprès du laboratoire. Elle a encore produit un courrier du 2 avril 2003 de Boerinhger-Ingelheim refusant de donner suite à une commande de produits Combivent aérosol, Atrovent aérosol Caldine 2mg et Mobic 7,5 mg.

Les éléments recueillis auprès des grossistes-répartiteurs et leurs filiales exportatrices

138. Le président de la société Serex Alliance Santé a déclaré le 8 janvier 2002 : "(...) Depuis environ 2 ans, le laboratoire Boehringer Ingelheim contingente ses produits mais laisse encore une marge nous permettant d'acheter à Alliance Santé(...)".

139. Les représentants de la société CERP lorraine Export ont déclaré le 19 décembre 2001 : "(...) Concernant Boehringer Ingelheim : CERP Lorraine est contingentée sur l'Atrovent aérosol, le Bécotec aérosol, le Brochodual aérosol, le Combivent aérosol. Nous exportons le Caldine qui va également être "encadré" prochainement (...). Le produit Effortil et le produit Asasantine sont en approvisionnement libre".

140. Le directeur général de la société Mex a indiqué le 3 décembre 2001 : "(...) Boehringer Ingelheim ne pratique pas un contingentement trimestriel mais se base sur les quantités commandées l'année précédente".

141. Enfin, les représentants de la société OCP Répartition ont déclaré le 30 octobre 2003 : "(...) Le laboratoire Boehringer Ingelheim nous communique les quantités disponibles mensuelles nationales mais de façon intermittente(...)".

Conclusion

142. Les pratiques de Boerinhger-Ingelheim consistent en des réductions d'approvisionnement des exportateurs pour les spécialités ayant fait l'objet de commandes antérieures ainsi qu'en des refus de vente pour les nouveaux demandeurs. En revanche, les filiales des grossistes-répartiteurs ne semblent pas rencontrer de difficultés d'approvisionnement.

b) Les pratiques du laboratoire Pfizer Les modalités de distribution des produits Pfizer

143. Le représentant de la société Pfizer a déclaré le 2 mai 2002 : "Une nouvelle politique de production et d'approvisionnement des différents marchés du groupe a été décidée en fin d'année 2000 suite au rachat du groupe Warner-Lambert. Nous avons reçu cette directive de la direction Europe basée à New-York. Le support en a été un mémorandum de décembre 2000, applicable dès 2001. Il indiquait que des problèmes d'approvisionnement avaient été constatés et il mentionnait les produits posant problème, dont certains cités à titre d'exemple. Ces problèmes de gestion des approvisionnements aboutissaient, selon les pays et les produits à un sous-approvisionnement ou sur-approvisionnement, ce qui générait des pénuries ou des surstockages (...). Les problèmes ayant occasionné la rédaction du mémorandum ont été constatés durant l'année 2000. Les mêmes problèmes ont affecté le Neurontin en 2001 en France. Le Neurontin est un anti-épileptique destiné au traitement des crises. Ce produit est ancien mais connaît depuis 2 ou 3 ans une croissance importante (...) Pour cette raison, son principe actif a manqué (à la production) et tous les pays se sont retrouvés en rupture de stock. Nous étions obligés de ne pas livrer certains clients (...). En avril 2001, les répartiteurs ont été servis alors que nous avions subi des ruptures de stocks. Puis, en mai 2001, en 10 jours, le même problème s'est à nouveau posé (rupture sur le marché français) alors que nous avions pu reconstituer les stocks (...). Par conséquent, il fallait changer de méthode de vente en contingentant également le Neurontin (...)".

144. La société Pfizer a communiqué le mémorandum du 14 décembre 2000, intitulé "New PPG supply policy" et sa traduction "Nouvelle politique d'Approvisionnement de Pfizer Europe" qui indique : "(...) A partir du mois de janvier 2001, le principal objectif de la nouvelle politique d'approvisionnement de Pfizer Europe dans l'Espace Economique Européen sera, dans chaque pays et dans le respect de la réglementation qui y est applicable, de mettre en place des systèmes de distribution visant à optimiser et à rationaliser l'approvisionnement des produits dans chaque marché (...)". Les représentants de Pfizer ont ajouté : "(...) Nous refusons tous les nouveaux clients, parce que nous estimons que notre clientèle actuelle est suffisante, sauf s'ils ont un statut de grossiste-répartiteur (...). L'approvisionnement du marché français nous semble satisfaisant eu égard à la façon dont les produits sont distribués. Cette stratégie est décidée par Pfizer France (...)".

Les pratiques dénoncées par les parties saisissantes

145. La société Pharma-Lab fait état du refus de livraison d'une commande du 15 avril 1999 de 480 unités de produit Amlor 5 mg et de la réponse de la société Pfizer : "(...) Nous regrettons de ne pas pouvoir donner suite à cette demande (...)". Elle a communiqué divers courriers dont la lettre du 27 décembre 2000 que lui a adressé Pfizer indiquant : "Vous avez régulièrement depuis avril 1999, acheté du Tahor 40 mg et, depuis juin 2000, du Tahor 10 mg auprès de la société Parke Davis, une filiale du groupe Warner Lambert. Ce dernier a, comme vous le savez, été racheté sur le plan mondial par le groupe Pfizer. Nous souhaitons par la présente vous informer de notre décision de ne pas poursuivre les relations commerciales que vous avez entretenues avec la société Parke Davis SCA en ce qui concerne le produit Tahor (...)". Cette décision prendra effet au 1er mai 2001. Par ailleurs, une télécopie du 30 novembre 2001 de Pfizer lui indiquant : "Pour faire suite à nos différents fax concernant notre spécialité Neurontin, la situation du stock sur cette gamme n'est pas encore suffisamment confortable pour pouvoir livrer votre commande (...)". De même, une lettre du 16 janvier 2002 de (...) Pfizer, dans laquelle il est précisé : "(...) Nous ne pouvons que refuser ces commandes, plannings et autres termes puisque nos relations commerciales pour le Tahor sont résiliées (...)".

146. En outre, la société Pharma-Lab a transmis un courrier de Pfizer du 12 février 2002 indiquant : "(...) Nous avons bien reçu votre commande (...) de Neurontin. Cependant, (...) nous avons rencontré de graves difficultés d'approvisionnement (...). Cette pénurie (...) nous a mis, de façon récurrente, en situation de rupture de stock. Afin d'éviter qu'une telle situation se reproduise, nous nous sommes vus contraints d'étendre notre nouvelle politique d'approvisionnement (...) pour Tahor au Neurontin. Ainsi, à compter du 1er février 2002, nos livraisons de Neurontin sont déterminées en fonction de la part de marché détenue par celui qui commande sur le marché français. Par conséquent, nous ne pourrons pas donner suite à votre commande (...)". Le 8 février 2005 Pharma-Lab a précisé que Pfizer a interrompu la livraison de tous ses produits sous quotas.

147. La société Pharmajet soutient qu'elle est victime d'un abus de position dominante de la part du laboratoire Pfizer. Ce laboratoire lui a adressé un courrier le 21 décembre 2000 annonçant la fin de leurs relations commerciales concernant le médicament Tahor, prévue pour le 1er mai 2001. Le 8 février 2005 elle a indiqué que Pfizer ne lui livre aucun produit.

148. La société Pharmadex TMC fait valoir qu'elle achetait régulièrement le médicament Tahor au laboratoire Parke-Darvis. A la suite de la cession de cette société à Pfizer, elle n'est plus approvisionnée. Le 19 mai 2003, son président a précisé : "(...) Concernant le laboratoire Pfizer, nous n'avons plus aucune relation commerciale depuis leur lettre du début de l'année 2001 qui est jointe à la saisine (...)".

149. La société ETC indique que le laboratoire Pfizer lui a fait savoir qu'il ne souhaitait pas entamer des relations commerciales.

150. Quant à la société Ad-Pharm elle soutient qu'elle s'est heurtée dès sa création à des difficultés dans l'approvisionnement en spécialité Tahor 40 mg 28 boîtes et Tahor 10 mg 28 boîtes. Sa représentante a déclaré le 26 novembre 2003 : "(...) L'arrêt total des livraisons du laboratoire Pfizer constitue à nos yeux un abus de position dominante au sens de l'article 82 du Traité UE, puisqu'il provoque l'interdiction de l'accès à cette molécule". Elle poursuit : "Pfizer invoque ainsi les conséquences de sa fusion au plan mondial entre la Société Pfizer Inc et la société Pharmacia S.A.S (...), pour justifier un préavis de trois mois concernant la rupture complète des relations commerciales sur le Xalatan qui avaient été établies avec Pharmacia depuis 2001". Ad-Pharm soutient également avoir rencontré des difficultés d'approvisionnement en médicament Celebrex.

Les éléments recueillis auprès des autres sociétés exportatrices

151. La société Euromedex a remis la lettre que lui a adressée Pfizer le 20 mars 2002 qui indique : "(...) Dans la mesure, cependant, où Euromedex ne fait pas partie de notre portefeuille de clients, nous ne souhaitons pas commencer de relations commerciales avec votre société".

152. Le président de la société Sirdev a déclaré le 23 mai 2003 : "(...) La réponse, à deux reprises a été la même : ils ne fournissent pas les exportateurs et n'ont de produit que pour la répartition. Avant 2001, nous n'avions pas commandé de produits auprès du laboratoire Pfizer (...)".

153. Le directeur commercial de la société Médicor a précisé le 3 juillet 2003 : "(...) par courrier du 26 novembre 2001", la société Pfizer nous a fait savoir qu'elle ne souhaitait pas débuter de relations commerciales avec nous, alors que nous en avions exprimé le souhait le 16 novembre 2001. (...) A partir d'août 2002, nous leur avons adressé une commande correspondant à nos besoins chaque mois. Par courrier du 1er octobre 2002, la société Pfizer nous a indiqué que rien ne l'obligeait à entamer des relations commerciales avec notre société. (...) Face à cette attitude de la part du laboratoire Pfizer, j'ai préféré acheter plus cher le produit Amlor en gélules, qui ne se vendait pas dans les pays du Nord Europe, à la société Serex Alliance Santé, via la société italienne Médicall".

Les éléments recueillis auprès des grossistes-répartiteurs et leurs filiales exportatrices

154. Le président de la société Serex Alliance Santé a déclaré le 8 janvier 2002 : "En 2000, nos achats de Tahor n'étaient pas limités, via Alliance Santé. En 2000, Pfizer nous a indiqué qu'il ne souhaitait pas nous livrer en direct puisque nous n'avions pas d'antériorité et que nous devions commander via Alliance Santé. Le Tahor n'était pas disponible régulièrement en surplus pour Alliance Santé en 2001 jusqu'en avril 2001 où nous avons pu disposer de Tahor 10 mg. Depuis juin 2001, le Tahor 40 mg est redevenu disponible mais en petites quantités et de façon irrégulière (...)".

155. Le directeur général de la société Mex a déclaré le 3 décembre 2001 : "(...) Pfizer (...) ne raisonne que sur les bases des ventes en France sans surplus (...)".

156. Les représentants de la société CERP Lorraine Export ont indiqué le 19 décembre 2001 : "(...) Nous subissons un contingentement sur le Tahor et sur le Neurontin. Il s'agit d'un contingentement de fait, concernant le Neurontin, sans que des quotas soient préalablement indiqués".

157. Les représentants de la société CERP Rouen ont déclaré le 4 décembre 2003 : "(...) par courrier du 8 janvier 2001, la société Pfizer nous a informés qu'elle mettait en place un système limitant ses ventes à "la demande du marché français". Par la suite, le Tahor, le Neurontin (16/01/2002), le Zoxan, le Zithromax, le Trifulcan, le Repax et l'Acuitel (01/08/2002) ont été ajoutés (...). Suite au rachat de Pharmacia par Pfizer, les produits Celebrex et Xalatan de Pharmacia ont fait l'objet de contingentements chiffrés communiqués par Pfizer depuis un courrier du 26 septembre 2003. Le produit Dostinex était également mentionné (...). Les produits pour lesquels nous avons le plus de problèmes de ruptures sont le Tahor et le Neurontin (...)".

158. Les membres de la sociètés OCP Répartition ont déclaré le 30 octobre 2003 : "(...) Le laboratoire Pfizer a pris la location gérance, le 26 septembre 2003 de la société Pharmacia et Pfizer nous a informés par courrier du 9 octobre 2003 qu'il mettait en place la même politique de contingentement mensuel (...)".

Conclusion

159. Les pratiques de Pfizer consistent en des refus de vente pour la plupart des exportateurs. Les filiales des grossistes-répartiteurs sont toujours approvisionnées par le canal de leur maison mère mais elles subissent les effets des contingentements nationaux du fait de la priorité accordée aux livraisons sur le marché national.

c) Les pratiques du laboratoire Norgine Pharma Les modalités de distribution des produits Norgine Pharma

160. Les représentants du laboratoire ont indiqué le 5 juin 2002 : "(...) Sur le plan de la politique commerciale et industrielle, Norgine Pharma se rapporte aux décisions de la maison mère Norgine Europe BV (...). De 1998 à ce jour, nous avons honoré toutes les commandes des grossistes-répartiteurs (...). Si un grossiste exportateur, qui exporte vers un pays de l'Union européenne, ou la Suisse, s'adresse à notre société, nous ne refusons pas d'honorer sa commande mais nous l'orientons vers les filiales de Norgine situées dans les pays vers lesquels ils souhaitent exporter (...). De 1988 à 2002, nous n'avons eu que deux demandes de la part de grossistes exportateurs. Cependant, par erreur, (...), une ou deux commandes émanant de la société Pharmajet ont été honorées et payées, au début de l'année 2002 (...). Il arrive que nous recevions des commandes dont les quantités sont anormales par rapport aux besoins du marché français. Ceci s'est produit plus spécifiquement sur un produit : Movicol (traitement de la constipation)(...). Il s'agit d'un produit que nous ne fabriquons pas. (...). (...) Les tensions sur nos stocks concernant le Movicol durent depuis environ 1 an. (...) Nous avons cependant établi une règle, qui a fait l'objet d'un courrier type(...). Cette règle est basée sur trois critères : historique de commandes sur les 2 années précédentes, régional (potentiel basé sur les statistiques de ventes), dynamique (engagements de Norgine Pharma auprès des autorités gouvernementales)".

Les pratiques dénoncées par la société Pharmajet

161. La société Pharmajet indique que le laboratoire Norgine Pharma invoque "le fait qu'il fait partie d'un groupe pour refuser toute livraison". Le 8 février 2005 son président a déclaré que Norgine Pharma ne lui livre aucun produit.

Les éléments recueillis auprès des autres sociétés exportatrices

162. Le directeur commercial de la société Médicor a déclaré le 3 juillet 2003 : "(...) Concernant le laboratoire Norgine : nous avons pris contact avec cette société en avril 2002. Norgine nous a alors adressé une télécopie d'un courrier type adressé aux grossistes en France faisant état d'une augmentation trop importante du volume de Movicol commercialisé en France. (...). Le 21 janvier 2003, nous avons à nouveau commandé le produit Movicol et, par courrier du 31 janvier 2003, Norgine nous a indiqué qu'elle ne commercialisait pas ce produit à l'export (...)".

Conclusion

163. Les pratiques de Norgine Pharma France consistent en des refus de vente pour certains exportateurs. Les filiales des grossistes-répartiteurs sont toujours approvisionnées par le canal de leur maison mère mais elles subissent les effets des contingentements nationaux du fait de la priorité accordée aux livraisons sur le marché national.

3. LES PRATIQUES MISES EN œUVRE PAR LES LABORATOIRES QUI N'ONT PAS MIS EN PLACE DE SYSTEME DE DISTRIBUTION

a) Les pratiques du laboratoire Janssen Cilag

Les modalités de distribution des produits Janssen Cilag

164. Ses représentants ont déclaré le 27 octobre 2003 : "(...) Notre politique commerciale est la même en ce qui concerne les grossistes répartiteurs et exportateurs. Notre tarif mentionne "grossistes répartiteurs", mais il est également remis aux grossistes exportateurs(...). A la suite de problèmes de rupture de stocks de différents produits sur le marché français (Epitomax, Haldol, Ketoderm et Risperdal), nous avons décidé de mettre en place un système de recours d'urgence pour les officines (...). Nous livrons en priorité les grossistes répartiteurs eu égard à leurs obligations de santé publique (...). Nous proposons aux grossistes exportateurs de leur livrer des quantités qui correspondent à nos quantités résiduelles disponibles pour le mois, après avoir servi le marché français (...). Le Risperdal est le troisième produit en terme de chiffre d'affaires de la société Janssen Cilag.(...). Son différentiel de prix est intéressant en termes d'exportation vers d'autres pays de l'Union européenne, notamment en Allemagne et en Angleterre où son prix grossiste est supérieur de 84 % (...) par rapport au prix français (...)".

Les pratiques dénoncées par la société Pharmajet

165. Cette société fait valoir que depuis janvier 2002 elle subit "sur le produit Risperdal, des délais de livraison discriminatoires par rapport à ses confrères répartiteurs qui exportent". Son président a déclaré le 8 février 2005 que les livraisons de Janssen Cilag "représentent à peine 5 % des besoins de Pharmajet ( produit Risperdal)". Les éléments recueillis auprès des autres sociétés exportatrices

166. Le président de la société Pharmadex TMC, qui n'a pas mis en cause Janssen Cilag dans sa saisine, a déclaré le 19 mai 2003 : "(...)Les laboratoires Janssen Cilag et Novartis pratiquent les dotations sur la base d'un historique mais sans que ceci ait été formalisé par courrier (...)".

167. Les représentants de la société Euromedex ont indiqué le 5 mai 2003 que parmi les pratiques de contingentement des laboratoires, celles de la société Janssen Cilag avaient pu prendre la forme de : "(...) fourniture de la moitié des quantités commandées...".

Les éléments recueillis auprès des grossistes-répartiteurs et leurs filiales exportatrices

168. Par ailleurs plusieurs des membres de la société OCP Répartition ont déclaré le 30 octobre 2003 : "(...) Le laboratoire Janssen Cilag nous a adressé un courrier en octobre 2001 nous informant du fait qu'il allait prendre contact avec notre société pour évoquer la question des contingentements sur trois gammes de produits (...). En fin d'année 2002, (...) nous avons demandé pourquoi le produit Risperdal subissait régulièrement des ruptures de stocks et ce laboratoire nous a alors informés oralement que ce produit était sous quotas depuis l'été 2002 et qu'il ne formaliserait pas la mise en place du contingentement (...)".

Conclusion

169. Les pratiques de Janssen Cilag consistent en des restrictions d'approvisionnement et des délais pour certains exportateurs. Les filiales des grossistes-répartiteurs sont toujours approvisionnées par le canal de leur maison mère mais elles subissent les effets des contingentements nationaux.

b) Les pratiques du laboratoire Ferring

Les modalités de distribution des produits Ferring

170. Le président de la société Ferring a déclaré le 11 mars 2002 : "(...) Depuis septembre 1999 la SAS est détenue à 100 % par Ferring Bv (Pays-Bas) elle même détenue par une holding Ferring SA (Suisse). Concernant l'exportation, nous n'avons pas de consignes écrites mais nous n'avons pas le droit d'exporter sur certains territoires. Tous les nouveaux produits ont (...) une licence exclusive avec compétence territoriale qui interdit la vente au-delà des zones définies dans le contrat signé avec la société Ferring Bv (Pays-Bas). Pour tous ces produits, les contrats précisent que la revente est autorisée en France mais ils ne citent pas les autres pays de l'Union européenne (...)".

171. Sur la politique commerciale de sa société à l'exportation, l'intéressé a déclaré : "(...) Si un exportateur français s'adresse à notre société nous lui demandons quel est le pays d'exportation.(...). Si l'exportation est destinée à un pays de l'Union européenne, je lui demande quelles sont les quantités demandées. Si ces quantités ne mettent pas en péril l'approvisionnement en France, je lui revends le produit au prix fabricant hors taxes. Si ces quantités risquent de mettre en péril l'approvisionnement en France, je mettrai en place un échéancier afin d'étaler la demande et l'offre (...). Actuellement, nous travaillons à l'exportation vers l'Union européenne sur 3 produits : le Menogon, le Minirin (...) et le Minirin Rhinyle. (...) Nous travaillons à l'exportation vers l'Union européenne sur ces trois produits en raison de leur prix plus bas que dans d'autres de l'Union. Nous avons cinq clients se présentant comme exportateurs parallèles (...). Pharma-Lab, CERP Rouen (...), Pharmajet, Dipharma et Pharmadex. Depuis 1998, toutes les commandes effectuées par ces exportateurs ont été satisfaites par notre société (...)".

172. L'intéressé poursuit : "(...) Nous avons travaillé pour la première fois en exportation parallèle, avec la société Pharma-Lab (...). En juin 1999, nous avons subi une grave pénurie de Minirin 0,2 mg (...). Le Minirin comprimés 0,1 mg ; 0,2 mg et le Minirin Rhinyle, est le seul traitement en France pour le diabète insipide d'origine centrale (...). A ce jour, il n'y a pas d'alternative pour le traitement de cette maladie (...). Nous sommes effectivement en situation de monopole sur ce marché(...) Après septembre 1999, nous avons reçu des quantités de Minirin comprimés 0,2 mg nous permettant de faire face à une demande d'exportation. Cependant la société Pharma-Lab n'acceptait pas le nouveau prix fabricant hors taxe. (...). En 2001, l'Italie a obtenu le remboursement du Minirin comprimés à un tarif inférieur (environ 6,5 % de moins) au tarif français. Les demandes d'exportation se sont alors nettement ralenties en France (...)".

Les pratiques dénoncées par la société Pharma-Lab

173. Cette société fait valoir que de mars 1999 à juin 2000 elle a rencontré de nombreuses difficultés à se faire livrer le produit Minirin, les délais de livraison étant anormalement longs. De mars à août 1999 elle s'est adressée aux grossistes-répartiteurs et a été livrée en temps et quantités demandées. En outre, elle indique qu'à partir de septembre 1999, Ferring lui a imposé un changement de tarifs appliqué uniquement sur les produits à l'exportation.

c) Les pratiques de la société Laboratoires Fournier

Les modalités de distribution des produits Fournier

174. Ses représentants ont déclaré le 3 juin 2002 : "(...) Nous n'avons pas, depuis 1998, connu de rupture de production ou de stocks. Tout nouvel intervenant grossiste répartiteur qui s'adresse à notre société est répertorié comme nouveau client et est satisfait dans ses commandes. (...) Si un grossiste exportateur s'adresse à mon service, je ne peux pas traiter sa demande et je l'adresse à la direction internationale de Laboratoires Fournier (...). La direction internationale reçoit une à deux demandes de produits en vue de l'exportation vers l'Union européenne par an. Sur l'Europe, la société Laboratoires Fournier approvisionne ses filiales européennes et ne reçoit donc pas de demandes de la part des grossistes situés dans les pays correspondants. Une à deux fois par an, nous recevons leur commande par fax ou par courrier. Nous leur adressons un courrier leur disant que nous ne souhaitons pas les livrer et nous leur indiquons que nous pensons que notre position est licite en l'état actuel de la jurisprudence communautaire (décision du TPICE Bayer/Adalat) et que le refus de vente entre professionnels n'est pas un délit. Nous n'avons pas mis en place un système de contingentement auprès des grossistes (...)".

Les pratiques dénoncées par la société Pharmajet

175. Cette société fait état de refus de vente de la Société Laboratoires Fournier motivés uniquement par la jurisprudence Bayer. Le 8 février 2005, son président a déclaré que ce laboratoire ne lui livre aucun produit.

d) Les pratiques du laboratoire Léo France

Les modalités de distribution des produits Léo

176. Les représentants du laboratoire ont déclaré le 14 mars 2002 : "(...) Fucidine est le leader sur le marché français dans la classe des antibiotiques par voie locale(...). Depuis 1998, toute demande à l'exportation de Fucidine a été satisfaite. Nous savons que les produits Fucidine font l'objet d'exportation parallèle parce que le prix français est bas et donc relativement attractif. Lorsque nous constatons qu'un produit représente plus de ventes à l'exportation que sur le marché français, tel était le cas concernant le produit Fucidine pommade en tube de 30 grammes, nous pouvons choisir de ne plus le commercialiser en France. Nous sommes liés à notre maison-mère par un contrat de distribution. En matière de prix, notre maison mère nous impose un certain nombre de règles. Lorsque nos produits sont exportés, nous en avons connaissance. A notre connaissance, les produits Fucidine sont importés principalement par les pays suivants : Angleterre, Danemark et peut-être Hollande. Concernant nos conditions générales de vente :

- Nous demandons aux grossistes répartiteurs français un paiement à 60 jours sur relevé mensuel de factures, franco de port (...).

- Concernant les grossistes exportateurs : nos conditions sont différentes. Nous demandons un paiement anticipé (...). Nous pratiquons un taux d'escompte classique de 0,80 % pour deux mois de paiement anticipé, soit un taux d'environ 4,80 % l'an (...). Si un grossiste répartiteur nous demandait de bénéficier de ces conditions, nous les lui accorderions. L'inverse n'est pas vrai (...). Les grossistes exportateurs ne présentent pas les mêmes garanties, en termes d'obligations réglementaires et de solidité financière (...). Tous nos clients exportateurs ont des délais de paiement identiques (...). A notre connaissance, les produits Fucidine n'ont pas fait l'objet de retards de livraison entre 1998 et 2001 (...). Il n'y a pas (...), de conditions différentes de traitement d'une commande, en dehors des délais de paiement et conditions d'escompte attachées, entre un client répartiteur et un client exportateur. Nous n'appliquons aucune restriction quant au produit ou aux quantités commandées (...)".

Les pratiques dénoncées par la société Pharma-lab

177. A propos du produit Fucidine 2 % (crème et pommade antibactérienne) cette société fait valoir que jusqu'en octobre 1999, le laboratoire lui accordait des conditions de règlement à 90 jours fin de mois, puis l'a informée qu'il lui appliquerait les mêmes conditions qu'à tout grossiste-exportateur, à savoir, le paiement intégral à la commande et un escompte maximal de 0,8 %. Par ailleurs, elle souligne qu'à partir d'octobre 1999 elle a rencontré de nombreuses difficultés à se faire livrer le produit Fucidine, les délais de livraison pouvant aller jusqu'à 63 jours au lieu des 3 à 5 habituellement pratiqués par la profession. Elle s'est adressée aux grossistes-répartiteurs en tant que fournisseurs alternatifs, et a été livrée en temps et quantités demandées.

e) Les pratiques du laboratoire Medisense France

Les modalités de distribution des produits Medisense

178. Le représentant du laboratoire a déclaré le 18 mars 2002 : "(...) Nos produits sont fabriqués en partie en Angleterre (bandelettes/électrodes) et les lecteurs sont fabriqués aux États- Unis à Bedford (Massachusetts)(...). Nous avons deux réseaux de distribution principaux : la répartition pharmaceutique, le secteur hospitalier(...). Dans le réseau de distribution pharmaceutique nous incluons les grossistes exportateurs. Toute demande de produits effectuée par un grossiste répartiteur pour le marché français est honorée systématiquement dans la limite des stocks disponibles. Toutefois, il peut arriver que nous subissions une rupture de stocks (...). Toute demande de produit effectuée par un grossiste exportateur vers l'Union européenne ou vers un autre pays est, de la même façon honorée dans la limite des stocks disponibles (...). Actuellement, aucun des produits Medisense ne fait l'objet d'un contingentement (...)".(...)". Sur les ruptures de stocks, l'intéressé a précisé, le 28 mai 2002 : "(...) nos produits arrivent de sites de production différents. (...). Nous avons comme tout fabricant, des ruptures dues, soit à un manque de matière première ou de pièces détachées, soit à une augmentation de la demande du marché que nous n'avons pas anticipée".

Les pratiques dénoncées par la société Pharma-Lab

179. Cette société fait valoir que depuis le mois de décembre 1999 elle se heurte à des difficultés pour se faire livrer le produit Medisense Précision Plus (100 électrodes) qui a été ensuite remplacé par le produit Medisense Precis. Elle subit des retards de livraison pouvant aller jusqu'à 93 jours.

180. Medisense France invoque des difficultés d'approvisionnement sur le plan mondial. Elle a communiqué un courrier de la DRCCRF du Bas-Rhin en date du 3 mai 2000, qui précise que l'enquête a permis de vérifier le bien fondé des explications de Medisense sur ses difficultés d'approvisionnement. En outre elle a produit les conditions générales de vente de Medisense dont l'article 4 stipule : "les livraisons s'effectuent en fonction des disponibilités et dans l'ordre d'arrivée des commandes". Quant à l'article 12 relatif aux exportations, il prévoit que le client doit veiller au respect de la réglementation en vigueur.

Les éléments recueillis auprès des grossistes-répartiteurs et leurs filiales exportatrices

181. Le représentant de la société Mex a déclaré le 3 décembre 2001 : "(...) Auprès du laboratoire Abbott Medisense, nous achetons du produit Medisense Précision Plus mais nous ne subissons pas de contingentement (...)".

f) Les pratiques du laboratoire Smith et Nephew

Les modalités de distribution des produits Smith & Nephew

182. Les représentants du laboratoire ont déclaré le 3 mai 2002 : "(...) La distribution auprès des pharmacies s'effectue par l'intermédiaire de la plate-forme logistique Dépôts Généraux Pharma (...). Cette société achète nos produits. Les grossistes répartiteurs sont nos clients mais nous ne leur vendons aucun produit en direct, DGX Pharma effectue ces ventes et facture (...) les produits. 90 % de notre chiffre d'affaires des ventes auprès des pharmacies est réalisé par les grossistes répartiteurs".

183. Sur la distribution des dispositifs médicaux faisant l'objet de revente sur le territoire intra communautaire, les intéressés ont déclaré : "Notre activité est avant tout orientée vers la distribution sur le territoire français (...). L'usine de production du produit Allevyn est située en Angleterre. Face à la croissance de ce produit, la construction d'une usine est en cours aux États-Unis (...). Nous subissons des ruptures de stocks régulièrement (...). Un certain nombre de répartiteurs exportent une partie de nos produits mais nous n'avons pas la maîtrise de ces reventes et nous ne nous y opposons pas (...). Actuellement, nous n'avons pas de client ayant le statut d'exportateur (...). Nous n'avons, à ce jour, jamais eu une commande spécifiquement identifiée comme étant destinée à l'exportation. Ainsi, même la commande adressée par la société Pharmajet ne précisait pas que ces produits étaient destinés à l'exportation (...)".

184. Au sujet des relations du laboratoire avec la société Pharmajet, les intéressés ont précisé : "(...) La société Pharmajet s'est adressée à Smith & Nephew en octobre 2001 et a commandé un produit (une unité) de chaque référence de la gamme Allevyn, pour un montant de 187,13 euros. Puis, le 8 novembre 2001, ce client (...), nous a adressé une commande d'un montant de 848 760 francs à laquelle nous ne pouvions répondre eu égard aux quantités importantes de produits par rapport à celle dont nous disposions (...)".

Les pratiques dénoncées par la société Pharmajet

185. Cette société indique que le laboratoire refuse de lui livrer l'ensemble de sa gamme de produit Allevyn. Le refus et son motif lui ont été signifiés oralement. Leur réseau de distribution serait suffisant. Après un refus de livraison de différents pansements de marque Allevyn pour un montant de 848 760 francs, Pharmajet a mis en demeure le laboratoire, qui lui a répondu qu'il fusionnait avec la société BSN médical. Enfin le 8 février 2005, son président a confirmé que Smith et Nephew ne lui livre aucun produit.

g) Les pratiques du laboratoire Wyeth Lederlé

Les modalités de distribution des produits Wyeth Lederlé

186. Il résulte des déclarations d'un des représentants du laboratoire que le prix et les conditions générales de vente des produits sont identiques pour les grossistes-répartiteurs et les exportateurs. S'agissant du produit Ledertrexate, le directeur général du laboratoire a déclaré le 15 mars 2002 : "Le Ledertrexate est composé de methotrexate, substance de base des thérapies en matière de traitements anti-cancéreux. Nous sommes titulaires et exploitants de la spécialité Ledertrexate. Un autre laboratoire commercialise le methotrexate ; il s'agit du laboratoire Aventis. Cette substance est vendue par le laboratoire Aventis (...), sous le nom de méthotrexate Bellon (...). La part de marché sur la molécule de méthotrexate, (...), est (...) plus importante concernant le laboratoire Aventis que concernant Wyeth (...). La société Aventis, au début de l'année 2001, s'est trouvée dans l'impossibilité de fournir ses clients (...). La société Wyeth a, par conséquent, été sollicitée de façon plus importante (...). L'importance de cette sollicitation nous a contraint à contingenter les demandeurs (...). De la même façon, nous avons contingenté nos clients exportateurs (...). Actuellement le produit Ledertrexate ne fait plus l'objet de contingentement (...)". La société a indiqué au sujet des relations du laboratoire avec la société Pharma-Lab : "hormis la rupture d'un produit en début d'année 2000, la totalité de nos livraisons à destination de ce client a été faite dans des conditions rapides (...)".

Les pratiques dénoncées par la société Pharma-Lab

187. Dans sa saisine cette société vise les médicaments Soprol (anti-hypertenseur) et Ledertrexate (citostatique antimétabolique antifolique). Elle fait état de retards de livraison sur le produit Soprol depuis le mois de décembre 1999 (jusqu'à 43 jours de délai). Ses représentants ont déclaré le 26 février 2002 que "Les commandes de Soprol ont cessé par phénomène de report auprès de nos concurrents durant l'année 2000 (...). Concernant le produit Ledertrexate 1 gr et 5 gr, nous avons effectué une demande de tarifs auprès de Wyeth Lederlé par courrier en date du 28/02/2001 (...). Le laboratoire nous a répondu le 12/03/2001 que ces produits étaient contingentés sur le territoire français (...). Nous n'avons pas cessé toute commande (...) mais nos commandes honorées sont ponctuelles et en faibles quantités dans d'autres gammes de produits".

h) Les pratiques du laboratoire LifeScan

Les modalités de distribution des produits LifeScan

188. Les représentants du laboratoire ont déclaré le 28 novembre 2003 : "LifeScan France (...) entretient des relations commerciales avec tous les acteurs installés sur le territoire français demandeurs de produits d'auto surveillance glycémique, quel que soit leur statut : officine, grossiste répartiteur, ou grossiste exportateur (...). Par ailleurs, il n'y a aucune politique de contingentement de quelque nature que ce soit ...". Les intéressés ont encore indiqué : "Les produits Euro Flash et One Touch Ultra ont été lancés respectivement en septembre 1999 et en septembre 2001. Ces deux systèmes d'auto-surveillance glycémique sont commercialisés sous la forme de lecteurs auxquels sont associées des bandelettes spécifiques indissociables et un auto-piqueur (...). LifeScan n'a pu connaître de problèmes de stocks de One Touch Ultra que lors de son lancement de septembre 2001 à septembre 2002 (...)".

Les pratiques dénoncées par la société Ad Pharm

189. Cette société met en avant le caractère discriminatoire de ses relations commerciales avec LifeScan, qui lui oppose un refus de vente de sa spécialité One Touch Ultra au motif de stocks insuffisants, alors qu'elle est cliente régulière pour la spécialité Euroflash.

i) Les pratiques du laboratoire Shering Plough

La politique de distribution du laboratoire

190. Les représentants du laboratoire Shering Plough, ont déclaré le 2 décembre 2003 : "(...) Shering Plough assoit sa production sur la base des prévisions de vente, avec une révision mensuelle. Les prévisions de vente sont faites sur la base des historiques des ventes, et sur la base exclusive de l'étude de marché, en intégrant des variables de saisonnalité forte sur ces produits (...). Pour l'ensemble des productions d'actifs, les productions ne sont pas libérées par le laboratoire Schering Plough mais par des tiers mandatés par la FDA, à partir d'une validation externe au groupe (...). En conséquence, pour les produits Aerius et Nasonex notamment, le laboratoire fonctionne selon un système de flux tendus". Selon les intéressés : "Les grossistes répartiteurs représentent 100 % des commandes honorées par le laboratoire en ville, et les 2/3 du chiffre d'affaires global (...)". Ils ont ajouté : "Shering Plough honore des commandes de grossistes exportateurs, mais l'absence de disponibilité des nouveaux produits explique que de nouveaux clients ne puissent de fait être livrés (...). Par ailleurs, le laboratoire n'applique pour le moment aucune politique de quota".

Les pratiques dénoncées par la société Ad Pharm

191. Cette société prétend être victime d'un refus de vente des spécialités Aerius et Nasonex 120 doses. Néanmoins, sur la période du 1er janvier 2003 au 30 avril 2003, elle a été cliente du laboratoire pour un chiffre d'affaires limité.

j) Par le laboratoire Novo Nordisk

La "Supply-Chain" et la politique de livraison du laboratoire

192. Les représentants du laboratoire ont déclaré le 28 novembre 2003 que ce dernier a structuré ses flux d'approvisionnement selon une "supply-chain" qui " fonctionne sur des prévisions de ventes calculées sur la base des consommations "sortie d'usine" et sur les indicationsmarché fournies par le GERS, ajustées en fonction d'un suivi mensuel, qui permet "tous produits" d'assurer une réactivité à 2-3 mois (...)". Les intéressés ont ajouté en ce qui concerne la politique de livraison : "Novo Nordisk Pharmaceutique SA considère les répartiteurs et les exportateurs au même titre. Il n'existe aucune instruction spécifique de limitation de fourniture à ces clients exportateurs au sein du groupe Novo Nordisk A/S".

193. S'agissant du produit NovorapidPenfill, ils ont précisé que "c'est un produit récent sur le marché lancé au niveau mondial fin 2001, (...)". Ils ont indiqué que la politique de distribution de ce produit répond à des prévisions de ventes définies comme suit : "Les prévisions avaient une marge d'évolution indexée sur la cohabitation avec les produits Novo Nordisk déjà existants d'une part, avec les produits concurrents déjà sur le marché d'autre part, nos connaissances du marché du diabète, et la pénétration de nouveaux marchés. En l'espèce, Novo Nordisk Pharmaceutique procède à une gestion de la pénurie, en privilégiant le marché français, suivant sa responsabilité de santé publique...".

Les pratiques dénoncées par la société Ad Pharm

194. Cette société fait état de livraisons très restrictives de la spécialité NovoRapidPenfill. Elle prétend également que le traitement des livraisons diffère selon les produits visés par les commandes et impute cette divergence à un refus de livraison des produits innovants.

k) Par le laboratoire Aventis

La politique de gestion des commandes des produits Nasacort et Insuman

195. Le laboratoire Aventis n'est pas l'interface direct des grossistes. Une entité distincte du groupe est chargée de la distribution : Aventis Pharma Distriservices. Le laboratoire Aventis est situé en aval de la capacité de production Aventis Pharma, qui gère ses unités de fabrication suivant la "supply-chain" mise en place au sein du groupe. Le laboratoire détermine les prévisions de ventes, et centralise les éléments qui se rapportent à la capacité de production et de livraison des références du groupe. Un membre du laboratoire a décrit comme suit, les modalités selon lesquelles il honore ses commandes : "Les grossistes répartiteurs à destination de la France Métropolitaine passent des commandes et sont livrés sur un rythme hebdomadaire lisse et prévisible. Les exportateurs, à l'opposé, fonctionne sur des modalités de négoce de commande beaucoup plus élevées en nombre d'unités ponctuelles. La réponse d'Aventis Pharma Distriservices à la commande peut être partielle suivant les contraintes produit. Par ailleurs, à l'exportation, les grossistes souhaitent des caractéristiques produit plus contraignantes. Ceci peut alors générer des délais de livraison plus importants que sur le marché domestique". En ce qui concerne le Nasacort, le laboratoire a connu peu de rupture de stock. Le fait que ce produit soit l'un des premiers du laboratoire en terme de chiffre d'affaires sous une seule présentation, rend les prévisions plus aisées.

Les pratiques dénoncées par la société Ad Pharm

196. Cette société fait valoir qu'elle entretient des relations commerciales régulières avec le laboratoire Aventis pour la spécialité Insuman, mais qu'elle reçoit systématiquement des quantités moindres que celles commandées. A compter de novembre 2002, elle dénonce l'arrêt des livraisons du produit Insuman, des livraisons partielles du produit Locoid crème 0,1 % 30 mg, des livraisons partielles du produit Nasacort GTT 15 ml.

l) Par le laboratoire Astra Zeneca

La gestion des commandes des produits Symbicort et Atacand

197. Un représentant du laboratoire a déclaré le 1er décembre 2003 : "AstraZeneca honore les commandes de ses clients quels qu'ils soient, et ne pratique pas de quota. L'évaluation des prévisions de production se fait sur la base combinée de l'étude du marché, et des quantités vendues par les grossistes durant l'exercice précédent (...)". La liste des clients grossistes pour 2002 et le premier semestre 2003, montre qu'un grand nombre d'exportateurs sont des clients d'Astra Zeneca. Par ailleurs, un courrier du 15 décembre 2003, établit que le compte Ad Pharm a été reconsidéré en 2003 sur la base de la quantité de produits commandés en 2002.

198. Le représentant du laboratoire a encore précisé : "(...) En ce qui concerne la production des Turbuhaler (Symbicort ou Pulmicort),(...) le laboratoire Astra Zeneca est dépendant d'unités de production (...). La complexité de la combinaison du principe actif, produit à Dunkerque, et du dispositif produit en Finlande, accroît le risque de ruptures produits lors de commandes brutales (...)".

Les pratiques dénoncées par la société Ad Pharm

199. Cette société fait valoir qu'elle se heurte à des difficultés d'approvisionnement en ce qui concerne les spécialités Symbicort, Pulmicort, Seloken et Atacand. En vertu du système de gestion des stocks de ce laboratoire qui inclut à compter du 1er mai 2003, les produits Symbicort, Pulmicort et Seloken, et définit un système d'allocation maximale trimestrielle, la partie plaignante a vu ses livraisons de Symbicort limitées à 560 boîtes par mois, et n'a pu poursuivre son approvionnement en Pulmicort et Seloken, quelle qu'en soit la présentation. Les livraisons d'Atacand subissent aussi des retards inexpliqués.

m) Les pratiques du laboratoire Bayer Diagnostics

La politique de prévision des approvisionnements

200. Le laboratoire fonde sa politique de prévision des approvisionnements sur l'historique des ventes et l'étude du marché domestique. La disponibilité de ses stocks est sensible à des changements d'ordre interne au groupe, et à des facteurs externes. Le représentant du laboratoire a déclaré le 20 février 2004 : "(...) Bayer Diagnostics confie une part de ses produits à un dépositaire Médipole pour de la vente directe en officine. Pour les 85 % des ventes restants, Bayer Diagnostics n'applique aucune politique de contingentement (...)". Par ailleurs ses conditions générales de vente ne différencient pas les clients et ne contiennent aucune indication particulière sur la destination finale des produits revendus.

Les pratiques dénoncées par la société Ad Pharm

201. Cette société dénonce des livraisons au "compte gouttes" concernant les réactifs Glucodisc et Glucotide. Ces deux dispositifs, destinés à être utilisés avec les appareils Glucomatic Esprit et Glucomatic Esprit 2 pour Glucodisc, et Glucometer 4 pour Glucotide seraient, l'objet d'un système de quota sur les tests de glycémie, qui se traduirait par des envois en quantité invariable conditionnés en un unique colis de 1008 boîtes de bandelettes.

202. Au sujet des faits ainsi dénoncés, le représentant du laboratoire a déclaré le 20 février 2004 : "Bayer Diagnostics entretient des relations commerciales régulières (...) la différence observée en volume livré en 2003 correspond à l'entrée sur le marché du lecteur Ascensia Confirm, et au renouvellement des lecteurs Glucometer 4 (arrêt de la commercialisation en 2000) qui s'est traduit par une baisse progressive de la demande en réactifs équivalents Glucotide". Effectivement, l'état des commandes d'Ad Pharm honorées par Bayer Diagnostics pour les exercices 2000 à 2003, confirme la régularité en volume annuel des livraisons, ainsi que la forte progression des volumes livrés entre 2000 et 2002. Le même constat peut être fait concernant Glucodisc.

II. Discussion

203. Aux termes de l'article L. 464-6 du Code de commerce : "lorsque aucune pratique de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché n'est établie, le Conseil de la concurrence peut décider, après que l'auteur de la saisine et le commissaire du Gouvernement ont été mis à même de consulter le dossier et de faire valoir leurs observations, qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure".

A. SUR LE DROIT APPLICABLE

204. Dans leur saisine les parties ont soutenu que les pratiques mises en œuvre par les laboratoires étaient contraires aux dispositions des articles 81 CE et 82 CE et des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce.

205. Comme le Conseil de la concurrence a eu notamment l'occasion de le rappeler dans sa décision n° 00-MC-14 du 23 octobre 2000 relative à une saisine de la société Pharma-Lab, les produits pharmaceutiques achetés par les exportateurs sont destinés à être exportés dans d'autres Etats de l'Union européenne et, partant, des pratiques anticoncurrentielles qui viendraient perturber cette activité affecteraient le commerce entre Etats membres.

206. Il ressort en effet d'une jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes que des accords ou pratiques qui concernent les importations et les exportations peuvent, par leur nature même, affecter le commerce entre Etats membres (voir notamment l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 6 juillet 2000, Volkswagen, T-62/98, Rec. p. II-2707).

207. Par ailleurs, dans sa décision 00-MC-14 du 23 octobre 2000 relative à la demande de mesures conservatoires présentée par la société Pharma-Lab, le Conseil de la concurrence a considéré que des pratiques concernant la livraison de produits destinés à l'exportation ne sont pas susceptibles d'affecter le marché français et ne sont pas visées par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce.

208. Toutefois, dans ses observations orales en séance, le rapporteur général a souhaité que le Conseil réexamine la question du droit applicable et a proposé d'adopter pour la décision au fond une solution différente de celle qui avait été retenue pour la décision de rejet des mesures conservatoires. Sans contester l'application du droit communautaire, il a soutenu qu'il n'était pas justifié d'écarter l'application du droit national de la concurrence au seul motif de l'absence d'effet sur le marché de détail français. Il a indiqué, d'une part, que d'autres critères que celui des effets pouvaient être utilisés par une autorité nationale pour appliquer son droit national et, d'autre part, que, dans l'hypothèse où le Conseil souhaiterait appliquer la théorie des effets, l'on ne pouvait exclure que les pratiques restrictives des laboratoires puissent avoir des effets sur la structure du ou des marchés de gros des médicaments en France, notamment en empêchant ou en retardant l'apparition de nouveaux grossistes. Il a rappelé, à l'appui de sa position, deux décisions récentes du Conseil, 04-D-45 du 16 septembre 2004 et 04-D-74 du 21 décembre 2004 qui, selon lui, devaient être prises en compte dans la présente décision.

209. Dans la décision n° 04-D-45, relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société Export Press à l'encontre du groupe des Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP), le Conseil, après avoir conclu qu'il n'était pas compétent pour connaître des effets éventuellement anticoncurrentiels sur les marchés de la Nouvelle- Calédonie et de la Polynésie Française, du fait de la non application du livre IV du Code de commerce à ces territoires, avait considéré qu'il "reste compétent pour examiner les pratiques d'entreprises françaises agissant en France métropolitaine dans le but de s'ouvrir les marchés d'exportation".

210. Dans la décision n° 04-D-74, relative au marché des liaisons maritimes entre la France et les îles anglo-normandes, le Conseil a directement fait référence à la décision 00-MC-14 en cause dans la présente affaire et a rappelé que l'examen des effets n'était pas la seule façon de justifier l'application du droit national : "Le Conseil de la concurrence, dans sa décision n° 00-MC-14 du 23 octobre 2000, a considéré que des pratiques concernant la livraison de produits destinés à l'exportation ne sont pas susceptibles d'affecter le marché français et ne sont pas visées par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce. Mais l'application de la législation nationale de concurrence est possible par un État si les pratiques restrictives ont pris naissance sur son territoire ou si leurs effets ont lieu sur son territoire". A cet égard, il a également constaté que "les faits sont localisés sur le territoire français et le grief d'entente a été retenu au regard de moyens de preuves constituées en France", pour conclure qu'il était compétent pour appliquer le droit national de la concurrence, nonobstant le fait que le chiffre d'affaires de la seule entreprise française en cause était uniquement constitué d'activités à l'exportation.

211. Interrogées sur la position exprimée par le rapporteur général, les parties ont souhaité disposer d'un délai pour présenter, par une note en délibéré, leur point de vue sur cette question qui n'avait pas été soulevée dans le rapport écrit, ce qui leur a été accordé.

212. Par une note en délibéré du 26 octobre 2005, la société Pharma-Lab a considéré que la compétence du Conseil de la concurrence pour connaître des pratiques en cause sur le fondement des articles 81 CE et 82 CE ne faisait pas de doute et qu'il convenait de s'en tenir à la solution retenue à l'occasion des multiples décisions de mesures conservatoires intervenues sur ce sujet depuis 2000. Elle a, par ailleurs, considéré que les conditions dans lesquelles les exportateurs "pourraient accéder ou rencontreraient des difficultés pour accéder au statut de grossiste-répartiteur et poursuivre leur activité sous ce statut ne peuvent relever que d'une autre affaire, la société Pharma-Lab n'ayant pas évoqué des circonstances de cette nature dans ses saisines". Toutefois, s'agissant de l'éventualité de l'application par le Conseil du droit national concomitamment avec le droit communautaire, elle a indiqué ne pas avoir "d'observations à faire valoir sur cette éventualité qui ne lui fait pas grief", considérant "qu'elle n'estime pas avoir à prendre position, dans le cadre de cette affaire, sur l'opportunité d'appliquer la théorie de l'origine pour déterminer la compétence territoriale du Conseil".

213. Les autres plaignants n'ont produit aucune observation.

214. Le Conseil de la concurrence considère qu'il est compétent pour appliquer le droit national à des pratiques mises en œuvre sur le territoire national et dont l'examen s'appuie sur des éléments recueillis en France. A titre subsidiaire et nonobstant le fait que, s'agissant de la consommation finale des produits, seuls les marchés de détail étrangers sont affectés, il y a lieu de considérer, conformément à l'analyse exposée dans la décision 04-D-45 du 16 septembre 2004 mentionnée ci-dessus, que les restrictions commerciales imposées par les laboratoires pharmaceutiques aux exportateurs français ont nécessairement des effets, au moins structurels, sur le ou les marchés de gros sur lesquels ces entreprises sont actives (voir en ce sens, s'agissant de la question de savoir si une aide à l'exportation vers les pays tiers est susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres et de fausser la concurrence intra-communautaire, l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C-142/87, Rec. p. I-959, points 31 et suivants). Il convient donc, en l'espèce, d'appliquer les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce ainsi que les articles 81 CE et 82 CE.

B. Sur le champ de la saisine

215. Les cinq parties saisissantes à l'origine des treize saisines, enregistrées entre le 11 juillet 2000 et le 24 juin 2003 et jointes dans la présente affaire, sont toutes des exportateurs indépendants relevant du 7° de l'article R.5124-2 du Code de la santé publique qui désigne la catégorie des distributeurs en gros à l'exportation. En conséquence, les griefs allégués portent sur les seuls effets des politiques de distribution des fabricants concernant leurs possibilités de poursuivre normalement leurs activités d'exportation.

216. Mais le Conseil de la concurrence, saisi in rem, peut examiner les pratiques qui lui sont soumises sans être limité par les termes de la saisine. De même, agissant pour la défense d'un ordre public économique et non pour celle d'intérêts privés, il peut apprécier les effets des pratiques dénoncées sur les marchés concernés sans se limiter aux atteintes portées aux intérêts des seules entreprises plaignantes. En l'espèce, le dossier contient des éléments relatifs aux politiques de contingentement menées par les fabricants à l'égard de l'ensemble des distributeurs de médicaments, y compris les grossistes-répartiteurs actifs à l'exportation et leurs filiales spécialisées.

217. Toutefois, il apparaît que d'autres saisines dénonçant les politiques de restrictions quantitatives menées par les mêmes laboratoires pharmaceutiques ont été déposées devant le Conseil par les grossistes-répartiteurs, notamment celle de la société Phoenix Pharma, enregistrée le 20 octobre 2003 sous le numéro 03-0072 F. Cette saisine assortie d'une demande de mesures conservatoires a donné lieu à une décision 04-D-05 du 24 février 2004 dans laquelle le Conseil a considéré qu'il ne pouvait être exclu que les systèmes de contingentement d'un certain nombre de laboratoires "soient, dans leurs modalités de gestion, de nature à restreindre le jeu de la concurrence sur le marché de l'approvisionnement en gros des médicaments, notamment en créant une barrière à l'entrée, et que leur mise en place par les laboratoires concernés puisse contrevenir aux dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce". Il a cependant rejeté la demande de mesures conservatoires et renvoyé à l'instruction l'examen de la demande au fond.

218. Ces saisines des grossistes-répartiteurs n'ont pas été jointes à celles des exportateurs examinées dans la présente affaire et font l'objet d'une instruction séparée. Il convient donc de limiter le champ de la présente affaire aux seules pratiques dénoncées par les exportateurs sans se prononcer sur les pratiques dénoncées à l'égard des grossistes répartiteurs qui feront l'objet d'un examen ultérieur.

C. Sur l'existence d'une entente entre les laboratoires

219. Les entreprises saisissantes soutiennent, dans leur plainte, que les laboratoires ont pu se concerter pour décider de restreindre leurs livraisons aux exportateurs afin de freiner puis empêcher leur activité à partir du territoire français.

220. Mais si l'on observe, à partir de 1999, un certain parallélisme de comportement des grands laboratoires, consistant à restreindre progressivement leurs livraisons aux exportateurs puis à cesser ces livraisons, alors que les grossistes-répartiteurs nationaux continuaient d'être approvisionnés y compris lorsqu'ils livraient à l'exportation par l'intermédiaire de leurs filiales spécialisées, on doit également noter que ces pratiques et leur évolution n'ont été identiques ni dans leurs modalités ni dans leur calendrier de mise en œuvre.

221. Il ressort en effet des éléments du dossier que les contingentements dénoncés ont été introduits à des périodes différentes, s'échelonnant de 1996 à novembre 2002. De plus, dans leurs modalités, les systèmes varient selon les laboratoires. On relève ainsi que plusieurs laboratoires ont présenté ces restrictions comme les conséquences de l'adoption de nouveaux systèmes de distribution sélective qui ont donné lieu à des notifications auprès de la Commission européenne, principalement entre 2000 et 2002, alors que d'autres ont fait évoluer progressivement leurs pratiques sans notifier l'existence d'un système de distribution particulier.

222. Le parallélisme de comportement se réduit donc à la seule constatation de la mise en œuvre d'un contingentement individualisé par grossiste.

223. En tout état de cause, quand bien même un tel parallélisme serait constaté, il ne saurait suffire à lui seul à démontrer l'existence d'une entente anticoncurrentielle mais doit être étayé d'indices graves, précis et concordants prouvant celle-ci. Ainsi, la cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 16 juillet 2002 relatif aux politiques d'approvisionnement de laboratoires pharmaceutiques vis-à-vis de grossistes-exportateurs, considère "qu'un simple parallélisme de comportement ne suffit pas à révéler l'existence d'une concertation frauduleuse, que les décisions ont été prises à des dates différentes, allant du 21 décembre 2000 au 7 février 2002, pour des motifs propres à chaque fabricant dont rien ne démontre l'absence manifeste de pertinence".

224. Dès lors que l'instruction n'a permis de recueillir aucun autre élément de nature à établir une entente entre les laboratoires pour appliquer une politique commerciale commune en matière d'exportation, il y a lieu de constater qu'aucun grief ne peut être retenu à leur encontre sur ce point.

D. Sur l'existence d'une entente entre les laboratoires et les grossistes-répartiteurs nationaux

225. Les entreprises saisissantes dénoncent une entente verticale entre les laboratoires et les grossistes-répartiteurs nationaux visant à restreindre les exportations parallèles et, à tout le moins, à appliquer des conditions de livraisons discriminatoires aux exportateurs afin de les exclure progressivement du marché.

226. Il est de jurisprudence constante, tant en droit national qu'en droit communautaire, que la preuve d'une entente entre entreprises doit reposer sur la constatation directe ou indirecte d'un accord de volonté entre ces opérateurs économiques sur la mise en pratique d'une politique, la recherche d'un objectif ou l'adoption d'un comportement déterminé sur le marché.

227. Mais aucun élément du dossier ne permet de démontrer l'existence d'un accord de volonté entre les laboratoires mis en cause et un ou plusieurs des grossistes-répartiteurs, en vue de limiter les livraisons de médicaments aux exportateurs. En particulier, il ne ressort pas du comportement des grossistes-répartiteurs que ceux-ci aient volontairement adhéré au système de distribution mis en place par les laboratoires, notamment en diminuant leurs commandes.

228. Bien au contraire, certains ont indiqué qu'ils subissaient ces contingentements et ont manifesté leur désaccord aux laboratoires concernés, tout en poursuivant leurs relations commerciales. A cet égard, le Tribunal de première instance des Communautés européennes a considéré, dans l'arrêt du 26 octobre 2000, Bayer AG/Commission (T-41-96, Rec. p. II-3383, point 173), que l'on méconnaît la notion de concordance de volontés "en estimant que la poursuite des relations commerciales avec le fabricant, lorsque celui-ci adopte une nouvelle politique qu'il met en pratique unilatéralement, équivaut à un acquiescement des grossistes à celle-ci, alors que leur comportement est de facto clairement contraire à ladite politique".

229. Dès lors que les systèmes et les modalités de distribution mis en œuvre par les laboratoires ont été élaborés et adoptés par ces derniers de manière unilatérale, il y a lieu de rechercher si les grossistes-répartiteurs ont pu approuver au moins tacitement la nouvelle politique des laboratoires, notamment en ce qui concerne les exportateurs.

230. Dans l'arrêt du 6 janvier 2004, Bundesverband der Arzneimittel-Importeure e.a / Bayer AG (C-2-01P et C-3-01P, Rec. p. I-23), rendu sur pourvoi des associations d'importateurs et d'exportateurs de médicaments à l'encontre de l'arrêt du Tribunal cité ci-dessus, la Cour de justice des Communautés européennes a indiqué : "Pour qu'un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité puisse être réputé conclu au moyen d'une acceptation tacite, il est nécessaire que la manifestation de volonté de l'une des parties contractantes visant un but anticoncurrentiel constitue une invitation à l'autre partie, qu'elle soit expresse ou implicite, à la réalisation commune d'un tel but, et ce d'autant plus qu'un tel accord n'est pas, comme en l'espèce, à première vue, dans l'intérêt de l'autre partie, à savoir les grossistes" (point 102 de l'arrêt).

231. Or, il ne résulte pas non plus des éléments recueillis, notamment auprès des différents interlocuteurs des laboratoires, qu'une interdiction d'exporter ait été demandée par l'un des vingt et un laboratoires visés par les parties plaignantes et a fortiori que les grossistes répartiteurs aient pu répondre favorablement à une telle invitation.

232. Dans ces conditions, l'existence d'un accord, même tacite, n'est pas établie entre les laboratoires mis en cause et les grossistes-répartiteurs avec lesquels ils maintiennent des relations commerciales.

233. A cet égard, il y a lieu de souligner que, contrairement à ce que soutient en substance la société Pharma-Lab, un accord de volonté entre les laboratoires et les grossistes répartiteurs ne saurait être présumé ou établi sur le fondement du raisonnement tenu par la Cour de justice des Communautés européennes dans l'arrêt du 25 octobre 1983, AEG/Commission (107-82, Rec. p. 3151), à l'égard d'un système de distribution sélective, et dans lequel la Cour a jugé :

"37. [la mise en œuvre d'un système de distribution sélective] doit être considérée comme illicite [au regard de l'article 81, paragraphe 1, CE] lorsque le fabricant, en vue de maintenir un niveau de prix élevé ou d'exclure certaines voies de commercialisation modernes, refuse d'agréer des distributeurs qui répondent aux critères qualitatifs du système.

38. Une pareille attitude de la part du fabricant ne constitue pas un comportement unilatéral de l'entreprise qui (...) échapperait à l'interdiction de [l'article 81, paragraphe 1, CE]. Elle s'insère, par contre, dans les relations contractuelles que l'entreprise entretient avec les revendeurs. En effet, dans le cas d'admission d'un distributeur, l'agrément se fonde sur l'acceptation expresse ou tacite, de la part des contractants, de la politique suivie [par le fabricant] exigeant, entre autres, l'exclusion du réseau de distributeurs ayant les qualités pour y être admis, mais n'étant pas disposés à adhérer à cette politique".

234. En effet, ce raisonnement partait de la prémisse de l'existence d'un réseau de distribution sélective organisé de manière contractuelle entre le fabricant et les membres dudit réseau.

235. Or, dans la présente affaire, il suffit de relever qu'il ne ressort d'aucun élément du dossier que les grossistes répartiteurs appartiendraient à des réseaux de distribution sélective organisés par les laboratoires. Les grossistes-répartiteurs sont en effet habilités à exercer leur activité sur la seule base d'une autorisation délivrée par les pouvoirs publics en fonction de critères d'intérêt général et il sont tous dans la même position, indépendante, à l'égard des laboratoires. Ces derniers sont tenus d'entrer en relations d'affaires avec l'ensemble d'entre eux.

236. A cet égard, les systèmes de distribution notifiés par certains laboratoires à la Commission européenne, qui ont été évoqués par la société Pharma-Lab, ne visent nullement les grossistes-répartiteurs en tant que parties à ces systèmes. Ils ne régissent en fait que les relations internes aux groupes pharmaceutiques, notamment l'activité de leurs différentes filiales nationales en Europe.

237. Dans ces conditions, la grille d'analyse à retenir dans la présente affaire est bien celle suivie dans les arrêts Bayer A.G./Commission, précités.

238. Au surplus, s'agissant de l'existence d'une discrimination entre les exportateurs et les grossistes-répartiteurs telle qu'elle est alléguée, il y a lieu de constater que celle-ci n'est en tout état de cause pas établie. Les deux catégories d'opérateurs interviennent en effet sur les marchés de gros des médicaments sous des régimes juridiques différents qui comportent, notamment, des obligations de service public très fortes que doivent respecter les grossistes-répartiteurs, et qui ne s'appliquent pas aux exportateurs. L'importance de ces différences de situation sur le marché ne permet pas de conclure que toute différence dans les modalités de livraison pourrait être qualifiée de pratique discriminatoire des laboratoires. Or, ces derniers ont donné des raisons objectives pour justifier ces différences de traitement entre exportateurs et grossistes-répartiteurs .

239. Par exemple, le laboratoire GSK a expliqué le traitement différencié qu'il a d'abord opéré entre exportateurs et grossistes-répartiteurs, par le fait que ces derniers ont une obligation légale d'approvisionner "de manière permanente le marché français". De même, le laboratoire Janssen Cilag a indiqué qu'il livrait en priorité les grossistes-répartiteurs eu égard à leurs obligations de service public. Le laboratoire Ferring a également indiqué qu'il livre en priorité les grossistes-répartiteurs eu égard à leurs obligations de service public et qu'il ne livre aussi les exportateurs que dans la mesure où "les quantités commandées ne mettent pas en péril l'approvisionnement en France".

240. De manière générale, les éléments du dossier montrent que, dans de nombreux cas, le fait que les grossistes-répartiteurs ont obtenu des allocations de produits supérieures à celles des exportateurs est dû à leur historique de commandes plus important. Les différences de traitement entre exportateurs, notamment sur les quantités livrées, s'expliquent de la même façon par leur historique de commandes.

241. Dans d'autres cas, des difficultés ponctuelles de livraisons dénoncées par les exportateurs à l'encontre de certains laboratoires ont été expliquées par des contraintes de gestion de stock peu adaptées aux demandes erratiques et parfois massives des exportateurs.

242. Ainsi, le laboratoire Novo Nordisk justifie son incapacité à fournir plus de 240 boîtes par mois de produit NovoRapidPenfill à Ad Pharm, par la transformation en allocations mensuelles des quantités commandées durant l'exercice précédent. Novo Nordisk étant un fournisseur régulier de Ad Pharm, les problèmes rencontrés par cette société ne peuvent s'expliquer que par une rupture des stocks, justifiée par l'arrivée du produit NovoRapidPenfill sur le segment des analogues ultra-rapides, et les difficultés consécutives de prévision de la demande.

243. Le laboratoire Aventis indique que son circuit de distribution fonctionne suivant des prévisions de ventes et l'optimisation des stocks, ce qui rend complexe la réaction des services de la production face aux commandes ponctuelles et importantes en volumes des exportateurs. Dès lors, en fonction des " contraintes produits ", le laboratoire peut être conduit à ne répondre que partiellement à leurs commandes. Il différencie les flux exportateurs et répartiteurs, bien qu'aucune ligne directrice de sa politique commerciale n'impose d'exclure les exportateurs, ni les nouveaux clients. Cependant la politique d'optimisation des stocks du laboratoire met ces derniers potentiellement à la merci de ruptures de produits.

244. Le laboratoire Astra Zeneca justifie les difficultés d'approvisionnement rencontrées par la société Ad Pharm à propos des spécialités Symbicort et Pulmicort, par sa dépendance envers sa structure de production des Turbuhaler, ce qui accroît le risque de rupture d'approvisionnement de produits, et par la politique de prévision de la production et d'allocations mensuelles indexées sur l'historique des commandes de l'exercice précédent. Cette politique est appliquée à tous les clients exportateurs ou grossistes-répartiteurs, même si la priorité est donnée aux répartiteurs.

245. Enfin, s'il est avéré qu'il existe une différence de traitement entre les grossistes-répartiteurs et les exportateurs de la part des laboratoires, en réponse à la mise en place d'un système de distribution, ou à cause d'une pénurie momentanée de produits, cette différenciation tient avant tout au statut de chaque intervenant et à l'obligation d'approvisionnement du marché français pesant sur les grossistes-répartiteurs. Les éléments recueillis n'établissent pas qu'une discrimination soit opérée par les laboratoires entre des intervenants dans une situation comparable.

Conclusion sur les pratiques d'ententes

246. Au vu des éléments ci-dessus exposés, il n'est pas établi que les pratiques dénoncées à l'encontre des laboratoires MSD, GSK, Lilly France, Sanofi-Synthelabo, Novartis Pharma, Boehringer Ingelheim, Pfizer, Norgine Pharma, Janssen Cilag, Ferring, Fournier, Léo, Médisense, Smith & Nephew, Wyeth Lederlé, LifeScan, Shering Plough, Novo Nordisk, Aventis, Astra Zeneca et Bayer Diagnostics, entrent dans les prévisions des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81, paragraphe 1, CE.

E. Sur l'existence d'un abus de position dominante

1. En ce qui concerne le marché pertinent

247. Les sociétés saisissantes soutiennent que les demandes exprimées par les grossistes étrangers qui s'adressent à elles portent sur des médicaments clairement identifiés pour lesquels ils disposent d'une licence d'importation et non sur une spécialité thérapeutique pour laquelle pourraient exister des substituts. Ainsi, pour l'approvisionnement des exportateurs français, chacune des spécialités pharmaceutiques faisant l'objet d'un quota constituerait un marché pertinent sur lequel le laboratoire qui assure la fourniture du marché domestique serait en position dominante.

248. Il y a lieu de noter à titre liminaire que cette demande spécifique des grossistes étrangers ne se distingue pas de leur demande globale pour se procurer des médicaments, y compris auprès des filiales domestiques des fabricants de ces médicaments. Les importations parallèles en provenance d'un pays donné sont non seulement substituables avec les importations parallèles en provenance d'autres pays, mais l'ensemble de ces importations parallèles se présente, de manière générale, comme une solution alternative à la fourniture directe sur le marché domestique. L'exportation parallèle n'est qu'un canal de distribution spécifique et non un marché pertinent au sens du droit de la concurrence. Or, le commerce parallèle étant largement minoritaire, il est peu probable que l'on puisse, par son canal, se doter d'une position dominante pour l'approvisionnement d'un marché étranger.

249. Selon la pratique décisionnelle du Conseil, illustrée notamment par ses décisions 96-D-12 du 5 mars 1996 "Lilly France" et 03-D-35 du 24 juillet 2003 "Sandoz Novartis", confirmées par la cour d'appel de Paris, les marchés de médicaments sont généralement définis par référence à l'usage thérapeutique. La définition du marché consiste à partir du troisième niveau de classification dite "Anatomical Therapeutic Chemical Classification System (ATC)" regroupant les spécialités selon leurs indications, à analyser la substituabilité du médicament du point de vue des prescripteurs pour restreindre le marché pertinent au niveau 4 ou au niveau 5 de la classification ATC.

250. En l'espèce, au vu du nombre de laboratoires et de molécules concernées, il semble opportun d'examiner le point de savoir si les pratiques relevées pourraient constituer un abus d'une éventuelle position dominante et de n'examiner que dans un second temps et au besoin, la position de chaque laboratoire sur les différents marchés de médicaments selon la classification ATC sommairement décrite au point précédent.

2. En ce qui concerne l'abus d'une éventuelle position dominante

251. Les parties saisissantes soutiennent que les restrictions de livraisons et les refus de vente qui leurs sont opposés par les laboratoires constituent des abus de position dominante dès lors que ces pratiques ont pour objet et pour effet de restreindre les échanges entre les Etats membres au détriment des consommateurs ainsi empêchés d'accéder aux médicaments aux meilleurs prix et soulignent que de nombreux Etats encouragent les importations parallèles afin de soulager le budget de leur système de sécurité sociale. Enfin, elles mentionnent la condamnation de telles restrictions par d'autres autorités de concurrence, notamment la condamnation par la Commission européenne des pratiques du laboratoire GSK sur le marché espagnol.

252. Il convient d'observer, en premier lieu, que les seules pratiques condamnées jusqu'à présent l'ont été sur le fondement de l'article 81, paragraphe 1, CE mais qu'aucune autorité de concurrence ne s'est encore prononcée, par une décision de fond, sur une qualification d'abus de position dominante au sens de son droit national ou de l'article 82 CE.

253. Il convient, en second lieu, de rappeler que la seule constatation d'un refus de vente ne suffit pas à caractériser un abus de position dominante. Selon une jurisprudence bien établie, une entreprise dominante n'exploite sa position de façon abusive que lorsqu'elle refuse de fournir des biens ou des services dans le but de limiter ou d'exclure ses concurrents réels ou potentiels d'un marché déterminé et de renforcer sa position sur ce marché, sans que ce refus puisse être objectivement justifié.

254. Ainsi, la Cour de justice des Communautés européennes, suivant ses arrêts antérieurs (Commercial Solvents du 6 mars 1974 et Telemarketing du 3 octobre 1985), a rappelé, dans son arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C-7-97, Rec. p. I-7791), que pour qu'un refus de fournir à un concurrent des marchandises ou des services nécessaires à l'exercice de ses activités soit considéré comme abusif, il fallait que ce refus soit de nature à éliminer toute concurrence, qu'il ne puisse être objectivement justifié, mais également que le produit ou le service sollicité soit indispensable à l'exercice de l'activité des concurrents, en ce sens qu'il n'existe aucun substitut réel ou potentiel.

255. S'agissant des raisons objectives qui pouvaient justifier un refus de vente, la Cour a estimé, dans son arrêt du 14 février 1978, United Brands (22-76, Rec. p. 173), qu'une entreprise, même dominante, a le droit de prendre les mesures raisonnables qu'elle estime appropriées pour protéger ses intérêts commerciaux, à condition que son comportement soit proportionné à la menace et ne vise pas à renforcer sa position dominante ou à en abuser.

256. Dans l'arrêt du 29 juin 1978, Benzine en Petroleum Handelsmaatschappij BV et autres (BP) (77-77, Rec. p. 1513), elle a ainsi jugé qu'une entreprise en position dominante devait répartir équitablement les quantités disponibles de son produit entre tous ses clients, sous réserve des particularités ou différences dans leur situation commerciale, et qu'en cas de crise généralisée d'approvisionnement, une telle entreprise pouvait servir prioritairement ses clients habituels.

257. De même, dans sa décision 2001-D-70T du 24 octobre 2001 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la mélasse et du rhum à la Réunion, le Conseil a considéré "(...) qu'il est loisible à un groupe dont une filiale produit un bien intermédiaire qui pour la plus grande partie alimente une autre filiale fabriquant un produit fini, de réserver à cette seconde filiale la partie de sa production amont qui lui est nécessaire ; que, de même, lorsque des contrats d'approvisionnement de long terme ont été passés avec des clients, il est licite pour un producteur même en position dominante de refuser de répondre à une nouvelle demande qui excède ses capacités de production restant disponibles".

258. Il importe encore de rappeler que les facteurs qui permettent de déterminer si le comportement d'une entreprise qui refuse de livrer a un caractère abusif dépendent fortement du contexte économique et réglementaire particulier de l'affaire (voir en ce sens les conclusions de l'avocat général Jacobs du 28 octobre 2004 dans l'affaire Syfait, C-53-03, en particulier le point 68, et la décision de la Commission du 24 mars 2004, COMP/C-3-37.792, Microsoft, en particulier le point 564).

259. Il convient donc d'examiner, au regard de ces analyses, si les conditions concrètes de fonctionnement du marché du médicament permettent de qualifier les refus de vente observés au regard du droit de la concurrence.

260. A cet égard, la situation dans laquelle se trouvent les parties saisissantes sur le marché du médicament est particulière.

261. En effet, comme cela a été indiqué aux points 6 à 11, les exportateurs sont des entreprises appartenant à la catégorie des distributeurs en gros à l'exportation se livrant à l'achat et au stockage de médicaments en vue de leur exportation en l'état, mais qui, en application du cadre législatif et réglementaire national, ont choisi un statut qui les autorise seulement à procéder à des exportations de médicaments et ne leur permet pas de les vendre sur le territoire national, où ils sont établis. Par ailleurs, lesdits exportateurs ne sont soumis à aucune obligation de service public en vue d'assurer la sécurité d'approvisionnement en médicaments pour les besoins de la consommation domestique. Enfin, contrairement aux grossistes-répartiteurs qui entretiennent des relations continues et régulières avec l'ensemble des laboratoires pharmaceutiques et pour au moins les neuf dixièmes des médicaments effectivement exploités en France, les exportateurs concentrent leurs achats sur un petit nombre de laboratoires et pour chacun d'eux sur un petit nombre de produits.

262. La situation des exportateurs est donc clairement distincte de celle des autres opérateurs actifs sur le territoire national dont l'exportation n'est qu'une partie de l'activité, tels les grossistes-répartiteurs. La catégorie des exportateurs indépendants semble d'ailleurs constituer une spécificité française au sein de l'Union européenne.

263. Les développements qui suivent concernent donc uniquement la situation des saisissantes, exclusivement exportatrices.

264. Le marché du médicament, en France, est caractérisé par une réglementation des prix. L'objet de cette réglementation est de faire contrepoids au fait que la demande des patients est rendue solvable, et donc peu sensible au prix, par l'existence d'un système d'assurance maladie financé par des prélèvements obligatoires. Il existe donc un lien étroit entre le caractère de médicament remboursable par le système de sécurité sociale, la fixation par les pouvoirs publics d'un prix de vente du médicament remboursable et l'obligation de livrer ces médicaments aux officines pour satisfaire les besoins des assurés sociaux, dans le cadre de circuits de distribution soumis à des obligations de service public destinées à assurer la sécurité des approvisionnements.

265. Autrement dit, non seulement le prix des médicaments livrés aux officines n'est pas un prix de marché, mais il est fondamentalement un prix qui a été fixé, en vue d'une consommation nationale, à un niveau jugé compatible avec l'équilibre budgétaire du système national de sécurité sociale.

266. Or, les exportateurs ne souhaitent pas seulement être livrés. Ils veulent aussi l'être à un certain prix. Le prix qu'ils recherchent, alors même qu'ils ne disposent d'aucune autorisation administrative pour vendre sur le territoire national, est le prix administré. Ce n'est pas un prix de marché qui résulterait de leurs négociations commerciales avec les laboratoires mais le prix fixé par les pouvoirs publics pour la consommation nationale.

267. Cependant, on ne voit pas quelle justification permettrait à un opérateur économique d'imposer à un producteur qui ne dispose pas de la liberté de fixer ses prix pour les produits destinés à être utilisés sur un territoire, d'appliquer d'une manière générale les mêmes conditions de vente pour des produits destinés exclusivement à d'autres territoires où les conditions de marché sont différentes. Certes, en l'occurrence, les grossistes-répartiteurs peuvent quant à eux s'approvisionner à des prix administrés alors même qu'ils fournissent le cas échéant à l'exportation. Toutefois, cette faculté provient du fait qu'ils doivent garantir la sécurité d'approvisionnement domestique et, pour cela, livrer prioritairement le marché national pour lequel le prix administré a été fixé. Leur situation n'est donc, ainsi qu'il a été exposé précédemment, pas comparable à celle des exportateurs.

268. Les saisissantes contestent cependant les conséquences tirées du fait qu'un régime de concurrence strict ne prévaut pas dans le secteur pharmaceutique et estiment que le fait que dans chaque État, à des degrés divers, les pouvoirs publics interviennent pour limiter le prix des médicaments sur leurs territoires respectifs ne suffit pas pour écarter l'application des règles de concurrence.

269. Mais si l'existence d'une réglementation sectorielle n'empêche pas un certain fonctionnement concurrentiel du marché et donc l'applicabilité du droit de la concurrence, il faut relever qu'une réglementation des prix a un caractère exceptionnel qui touche aux mécanismes même de fonctionnement des marchés en empêchant les ajustements des prix et qui va donc bien au-delà, par exemple, d'une simple règle de sécurité ou d'une autorisation administrative d'exercer. La bonne application du droit de la concurrence nécessite de prendre pleinement en compte l'existence d'une réglementation des prix, notamment pour qualifier un abus. En effet, les critères pour qualifier une pratique commerciale d'abusive et donc, dans une certaine mesure, d'anormale sont nécessairement différents lorsque cette pratique a lieu sur un marché pour lequel les mécanismes normaux de la concurrence ne fonctionnent pas.

270. En l'espèce, il n'apparaît pas abusif pour un laboratoire, quel qu'il soit, de défendre ses intérêts commerciaux en refusant de livrer un de ses produits à un prix administré à un opérateur qui ne vend aucun produit sur le marché national pour lequel la réglementation des prix a été élaborée et ne recherche ce produit qu'à la condition que le prix fixé par les pouvoirs publics en vue d'un usage sur le territoire national lui permette de le revendre sur un marché étranger avec profit.

271. Les saisissantes soutiennent également que, quand bien même on admettrait qu'une restriction de l'approvisionnement des exportateurs par les laboratoires constitue une mesure raisonnable et appropriée de leur part pour défendre leurs intérêts commerciaux, le refus absolu de vente est une mesure disproportionnée et donc abusive au regard de la jurisprudence communautaire puisqu'elle conduit à empêcher l'activité d'exportation parallèle et à éliminer la pression concurrentielle qu'ils exercent. Ils demandent en conséquence à bénéficier de quotas pour chaque exportateur.

272. L'application d'éventuels quotas en faveur des exportateurs n'est pas justifiée sur le plan économique et au regard des règles de concurrence puisque les exportateurs n'ont, par définition, aucune activité de vente en France alors que les contingentements appliqués aux grossistes-répartiteurs sont précisément calculés à partir des quantités vendues sur le territoire national, parts de marché qui résultent elles-mêmes de la concurrence qui s'exerce entre eux. Fixer discrétionnairement des quotas pour une pure activité d'exportation reviendrait à répartir les marchés et à y figer les parts. En particulier, dans l'hypothèse de quotas fixés ex ante, rien ne justifierait que les exportateurs actuels soient les seuls à en bénéficier, car ils seraient ainsi protégés de l'arrivée sur le marché de nouveaux entrants. Mais garantir des quantités à tout nouvel entrant reviendrait à renoncer, en pratique, à la notion même de contingentement et à établir à l'encontre des laboratoires une obligation de vendre sans limite au prix administré.

273. Par ailleurs, il ressort des éléments du dossier présentés aux points 15 à 29 ci-dessus, que l'arrêt de l'activité de certains exportateurs français ne mettrait pas fin au commerce parallèle qui est majoritairement assuré, pour les exportations au départ de la France, par les grossistes-répartiteurs et leurs filiales.

274. Enfin, les entreprises saisissantes font observer que les refus de vente qui leur sont opposés créent une distorsion de concurrence avec les filiales export des grossistes-répartiteurs qui peuvent continuer à s'approvisionner auprès de leur maison mère envers lesquelles les laboratoires ont une obligation de livraison à des prix administrés et ne subissent donc que l'effet d'éventuels contingentements nationaux.

275. En complément de ce qui a déjà été indiqué au point 267 de la présente décision, on peut relever qu'il est loisible aux exportateurs indépendants de s'adresser également aux grossistes-répartiteurs pour être livrés, quand bien même ils seraient contraints de supporter un prix d'achat des produits plus élevé qu'en se fournissant directement auprès des laboratoires, ce qui n'est pas un obstacle insurmontable à leur activité. Ils peuvent également adopter eux-mêmes le statut de grossistes-répartiteurs s'ils en acceptent les contraintes.

276. A cet égard, le Conseil rappelle que l'examen des pratiques de contingentement des laboratoires vis à vis des grossistes-répartiteurs aura lieu dans le cadre d'autres dossiers encore en cours d'instruction.

277. Au vu des éléments exposés ci-dessus, les pratiques des laboratoires dénoncées par les exportateurs, à supposer que la position dominante d'un ou plusieurs des laboratoires mis en cause soit établie, ne peuvent être qualifiées d'abus d'une telle position au sens des dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce et de l'article 82 du Traité CE.

278. En conséquence, il convient de faire application des dispositions de l'article L. 464-6 du Code de commerce et de prononcer un non-lieu à poursuivre la procédure.

Décision

Article unique. - Il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure.