Conseil Conc., 20 décembre 2005, n° 05-D-72
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
DĂ©cision
Pratiques mises en Ćuvre par divers laboratoires dans le secteur des exportations parallĂšles de mĂ©dicaments
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de Mme de Mallmann, par Mme Aubert, vice-présidente, présidant la séance, MM. Bidaud, Flichy, Ripotot, membres.
Vu les lettres des sociĂ©tĂ©s Pharma-Lab enregistrĂ©es les 11 juillet 2000 et 17 aoĂ»t 2001 sous les numĂ©ros F 1249 et F 1331, Pharmajet enregistrĂ©es les 11 janvier, 5 avril, 16 mai et 28 novembre 2001 sous le numĂ©ro F 1286, le 19 fĂ©vrier 2002 sous le numĂ©ro 02-0031F, le 3 octobre 2002 sous le numĂ©ro 02-0090F, Pharmadex T.M.C enregistrĂ©es le 30 mai 2001 et le 9 aoĂ»t 2002 sous les numĂ©ros F 1314 et 02-0075F, European Trade Company (ETC) enregistrĂ©es le 11 dĂ©cembre 2001 sous les numĂ©ros F 1364, F 1365, F 1366, F 1367, F 1369, AD Pharm enregistrĂ©e le 24 juin 2003 sous le numĂ©ro 03/0043F par lesquelles ces sociĂ©tĂ©s ont saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en Ćuvre par les laboratoires Glaxo-Wellcome devenu GlaxoSmithkline (GSK), Lilly France, Boehringer Ingelheim, Wyeth LederlĂ©, Leo France, Ferring, Abbott Medisense France, Novartis Pharma, Pfizer, Merck Sharp et Dohme-Chibret (MSD), Norgine Pharma, Fournier, Sanofi-Synthelabo, Smith Nephew, Janssen-Cilag, Shering Plough, LifeScan, Aventis, Bayer Diagnostics, NovoNordisk et Astra Zeneca ; Vu la dĂ©cision de jonction des affaires prise par le rapporteur gĂ©nĂ©ral du Conseil de la concurrence le 2 avril 2004 ; Vu les dĂ©cisions de secret des affaires n° 05-DSA-23 Ă 05-DSA-27 du 29 juin 2005 ; Vu les articles 81 et 82 du traitĂ© instituant la CommunautĂ© europĂ©enne ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif Ă la libertĂ© des prix et de la concurrence et le dĂ©cret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant ses conditions d'application ; Vu les autres piĂšces du dossier ; Vu les observations prĂ©sentĂ©es par les sociĂ©tĂ©s Pharma-Lab, Pharmajet, Pharmadex-TMC, et le commissaire du Gouvernement, La rapporteure, le rapporteur gĂ©nĂ©ral, le commissaire du Gouvernement, les reprĂ©sentants des sociĂ©tĂ©s Pharma-Lab, Pharmajet entendus lors de la sĂ©ance du 18 octobre 2005, en prĂ©sence du reprĂ©sentant de la sociĂ©tĂ© et Pharmadex-TMC; les sociĂ©tĂ©s AD-Pharm et European Trade Company ayant Ă©tĂ© rĂ©guliĂšrement convoquĂ©es ;
Vu la note en délibéré du 26 octobre 2005 de la société Pharma-Lab, que celle-ci a été autorisée à produire ;
Adopte le décision suivante :
I. Constatations
A. Le secteur
1. Données générales sur le commerce parallÚle
1. On dĂ©signe par les termes "commerce parallĂšle des produits pharmaceutiques" les flux commerciaux de mĂ©dicaments opĂ©rĂ©s entre grossistes exportateurs et importateurs de diffĂ©rents pays, par opposition aux flux commerciaux opĂ©rĂ©s par les laboratoires eux mĂȘmes lorsqu'ils livrent directement ou par l'intermĂ©diaire de filiales locales leurs produits dans les diffĂ©rents pays. Dans le cas d'une commercialisation par les fabricants, la premiĂšre mise sur le marchĂ© des mĂ©dicaments est faite normalement directement dans le pays de consommation finale aux prix en vigueur dans ce pays, alors que dans le cas des exportations parallĂšles la premiĂšre mise sur le marchĂ© est faite dans un autre pays que celui de consommation finale, au prix domestique de cet autre pays, et n'est donc pas suivie par une consommation finale locale, mais par une seconde Ă©tape de commercialisation vers le pays de consommation finale.
2. Les produits visĂ©s par le commerce parallĂšle sont principalement les molĂ©cules sous brevet offrant un diffĂ©rentiel de prix Ă©levĂ©, d'au moins 15 %, entre le tarif rĂ©glementĂ© en vigueur dans l'Etat d'oĂč partent les produits exportĂ©s et le tarif rĂ©glementĂ© en vigueur dans le pays oĂč ces produits sont consommĂ©s ou, Ă©ventuellement, le prix libre qui y est pratiquĂ©. Le cas oĂč les prix sont libres dans le pays importateur n'est guĂšre diffĂ©rent car, dans cette hypothĂšse, le commerce parallĂšle ne s'instaure que si le prix de marchĂ© constatĂ© dans le pays d'importation est sensiblement supĂ©rieur au tarif rĂ©glementĂ© du pays de dĂ©part des produits exportĂ©s.
3. Si le Royaume-Uni reste le principal pays d'importation au moyen du commerce parallĂšle, du fait du niveau Ă©levĂ© des prix pratiquĂ©s pour les mĂ©dicaments sous brevet, l'Allemagne pourrait constituer Ă terme le plus vaste marchĂ©. En effet, la lĂ©gislation allemande oblige les pharmaciens Ă substituer au mĂ©dicament vendu au prix domestique par la filiale locale du laboratoire, un mĂ©dicament issu du commerce parallĂšle Ă partir du moment oĂč le diffĂ©rentiel de prix atteint 10 %. En 2001, les Pays-Bas avaient le taux de pĂ©nĂ©tration du marchĂ© le plus Ă©levĂ© en commerce parallĂšle dans l'Union europĂ©enne, soit 15 % du marchĂ© local. La France connaĂźt des prix proches de la moyenne europĂ©enne bien qu'infĂ©rieurs de plus de 20 % Ă ceux pratiquĂ©s au Royaume-Uni et en Allemagne, si bien qu'elle peut constituer une base d'exportation pour ces deux marchĂ©s.
4. D'aprÚs IMS Health, société qui effectue des études au niveau mondial concernant le secteur de la santé, le commerce parallÚle provenant de tous les pays de l'Union européenne représente 4 à 5 % du total du marché européen qui s'est élevé, en 2002, à environ 100 MdE. Selon l'association European Association of Euro-Pharmaceutical Companies (EAEPC) le développement du marché parallÚle évalué à partir du prix d'achat pharmacie s'établit (en ME) pour les années 2000, 2001 et 2002 comme suit :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
2. Les opérateurs
5. Le Code de la santé publique, notamment son article L. 5124-11, soumet l'activité d'exportation de médicaments à un régime d'autorisation administrative et à une réglementation stricte qui prévoit, notamment, une liste limitative de types d'opérateurs susceptibles de procéder à des exportations, ainsi qu'une limitation des destinataires de ces exportations.
6. Le 7° de l'article R.5124-2 du Code de la santé publique distingue la catégorie des distributeurs en gros à l'exportation, qui désigne des entreprises "se livrant à l'achat et au stockage de médicaments (....) en vue de leur exportation en l'état". Cette définition a un caractÚre restrictif et signifie que ces exportateurs ne sont pas autorisés à vendre des médicaments sur le territoire national.
7. Il est important de noter que cette catégorie des purs exportateurs ne bénéficie d'aucun monopole pour les exportations. De nombreux autres opérateurs actifs sur le territoire national peuvent en effet exporter :
"Les fabricants, les importateurs, les exploitants, les dĂ©positaires, les grossistes-rĂ©partiteurs, (....) peuvent exporter en dehors du territoire national les mĂ©dicaments ou produits qu'ils vendent, cĂšdent Ă titre gratuit ou distribuent. Les exportations effectuĂ©es par ces entreprises ou organismes, ainsi que par les distributeurs en gros Ă l'exportation, vers d'autres Etats membres de la CommunautĂ© europĂ©enne ou parties Ă l'accord sur l'espace Ă©conomique europĂ©en ne peuvent ĂȘtre destinĂ©es qu'Ă des personnes physiques ou morales autorisĂ©es Ă exercer des activitĂ©s analogues ou habilitĂ©es Ă dispenser des mĂ©dicaments ou produits concernĂ©s dans ces Ătats" (article R.5124-2 du Code de la santĂ© publique).
8. Parmi les entreprises habilitées à exporter des médicaments, il est donc pertinent pour les besoins de la présente affaire de distinguer les purs exportateurs visés au 7° de l'article R. 5124-2 du Code de la santé publique, qui exportent mais ne peuvent vendre sur le territoire national, et les autres opérateurs qui peuvent faire les deux, au premier chef les grossistes-répartiteurs qui sont les acteurs majeurs de la distribution de médicaments en France du fait de leur rÎle clé dans la sécurité d'approvisionnement des officines.
9. Les grossistes-répartiteurs sont, en effet, soumis à une série d'obligations de service public destinées à assurer la sécurité des approvisionnements en médicaments pour les besoins de la consommation domestique et qui sont énumérées à l'article R. 5124-59 du Code de la santé publique : "Sur son territoire de répartition l'établissement est tenu aux obligations de service public suivantes :
1° Il doit disposer d'un assortiment de médicaments comportant au moins les neuf dixiÚmes des présentations effectivement exploitées en France
2° Il doit ĂȘtre en mesure :
a) De satisfaire Ă tout moment la consommation de sa clientĂšle habituelle durant au moins deux semaines ;
b) De livrer dans les 24 heures suivant la réception de la commande tout médicament faisant partie de son assortiment ;
c) De livrer tout médicament (...) à toute officine qui le lui demande".
10. Une des consĂ©quences de ces charges de service public sur les autres opĂ©rateurs du secteur est de placer les fabricants dans l'obligation de livrer les grossistes pour les spĂ©cialitĂ©s qui ont fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marchĂ© et qui sont susceptibles d'ĂȘtre prescrites par les mĂ©decins et demandĂ©es par les pharmaciens.
11. Par ailleurs, le Code de la santĂ© publique prĂ©voit, Ă ses articles R. 5142-16 et suivants, les procĂ©dures de dĂ©livrance des certificats temporaires d'exportation par le directeur de l'Agence française de sĂ©curitĂ© sanitaire des produits de santĂ© (AFSSAPS), certaines exportations pouvant ĂȘtre soumises Ă des interdictions temporaires. Ainsi, l'activitĂ© d'exportation n'est pas une activitĂ© gĂ©nĂ©rale et permanente mais une activitĂ© fragmentĂ©e et ciblĂ©e sur certains mĂ©dicaments et certains pays, selon les demandes des importateurs.
12. Il faut également noter que les grossistes-répartiteurs n'usent pas tous de leur droit de procéder directement à des exportations : certains se sont organisés en filialisant cette partie de leur activité. Ces filiales spécialisées bénéficient néanmoins d'un accÚs privilégié aux produits du fait de la garantie de livraison minimale dont dispose leur maison mÚre vis à vis des laboratoires.
13. Selon le directeur de Pharmadex-TMC, les exportateurs indĂ©pendants, qui ne sont pas les filiales de grossistes-rĂ©partiteurs, n'occupent qu'une place minoritaire dans les flux d'exportations : "Nous estimons le marchĂ© des exportations de mĂ©dicaments Ă partir de la France vers d'autres pays Ă environ 550 ME. Nous estimons la part des grossistes exportateurs non filialisĂ©s (tels que nous-mĂȘme, Pharmajet, Euromedex, Intermed, ETC, Dipharmex et de petites sociĂ©tĂ©s) Ă 180 ME, le reste du chiffre d'affaires Ă©tant rĂ©alisĂ© par les grossistes rĂ©partiteurs et des grossistes exportateurs filiales des grossistes rĂ©partiteurs" (ProcĂšs-verbal du 19 mai 2003). Le partage de l'activitĂ© d'exportation en valeur serait donc d'un tiers pour les exportateurs et deux tiers pour les grossistes-rĂ©partiteurs et leurs filiales.
14. Cette estimation est globalement confirmĂ©e par l'addition des chiffres d'affaires des principaux acteurs (voir points 15 Ă 28 ci-aprĂšs). MĂȘme si le volume global du marchĂ© semble, pour la pĂ©riode 2000-2002, plus proche de 600 ME que de 550 ME, le partage un tiers/deux tiers se rĂ©vĂšle exact. Il apparaĂźt ainsi que les exportateurs indĂ©pendants (dĂ©signĂ©s simplement les "exportateurs" dans la suite de la prĂ©sente dĂ©cision) ne reprĂ©sentent qu'une part minoritaire des exportations parallĂšles au dĂ©part de la France, lesquelles sont majoritairement rĂ©alisĂ©es par les grossistes-rĂ©partiteurs nationaux et leurs filiales.
a) Les principaux exportateurs
15. La sociĂ©tĂ© Pharma-Lab exerce ses activitĂ©s en tant qu'Ă©tablissement pharmaceutique de distribution en gros Ă l'exportation en vertu d'un arrĂȘtĂ© du ministre de la santĂ© en date du 2 octobre 1995. Son chiffre d'affaires Ă©tait de 74 ME (485 MF) en 1999 et de 79 ME (516 MF) en 2000, rĂ©alisĂ© par des exportations dirigĂ©es pour un peu moins de la moitiĂ© vers le Royaume-Uni, pour un quart vers les Pays-bas et pour 10% chacun vers l'Allemagne et le Danemark. Jusqu'en 1995, elle a exportĂ© et prospectĂ© en "grand export", notamment vers les pays d'Asie, l'Europe de l'Est, l'Afrique francophone et l'AmĂ©rique du Sud. Entre 1995 et 2000, elle a continuĂ© Ă livrer quelques clients en "grand export". Son directeur gĂ©nĂ©ral adjoint a indiquĂ© le 9 octobre 2001 qu' "actuellement, la sociĂ©tĂ© Pharma- Lab n'exporte que vers les pays de l'Union europĂ©enne". Il a encore dĂ©clarĂ© : "Pharma-Lab ne fonctionne que sous un systĂšme de prĂ©-vente (...). Si l'achat auprĂšs d'un laboratoire n'est pas possible, Pharma-Lab s'adresse Ă des grossistes (...).Pour chaque pays de l'Union europĂ©enne, Pharma-Lab s'abonne Ă une base de donnĂ©es pour connaĂźtre les conditions de commercialisation (licence, autorisation de mise sur le marchĂ© (...). L'importateur qui obtient une licence pour importer un produit ne l'obtient que pour ce produit (...). Il paie cette licence (en moyenne 10 000 F) et l'obtient aprĂšs un dĂ©lai (variable d'un pays Ă l'autre) (...)".
16. La société Pharmajet, créée en 1997, a pour activité la revente en gros de spécialités pharmaceutiques, avec un chiffre d'affaires d'environ 62 ME (420 MF en 2001), réalisé pour 90 % sur le territoire de la Communauté européenne. Son président directeur général a déclaré le 29 octobre 2001 : "(...) Actuellement, nous réalisons un chiffre d'affaires d'environ 420 millions de francs répartis comme suit : environ 300 millions vers l'export auprÚs de l'Angleterre, environ 50 millions de francs à l'export vers l'Allemagne et la Hollande puis vers le Danemark et la NorvÚge et environ 50 millions de francs vers l'Afrique et le Moyen-Orient (...). Nous ne revendons (...) que des produits dont le différentiel de prix entre la France et l'Angleterre est d'environ 25% minimum (...)".
17. La sociĂ©tĂ© Pharmadex TMC (Trading Medical Company) a Ă©tĂ© agrĂ©Ă©e comme exportateur de mĂ©dicaments en octobre 1994. Elle a pour activitĂ© la revente en gros de spĂ©cialitĂ©s pharmaceutiques avec un chiffre d'affaires de 31 ME en 2002, rĂ©alisĂ© pour 90 % sur le territoire de la CommunautĂ© europĂ©enne. Dans cette part, les deux tiers sont rĂ©alisĂ©s avec le Royaume-Uni. Son prĂ©sident directeur gĂ©nĂ©ral, a dĂ©clarĂ© le 19 mai 2003 : " (...) Lorsque nous avons dĂ©butĂ© notre activitĂ©, environ 50 % (...) concernait l'exportation hors Europe. Puis, vers le milieu d'annĂ©e 1998, nous avons rĂ©orientĂ© notre activitĂ© vers l'exportation Ă destination de l'Union europĂ©enne (...). Actuellement, la part du "grand export" (hors Union europĂ©enne) est d'environ 10 % de notre chiffre d'affaires (...). Nous achetons les mĂ©dicaments auprĂšs des laboratoires aux prix grossistes (...) Nous revendons ces mĂ©dicaments Ă un prix d'achat officine moins 7% en moyenne (Ă partir d'un prix grossiste Ă - 9,7 %). Notre marge est donc de 2,7 %, (...). Pour qu'un produit puisse ĂȘtre exportĂ© de France vers un autre pays de l'Union europĂ©enne, il faut que le diffĂ©rentiel de prix soit de 15 Ă 20% entre le prix grossiste en France et le prix grossiste du pays importateur (...)".
18. La société Ad-Pharm a débuté son activité de revente en gros à l'exportation vers les pays de l'Union européenne, aprÚs avoir reçu son agrément le 24 septembre 1998. Son chiffre d'affaires à l'exportation était d'environ 20 ME en 2002 principalement en direction du Royaume-Uni (60 %), l'Allemagne et les Pays-Bas.
19. La société Intermed a débuté ses activités en 1991 en tant que courtier à l'export ("grand export") pour le compte de répartiteurs. Elle ne pratique l'exportation à destination de la zone communautaire que depuis 1996. Elle a réalisé à l'export 10 ME de chiffre d'affaires en 2001, dont 75% sur le territoire de l'Union européenne.
20. La société Sirdev a pour activité l'exportation en gros de produits pharmaceutiques depuis 1992. Son activité est en quasi-totalité dirigée vers l'Union européenne, pour un chiffre d'affaires de 5,5 ME en 2002.
21. La société Médicor exerce l'activité de revente de médicaments à l'exportation intra et extra communautaire depuis le 25 juillet 2001. Son chiffre d'affaires est d'environ 6 ME en 2002. Son directeur commercial a déclaré le 25 juin 2003 : "(...) L'exportation de médicaments et de dispositifs médicaux est intéressante à partir d'un différentiel de prix de 15 % minimum. Nous prenons une marge moyenne de 4 à 5%. Notre marge peut aller de 3 % (brut) à 17 % (cette marge de 17 % exceptionnelle était réalisée en 2001 et 2002 sur les produits Zocor et Lodales (...))".
22. La société Euromedex France exerce l'activité de vente en gros à l'exportation pour environ 40% de son chiffre d'affaires. Cette part à l'exportation était de 5,9 ME en 2002.
23. La société ETC (European Trade Company) a pour activité l'exportation en gros de spécialités pharmaceutiques, avec un chiffre d'affaires de 2,3 ME en 2002, réalisé sur le territoire de la Communauté européenne pour 60 % à 70 % et sur le grand export (Afrique et Moyen-Orient) pour le reste.
b) Les principaux grossistes-répartiteurs ayant un département export ou une filiale export
24. Le groupe Alliance Santé France possÚde la société par actions simplifiée Alliance Santé qui est un grossiste-répartiteur et la société Serex Alliance Santé qui est un grossiste exportateur et dont le chiffre d'affaires export était de 122 ME en 2002.
25. La société CERP Lorraine Export est une filiale du grossiste-répartiteur CERP Lorraine. Elle avait un chiffre d'affaires export de 73 ME en 2001.
26. La société nouvelle Médical Export (MEX) est une filiale du grossiste-répartiteur CERP Bretagne. Ses représentants ont déclaré le 3 décembre 2001 "La société Mex a été créée en 1998. La société CERP Bretagne nord a commencé une activité export en 1992". Son chiffre d'affaires export était environ de 80 ME en 2000.
27. Le grossiste-répartiteur CERP Rouen n'a pas créé de filiale exportation mais son département export a réalisé environ 100 ME de chiffre d'affaires en 2002, essentiellement en Europe.
28. La société OCP Répartition est également un grossiste-répartiteur qui n'a pas créé de filiale exportation. Son activité d'exportation intra-communautaire ne s'est développée que récemment et a réalisé un chiffre d'affaires de 60 ME en 2003.
29. A vu de l'ensemble des chiffres d'affaires export disponibles, on constate que les cinq principaux grossistes-répartiteurs sont des acteurs majeurs du secteur et que seuls les deux premiers exportateurs Pharma-Lab et Pharmajet ont un volume d'affaires à l'export comparable aux leurs. Les deux exportateurs suivants, Pharmadex et Ad-Pharm, sont de taille nettement plus réduite. Les autres exportateurs sont des acteurs trÚs minoritaires.
3. Les produits
30. Il s'agit des médicaments ou spécialités pharmaceutiques et des dispositifs médicaux. Ces produits sont définis comme suit par le Code de la santé publique :
Article L. 5111-1 : "On entend par mĂ©dicament toute substance ou composition prĂ©sentĂ©e comme possĂ©dant des propriĂ©tĂ©s curatives ou prĂ©ventives Ă l'Ă©gard des maladies humaines ou animales, ainsi que tout produit pouvant ĂȘtre administrĂ© Ă l'homme ou Ă l'animal, en vue d'Ă©tablir un diagnostic mĂ©dical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques...".
Article L. 5211-1 : "On entend par dispositif mĂ©dical tout instrument, appareil, Ă©quipement, matiĂšre, produit, Ă l'exception des produits d'origine humaine, ou autre article utilisĂ© seul ou en association, y compris les accessoires et logiciels intervenant dans son fonctionnement, destinĂ© par le fabricant Ă ĂȘtre utilisĂ© chez l'homme Ă des fins mĂ©dicales et dont l'action principale voulue n'est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par mĂ©tabolisme, mais dont la fonction peut ĂȘtre assistĂ©e par de tels moyens".
31. En matiĂšre d'exportation, les mĂ©dicaments, spĂ©cialitĂ©s pharmaceutiques et dispositifs mĂ©dicaux les plus recherchĂ©s sont des produits "princeps". Leur brevet est actif et la demande peut ĂȘtre satisfaite sur le marchĂ© local. Sur le marchĂ© europĂ©en, chaque pays dispose en effet d'une offre locale provenant, soit de la filiale d'un groupe pharmaceutique Ă©tablie dans un pays, soit d'un autre Ă©tablissement sous accord de distribution.
32. Cependant, le recours à l'importation des médicaments et spécialités pharmaceutiques n'est possible que sous la condition d'obtention d'une licence d'importation. En revanche, les dispositifs médicaux peuvent circuler librement dans les pays de l'Union européenne à la condition de disposer du marquage CE.
33. Les principaux offreurs de médicaments, de spécialités pharmaceutiques et de dispositifs médicaux sont les laboratoires. Bien que certains soient des multinationales de taille importante, comme Pfizer, GSK et Merck, le secteur comprend une dizaine, voire un douzaine de "majors" et les vingt premiers groupes concentrent les 2/3 du marché mondial du médicament.
34. Sur le marché français, pour les années 2000 à 2003, la position des laboratoires mis en cause par les parties plaignantes est la suivante :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
35. Les exportations de médicaments se concentrent sur un petit nombre de spécialités, en particulier pour les exportateurs qui n'ont parfois de relations commerciales avec un laboratoire que pour un ou deux produits. Les médicaments les plus demandés entre 1999 et 2002 ont été le Zocoret le Cozaar pour MSD, le Deroxat, le Serevent et le Combivir pour GSK, le Tahor pour Pfizer, le Lodales pour Sanofi, le Mopral pour Astra Zeneca. 36. En outre, Pharma-Lab et Pharmajet, les deux plus importants exportateurs, ayant une certaine variété de fournisseurs, concentrent néanmoins la moitié de leurs achats sur trois ou quatre laboratoires. Quant aux petits exportateurs, ils réalisent souvent plus de 80% de leur activité avec un seul laboratoire.
37. Cette concentration sur un petit nombre de laboratoires est illustrée par les tableaux ci-aprÚs qui présentent la part du chiffre d'affaires de certains exportateurs réalisée avec les produits de différents laboratoires. Les valeurs faibles ne sont pas toujours portées et les volumes supérieurs à 7 % du total sont indiqués en gras.
38. En 1999
<EMPLACEMENT TABLEAU>
39. En 2000
<EMPLACEMENT TABLEAU>
40. En 2001
<EMPLACEMENT TABLEAU>
41. En 2002
<EMPLACEMENT TABLEAU>
B. Les pratiques en cause
1. Les pratiques mises en Ćuvre par les laboratoires qui ont mis en place un systĂšme de distribution notifiĂ© Ă la commission europĂ©enne
a) les pratique du laboratoire MSD Les modalités de distribution des produits MSD
42. Le laboratoire Merck a élaboré un systÚme de gestion intégrée des stocks applicable en Europe qui a été notifié à la Commission européenne en mars 1996 et actualisé en 2000, ayant pour objectif la planification de la production. Le 23 mai 2002 son directeur financier a décrit les bases de ce systÚme comme suit :
- "Une prévision de taux de croissance (positif ou négatif) est établie par le service de la planification stratégique des laboratoires MSD Chibret, en relation avec le service marketing.
- Ce taux de croissance est ensuite appliqué aux quantités réelles du 2Úme semestre de l'année précédente, client par client, médicament par médicament (...)".
43. Les produits concernés par le systÚme étaient en 1996 Renitec, Co-Renitec, Cozaar, Fosamax, Mevacor, Zocor, Pepcid (en France : Pepdine), Proscar (en France : Chibro- Proscar), Tienam, Trusopt. Des produits y ont été ensuite intégrés tels que le Fontzaar, en janvier 2002, le Zocor 40 mg et le Fosamax en janvier 2003. La société Supco filiale détenue par Merck qui est partie à l'accord "garde pour le territoire de chaque société un stock de réserve (...) ; ce stock doit permettre de répondre à un éventuel cas de force majeure et à toute variation imprévisible de la demande au cours de la période de référence (...)". L'intéressé a encore précisé : "(...) Avant le 1er janvier 2001, si un nouveau client nous commandait des produits concernés par le systÚme IIMS" (Integrated Inventory
Management System)"nous faisions une demande auprÚs de MSD IS qui nous allouait une quantité prise sur son stock de sécurité (...). Depuis le 1er janvier 2001, les laboratoires MSD Chibret n'acceptent plus de nouveaux clients grossistes(...)".
Les pratiques dénoncées par les parties saisissantes
44. La société Pharmajet fait valoir qu'elle subit un contingentement des produits depuis le début de son activité. Ses représentants ont indiqué, le 28 février 2002 : "(...)Nous avons des commandes pour au moins 3 fois les quotas (...) par mois, notamment sur Zocor et Proscar (...)". Le 8 février 2005, son président a précisé que "MSD lui livre encore un produit sous la condition que ses commandes rentrent dans le cadre des quotas imposés par les laboratoires".
45. Le représentant de la société Pharmadex TMC a déclaré le 19 mai 2003 :"(...) Concernant le laboratoire MSD, il a été le premier à mettre en place un systÚme de quota (...). Notre activité ayant débuté en 1994 (...), nous avons pu acheter des produits, notamment le Zocor (...). Actuellement, le systÚme d'allocation fonctionne toujours sur les anciens produits (...) mais nous ne pouvons plus commander de nouveaux produits tels que Singulair et Vioxx (....)".
46. La sociĂ©tĂ© ETC fait valoir que, Ă la suite d'une commande du 24 juillet 2001 de 15 000 unitĂ©s de la spĂ©cialitĂ© Zocor 20 mg auprĂšs de la sociĂ©tĂ© MSD, cette derniĂšre lui a rĂ©pondu le 8 aoĂ»t 2001 que les quotas allouĂ©s pour le 2e semestre 2001, fixĂ©s Ă
46 179 unitĂ©s Ă©taient atteints Ă hauteur de 40 000 unitĂ©s en exĂ©cution de prĂ©cĂ©dentes commandes passĂ©es en juillet 2001, et qu'elle ne livrerait que le reliquat. Le 24 septembre 2003, son gĂ©rant a dĂ©clarĂ© : "(...) Le laboratoire MSD continue de m'adresser des courriers, dont le dernier qui date du 1erseptembre 2003, par lequel il m'informe d'une baisse de son taux d'escompte, alors mĂȘme que je ne commande aucun produit (...). Par ailleurs, je ne dispose pas d'historique sur les autres produits susceptibles d'ĂȘtre importĂ©s et des dotations de dĂ©part de l'ordre de 200 produits ne permettent aucune transaction (...)".
47. La société Ad Pharm invoque un refus de vente des produits Singulair 10 mg et Vioxx. Son représentant a déclaré le 12 mai 2003 : "(...) MSD a créé un systÚme d'allocation des médicaments (...) dÚs le début de notre activité. Nous avons pu travailler avec ce laboratoire avec des allocations produit par produit, dont le montant était fixé unilatéralement (...) par trimestre, puis par semestre. Prétextant que nous n'avions pas d'antériorité en tant que client, nous n'avons pas pu accéder aux achats de nouveaux produits tels que Vioxx (...)".
Les éléments recueillis auprÚs des autres sociétés exportatrices
48. Le 5 mai 2003, les reprĂ©sentants de la sociĂ©tĂ© Euromedex ont dĂ©clarĂ© que depuis trois ans, tous les produits susceptibles d'ĂȘtre revendus sur le territoire intracommunautaire font l'objet de contingentements. Euromedex s'est orientĂ©e vers d'autres sources d'approvisionnement, notamment vers le grossiste-rĂ©partiteur CERP qui n'a pas pu satisfaire ses demandes.
49. Le directeur commercial de la société Intermed a déclaré le 23 mai 2003 : "concernant les laboratoires MSD (...), ils nous contingentent mais ne nous demandent pas la destination des produits que nous exportons. Ils nous allouent des quantités et nous laissent en disposer (...)".
50. Le président de la société Sirdev a indiqué le 23 mai 2003 : (...) Nous avions acheté du Zocor à MDS dÚs le début de notre activité. Nous disposions donc d'un historique sur ce produit. Paradoxalement, MSD a été le premier à mettre en place un systÚme de quotas, en 1996, mais il est aujourd'hui le seul à maintenir cette politique (...). Depuis 2002, la seule différence provient du fait que notre quota semestriel a été divisé par six pour devenir mensuel (...). Nous avons eu des demandes de produits Singulair, Crixivan et Vioxx de la part de nos clients, mais MSD nous a orienté vers sa filiale hollandaise qui nous a alors répondu que sa distribution était suffisante (...)".
51. Un représentant de la société Médicor a précisé le 3 juillet 2003 : "(...) par courrier du 30 octobre 2001", la société MSD "a fait savoir qu'elle ne souhaitait pas débuter de relations commerciales avec nous (...). Par courrier du 23 septembre 2002, la société MSD nous a indiqué que rien ne l'obligeait à entamer des relations commerciales avec notre société (...). Depuis l'automne 2002, deux produits : le Vioxx et le Singulair nous sont demandés à l'export vers l'Angleterre. Par un courrier du 18 novembre 2002, MSD nous a indiqué que sa filiale française ne commercialise pas ces deux produits qui sont distribués par sa filiale hollandaise MSD bv. Nous nous sommes donc adressés à cette filiale (...) qui nous a répondu (...) qu'elle n'acceptait pas notre proposition de services".
Les éléments recueillis auprÚs des grossistes-répartiteurs et leurs filiales exportatrices
52. La sociĂ©tĂ© Serex Alliance SantĂ© s'approvisionne Ă 97 % au sein du groupe Alliance qui comprend un grossiste-rĂ©partiteur. Un de ses membres a dĂ©clarĂ© le 8 janvier 2002 : "(...) Concernant nos relations avec le laboratoire MSD, notre historique Alliance SantĂ© nous a permis de continuer Ă passer des commandes. Toutefois, le marchĂ© français devant ĂȘtre servi en prioritĂ©, il arrive que nous subissions des ruptures Ă l'export (...)".
53. Les représentants de la société CERP Lorraine Export ont indiqué le 19 décembre 2001 : "(...) Face à une demande précise, l'approvisionnement s'effectue par l'intermédiaire de CERP Lorraine (...). MSD est le premier laboratoire ayant pratiqué le contingentement en notifiant ce systÚme à Bruxelles (...)".
54. Un membre de la société Médical Export (filiale de CERP Bretagne) a déclaré le 3 décembre 2001 : "(...) MSD a figé ses contingentements sur 1995 et n'a admis aucun développement supplémentaire (...). Le contingentement MSD a commencé avec 4 à 6 produits et aujourd'hui, il est pratiqué sur une quinzaine de produits (...)".
55. Les reprĂ©sentants de la sociĂ©tĂ© CERP Rouen qui exerce des activitĂ©s de commerce intracommunautaire Ă travers son dĂ©partement export, ont dĂ©clarĂ© le 4 dĂ©cembre 2003 : "(...) Concernant le laboratoire MSD France : les contingentements sont semestriels et nationaux et fixĂ©s d'aprĂšs un historique rĂ©visĂ© d'aprĂšs un taux de croissance fixĂ© par MSD, depuis 1996 (...). De la mĂȘme façon que MSD France, MSD Hollande nous informe parfois que notre quantitĂ© semestrielle est atteinte puis, quelques jours plus tard nous informe qu'elle a pu obtenir des quantitĂ©s supplĂ©mentaires de la part de son fournisseur".
56. Le président de la société CERP Rhin-RhÎne Méditerranée, grossiste-répartiteur qui exporte pour une trÚs faible part de son chiffre d'affaires, a indiqué le 8 décembre 2003 : "En ce qui concerne les grossistes exportateurs, nous leur avons livré tous les produits qu'ils commandaient jusqu'au début des contingentements (2001). Depuis, nous ne leur livrons plus aucun produit contingenté mais nous leur livrons des produits non contingentés".
57. Enfin, les représentants de la société OCP Répartition qui a une activité de distribution intra-communautaire, ont déclaré le 30 octobre 2003 : "(...) Le fonctionnement du contingentement MSD a figé les parts de marché d'aprÚs les achats effectués auprÚs de ce laboratoire en 1995, par chaque répartiteur, que celui-ci pratique ou pas la distribution intra- communautaire (...)".
Conclusion
58. Les pratiques de MSD conduisent à réduire ou à figer les approvisionnements des exportateurs en spécialités ayant fait l'objet de commandes antérieures et à refuser la vente de nouvelles spécialités.
59. En revanche, les filiales des grossistes-répartiteurs sont toujours approvisionnées par le canal de leur maison mÚre mais elles subissent les effets des contingentements nationaux du fait de la priorité accordée aux livraisons sur le marché national.
b) les pratiques du laboratoire GlaxoSmithkline (GSK)
Les modalités de distribution des produits GSK
60. Le directeur juridique de GSK a déclaré le 28 mai 2002 : "Nous avons toujours servi les exportateurs en fonction des quantités résiduelles disponibles aprÚs prise en compte des contraintes suivantes : demande des grossistes-répartiteurs français ; besoins des autres entités du groupe pour leurs marchés nationaux". Le 9 juillet 2002, l'intéressé a encore déclaré : "Le 1er décembre 2001, nous avons notifié à nos clients ainsi qu'à la Commission européenne la mise en place d'un nouveau systÚme de gestion de la chaßne des approvisionnements à partir du 1er janvier 2002 qui concerne, en France, actuellement 26 produits (...). Des volumes maxima de produits disponibles ont ainsi été mis en place, de maniÚre équitable, établis selon les chiffres statistiques disponibles (chiffres du GERS et du CIP) sur le territoire national (...)".
61. Par lettre circulaire du 30 novembre 2001, GlaxoSmithKline a informé les grossistes exportateurs de la décision suivante : "Conformément au processus d'intégration en cours au sein du Groupe GlaxoSmithKline, afin d'améliorer et d'optimiser la fourniture de nos produits auprÚs des grossistes-répartiteurs, opérateurs autorisés à revendre ces produits sur le territoire français, dans le respect des dispositions du Code de la santé publique, des obligations de service public qui leur incombent légalement, et de notre mission de Santé Publique, GlaxoSmithKline a décidé, au-delà d'un délai de six (6) mois, de ne plus honorer vos commandes. DÚs lors, à compter de la date de la présente, vous bénéficiez d'une période transitoire, de préavis, d'une durée de six mois au cours de laquelle nous pourrons vous fournir, sous réserve de la réception de vos commandes, une quantité mensuelle maximale de produits de surplus, basée sur la moyenne de vos achats effectifs des produits concernés, sur le premier semestre de l'année 2001 (...)".
62. Par lettre circulaire du 30 novembre 2001 il a informĂ© les grossistes rĂ©partiteurs de sa dĂ©cision de fixer, pour deux mĂ©dicaments, Deroxat 20 mg et Serevent 25 ”g, des quotas de livraison mensuelle par agence. Le laboratoire a prĂ©cisĂ© : "(...) Cette nouvelle organisation des commandes et de gestion des approvisionnements constitue, tant dans son adoption que dans sa mise en Ćuvre, un systĂšme de gestion strictement unilatĂ©ral (...)". Enfin, par lettre circulaire du 2 juillet 2002, GSK a informĂ© les grossistes-exportateurs de sa dĂ©cision de cesser d'honorer les commandes parvenues depuis l'expiration du prĂ©avis le 1er juin 2002.
63. Le directeur juridique de GSK a déclaré le 9 juillet 2003 : "(...) Nous avons pu constater que les grossistes exportateurs n'ont pas commandé la totalité des allocations qui leur avaient été allouées de maniÚre transitoire durant la période de préavis. En ce qui concerne les grossistes exportateurs, nous avons honoré, dans la mesure de la disponibilité des produits, toutes les commandes reçues jusqu'au 28 mai 2002 à minuit (...).
Les pratiques dénoncées par les parties saisissantes
64. La société Pharma-Lab soutient que depuis octobre 1998 elle rencontre de nombreuses difficultés à se faire livrer certains médicaments commercialisés par la société GSK. Elle a complété sa saisine en dénonçant les termes de la lettre circulaire de GSK du 30 novembre 2001 susvisée. Cette société a demandé aux grossistes-répartiteurs OCP, CERP, Alliance Santé et Phoenix leurs possibilités de livraison. Ces derniers n'ont pas donné de suite favorable à sa demande. Le 5 février 2005, le directeur général de Pharma-Lab a déclaré que GSK a interrompu ses livraisons sur tous les produits de sa gamme.
65. La société Pharmajet fait valoir qu'elle subit des contingentements de ses commandes de la part de GSK depuis 1997, et que ses concurrents à l'export obtiennent jusqu'à dix fois plus de produits pour des parts de marché plus petites. Ses représentants ont déclaré le 28 février 2002 : "(...) DÚs le début de notre activité nous avons eu des problÚmes de livraison avec (...) Glaxo Wellcome (...)". Ils ont également communiqué la lettre circulaire de GSK du 30 novembre 2001. Enfin, le 8 février 2005, le président de la société Pharmajet a déclaré que GlaxoSmithKline ne lui livre aucun produit.
66. La société Pharmadex TMC indique qu'ayant commandé plusieurs médicaments à GSK, Serevent susp inh 25 ”g/dose 120 doses, Serevent Diskus 50 ”g/dose 15x4 doses, Naramig 2,5 mg en B/6, Zélitrex 500 mg (GSK) B/42 et B/10, Combivir compr B/60, Flixotide 125 mg/dose et 250/dose, elle a été satisfaite partiellement. Par la suite, elle a reçu la lettre précitée de GSK en date du 30 novembre 2001. Enfin, son président a indiqué le 19 mai 2003 qu'il ne peut plus obtenir de produit auprÚs de GSK depuis le 1er juin 2002.
67. La sociĂ©tĂ© ETC fait valoir que, suite Ă une commande de plusieurs mĂ©dicaments auprĂšs du laboratoire GlaxoSmithKline, en novembre 2000, ce dernier ne lui a livrĂ© qu'une partie des produits Epivir et Combivir, en fĂ©vrier 2001. La commande de ces mĂȘmes produits en fĂ©vrier 2001, n'a Ă©tĂ© que partiellement satisfaite. Son gĂ©rant a dĂ©clarĂ© le 24 septembre 2003 : "(...) En 2001, nous avons rĂ©ussi Ă obtenir auprĂšs des laboratoires les produits Epivir et Combivir (Glaxo) et Zerit (BMS). Nous avons pu nous approvisionner environ 6 mois, puis nous avons reçu une rĂ©ponse du laboratoire Glaxo suite Ă l'une de nos commandes, le 30 novembre 2001, qui nous signifiait qu'au-delĂ de six mois il ne nous livrerait aucun produit (...)". L'intĂ©ressĂ© a encore prĂ©cisĂ© le 19 novembre 2003 que pour les mĂ©dicaments de traitement du sida, Combivir et Epivir, il avait essayĂ© de les commander aux pharmacies centrales des hĂŽpitaux, sans rĂ©sultat.
68. La société AD Pharm soutient avoir subi de la part de GSK un refus de vente, lors du changement du traitement de ses commandes intervenu lors de la fusion, au cours de l'année 2000, des laboratoires Glaxo et SmithKline Beecham. Alors qu'elle était cliente réguliÚre desdits laboratoires, elle a été informée par un courrier en date du 30 novembre 2001 de la clÎture annoncée de son compte client.
Les éléments recueillis auprÚs des autres sociétés exportatrices
69. Les reprĂ©sentants de la sociĂ©tĂ© Euromedex France ont indiquĂ© le 5 mai 2003 que depuis trois ans, tous les produits susceptibles d'ĂȘtre revendus sur le territoire intracommunautaire font l'objet de contingentements.
70. Le directeur commercial de la société Intermed a déclaré le 21 mai 2003 : "(...) Durant l'année 2000 et jusqu'en novembre 2001, nous n'achetions que les produits Serevent (3 types de produits) au laboratoire GSK. Par lettre du 30 novembre 2001, le laboratoire GSK nous a informé qu'à l'issue du présent préavis de 6 mois, il ne nous livrerait plus de produit, sauf si nous options pour le statut de répartiteur (...). Entre décembre 2001 et fin avril 2002, GSK nous a livré en produits Serevent sur la base d'une moyenne des quantités livrées durant le semestre précédent. Depuis le 1er mai 2002, nous n'avons plus obtenu aucun produit (...)".
71. Le prĂ©sident de la sociĂ©tĂ© Sirdev a dĂ©clarĂ© le 23 mai 2003 : "(...) Nous n'avons pas connu de problĂšmes d'approvisionnement au dĂ©part (...). Lorsque le laboratoire GSK nous a adressĂ© un prĂ©avis de six mois pour nous prĂ©parer Ă l'arrĂȘt des ventes auprĂšs des exportateurs, il nous a indiquĂ© que pour maintenir des relations commerciales nous pouvions demander le statut de grossiste rĂ©partiteur (...)".
72. Le directeur commercial de la société Médicor a indiqué le 18 janvier 2002 : "(...) En décembre, j'ai envoyé ma commande mensuelle et nous avons reçu en date du 19 décembre 2001, par lettre recommandée, un refus motivé par la mise en application du nouveau systÚme de gestion des approvisionnements (...)". L'intéressé a encore déclaré le 3 juillet 2003 : "(...) Historiquement, GSK avait mis en place un systÚme de quotas dont bénéficiait tout nouvel entrant sur le marché, ce qui fut notre cas".
Les éléments recueillis auprÚs des grossistes-répartiteurs et leurs filiales exportatrices
73. Le président de la société Serex Alliance Santé, a déclaré le 8 janvier 2002 : "(...) A 97 %, les commandes sont passées par Alliance Santé (...). Nous avons obtenu du laboratoire Glaxo de passer des commandes à notre nom en fin d'année 2001. Toutefois, en décembre 2001, nous avons reçu un courrier nous indiquant des quotas pour 2002 (...)". Quant au représentant de la société Alliance Santé il a déclaré le 20 octobre 2003 : "(...) Concernant le laboratoire GlaxoSmithKline (GSK) : ce laboratoire nous alloue des quotas nationaux. (...) Depuis la mise en place des quotas en 2001, nous n'approvisionnons la société Serex Alliance Santé que dans la mesure de nos possibilités. Nous privilégions toujours le marché intérieur (...)".
74. Les reprĂ©sentants de la sociĂ©tĂ© CERP Lorraine Export ont dĂ©clarĂ© le 19 dĂ©cembre 2001 : "(...) Le systĂšme de contingentement qui se dĂ©veloppe auprĂšs des laboratoires (...) aboutit Ă une stagnation de la rĂ©partition sur le marchĂ© national (...). Si l'on compare les chiffres de contingentement prĂ©vus par GSK pour le 1er trimestre 2002 aux chiffres des ventes pour le mĂȘme trimestre 2001, on constate que l'exportation n'est plus possible (...)".
75. Le représentant de la société Medical Export a indiqué le 3 décembre 2001 : "(...) Les ruptures d'approvisionnement de la part des laboratoires ne se produisent pas uniquement envers nous, mais envers l'ensemble des agences CERP (...)".
76. Des membres de la société CERP Rouen ont déclaré le 4 décembre 2003 : "(...) Concernant le laboratoire GSK, nous avons contesté ses conditions générales de vente notamment à propos de la liberté que se réserve cette société de livrer ou pas les quantités commandées de maniÚre unilatérale (article 3 des CGV) (...). Par courrier du 14 mars 2003, GSK a modifié son systÚme d'allocation pour passer des allocations par agence à des allocations nationales (...)".
77. Le président de la société CERP Rhin RhÎne Méditerranée a déclaré le 8 décembre 2003 :
"(...) Nous n'avons pas subi de rupture de produit à l'échelle de notre société (...). En ce qui concerne les grossistes exportateurs, nous leur avons livré tous les produits qu'ils commandaient jusqu'au début des contingentements (2001). Depuis, nous ne leur livrons plus aucun produit contingenté mais nous leur livrons des produits non contingentés".
78. Les reprĂ©sentants de la sociĂ©tĂ© OCP (activitĂ© "distribution intra-communautaire") ont dĂ©clarĂ© le 30 octobre 2003 : "(...) La mise en place des contingentements a bouleversĂ© le mode habituel de fonctionnement et est contradictoire avec l'accord passĂ© au sein du CIP (club inter pharmaceutique) qui prĂ©voit que toute commande passĂ©e Ă un jour J reste valable pendant un mois (...). Notre agence de Reims Ă©tait donc partie du principe que les commandes de Lamictal passĂ©es auprĂšs de GSK et non honorĂ©es restaient valides d'un mois sur l'autre. Or, la sociĂ©tĂ© GSK a considĂ©rĂ© que les commandes auraient dĂ» ĂȘtre Ă nouveau passĂ©es et ce produit a donc subi une rupture. AprĂšs l'incident, nous avons constatĂ© que le laboratoire GSK, qui auparavant ne nous contingentait pas, a procĂ©dĂ© Ă un contingentement national (...)".
Conclusion
79. Les pratiques de GSK conduisent à cesser les livraisons auprÚs de la plupart des exportateurs, notamment pour les spécialités les plus demandées. En revanche, les filiales des grossistes-répartiteurs sont toujours approvisionnées par le canal de leur maison mÚre mais elles subissent les effets des contingentements nationaux en raison de la priorité accordée aux livraisons sur le marché national. L'une d'entre elles considÚre que la rigueur du systÚme de contingentement rend la poursuite des exportations pratiquement impossible.
c) Les pratiques du laboratoire Lilly France
Les modalités de distribution des produits Lilly
80. Le directeur juridique de Lilly France a dĂ©clarĂ© le 22 mai 2002 : "(...) Le groupe Lilly (...) a dĂ©cidĂ©, en 1999, de mettre en place, Ă compter du 1er mars 2000, un systĂšme appelĂ© "systĂšme de gestion de la chaĂźne d'approvisionnement" (Supply Chain Management) dont le but est d'optimiser la production et la distribution des mĂ©dicaments Lilly en Europe (...). Dans le systĂšme mis en place depuis le 1er mars 2000, nous ne livrons pas de nouveau client pour les 7 produits concernĂ©s par le SCMS (...). Pour ce qui concerne les exportations parallĂšles, un seul de ces produits (Zyprexa) fait l'objet de commandes. Des produits non inclus dans le systĂšme de gestion de la chaĂźne d'approvisionnement font l'objet d'exportations parallĂšles (tels que l'insuline, sous diverses dĂ©nominations) (...). Dans un premier temps, Ă partir du 1er mars 2000, le systĂšme mis en place consistait Ă dĂ©finir les besoins du marchĂ© (local + exportations), puis Ă rĂ©partir les quantitĂ©s sur les clients (rĂ©partiteurs + exportateurs) selon la part de marchĂ© qu'ils dĂ©tenaient sur le trimestre prĂ©cĂ©dent (...). Ce systĂšme a Ă©tĂ© avant tout mis en place pour rationaliser la production et la distribution de produits stratĂ©giquement importants pour Lilly (...)". La sociĂ©tĂ© Eli Lilly prĂ©cise que la façon dont elle calcule les allocations est unilatĂ©rale. Dans un second temps, une lettre type de Lilly du 7 fĂ©vrier 2002 indique un changement de la base de calcul des quotas qui portent dĂ©sormais non plus sur les achats durant une pĂ©riode de rĂ©fĂ©rence mais sur les ventes aux officines. Ce courrier adressĂ© aux grossistes-rĂ©partiteurs diffĂšre de celui adressĂ© aux grossistes-exportateurs dans la mesure oĂč il prĂ©voit une possible diminution et non une suppression des allocations.
81. Sur la modification du SCMS, l'intéressé a déclaré : "(...) à partir du 1er avril 2002, les besoins du marché ne tiennent compte que du marché local (...). Ces besoins sont répartis sur les grossistes (répartiteurs uniquement) (...) en fonction des parts de marché nationales des grossistes telles que communiquées par le Club Inter Pharmaceutique (CIP). Cette modification du systÚme en avril 2002 a également été notifiée à la Commission, le 7 février 2002 (...)".
82. Dans la notification qu'elle a adressĂ©e Ă la Commission europĂ©enne le 7 fĂ©vrier 2002, la sociĂ©tĂ© Eli Lilly a indiquĂ© que cette nouvelle politique ne limite en aucun cas ce que les grossistes peuvent faire avec les produits une fois qu'ils les ont obtenus. Par ailleurs, elle prĂ©cise que les approvisionnements par Lilly ne sont assortis d'aucun engagement Ă limiter les exportations. Il s'agit d'une politique menĂ©e de façon unilatĂ©rale. Enfin, le reprĂ©sentant de la sociĂ©tĂ© Lilly France a indiquĂ© que cette derniĂšre ne souhaite pas vendre le produit Humalog aux grossistes exportateurs "depuis septembre 2002, dans la mesure oĂč la combinaison du caractĂšre erratique des commandes et les volumes considĂ©rables mettaient en pĂ©ril l'approvisionnement du marchĂ© français (...)".
Les pratiques dénoncées par les parties saisissantes
83. La société Pharma-Lab fait valoir que, depuis janvier 2000, elle rencontre des difficultés à se faire livrer les médicaments Prozac et Zyprexa. De plus, lorsque ces médicaments sont livrés, ils le sont en quantités moindres avec des délais de livraison trÚs longs. A l'appui de sa plainte Pharma-Lab a communiqué le courrier type précité que lui a adressé Lilly France le 7 février 2002. Par ailleurs, le représentant de la société Pharm-Lab a indiqué le 5 février 2005 que la société Lilly a interrompu ses livraisons de tous les produits de la gamme.
84. La sociĂ©tĂ© Pharmajet fait valoir qu'elle rencontre des problĂšmes concernant ses commandes auprĂšs du laboratoire Lilly France depuis octobre 1999. Selon elle, Lilly "dans le sillage des laboratoires GlaxoSmithKline et Pfizer", participe Ă une entente avec ces laboratoires et abuse d'une position dominante dans la mesure oĂč chaque molĂ©cule brevetĂ©e reprĂ©sente un marchĂ©, plaçant le laboratoire dans une situation de monopole tant que cette molĂ©cule n'est pas tombĂ©e dans le domaine public. La partie plaignante a communiquĂ© une lettre type de Lilly France du 24 janvier 2000 annonçant la mise en place de quotas sur six produits. Elle a encore produit le courrier du 29 fĂ©vrier 2000 de Lilly France indiquant la mise en place dĂ©finitive de son systĂšme de gestion de la chaĂźne d'approvisionnement Ă partir du 1er mars 2000, et celui prĂ©citĂ© du 7 fĂ©vrier 2002 indiquant un changement dans la base de calcul des quotas. Enfin, son reprĂ©sentant a dĂ©clarĂ© le 5 fĂ©vrier 2005 que Lilly ne lui livre aucun produit.
85. La société Pharmadex TMC fait valoir que les demandes de Zyprexa ayant fortement augmenté à l'importation depuis 1999, elle a adressé le 22 mai 2000 une lettre à la société Lilly France lui demandant d'entamer des relations commerciales, et un bon de commande dudit produit le 21 juillet 2000. En outre, elle a remis deux courriers de Lilly France en date des 21 juin et 22 juillet 2000 indiquant que la mise en place d'un "systÚme de gestion de la chaßne des approvisionnements (Supply chain management)" la conduisait "pour l'instant à ne pas livrer de nouveaux clients".
86. La société ETC fait valoir qu'en 2001, lorsqu'elle a voulu commander au laboratoire Lilly France les médicaments Prozac et Zyprexa sous différentes formes et dosages, ce dernier lui a opposé un refus.
87. De son cÎté, la société Ad Pharm dénonce de la part de Lilly France un refus de vente des spécialités Zyprexa 5mg et 10 mg et Humalog.
Les éléments recueillis auprÚs des autres sociétés exportatrices
88. Les représentants de la société Euromedex ont communiqué le courrier type, en date du 7 février 2002, de la société Lilly France l'informant que, à la suite des changements intervenus dans son systÚme de gestion de la chaßne des approvisionnements, elle ne lui attribuerait pas d'allocation pour le 2Úme trimestre 2002 pour les produits inclus dans le systÚme.
89. Le reprĂ©sentant de la sociĂ©tĂ© Intermed a dĂ©clarĂ© le 21 mai 2003 : "(...) En fin de semestre, les quotas allouĂ©s par les laboratoires Ă©tant Ă©puisĂ©s, nos clients importateurs acceptent de payer des prix plus Ă©levĂ©s (...). Dans ce cas, il nous est alors possible de nous adresser aux rĂ©partiteurs qui, dans la mesure oĂč eux-mĂȘmes disposent de quantitĂ©s disponibles de produits des grands laboratoires tels que (...) Lilly, nous en proposent (...)".
90. Le président de la société Sirdev a déclaré le 23 mai 2003 : "(...) Nous avons commandé (...) du Prozac au laboratoire Lilly de 1994 à 1997. Puis en 2000, nous avons eu une commande et la société Lilly nous a alors adressé un refus nous indiquant qu'elle ne référençait plus de nouveaux clients en général (...)".
91. Le représentant de la société Médicor a déclaré le 3 juillet 2003 : "(...) Concernant le laboratoire Lilly : cette société a établi une liste de sept produits qui ne sont pas accessibles à de nouveaux clients.(...)".
Les éléments recueillis auprÚs des grossistes-répartiteurs et leurs filiales exportatrices
92. La société Alliance santé a précisé le 20 octobre 2003 : "(...) Concernant les produits contingentés par le laboratoire Lilly France : l'allocation est trimestrielle (...). Depuis la mise en place des quotas en 2001, nous n'approvisionnons la société Serex Alliance Santé que dans la mesure de nos possibilités. Nous privilégions toujours le marché intérieur".
93. Des membres de la société CERP Lorraine Export ont déclaré le 19 décembre 1981 qu'en ce qui concerne le laboratoire Lilly des quotas leur sont imposés. Ils ont ajouté : "(...) Nous ne disposons que des reliquats des contingentements imposés à CERP Lorraine (...)".
94. Le représentant de la société Médical Export a déclaré le 31 décembre 2001 : "(...) Le laboratoire Lilly France nous a également signifié un contingentement sur les produits Prozac et Zyprexa par un courrier du 24 janvier 2000 dans lequel il indiquait qu'il mettait en place un "systÚme de gestion de la chaßne d'approvisionnement "(supply chain management). Les contingentements par trimestre concernant le Prozac et le Zyprexa n'ont ensuite jamais cessé (...)".
95. La société CERP Rouen a déclaré le 4 décembre 2003 : "concernant le laboratoire Lilly : par un courrier du 24 janvier 2000, nous avons été informés que ce laboratoire avait mis en place un systÚme de gestion des approvisionnements à partir du 15 décembre 1999. Les allocations sont trimestrielles et nationales (...). Lilly nous informait notamment (...) qu'il ne livrerait aucun nouveau client. Par un courrier du 3 août 2000, nous avons alerté ce laboratoire au sujet des allocations qui étaient bien inférieures à nos achats et ventes habituels, (...) Le 8 septembre 2000, Lilly France nous informait qu'il augmentait les allocations initiales concernant certains produits. Le produit Umatrope 18 UI dont l'allocation trimestrielle correspondait à nos ventes pour un mois n'a, pour autant, pas été augmenté dans ce second courrier (...). Le 7 février 2002, Lilly France nous a adressé un courrier nous informant de changements dans sa "supply chain management(...). A l'instar de certains laboratoires, nous recevons parfois des courriers nous informant que des produits sous quotas sont disponibles en quantité supérieure pour le trimestre suivant".
96. Enfin, les représentants de la société OCP Répartition ont indiqué le 30 octobre 2003 : "(...) D'autres laboratoires nous communiquent des quantités trimestrielles nationales : Lilly France (depuis le 15 octobre 1999) (...)".
Conclusion
97. Les pratiques de Lilly France consistent en des refus de vente opposés à la plupart des exportateurs. Les filiales des grossistes-répartiteurs sont toujours approvisionnées par le canal de leur maison mÚre mais elles subissent les effets des contingentements nationaux du fait de la priorité accordée aux livraisons sur le marché national.
d) les pratiques du laboratoire Sanofi Synthelabo France.
Les modalités de distribution des produits Sanofi Synthelabo
98. Il apparaßt que ce laboratoire exige la mention du pays destinataire sur les commandes à l'export. Pour le produit LodalÚs qui "(...) est fabriqué par le laboratoire américain Merck et se trouve, sur le marché français en co-marketing avec le produit Zocor (commercialisé par la filiale française de Merck)", il a mis en place des quotas.
99. Les reprĂ©sentants de Sanofi Synthelabo ont communiquĂ© une note "procĂ©dure Dotation LodalĂšs 20mg" indiquant qu'ils procĂ©daient aux dotations en fonction des quantitĂ©s livrĂ©es par leur fournisseur en distinguant pour les grossistes-rĂ©partiteurs, selon les parts de marchĂ© dĂ©clarĂ©es au "club inter pharmaceutique" (CIP). La note prĂ©cise encore : "(...) b) Pour les grossistes exportateurs, la part de marchĂ© a Ă©tĂ© dĂ©terminĂ©e en fonction des ventes LodalĂšs 20 mg sur l'annĂ©e 2000 (...) ; c) En ce qui concerne les nouveaux clients (par exemple MĂ©dicor, (...) rĂ©fĂ©rencĂ© en janvier 2002), nous lui avons attribuĂ© la mĂȘme quantitĂ© que le plus petit client exportateur en l'occurrence AD Pharm".
100. Les refus de vente opposés par Sanofi Synthelabo antérieurement à la mise en place de son systÚme de distribution ont été justifiés par des ruptures de stocks momentanées.
101. Le systĂšme de distribution notifiĂ© Ă la commission EuropĂ©enne le 21 fĂ©vrier 2002 par Sanofi Synthelabo prĂ©cise que le "systĂšme de rationalisation et d'optimisation de la production et de la logistique" dĂ©nommĂ© "Syropl" concerne les produits suivants : Plavix, Aprovel, Co-Aprovel, Fraxiparine, Depakine, Xatral, Stilnox, Arixtra, Tildiem, Solian, L-Thyroxine et Cordarone. "Cette liste correspond globalement aux produits les plus vendus par Sanofi-Synthelabo (...) et inclut des produits prochainement commercialisĂ©s mais dotĂ©s d'un fort potentiel de croissance (Arixtra)". Il est prĂ©cisĂ© "que le Syropl s'applique indistinctement Ă l'ensemble des grossistes pour l'Union europĂ©enne, sans distinguer selon la destination finale du produit vendu (...). Chacune des filiales se voit attribuer une allocation annuelle par rĂ©fĂ©rence de produit ; cette allocation est calculĂ©e (...) sur la base des quantitĂ©s livrĂ©es l'annĂ©e prĂ©cĂ©dente modulĂ©e (1) de l'estimation du taux de croissance du marchĂ© domestique, et (2) Ă©ventuellement, d'un coefficient d'alĂ©as variable selon les produits, tenant compte de leurs spĂ©cificitĂ©s (...) L'allocation annuelle par filiale permet d'Ă©tablir des allocations annuelles par client et par produit, elles-mĂȘmes dĂ©composĂ©es en allocations mensuelles (...). Les nouveaux clients sont servis de façon non discriminatoire grĂące Ă un stock spĂ©cifique rĂ©servĂ© aux nouveaux clients". Il est indiquĂ© que "Le Syropl est destinĂ© Ă optimiser l'approvisionnement des marchĂ©s (...)".
Les pratiques dénoncées par les parties saisissantes
102. La sociĂ©tĂ© Pharma-Lab fait valoir que depuis 2001, le laboratoire Sanofi-Synthelabo dĂ©veloppe des pratiques destinĂ©es Ă faire Ă©chec Ă l'exportation de plusieurs de ses mĂ©dicaments. Elle cite notamment le cas du Primperan 20 mg suppositoires et du LodalĂšs 20 mg. Elle indique par ailleurs que Sanofi-Synthelabo exige l'indication du pays destinataire sur les bons de commande, en se rĂ©fĂ©rant Ă l'article 13 de la directive europĂ©enne n° 91/356 du 13 juin 1991 fixant les principes et lignes directrices des bonnes pratiques de fabrication des mĂ©dicaments Ă usage humain. Selon la partie plaignante, cette directive mentionne que l'obligation du pays destinataire des produits doit ĂȘtre remplie seulement "dans toute la mesure du possible". Par ailleurs, les dĂ©lais de livraison sont trĂšs longs et le laboratoire invoque des indisponibilitĂ©s de produits pour insuffisance de stocks.
103. Le représentant de la société Pharma-Lab a produit divers échanges de courriers entre sa société et le laboratoire Sanofi Synthelabo relatifs en particulier à des refus de livraison des produits Solian et Xatrol, qu'elle a obtenus auprÚs de la société CERP Lorraine. L'intéressé a également communiqué le courrier que Sanofi-Synthelabo a adressé par télécopie le 12 juillet 2002 à la société Pharma-Lab, l'informant de ses allocations de certains produits pour les deux trimestres à venir via la mise en place d'un systÚme de "rationalisation de la production et de la logistique" depuis le 1er avril 2002. Il a aussi transmis un courrier du laboratoire du 30 août 2002 l'informant que son systÚme de rationalisation de la production et de la logistique, élaboré par sa maison mÚre, pour l'ensemble des filiales européennes, intégrait six nouvelles spécialités à compter du 2 septembre 2002. Enfin l'intéressé a déclaré le 8 février 2005, : "Pour les produits anciens certains font l'objet d'une interruption (...) ou bien, ils sont en décroissance (Sanofi...)".
104. La société Pharmajet indique que le laboratoire Sanofi-Synthelabo, "met en place des quotas sur la spécialité LodalÚs et ne livre désormais que la moitié de ses commandes de l'année 2000 et le tiers de celles de 2001(...)". Elle a joint à sa saisine le courrier que lui a adressé Sanofi-Synthelabo le 23 février 2001, indiquant qu'il faisait face à des difficultés d'approvisionnement pour la spécialité LodalÚs 20 mg et qu'il procédait à une "répartition des stocks disponibles à chaque livraison de la production" basée sur les historiques des ventes 2000.
105. Ultérieurement, la partie plaignante a fait valoir que depuis le 14 novembre 2001 Sanofi lui refuse toute livraison de Plavix 75mg cp B+28. En outre, le 30 août 2002, elle a reçu un courrier l'informant que la mise sous quotas était étendue à d'autres spécialités représentant 90 % de son chiffre d'affaires. Enfin le 8 février 2005 son représentant a déclaré que "le laboratoire Sanofi continue de la livrer en imposant des quotas sur les produits. Exemple : Depakote (...) Aprovel (...)".
106. La société ETC fait valoir qu'en novembre 2000 elle a commandé à Sanofi-Synthelabo la spécialité Plavix 75 mg (28 comprimés) qui lui opposé un refus de vente.
107. Le représentant de la société Ad Pharm a déclaré le 12 mai 2003 : "En ce qui concerne le laboratoire Sanofi-Synthelabo, celui-ci ne pratique pas une politique de contingentement claire. Nous avons commandé auprÚs de ce laboratoire les produits suivants : Aprovel, CoAprovel, Plavix, ainsi que d'autres médicaments (...). Nous avons commandé le produit LodalÚs pour la premiÚre fois le 4 juillet 2001 (...) et nous avons reçu sur un an et demi entre 160 et 240 boßtes par mois (...). Sur les autres produits, nous arrivons à des attributions de 1 à 26 boßtes par mois et, ne pouvant commercialiser de si petites quantités, nous ne les commandons pas".
Les éléments recueillis auprÚs des autres sociétés exportatrices
108. Le prĂ©sident de la sociĂ©tĂ© Pharmadex TMC, qui n'a pas mis en cause le laboratoire Sanofi Synthelabo, a dĂ©clarĂ© au cours de l'enquĂȘte le 19 mai 2003 : "En ce qui concerne les laboratoires Sanofi-Synthelabo (...), Ă partir du moment oĂč un historique a Ă©tĂ© mis en place, ne seront prises en compte que les quantitĂ©s qui avaient Ă©tĂ© commandĂ©es prĂ©cĂ©demment, avec une dĂ©cision unilatĂ©rale du laboratoire d'augmenter ou de diminuer ces quantitĂ©s (...)".
109. Les représentants de la société Euromedex ont remis plusieurs courriers du laboratoire Sanofi Synthelabo l'informant d'une part que le minimum de commande était de 5000 euros et d'autre part de l'élargissement de son systÚme de rationalisation de la production et de la logistique à six nouveaux produits.
110. Le prĂ©sident de la sociĂ©tĂ© Sirdev a dĂ©clarĂ© le 23 mai 2003 : "(...) le laboratoire Sanofi-Synthelabo, auquel nous avons commandĂ© les produits Aprovel et LodalĂšs en 2002 nous a adressĂ© une rĂ©ponse nous indiquant que ce produit pourrait ĂȘtre livrĂ© sur la base d'un historique de commandes ou d'un historique constituĂ© sur leur fond de rĂ©serve, soit une Ă deux boĂźtes par mois (...)".
111. La société Médicor a communiqué des échanges de courriers avec Sanofi Synthelabo, dont la lettre type de ce laboratoire de juillet 2002, relative à la mise en place de son systÚme de rationalisation de la production et de la logistique.
Les éléments recueillis auprÚs des grossistes-répartiteurs et leurs filiales exportatrices
112. Le président de la société Serex Alliance Santé, a déclaré le 8 janvier 2002 : "(...) Concernant nos relations avec le laboratoire Sanofi-Synthelabo, aprÚs plusieurs appels téléphoniques nous indiquant que les commandes ne seraient pas honorées (...), nous avons passé une commande de LodalÚs 20mg en direct et au nom de Serex le 4 septembre 2001 qui indiquait que la destination finale était la Grande-Bretagne. Sanofi-Synthelabo nous a répondu le 7 septembre 2001 que son implantation lui permettait d'assurer une couverture géographique suffisante et qu'elle ne pouvait donner suite à notre demande (...)".
113. Les représentants de la société CERP Lorraine export, ont déclaré le 19 décembre 2001 : "Concernant Sanofi-Synthelabo : nous subissons (CERP Lorraine) un contingentement sur le LodalÚs (...). Par ailleurs, nous achetons de l'Aprovel et du Plaquenil, qui ne sont pas contingentés. Concernant l'Aprovel, les "freins" sont ponctuels (...). Le Plaquenil a été contingenté jusqu'à ce que la demande cesse (...)".
114. Les responsables de la sociĂ©tĂ© CERP Rouen, ont dĂ©clarĂ© le 4 dĂ©cembre 2003: "(...). Concernant Sanofi-Synthelabo : les allocations sont annuelles avec rĂ©partition mensuelle, depuis juillet 2002. Les reports de commandes non passĂ©es sont possibles durant deux trimestres (...). Les commandes supĂ©rieures Ă l'allocation mensuelle sont annulĂ©es (...). Durant l'annĂ©e 2003, le systĂšme des "reliquats" a Ă©tĂ© revu : les commandes excĂ©dentaires d'un mois sont imputĂ©es sur le mois suivant sans ĂȘtre annulĂ©es, mais uniquement Ă l'intĂ©rieur du trimestre en cours (...)".
115. Les représentants de la société OCP répartition ont déclaré le 30 octobre 2003 : "(...) Le laboratoire Sanofi-Synthelabo a mis en place, en avril 2002 un contingentement trimestriel national puis a procédé à un contingentement mensuel national par la suite (...)".
Conclusion
116. Les pratiques de Sanofi Synthélabo consistent en des contingentements trÚs stricts qui peuvent aller jusqu'au refus de vente en fonction des destinations déclarées par les exportateurs, le laboratoire exigeant systématiquement cette déclaration. Les filiales des grossistes-répartiteurs sont toujours approvisionnées par le canal de leur maison mÚre mais elles subissent les effets des contingentements nationaux du fait de la priorité accordée aux livraisons sur le marché national. La rÚgle de déclaration préalable de destination leur est également appliquée.
e) Les pratiques du laboratoire Novartis Pharma Les modalités de distribution des produits Novartis Pharma
117. La responsable du service marketing de ce laboratoire a déclaré le 30 mai 2002 :
"le groupe Novartis dispose d'environ 14 sites de production. Comme toutes les filiales du groupe, nous nous adressons Ă notre entitĂ© de "supply chain" basĂ©e auprĂšs de notre maison mĂšre : Novartis Ag Ă BĂąle (Suisse) (...). Lors du traitement des commandes, il n'y a pas de distinction entre rĂ©partiteurs et exportateurs (...). D'une façon gĂ©nĂ©rale, le calcul de la part de chaque client dans le portefeuille des commandes est effectuĂ© sur la base de l'historique de commandes sur l'annĂ©e N-1 et, au besoin, N-3 (...). Si un nouveau client se prĂ©sente, en dehors d'une pĂ©riode de pĂ©nurie, ceci n'est pas prĂ©vu dans nos prĂ©visions de vente. Ce client pourra ĂȘtre livrĂ© dans la mesure des quantitĂ©s disponibles (...). Le systĂšme de gestion des stocks adoptĂ© par Novartis Pharma (...) a Ă©tĂ© formalisĂ© par la "supply chain" et a Ă©tĂ© notifiĂ© Ă la Commission europĂ©enne par Novartis Pharma Ag en dĂ©cembre 2001".
118. Il résulte de la notification du systÚme de distribution adopté par Novartis, que la société mÚre Novartis Pharma AG établit un plan des besoins en production, par spécialité pharmaceutique, en accord avec la demande prévisionnelle exprimée par les filiales distributrices par pays, cette demande prévisionnelle servant de base pour la détermination des ressources et investissements requis en production. La demande sera déterminée selon les chiffres remis par les filiales basés sur leurs ventes nationales réalisées et les données statistiques concernées, prenant en considération les anticipations de développement du marché pour la période considérée. Afin d'éviter les chutes de stocks, chaque filiale libÚrera les quantités excédentaires de ses produits. Les produits soumis au systÚme sont : le Diovan et Co-Diovan, le Sandimum/Néoral, le Tégretol, l'Exelon, le Lamisil, le Sandostatin, le Lescol.
119. Le reprĂ©sentant du laboratoire a encore prĂ©cisĂ© : "(...) Il arrive que la "supply chain" informe le service approvisionnement de la filiale du fait que le prĂ©visionnel ne pourra ĂȘtre respectĂ© (...). Ce cas s'est produit, par suite d'une pĂ©nurie de substance active, pour le produit Lamisil, d'octobre 1999 jusqu'en fin novembre 1999. Pour le produit Gestoral : ce produit Ă©tait fabriquĂ© par une sociĂ©tĂ© indĂ©pendante du groupe : Pharmacia Upjohn (...). Le transfert du site de production annoncĂ© par Pharmacia Upjohn a Ă©tĂ© beaucoup plus long que prĂ©vu(...) et les stocks que nous avions constituĂ©s en prĂ©vision des difficultĂ©s d'approvisionnement liĂ©es au transfert n'ont pas Ă©tĂ© suffisants (...)".
120. MĂȘme si, tous les produits possĂšdent un systĂšme d'alerte logistique, Novartis France a connu d'importants problĂšmes de rupture de produits sur des pĂ©riodes variables de 2001 Ă fin 2002, dues Ă des difficultĂ©s liĂ©es Ă des ruptures de stocks de substances actives, et Ă des dysfonctionnements de production.
Les pratiques dénoncées par les parties saisissantes
121. La société Pharma-Lab fait valoir que de novembre 1999 à avril 2000, elle a rencontré des difficultés à se faire livrer le produit Lamisil, les délais de livraison pouvant aller jusqu'à 91 jours, alors que Novartis Pharma lui impose d'adresser ses commandes 4 mois à l'avance. De plus, en mai 2000, sa demande en produit Gestoral n'a pas été entiÚrement satisfaite. Novartis Pharma a notamment invoqué, des tensions relatives à l'approvisionnement du produit Lamisil ainsi qu'une "augmentation trÚs substantielle et non prévisible par rapport au courant d'affaires" entretenu avec la partie plaignante, et une impossibilité pour la filiale française Novartis Pharma d'obtenir une "cadence de livraison" de la part de l'unité de production du produit Gestoral. Par ailleurs, Pharma-Lab se plaint de l'absence de livraison de plusieurs commandes de produits Estradem, Lescol, Rimactan, Lamisil et Néoral, depuis plus d'un mois.
122. La société AD Pharm dénonce la politique de livraison de la société Novartis Pharma, sur la base d'approvisionnements limités sans commune mesure avec les quantités commandées, notamment pour la spécialité Estraderm.
Les éléments recueillis auprÚs des autres sociétés exportatrices
123. La sociĂ©tĂ© Pharmajet n'a pas mis en cause le laboratoire Novartis Pharma dans sa saisine. Ses reprĂ©sentants ont dĂ©clarĂ© aux enquĂȘteurs, le 28 fĂ©vrier 2002 : "(...) Un laboratoire peut (...) pratiquer une politique de prix locale destinĂ©e Ă bloquer ou Ă diminuer considĂ©rablement les importations parallĂšles. Ainsi le laboratoire Novartis en Angleterre pratique depuis 2000, sans discontinuer, une politique de baisse de prix systĂ©matique sous forme d'alignement (...) qui ramĂšne le prix de gros anglais sur le prix du pays europĂ©en le plus bas Ă l'exportation. Ceci a notamment eu lieu concernant le Lamisil, Estraderm (...)".
124. De mĂȘme le prĂ©sident de la sociĂ©tĂ© Pharmadex TMC a indiquĂ© : "(...) certains laboratoires pratiquent des contingentements avec obligation d'avoir un historique (...). Les laboratoires (...) Novartis pratiquent les dotations sur la base d'un historique mais sans que ceci ait Ă©tĂ© formalisĂ© par un courrier".
125. Le directeur commercial de la société Intermed a déclaré le 21 mai 2003 : "(...) Nous travaillons avec d'autres laboratoires mais de façon trÚs ponctuelle : Novartis (produit Lamisil, par quantités résiduelles disponibles) (...)".
126. Quant au prĂ©sident de la sociĂ©tĂ© Sirdev il a dĂ©clarĂ© le 23 mai 2003 : "(...) Concernant les laboratoires Aventis et Novartis, nous disposons de 200 Ă 300 boĂźtes de chaque produit par mois et nous les revendons, alors mĂȘme qu'il y a quelques annĂ©es, nous n'aurions pas travaillĂ© dans ces conditions faute de rentabilitĂ© (...)".
Les éléments recueillis auprÚs des grossistes-répartiteurs et leurs filiales exportatrices
127. Le représentant de la société Medical Export a déclaré le 3 décembre 2001 : "AuprÚs du laboratoire Novartis, nous séparons nos commandes à l'export. Nous commandons du Lamisil, pas de Gestoral. Nous ne rencontrons pas de problÚme d'approvisionnement en Lamisil (...)".
Conclusion
128. Le systÚme mis en place par Novartis Pharma apparaßt sensiblement différent des autres systÚmes notifiés puisqu'il conduit plutÎt à des retards de livraison ou à des contingentements étroits qu'à des refus de vente. Par ailleurs, il apparaßt que le problÚme des exportations vers le Royaume-Uni a été résolu par une politique particuliÚre de prix de gros sur ce marché. Aucun problÚme particulier n'a été signalé par les grossistes-répartiteurs et leurs filiales.
2. LES PRATIQUES MISES EN ĆUVRE PAR LES LABORATOIRES EN VERTU D'UN SYSTEME DE DISTRIBUTION QUI N'A PAS ETE NOTIFIE A LA COMMISSION EUROPEENNE
a) Les pratiques du laboratoire Boehringer-Ingelheim France
Les modalités de distribution des produits
129. Le responsable de la distribution du laboratoire a dĂ©clarĂ© le 17 mai 2002 : "(...) Le marchĂ© français, (...) est constituĂ© par la demande Ă©manant des clients installĂ©s sur le territoire national, qu'ils soient rĂ©partiteurs ou exportateurs. (...) Sur certains produits, tels que Combivent, Atrovent, Caldine 2 mg et Mobic 7,5 mg les quantitĂ©s dont nous disposons sont limitĂ©es. Nous devons donc rĂ©partir ces quantitĂ©s de façon Ă pouvoir satisfaire tous nos clients (...) Nos clients, qu'ils soient rĂ©partiteurs ou exportateurs sont traitĂ©s de la mĂȘme façon (...). L'allocation d'une quantitĂ© fixe a commencĂ© au dĂ©but de l'annĂ©e 2001 concernant les produits Atrovent et Combivent, courant 2001 pour le produit Caldine 2 mg et depuis quelques mois pour le produit Mobic 7,5 mg (...). Pour l'ensemble de ces produits, nous avons reçu des instructions de notre maison mĂšre en Allemagne qui nous indiquait que ces produits Ă©taient dorĂ©navant limitĂ©s en quantitĂ©. Ces instructions rĂ©sultent de rĂ©unions fixant des objectifs, notamment entre notre maison mĂšre et Boehringer Ingelheim France (...). La base de calcul de cette limitation pour Boehringer Ingelheim Auslandsbeteiligungs a Ă©tĂ©, pour Atrovent et Combivent, nos ventes du 1er septembre 1999 au 31 aoĂ»t 2000, pour les quantitĂ©s allouĂ©es en 2001. La base de calcul pour les quatre produits concernĂ©s, en 2002, Ă©tait nos ventes en 2001 (annĂ©e civile). Pour nos clients concernant ces produits, nous avons repris la mĂȘme base de calcul chronologique client par client. Si un nouveau client nous demande l'un des produits concernĂ©s, nous lui indiquons que nous ne pouvons rĂ©pondre Ă sa demande (...). Sur les produits limitĂ©s en quantitĂ©, nous avons subi des ruptures de production importantes avant la limitation (notamment Atrovent et Combivent, ces deux produits Ă©tant fabriquĂ©s dans notre usine de Reims), et nous en subissons toujours". L'intĂ©ressĂ© a ajoutĂ© : "(...) les tarifs, conditions gĂ©nĂ©rales de vente et dĂ©lais de livraison sont les mĂȘmes pour tous nos clients, qu'ils soient grossistes-rĂ©partiteurs ou exportateurs (...)".
Les pratiques dénoncées par les parties saisissantes
130. La société Pharma-Lab fait valoir que depuis le mois d'avril 1999, elle rencontre des difficultés à se faire livrer les produits Combivent, Atrovent et Caldine, les délais de livraisons pouvant aller jusqu'à 74 jours et les livraisons n'étant que partielles. Elle produit une lettre du laboratoire du 23 décembre 1999 faisant état de rupture de stocks en produits Combivent et Atrovent. Par ailleurs, elle indique qu'en septembre 1997 elle bénéficiait de conditions de rÚglement à 30 jours fin de mois avec un escompte pour paiement anticipé de 3,5 %. Cet escompte a été supprimé à partir du 1er septembre 1999, le laboratoire invoquant la baisse importante de son chiffre d'affaires en 1998 et durant les six premiers mois de 1999 avec la demanderesse.
131. L'intéressé a communiqué divers courriers échangés avec Boehringer-Ingelheim, en particulier une lettre du 15 mars 2001 qui indique : "(...) nous tenons à vous rappeler que nous livrons l'ensemble de nos grossistes sur une base parfaitement égalitaire, en fonction des consommations passées au cours de la période du 1erseptembre 1999 au 31 août 2000 (...)", et une lettre du 26 octobre 2001 qui fait état de difficultés d'approvisionnement en produit Caldine. Elle a encore transmis une lettre du 26 décembre 2002 qui précise : "(...) nous avons été amenés à réactualiser nos conditions de paiement. (...) à compter du 1er janvier 2003 vous bénéficierez d'un escompte de 1 % pour paiement comptant par LCR sur relevé décadaire". Enfin, son représentant a déclaré le 8 février 2005 que les produits anciens de Boehringer Ingelheim font l'objet d'une interruption et que le laboratoire "a interrompu ses livraisons sur tous les produits sous quotas à compter du 1er février 2005".
132. La société Pharmajet fait valoir que la société Boehringer Ingelheim France a "(...) livré en 2000 une moyenne mensuelle de 4000 boßtes de Caldine 2 mg. Or depuis le 28/02/01 les quantités disponibles sont d'une maniÚre inexpliquée divisées par 20". Elle ajoute : "(...) Par ailleurs nous subissons de la part de Boehringer depuis 1999, et malgré nos plannings de commande, un quota sur la spécialité Combivent (...)". La partie plaignante produit à l'appui de sa saisine plusieurs courriers du laboratoire dont notamment une lettre du 1er février 2002, faisant état de difficultés d'approvisionnement concernant le produit Mobic 7,5 mg et indiquant : "(...) Dans ces conditions, nous avons décidé d'honorer les demandes de nos clients pour ce produit en fonction des quantités livrées durant la période du 01/01/2001 au 31/12/2001". Enfin, le 8 février 2005 le représentant de Pharmajet a indiqué que Boehringer Ingelheim ne lui livre aucun produit.
133. La société Ad-Pharm fait valoir que le laboratoire Boeringher-Ingelheim n'a pas donné suite à sa commande de produit Caldine 2mg du 9 avril 2001 en invoquant des difficultés et une politique d'approvisionnement basée sur les historiques des ventes durant la période du 01/09/1999 au 31/08/2000. Le 8 juillet 2002 le laboratoire lui a fait savoir qu'il ne pouvait plus proposer cette référence. Son représentant a déclaré le 12 mai 2003 : "Concernant le laboratoire Boehringer Ingelheim, nous achetions des produits phares : Combivent et Atrovent, au début de notre activité, en subissant des quotas. Ce type de relations commerciales continue concernant ces deux produits toujours sous quota. Pour ce qui est des molécules innovantes, nous ne pouvons pas en obtenir (produits Caldine et Mobic)".
Les éléments recueillis auprÚs des autres sociétés exportatrices
134. La société Euromedex a communiqué le courrier type de Boerinhger-Ingelheim du 10 janvier 2002, l'informant de ses difficultés d'approvisionnement pour les produits Atrovent, Combivent et Caldine 2mg.
135. Le 21 mai 2003 le représentant de la société Intermed a déclaré que le laboratoire Boerinhger-Ingelheim contingente les produits mais ne demande pas leur destination.
136. Le représentant de la société Sirdev a déclaré le 23 mai 2003 : "(...) Nous avons reçu des réponses identiques de la part des laboratoires Boehringer Ingelheim et Roche Pharma en 2002. Sous l'objet "nouvelle politique d'approvisionnement", ils nous ont adressé des lettres circulaires indiquant que nous ne pourrions travailler avec eux que sur la base d'un historique sur certains produits (...)".
137. La société Médicor indique que le laboratoire Boerinhger-Ingelheim lui a fait connaßtre qu'il rencontre des difficultés d'approvisionnement en produit Caldine et Mobic. Par courrier du 13 décembre 2001 il l'a informée des baisses de quotas sur les trois produits Atrovent, Combivent et Caldine. Cependant la partie plaignante, débutant son activité, ne disposait pas d'historique auprÚs du laboratoire. Elle a encore produit un courrier du 2 avril 2003 de Boerinhger-Ingelheim refusant de donner suite à une commande de produits Combivent aérosol, Atrovent aérosol Caldine 2mg et Mobic 7,5 mg.
Les éléments recueillis auprÚs des grossistes-répartiteurs et leurs filiales exportatrices
138. Le président de la société Serex Alliance Santé a déclaré le 8 janvier 2002 : "(...) Depuis environ 2 ans, le laboratoire Boehringer Ingelheim contingente ses produits mais laisse encore une marge nous permettant d'acheter à Alliance Santé(...)".
139. Les reprĂ©sentants de la sociĂ©tĂ© CERP lorraine Export ont dĂ©clarĂ© le 19 dĂ©cembre 2001 : "(...) Concernant Boehringer Ingelheim : CERP Lorraine est contingentĂ©e sur l'Atrovent aĂ©rosol, le BĂ©cotec aĂ©rosol, le Brochodual aĂ©rosol, le Combivent aĂ©rosol. Nous exportons le Caldine qui va Ă©galement ĂȘtre "encadrĂ©" prochainement (...). Le produit Effortil et le produit Asasantine sont en approvisionnement libre".
140. Le directeur général de la société Mex a indiqué le 3 décembre 2001 : "(...) Boehringer Ingelheim ne pratique pas un contingentement trimestriel mais se base sur les quantités commandées l'année précédente".
141. Enfin, les représentants de la société OCP Répartition ont déclaré le 30 octobre 2003 : "(...) Le laboratoire Boehringer Ingelheim nous communique les quantités disponibles mensuelles nationales mais de façon intermittente(...)".
Conclusion
142. Les pratiques de Boerinhger-Ingelheim consistent en des réductions d'approvisionnement des exportateurs pour les spécialités ayant fait l'objet de commandes antérieures ainsi qu'en des refus de vente pour les nouveaux demandeurs. En revanche, les filiales des grossistes-répartiteurs ne semblent pas rencontrer de difficultés d'approvisionnement.
b) Les pratiques du laboratoire Pfizer Les modalités de distribution des produits Pfizer
143. Le reprĂ©sentant de la sociĂ©tĂ© Pfizer a dĂ©clarĂ© le 2 mai 2002 : "Une nouvelle politique de production et d'approvisionnement des diffĂ©rents marchĂ©s du groupe a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ©e en fin d'annĂ©e 2000 suite au rachat du groupe Warner-Lambert. Nous avons reçu cette directive de la direction Europe basĂ©e Ă New-York. Le support en a Ă©tĂ© un mĂ©morandum de dĂ©cembre 2000, applicable dĂšs 2001. Il indiquait que des problĂšmes d'approvisionnement avaient Ă©tĂ© constatĂ©s et il mentionnait les produits posant problĂšme, dont certains citĂ©s Ă titre d'exemple. Ces problĂšmes de gestion des approvisionnements aboutissaient, selon les pays et les produits Ă un sous-approvisionnement ou sur-approvisionnement, ce qui gĂ©nĂ©rait des pĂ©nuries ou des surstockages (...). Les problĂšmes ayant occasionnĂ© la rĂ©daction du mĂ©morandum ont Ă©tĂ© constatĂ©s durant l'annĂ©e 2000. Les mĂȘmes problĂšmes ont affectĂ© le Neurontin en 2001 en France. Le Neurontin est un anti-Ă©pileptique destinĂ© au traitement des crises. Ce produit est ancien mais connaĂźt depuis 2 ou 3 ans une croissance importante (...) Pour cette raison, son principe actif a manquĂ© (Ă la production) et tous les pays se sont retrouvĂ©s en rupture de stock. Nous Ă©tions obligĂ©s de ne pas livrer certains clients (...). En avril 2001, les rĂ©partiteurs ont Ă©tĂ© servis alors que nous avions subi des ruptures de stocks. Puis, en mai 2001, en 10 jours, le mĂȘme problĂšme s'est Ă nouveau posĂ© (rupture sur le marchĂ© français) alors que nous avions pu reconstituer les stocks (...). Par consĂ©quent, il fallait changer de mĂ©thode de vente en contingentant Ă©galement le Neurontin (...)".
144. La société Pfizer a communiqué le mémorandum du 14 décembre 2000, intitulé "New PPG supply policy" et sa traduction "Nouvelle politique d'Approvisionnement de Pfizer Europe" qui indique : "(...) A partir du mois de janvier 2001, le principal objectif de la nouvelle politique d'approvisionnement de Pfizer Europe dans l'Espace Economique Européen sera, dans chaque pays et dans le respect de la réglementation qui y est applicable, de mettre en place des systÚmes de distribution visant à optimiser et à rationaliser l'approvisionnement des produits dans chaque marché (...)". Les représentants de Pfizer ont ajouté : "(...) Nous refusons tous les nouveaux clients, parce que nous estimons que notre clientÚle actuelle est suffisante, sauf s'ils ont un statut de grossiste-répartiteur (...). L'approvisionnement du marché français nous semble satisfaisant eu égard à la façon dont les produits sont distribués. Cette stratégie est décidée par Pfizer France (...)".
Les pratiques dénoncées par les parties saisissantes
145. La sociĂ©tĂ© Pharma-Lab fait Ă©tat du refus de livraison d'une commande du 15 avril 1999 de 480 unitĂ©s de produit Amlor 5 mg et de la rĂ©ponse de la sociĂ©tĂ© Pfizer : "(...) Nous regrettons de ne pas pouvoir donner suite Ă cette demande (...)". Elle a communiquĂ© divers courriers dont la lettre du 27 dĂ©cembre 2000 que lui a adressĂ© Pfizer indiquant : "Vous avez rĂ©guliĂšrement depuis avril 1999, achetĂ© du Tahor 40 mg et, depuis juin 2000, du Tahor 10 mg auprĂšs de la sociĂ©tĂ© Parke Davis, une filiale du groupe Warner Lambert. Ce dernier a, comme vous le savez, Ă©tĂ© rachetĂ© sur le plan mondial par le groupe Pfizer. Nous souhaitons par la prĂ©sente vous informer de notre dĂ©cision de ne pas poursuivre les relations commerciales que vous avez entretenues avec la sociĂ©tĂ© Parke Davis SCA en ce qui concerne le produit Tahor (...)". Cette dĂ©cision prendra effet au 1er mai 2001. Par ailleurs, une tĂ©lĂ©copie du 30 novembre 2001 de Pfizer lui indiquant : "Pour faire suite Ă nos diffĂ©rents fax concernant notre spĂ©cialitĂ© Neurontin, la situation du stock sur cette gamme n'est pas encore suffisamment confortable pour pouvoir livrer votre commande (...)". De mĂȘme, une lettre du 16 janvier 2002 de (...) Pfizer, dans laquelle il est prĂ©cisĂ© : "(...) Nous ne pouvons que refuser ces commandes, plannings et autres termes puisque nos relations commerciales pour le Tahor sont rĂ©siliĂ©es (...)".
146. En outre, la société Pharma-Lab a transmis un courrier de Pfizer du 12 février 2002 indiquant : "(...) Nous avons bien reçu votre commande (...) de Neurontin. Cependant, (...) nous avons rencontré de graves difficultés d'approvisionnement (...). Cette pénurie (...) nous a mis, de façon récurrente, en situation de rupture de stock. Afin d'éviter qu'une telle situation se reproduise, nous nous sommes vus contraints d'étendre notre nouvelle politique d'approvisionnement (...) pour Tahor au Neurontin. Ainsi, à compter du 1er février 2002, nos livraisons de Neurontin sont déterminées en fonction de la part de marché détenue par celui qui commande sur le marché français. Par conséquent, nous ne pourrons pas donner suite à votre commande (...)". Le 8 février 2005 Pharma-Lab a précisé que Pfizer a interrompu la livraison de tous ses produits sous quotas.
147. La société Pharmajet soutient qu'elle est victime d'un abus de position dominante de la part du laboratoire Pfizer. Ce laboratoire lui a adressé un courrier le 21 décembre 2000 annonçant la fin de leurs relations commerciales concernant le médicament Tahor, prévue pour le 1er mai 2001. Le 8 février 2005 elle a indiqué que Pfizer ne lui livre aucun produit.
148. La société Pharmadex TMC fait valoir qu'elle achetait réguliÚrement le médicament Tahor au laboratoire Parke-Darvis. A la suite de la cession de cette société à Pfizer, elle n'est plus approvisionnée. Le 19 mai 2003, son président a précisé : "(...) Concernant le laboratoire Pfizer, nous n'avons plus aucune relation commerciale depuis leur lettre du début de l'année 2001 qui est jointe à la saisine (...)".
149. La société ETC indique que le laboratoire Pfizer lui a fait savoir qu'il ne souhaitait pas entamer des relations commerciales.
150. Quant Ă la sociĂ©tĂ© Ad-Pharm elle soutient qu'elle s'est heurtĂ©e dĂšs sa crĂ©ation Ă des difficultĂ©s dans l'approvisionnement en spĂ©cialitĂ© Tahor 40 mg 28 boĂźtes et Tahor 10 mg 28 boĂźtes. Sa reprĂ©sentante a dĂ©clarĂ© le 26 novembre 2003 : "(...) L'arrĂȘt total des livraisons du laboratoire Pfizer constitue Ă nos yeux un abus de position dominante au sens de l'article 82 du TraitĂ© UE, puisqu'il provoque l'interdiction de l'accĂšs Ă cette molĂ©cule". Elle poursuit : "Pfizer invoque ainsi les consĂ©quences de sa fusion au plan mondial entre la SociĂ©tĂ© Pfizer Inc et la sociĂ©tĂ© Pharmacia S.A.S (...), pour justifier un prĂ©avis de trois mois concernant la rupture complĂšte des relations commerciales sur le Xalatan qui avaient Ă©tĂ© Ă©tablies avec Pharmacia depuis 2001". Ad-Pharm soutient Ă©galement avoir rencontrĂ© des difficultĂ©s d'approvisionnement en mĂ©dicament Celebrex.
Les éléments recueillis auprÚs des autres sociétés exportatrices
151. La sociĂ©tĂ© Euromedex a remis la lettre que lui a adressĂ©e Pfizer le 20 mars 2002 qui indique : "(...) Dans la mesure, cependant, oĂč Euromedex ne fait pas partie de notre portefeuille de clients, nous ne souhaitons pas commencer de relations commerciales avec votre sociĂ©tĂ©".
152. Le prĂ©sident de la sociĂ©tĂ© Sirdev a dĂ©clarĂ© le 23 mai 2003 : "(...) La rĂ©ponse, Ă deux reprises a Ă©tĂ© la mĂȘme : ils ne fournissent pas les exportateurs et n'ont de produit que pour la rĂ©partition. Avant 2001, nous n'avions pas commandĂ© de produits auprĂšs du laboratoire Pfizer (...)".
153. Le directeur commercial de la société Médicor a précisé le 3 juillet 2003 : "(...) par courrier du 26 novembre 2001", la société Pfizer nous a fait savoir qu'elle ne souhaitait pas débuter de relations commerciales avec nous, alors que nous en avions exprimé le souhait le 16 novembre 2001. (...) A partir d'août 2002, nous leur avons adressé une commande correspondant à nos besoins chaque mois. Par courrier du 1er octobre 2002, la société Pfizer nous a indiqué que rien ne l'obligeait à entamer des relations commerciales avec notre société. (...) Face à cette attitude de la part du laboratoire Pfizer, j'ai préféré acheter plus cher le produit Amlor en gélules, qui ne se vendait pas dans les pays du Nord Europe, à la société Serex Alliance Santé, via la société italienne Médicall".
Les éléments recueillis auprÚs des grossistes-répartiteurs et leurs filiales exportatrices
154. Le prĂ©sident de la sociĂ©tĂ© Serex Alliance SantĂ© a dĂ©clarĂ© le 8 janvier 2002 : "En 2000, nos achats de Tahor n'Ă©taient pas limitĂ©s, via Alliance SantĂ©. En 2000, Pfizer nous a indiquĂ© qu'il ne souhaitait pas nous livrer en direct puisque nous n'avions pas d'antĂ©rioritĂ© et que nous devions commander via Alliance SantĂ©. Le Tahor n'Ă©tait pas disponible rĂ©guliĂšrement en surplus pour Alliance SantĂ© en 2001 jusqu'en avril 2001 oĂč nous avons pu disposer de Tahor 10 mg. Depuis juin 2001, le Tahor 40 mg est redevenu disponible mais en petites quantitĂ©s et de façon irrĂ©guliĂšre (...)".
155. Le directeur général de la société Mex a déclaré le 3 décembre 2001 : "(...) Pfizer (...) ne raisonne que sur les bases des ventes en France sans surplus (...)".
156. Les représentants de la société CERP Lorraine Export ont indiqué le 19 décembre 2001 : "(...) Nous subissons un contingentement sur le Tahor et sur le Neurontin. Il s'agit d'un contingentement de fait, concernant le Neurontin, sans que des quotas soient préalablement indiqués".
157. Les représentants de la société CERP Rouen ont déclaré le 4 décembre 2003 : "(...) par courrier du 8 janvier 2001, la société Pfizer nous a informés qu'elle mettait en place un systÚme limitant ses ventes à "la demande du marché français". Par la suite, le Tahor, le Neurontin (16/01/2002), le Zoxan, le Zithromax, le Trifulcan, le Repax et l'Acuitel (01/08/2002) ont été ajoutés (...). Suite au rachat de Pharmacia par Pfizer, les produits Celebrex et Xalatan de Pharmacia ont fait l'objet de contingentements chiffrés communiqués par Pfizer depuis un courrier du 26 septembre 2003. Le produit Dostinex était également mentionné (...). Les produits pour lesquels nous avons le plus de problÚmes de ruptures sont le Tahor et le Neurontin (...)".
158. Les membres de la sociĂštĂ©s OCP RĂ©partition ont dĂ©clarĂ© le 30 octobre 2003 : "(...) Le laboratoire Pfizer a pris la location gĂ©rance, le 26 septembre 2003 de la sociĂ©tĂ© Pharmacia et Pfizer nous a informĂ©s par courrier du 9 octobre 2003 qu'il mettait en place la mĂȘme politique de contingentement mensuel (...)".
Conclusion
159. Les pratiques de Pfizer consistent en des refus de vente pour la plupart des exportateurs. Les filiales des grossistes-répartiteurs sont toujours approvisionnées par le canal de leur maison mÚre mais elles subissent les effets des contingentements nationaux du fait de la priorité accordée aux livraisons sur le marché national.
c) Les pratiques du laboratoire Norgine Pharma Les modalités de distribution des produits Norgine Pharma
160. Les représentants du laboratoire ont indiqué le 5 juin 2002 : "(...) Sur le plan de la politique commerciale et industrielle, Norgine Pharma se rapporte aux décisions de la maison mÚre Norgine Europe BV (...). De 1998 à ce jour, nous avons honoré toutes les commandes des grossistes-répartiteurs (...). Si un grossiste exportateur, qui exporte vers un pays de l'Union européenne, ou la Suisse, s'adresse à notre société, nous ne refusons pas d'honorer sa commande mais nous l'orientons vers les filiales de Norgine situées dans les pays vers lesquels ils souhaitent exporter (...). De 1988 à 2002, nous n'avons eu que deux demandes de la part de grossistes exportateurs. Cependant, par erreur, (...), une ou deux commandes émanant de la société Pharmajet ont été honorées et payées, au début de l'année 2002 (...). Il arrive que nous recevions des commandes dont les quantités sont anormales par rapport aux besoins du marché français. Ceci s'est produit plus spécifiquement sur un produit : Movicol (traitement de la constipation)(...). Il s'agit d'un produit que nous ne fabriquons pas. (...). (...) Les tensions sur nos stocks concernant le Movicol durent depuis environ 1 an. (...) Nous avons cependant établi une rÚgle, qui a fait l'objet d'un courrier type(...). Cette rÚgle est basée sur trois critÚres : historique de commandes sur les 2 années précédentes, régional (potentiel basé sur les statistiques de ventes), dynamique (engagements de Norgine Pharma auprÚs des autorités gouvernementales)".
Les pratiques dénoncées par la société Pharmajet
161. La société Pharmajet indique que le laboratoire Norgine Pharma invoque "le fait qu'il fait partie d'un groupe pour refuser toute livraison". Le 8 février 2005 son président a déclaré que Norgine Pharma ne lui livre aucun produit.
Les éléments recueillis auprÚs des autres sociétés exportatrices
162. Le directeur commercial de la société Médicor a déclaré le 3 juillet 2003 : "(...) Concernant le laboratoire Norgine : nous avons pris contact avec cette société en avril 2002. Norgine nous a alors adressé une télécopie d'un courrier type adressé aux grossistes en France faisant état d'une augmentation trop importante du volume de Movicol commercialisé en France. (...). Le 21 janvier 2003, nous avons à nouveau commandé le produit Movicol et, par courrier du 31 janvier 2003, Norgine nous a indiqué qu'elle ne commercialisait pas ce produit à l'export (...)".
Conclusion
163. Les pratiques de Norgine Pharma France consistent en des refus de vente pour certains exportateurs. Les filiales des grossistes-répartiteurs sont toujours approvisionnées par le canal de leur maison mÚre mais elles subissent les effets des contingentements nationaux du fait de la priorité accordée aux livraisons sur le marché national.
3. LES PRATIQUES MISES EN ĆUVRE PAR LES LABORATOIRES QUI N'ONT PAS MIS EN PLACE DE SYSTEME DE DISTRIBUTION
a) Les pratiques du laboratoire Janssen Cilag
Les modalités de distribution des produits Janssen Cilag
164. Ses reprĂ©sentants ont dĂ©clarĂ© le 27 octobre 2003 : "(...) Notre politique commerciale est la mĂȘme en ce qui concerne les grossistes rĂ©partiteurs et exportateurs. Notre tarif mentionne "grossistes rĂ©partiteurs", mais il est Ă©galement remis aux grossistes exportateurs(...). A la suite de problĂšmes de rupture de stocks de diffĂ©rents produits sur le marchĂ© français (Epitomax, Haldol, Ketoderm et Risperdal), nous avons dĂ©cidĂ© de mettre en place un systĂšme de recours d'urgence pour les officines (...). Nous livrons en prioritĂ© les grossistes rĂ©partiteurs eu Ă©gard Ă leurs obligations de santĂ© publique (...). Nous proposons aux grossistes exportateurs de leur livrer des quantitĂ©s qui correspondent Ă nos quantitĂ©s rĂ©siduelles disponibles pour le mois, aprĂšs avoir servi le marchĂ© français (...). Le Risperdal est le troisiĂšme produit en terme de chiffre d'affaires de la sociĂ©tĂ© Janssen Cilag.(...). Son diffĂ©rentiel de prix est intĂ©ressant en termes d'exportation vers d'autres pays de l'Union europĂ©enne, notamment en Allemagne et en Angleterre oĂč son prix grossiste est supĂ©rieur de 84 % (...) par rapport au prix français (...)".
Les pratiques dénoncées par la société Pharmajet
165. Cette société fait valoir que depuis janvier 2002 elle subit "sur le produit Risperdal, des délais de livraison discriminatoires par rapport à ses confrÚres répartiteurs qui exportent". Son président a déclaré le 8 février 2005 que les livraisons de Janssen Cilag "représentent à peine 5 % des besoins de Pharmajet ( produit Risperdal)". Les éléments recueillis auprÚs des autres sociétés exportatrices
166. Le président de la société Pharmadex TMC, qui n'a pas mis en cause Janssen Cilag dans sa saisine, a déclaré le 19 mai 2003 : "(...)Les laboratoires Janssen Cilag et Novartis pratiquent les dotations sur la base d'un historique mais sans que ceci ait été formalisé par courrier (...)".
167. Les représentants de la société Euromedex ont indiqué le 5 mai 2003 que parmi les pratiques de contingentement des laboratoires, celles de la société Janssen Cilag avaient pu prendre la forme de : "(...) fourniture de la moitié des quantités commandées...".
Les éléments recueillis auprÚs des grossistes-répartiteurs et leurs filiales exportatrices
168. Par ailleurs plusieurs des membres de la société OCP Répartition ont déclaré le 30 octobre 2003 : "(...) Le laboratoire Janssen Cilag nous a adressé un courrier en octobre 2001 nous informant du fait qu'il allait prendre contact avec notre société pour évoquer la question des contingentements sur trois gammes de produits (...). En fin d'année 2002, (...) nous avons demandé pourquoi le produit Risperdal subissait réguliÚrement des ruptures de stocks et ce laboratoire nous a alors informés oralement que ce produit était sous quotas depuis l'été 2002 et qu'il ne formaliserait pas la mise en place du contingentement (...)".
Conclusion
169. Les pratiques de Janssen Cilag consistent en des restrictions d'approvisionnement et des délais pour certains exportateurs. Les filiales des grossistes-répartiteurs sont toujours approvisionnées par le canal de leur maison mÚre mais elles subissent les effets des contingentements nationaux.
b) Les pratiques du laboratoire Ferring
Les modalités de distribution des produits Ferring
170. Le prĂ©sident de la sociĂ©tĂ© Ferring a dĂ©clarĂ© le 11 mars 2002 : "(...) Depuis septembre 1999 la SAS est dĂ©tenue Ă 100 % par Ferring Bv (Pays-Bas) elle mĂȘme dĂ©tenue par une holding Ferring SA (Suisse). Concernant l'exportation, nous n'avons pas de consignes Ă©crites mais nous n'avons pas le droit d'exporter sur certains territoires. Tous les nouveaux produits ont (...) une licence exclusive avec compĂ©tence territoriale qui interdit la vente au-delĂ des zones dĂ©finies dans le contrat signĂ© avec la sociĂ©tĂ© Ferring Bv (Pays-Bas). Pour tous ces produits, les contrats prĂ©cisent que la revente est autorisĂ©e en France mais ils ne citent pas les autres pays de l'Union europĂ©enne (...)".
171. Sur la politique commerciale de sa société à l'exportation, l'intéressé a déclaré : "(...) Si un exportateur français s'adresse à notre société nous lui demandons quel est le pays d'exportation.(...). Si l'exportation est destinée à un pays de l'Union européenne, je lui demande quelles sont les quantités demandées. Si ces quantités ne mettent pas en péril l'approvisionnement en France, je lui revends le produit au prix fabricant hors taxes. Si ces quantités risquent de mettre en péril l'approvisionnement en France, je mettrai en place un échéancier afin d'étaler la demande et l'offre (...). Actuellement, nous travaillons à l'exportation vers l'Union européenne sur 3 produits : le Menogon, le Minirin (...) et le Minirin Rhinyle. (...) Nous travaillons à l'exportation vers l'Union européenne sur ces trois produits en raison de leur prix plus bas que dans d'autres de l'Union. Nous avons cinq clients se présentant comme exportateurs parallÚles (...). Pharma-Lab, CERP Rouen (...), Pharmajet, Dipharma et Pharmadex. Depuis 1998, toutes les commandes effectuées par ces exportateurs ont été satisfaites par notre société (...)".
172. L'intéressé poursuit : "(...) Nous avons travaillé pour la premiÚre fois en exportation parallÚle, avec la société Pharma-Lab (...). En juin 1999, nous avons subi une grave pénurie de Minirin 0,2 mg (...). Le Minirin comprimés 0,1 mg ; 0,2 mg et le Minirin Rhinyle, est le seul traitement en France pour le diabÚte insipide d'origine centrale (...). A ce jour, il n'y a pas d'alternative pour le traitement de cette maladie (...). Nous sommes effectivement en situation de monopole sur ce marché(...) AprÚs septembre 1999, nous avons reçu des quantités de Minirin comprimés 0,2 mg nous permettant de faire face à une demande d'exportation. Cependant la société Pharma-Lab n'acceptait pas le nouveau prix fabricant hors taxe. (...). En 2001, l'Italie a obtenu le remboursement du Minirin comprimés à un tarif inférieur (environ 6,5 % de moins) au tarif français. Les demandes d'exportation se sont alors nettement ralenties en France (...)".
Les pratiques dénoncées par la société Pharma-Lab
173. Cette société fait valoir que de mars 1999 à juin 2000 elle a rencontré de nombreuses difficultés à se faire livrer le produit Minirin, les délais de livraison étant anormalement longs. De mars à août 1999 elle s'est adressée aux grossistes-répartiteurs et a été livrée en temps et quantités demandées. En outre, elle indique qu'à partir de septembre 1999, Ferring lui a imposé un changement de tarifs appliqué uniquement sur les produits à l'exportation.
c) Les pratiques de la société Laboratoires Fournier
Les modalités de distribution des produits Fournier
174. Ses représentants ont déclaré le 3 juin 2002 : "(...) Nous n'avons pas, depuis 1998, connu de rupture de production ou de stocks. Tout nouvel intervenant grossiste répartiteur qui s'adresse à notre société est répertorié comme nouveau client et est satisfait dans ses commandes. (...) Si un grossiste exportateur s'adresse à mon service, je ne peux pas traiter sa demande et je l'adresse à la direction internationale de Laboratoires Fournier (...). La direction internationale reçoit une à deux demandes de produits en vue de l'exportation vers l'Union européenne par an. Sur l'Europe, la société Laboratoires Fournier approvisionne ses filiales européennes et ne reçoit donc pas de demandes de la part des grossistes situés dans les pays correspondants. Une à deux fois par an, nous recevons leur commande par fax ou par courrier. Nous leur adressons un courrier leur disant que nous ne souhaitons pas les livrer et nous leur indiquons que nous pensons que notre position est licite en l'état actuel de la jurisprudence communautaire (décision du TPICE Bayer/Adalat) et que le refus de vente entre professionnels n'est pas un délit. Nous n'avons pas mis en place un systÚme de contingentement auprÚs des grossistes (...)".
Les pratiques dénoncées par la société Pharmajet
175. Cette société fait état de refus de vente de la Société Laboratoires Fournier motivés uniquement par la jurisprudence Bayer. Le 8 février 2005, son président a déclaré que ce laboratoire ne lui livre aucun produit.
d) Les pratiques du laboratoire LĂ©o France
Les modalités de distribution des produits Léo
176. Les reprĂ©sentants du laboratoire ont dĂ©clarĂ© le 14 mars 2002 : "(...) Fucidine est le leader sur le marchĂ© français dans la classe des antibiotiques par voie locale(...). Depuis 1998, toute demande Ă l'exportation de Fucidine a Ă©tĂ© satisfaite. Nous savons que les produits Fucidine font l'objet d'exportation parallĂšle parce que le prix français est bas et donc relativement attractif. Lorsque nous constatons qu'un produit reprĂ©sente plus de ventes Ă l'exportation que sur le marchĂ© français, tel Ă©tait le cas concernant le produit Fucidine pommade en tube de 30 grammes, nous pouvons choisir de ne plus le commercialiser en France. Nous sommes liĂ©s Ă notre maison-mĂšre par un contrat de distribution. En matiĂšre de prix, notre maison mĂšre nous impose un certain nombre de rĂšgles. Lorsque nos produits sont exportĂ©s, nous en avons connaissance. A notre connaissance, les produits Fucidine sont importĂ©s principalement par les pays suivants : Angleterre, Danemark et peut-ĂȘtre Hollande. Concernant nos conditions gĂ©nĂ©rales de vente :
- Nous demandons aux grossistes répartiteurs français un paiement à 60 jours sur relevé mensuel de factures, franco de port (...).
- Concernant les grossistes exportateurs : nos conditions sont diffĂ©rentes. Nous demandons un paiement anticipĂ© (...). Nous pratiquons un taux d'escompte classique de 0,80 % pour deux mois de paiement anticipĂ©, soit un taux d'environ 4,80 % l'an (...). Si un grossiste rĂ©partiteur nous demandait de bĂ©nĂ©ficier de ces conditions, nous les lui accorderions. L'inverse n'est pas vrai (...). Les grossistes exportateurs ne prĂ©sentent pas les mĂȘmes garanties, en termes d'obligations rĂ©glementaires et de soliditĂ© financiĂšre (...). Tous nos clients exportateurs ont des dĂ©lais de paiement identiques (...). A notre connaissance, les produits Fucidine n'ont pas fait l'objet de retards de livraison entre 1998 et 2001 (...). Il n'y a pas (...), de conditions diffĂ©rentes de traitement d'une commande, en dehors des dĂ©lais de paiement et conditions d'escompte attachĂ©es, entre un client rĂ©partiteur et un client exportateur. Nous n'appliquons aucune restriction quant au produit ou aux quantitĂ©s commandĂ©es (...)".
Les pratiques dénoncées par la société Pharma-lab
177. A propos du produit Fucidine 2 % (crĂšme et pommade antibactĂ©rienne) cette sociĂ©tĂ© fait valoir que jusqu'en octobre 1999, le laboratoire lui accordait des conditions de rĂšglement Ă 90 jours fin de mois, puis l'a informĂ©e qu'il lui appliquerait les mĂȘmes conditions qu'Ă tout grossiste-exportateur, Ă savoir, le paiement intĂ©gral Ă la commande et un escompte maximal de 0,8 %. Par ailleurs, elle souligne qu'Ă partir d'octobre 1999 elle a rencontrĂ© de nombreuses difficultĂ©s Ă se faire livrer le produit Fucidine, les dĂ©lais de livraison pouvant aller jusqu'Ă 63 jours au lieu des 3 Ă 5 habituellement pratiquĂ©s par la profession. Elle s'est adressĂ©e aux grossistes-rĂ©partiteurs en tant que fournisseurs alternatifs, et a Ă©tĂ© livrĂ©e en temps et quantitĂ©s demandĂ©es.
e) Les pratiques du laboratoire Medisense France
Les modalités de distribution des produits Medisense
178. Le reprĂ©sentant du laboratoire a dĂ©clarĂ© le 18 mars 2002 : "(...) Nos produits sont fabriquĂ©s en partie en Angleterre (bandelettes/Ă©lectrodes) et les lecteurs sont fabriquĂ©s aux Ătats- Unis Ă Bedford (Massachusetts)(...). Nous avons deux rĂ©seaux de distribution principaux : la rĂ©partition pharmaceutique, le secteur hospitalier(...). Dans le rĂ©seau de distribution pharmaceutique nous incluons les grossistes exportateurs. Toute demande de produits effectuĂ©e par un grossiste rĂ©partiteur pour le marchĂ© français est honorĂ©e systĂ©matiquement dans la limite des stocks disponibles. Toutefois, il peut arriver que nous subissions une rupture de stocks (...). Toute demande de produit effectuĂ©e par un grossiste exportateur vers l'Union europĂ©enne ou vers un autre pays est, de la mĂȘme façon honorĂ©e dans la limite des stocks disponibles (...). Actuellement, aucun des produits Medisense ne fait l'objet d'un contingentement (...)".(...)". Sur les ruptures de stocks, l'intĂ©ressĂ© a prĂ©cisĂ©, le 28 mai 2002 : "(...) nos produits arrivent de sites de production diffĂ©rents. (...). Nous avons comme tout fabricant, des ruptures dues, soit Ă un manque de matiĂšre premiĂšre ou de piĂšces dĂ©tachĂ©es, soit Ă une augmentation de la demande du marchĂ© que nous n'avons pas anticipĂ©e".
Les pratiques dénoncées par la société Pharma-Lab
179. Cette société fait valoir que depuis le mois de décembre 1999 elle se heurte à des difficultés pour se faire livrer le produit Medisense Précision Plus (100 électrodes) qui a été ensuite remplacé par le produit Medisense Precis. Elle subit des retards de livraison pouvant aller jusqu'à 93 jours.
180. Medisense France invoque des difficultĂ©s d'approvisionnement sur le plan mondial. Elle a communiquĂ© un courrier de la DRCCRF du Bas-Rhin en date du 3 mai 2000, qui prĂ©cise que l'enquĂȘte a permis de vĂ©rifier le bien fondĂ© des explications de Medisense sur ses difficultĂ©s d'approvisionnement. En outre elle a produit les conditions gĂ©nĂ©rales de vente de Medisense dont l'article 4 stipule : "les livraisons s'effectuent en fonction des disponibilitĂ©s et dans l'ordre d'arrivĂ©e des commandes". Quant Ă l'article 12 relatif aux exportations, il prĂ©voit que le client doit veiller au respect de la rĂ©glementation en vigueur.
Les éléments recueillis auprÚs des grossistes-répartiteurs et leurs filiales exportatrices
181. Le représentant de la société Mex a déclaré le 3 décembre 2001 : "(...) AuprÚs du laboratoire Abbott Medisense, nous achetons du produit Medisense Précision Plus mais nous ne subissons pas de contingentement (...)".
f) Les pratiques du laboratoire Smith et Nephew
Les modalités de distribution des produits Smith & Nephew
182. Les représentants du laboratoire ont déclaré le 3 mai 2002 : "(...) La distribution auprÚs des pharmacies s'effectue par l'intermédiaire de la plate-forme logistique DépÎts Généraux Pharma (...). Cette société achÚte nos produits. Les grossistes répartiteurs sont nos clients mais nous ne leur vendons aucun produit en direct, DGX Pharma effectue ces ventes et facture (...) les produits. 90 % de notre chiffre d'affaires des ventes auprÚs des pharmacies est réalisé par les grossistes répartiteurs".
183. Sur la distribution des dispositifs mĂ©dicaux faisant l'objet de revente sur le territoire intra communautaire, les intĂ©ressĂ©s ont dĂ©clarĂ© : "Notre activitĂ© est avant tout orientĂ©e vers la distribution sur le territoire français (...). L'usine de production du produit Allevyn est situĂ©e en Angleterre. Face Ă la croissance de ce produit, la construction d'une usine est en cours aux Ătats-Unis (...). Nous subissons des ruptures de stocks rĂ©guliĂšrement (...). Un certain nombre de rĂ©partiteurs exportent une partie de nos produits mais nous n'avons pas la maĂźtrise de ces reventes et nous ne nous y opposons pas (...). Actuellement, nous n'avons pas de client ayant le statut d'exportateur (...). Nous n'avons, Ă ce jour, jamais eu une commande spĂ©cifiquement identifiĂ©e comme Ă©tant destinĂ©e Ă l'exportation. Ainsi, mĂȘme la commande adressĂ©e par la sociĂ©tĂ© Pharmajet ne prĂ©cisait pas que ces produits Ă©taient destinĂ©s Ă l'exportation (...)".
184. Au sujet des relations du laboratoire avec la société Pharmajet, les intéressés ont précisé : "(...) La société Pharmajet s'est adressée à Smith & Nephew en octobre 2001 et a commandé un produit (une unité) de chaque référence de la gamme Allevyn, pour un montant de 187,13 euros. Puis, le 8 novembre 2001, ce client (...), nous a adressé une commande d'un montant de 848 760 francs à laquelle nous ne pouvions répondre eu égard aux quantités importantes de produits par rapport à celle dont nous disposions (...)".
Les pratiques dénoncées par la société Pharmajet
185. Cette société indique que le laboratoire refuse de lui livrer l'ensemble de sa gamme de produit Allevyn. Le refus et son motif lui ont été signifiés oralement. Leur réseau de distribution serait suffisant. AprÚs un refus de livraison de différents pansements de marque Allevyn pour un montant de 848 760 francs, Pharmajet a mis en demeure le laboratoire, qui lui a répondu qu'il fusionnait avec la société BSN médical. Enfin le 8 février 2005, son président a confirmé que Smith et Nephew ne lui livre aucun produit.
g) Les pratiques du laboratoire Wyeth Lederlé
Les modalités de distribution des produits Wyeth Lederlé
186. Il rĂ©sulte des dĂ©clarations d'un des reprĂ©sentants du laboratoire que le prix et les conditions gĂ©nĂ©rales de vente des produits sont identiques pour les grossistes-rĂ©partiteurs et les exportateurs. S'agissant du produit Ledertrexate, le directeur gĂ©nĂ©ral du laboratoire a dĂ©clarĂ© le 15 mars 2002 : "Le Ledertrexate est composĂ© de methotrexate, substance de base des thĂ©rapies en matiĂšre de traitements anti-cancĂ©reux. Nous sommes titulaires et exploitants de la spĂ©cialitĂ© Ledertrexate. Un autre laboratoire commercialise le methotrexate ; il s'agit du laboratoire Aventis. Cette substance est vendue par le laboratoire Aventis (...), sous le nom de mĂ©thotrexate Bellon (...). La part de marchĂ© sur la molĂ©cule de mĂ©thotrexate, (...), est (...) plus importante concernant le laboratoire Aventis que concernant Wyeth (...). La sociĂ©tĂ© Aventis, au dĂ©but de l'annĂ©e 2001, s'est trouvĂ©e dans l'impossibilitĂ© de fournir ses clients (...). La sociĂ©tĂ© Wyeth a, par consĂ©quent, Ă©tĂ© sollicitĂ©e de façon plus importante (...). L'importance de cette sollicitation nous a contraint Ă contingenter les demandeurs (...). De la mĂȘme façon, nous avons contingentĂ© nos clients exportateurs (...). Actuellement le produit Ledertrexate ne fait plus l'objet de contingentement (...)". La sociĂ©tĂ© a indiquĂ© au sujet des relations du laboratoire avec la sociĂ©tĂ© Pharma-Lab : "hormis la rupture d'un produit en dĂ©but d'annĂ©e 2000, la totalitĂ© de nos livraisons Ă destination de ce client a Ă©tĂ© faite dans des conditions rapides (...)".
Les pratiques dénoncées par la société Pharma-Lab
187. Dans sa saisine cette société vise les médicaments Soprol (anti-hypertenseur) et Ledertrexate (citostatique antimétabolique antifolique). Elle fait état de retards de livraison sur le produit Soprol depuis le mois de décembre 1999 (jusqu'à 43 jours de délai). Ses représentants ont déclaré le 26 février 2002 que "Les commandes de Soprol ont cessé par phénomÚne de report auprÚs de nos concurrents durant l'année 2000 (...). Concernant le produit Ledertrexate 1 gr et 5 gr, nous avons effectué une demande de tarifs auprÚs de Wyeth Lederlé par courrier en date du 28/02/2001 (...). Le laboratoire nous a répondu le 12/03/2001 que ces produits étaient contingentés sur le territoire français (...). Nous n'avons pas cessé toute commande (...) mais nos commandes honorées sont ponctuelles et en faibles quantités dans d'autres gammes de produits".
h) Les pratiques du laboratoire LifeScan
Les modalités de distribution des produits LifeScan
188. Les représentants du laboratoire ont déclaré le 28 novembre 2003 : "LifeScan France (...) entretient des relations commerciales avec tous les acteurs installés sur le territoire français demandeurs de produits d'auto surveillance glycémique, quel que soit leur statut : officine, grossiste répartiteur, ou grossiste exportateur (...). Par ailleurs, il n'y a aucune politique de contingentement de quelque nature que ce soit ...". Les intéressés ont encore indiqué : "Les produits Euro Flash et One Touch Ultra ont été lancés respectivement en septembre 1999 et en septembre 2001. Ces deux systÚmes d'auto-surveillance glycémique sont commercialisés sous la forme de lecteurs auxquels sont associées des bandelettes spécifiques indissociables et un auto-piqueur (...). LifeScan n'a pu connaßtre de problÚmes de stocks de One Touch Ultra que lors de son lancement de septembre 2001 à septembre 2002 (...)".
Les pratiques dénoncées par la société Ad Pharm
189. Cette société met en avant le caractÚre discriminatoire de ses relations commerciales avec LifeScan, qui lui oppose un refus de vente de sa spécialité One Touch Ultra au motif de stocks insuffisants, alors qu'elle est cliente réguliÚre pour la spécialité Euroflash.
i) Les pratiques du laboratoire Shering Plough
La politique de distribution du laboratoire
190. Les reprĂ©sentants du laboratoire Shering Plough, ont dĂ©clarĂ© le 2 dĂ©cembre 2003 : "(...) Shering Plough assoit sa production sur la base des prĂ©visions de vente, avec une rĂ©vision mensuelle. Les prĂ©visions de vente sont faites sur la base des historiques des ventes, et sur la base exclusive de l'Ă©tude de marchĂ©, en intĂ©grant des variables de saisonnalitĂ© forte sur ces produits (...). Pour l'ensemble des productions d'actifs, les productions ne sont pas libĂ©rĂ©es par le laboratoire Schering Plough mais par des tiers mandatĂ©s par la FDA, Ă partir d'une validation externe au groupe (...). En consĂ©quence, pour les produits Aerius et Nasonex notamment, le laboratoire fonctionne selon un systĂšme de flux tendus". Selon les intĂ©ressĂ©s : "Les grossistes rĂ©partiteurs reprĂ©sentent 100 % des commandes honorĂ©es par le laboratoire en ville, et les 2/3 du chiffre d'affaires global (...)". Ils ont ajoutĂ© : "Shering Plough honore des commandes de grossistes exportateurs, mais l'absence de disponibilitĂ© des nouveaux produits explique que de nouveaux clients ne puissent de fait ĂȘtre livrĂ©s (...). Par ailleurs, le laboratoire n'applique pour le moment aucune politique de quota".
Les pratiques dénoncées par la société Ad Pharm
191. Cette sociĂ©tĂ© prĂ©tend ĂȘtre victime d'un refus de vente des spĂ©cialitĂ©s Aerius et Nasonex 120 doses. NĂ©anmoins, sur la pĂ©riode du 1er janvier 2003 au 30 avril 2003, elle a Ă©tĂ© cliente du laboratoire pour un chiffre d'affaires limitĂ©.
j) Par le laboratoire Novo Nordisk
La "Supply-Chain" et la politique de livraison du laboratoire
192. Les reprĂ©sentants du laboratoire ont dĂ©clarĂ© le 28 novembre 2003 que ce dernier a structurĂ© ses flux d'approvisionnement selon une "supply-chain" qui " fonctionne sur des prĂ©visions de ventes calculĂ©es sur la base des consommations "sortie d'usine" et sur les indicationsmarchĂ© fournies par le GERS, ajustĂ©es en fonction d'un suivi mensuel, qui permet "tous produits" d'assurer une rĂ©activitĂ© Ă 2-3 mois (...)". Les intĂ©ressĂ©s ont ajoutĂ© en ce qui concerne la politique de livraison : "Novo Nordisk Pharmaceutique SA considĂšre les rĂ©partiteurs et les exportateurs au mĂȘme titre. Il n'existe aucune instruction spĂ©cifique de limitation de fourniture Ă ces clients exportateurs au sein du groupe Novo Nordisk A/S".
193. S'agissant du produit NovorapidPenfill, ils ont précisé que "c'est un produit récent sur le marché lancé au niveau mondial fin 2001, (...)". Ils ont indiqué que la politique de distribution de ce produit répond à des prévisions de ventes définies comme suit : "Les prévisions avaient une marge d'évolution indexée sur la cohabitation avec les produits Novo Nordisk déjà existants d'une part, avec les produits concurrents déjà sur le marché d'autre part, nos connaissances du marché du diabÚte, et la pénétration de nouveaux marchés. En l'espÚce, Novo Nordisk Pharmaceutique procÚde à une gestion de la pénurie, en privilégiant le marché français, suivant sa responsabilité de santé publique...".
Les pratiques dénoncées par la société Ad Pharm
194. Cette société fait état de livraisons trÚs restrictives de la spécialité NovoRapidPenfill. Elle prétend également que le traitement des livraisons diffÚre selon les produits visés par les commandes et impute cette divergence à un refus de livraison des produits innovants.
k) Par le laboratoire Aventis
La politique de gestion des commandes des produits Nasacort et Insuman
195. Le laboratoire Aventis n'est pas l'interface direct des grossistes. Une entitĂ© distincte du groupe est chargĂ©e de la distribution : Aventis Pharma Distriservices. Le laboratoire Aventis est situĂ© en aval de la capacitĂ© de production Aventis Pharma, qui gĂšre ses unitĂ©s de fabrication suivant la "supply-chain" mise en place au sein du groupe. Le laboratoire dĂ©termine les prĂ©visions de ventes, et centralise les Ă©lĂ©ments qui se rapportent Ă la capacitĂ© de production et de livraison des rĂ©fĂ©rences du groupe. Un membre du laboratoire a dĂ©crit comme suit, les modalitĂ©s selon lesquelles il honore ses commandes : "Les grossistes rĂ©partiteurs Ă destination de la France MĂ©tropolitaine passent des commandes et sont livrĂ©s sur un rythme hebdomadaire lisse et prĂ©visible. Les exportateurs, Ă l'opposĂ©, fonctionne sur des modalitĂ©s de nĂ©goce de commande beaucoup plus Ă©levĂ©es en nombre d'unitĂ©s ponctuelles. La rĂ©ponse d'Aventis Pharma Distriservices Ă la commande peut ĂȘtre partielle suivant les contraintes produit. Par ailleurs, Ă l'exportation, les grossistes souhaitent des caractĂ©ristiques produit plus contraignantes. Ceci peut alors gĂ©nĂ©rer des dĂ©lais de livraison plus importants que sur le marchĂ© domestique". En ce qui concerne le Nasacort, le laboratoire a connu peu de rupture de stock. Le fait que ce produit soit l'un des premiers du laboratoire en terme de chiffre d'affaires sous une seule prĂ©sentation, rend les prĂ©visions plus aisĂ©es.
Les pratiques dénoncées par la société Ad Pharm
196. Cette sociĂ©tĂ© fait valoir qu'elle entretient des relations commerciales rĂ©guliĂšres avec le laboratoire Aventis pour la spĂ©cialitĂ© Insuman, mais qu'elle reçoit systĂ©matiquement des quantitĂ©s moindres que celles commandĂ©es. A compter de novembre 2002, elle dĂ©nonce l'arrĂȘt des livraisons du produit Insuman, des livraisons partielles du produit Locoid crĂšme 0,1 % 30 mg, des livraisons partielles du produit Nasacort GTT 15 ml.
l) Par le laboratoire Astra Zeneca
La gestion des commandes des produits Symbicort et Atacand
197. Un représentant du laboratoire a déclaré le 1er décembre 2003 : "AstraZeneca honore les commandes de ses clients quels qu'ils soient, et ne pratique pas de quota. L'évaluation des prévisions de production se fait sur la base combinée de l'étude du marché, et des quantités vendues par les grossistes durant l'exercice précédent (...)". La liste des clients grossistes pour 2002 et le premier semestre 2003, montre qu'un grand nombre d'exportateurs sont des clients d'Astra Zeneca. Par ailleurs, un courrier du 15 décembre 2003, établit que le compte Ad Pharm a été reconsidéré en 2003 sur la base de la quantité de produits commandés en 2002.
198. Le représentant du laboratoire a encore précisé : "(...) En ce qui concerne la production des Turbuhaler (Symbicort ou Pulmicort),(...) le laboratoire Astra Zeneca est dépendant d'unités de production (...). La complexité de la combinaison du principe actif, produit à Dunkerque, et du dispositif produit en Finlande, accroßt le risque de ruptures produits lors de commandes brutales (...)".
Les pratiques dénoncées par la société Ad Pharm
199. Cette société fait valoir qu'elle se heurte à des difficultés d'approvisionnement en ce qui concerne les spécialités Symbicort, Pulmicort, Seloken et Atacand. En vertu du systÚme de gestion des stocks de ce laboratoire qui inclut à compter du 1er mai 2003, les produits Symbicort, Pulmicort et Seloken, et définit un systÚme d'allocation maximale trimestrielle, la partie plaignante a vu ses livraisons de Symbicort limitées à 560 boßtes par mois, et n'a pu poursuivre son approvionnement en Pulmicort et Seloken, quelle qu'en soit la présentation. Les livraisons d'Atacand subissent aussi des retards inexpliqués.
m) Les pratiques du laboratoire Bayer Diagnostics
La politique de prévision des approvisionnements
200. Le laboratoire fonde sa politique de prévision des approvisionnements sur l'historique des ventes et l'étude du marché domestique. La disponibilité de ses stocks est sensible à des changements d'ordre interne au groupe, et à des facteurs externes. Le représentant du laboratoire a déclaré le 20 février 2004 : "(...) Bayer Diagnostics confie une part de ses produits à un dépositaire Médipole pour de la vente directe en officine. Pour les 85 % des ventes restants, Bayer Diagnostics n'applique aucune politique de contingentement (...)". Par ailleurs ses conditions générales de vente ne différencient pas les clients et ne contiennent aucune indication particuliÚre sur la destination finale des produits revendus.
Les pratiques dénoncées par la société Ad Pharm
201. Cette sociĂ©tĂ© dĂ©nonce des livraisons au "compte gouttes" concernant les rĂ©actifs Glucodisc et Glucotide. Ces deux dispositifs, destinĂ©s Ă ĂȘtre utilisĂ©s avec les appareils Glucomatic Esprit et Glucomatic Esprit 2 pour Glucodisc, et Glucometer 4 pour Glucotide seraient, l'objet d'un systĂšme de quota sur les tests de glycĂ©mie, qui se traduirait par des envois en quantitĂ© invariable conditionnĂ©s en un unique colis de 1008 boĂźtes de bandelettes.
202. Au sujet des faits ainsi dĂ©noncĂ©s, le reprĂ©sentant du laboratoire a dĂ©clarĂ© le 20 fĂ©vrier 2004 : "Bayer Diagnostics entretient des relations commerciales rĂ©guliĂšres (...) la diffĂ©rence observĂ©e en volume livrĂ© en 2003 correspond Ă l'entrĂ©e sur le marchĂ© du lecteur Ascensia Confirm, et au renouvellement des lecteurs Glucometer 4 (arrĂȘt de la commercialisation en 2000) qui s'est traduit par une baisse progressive de la demande en rĂ©actifs Ă©quivalents Glucotide". Effectivement, l'Ă©tat des commandes d'Ad Pharm honorĂ©es par Bayer Diagnostics pour les exercices 2000 Ă 2003, confirme la rĂ©gularitĂ© en volume annuel des livraisons, ainsi que la forte progression des volumes livrĂ©s entre 2000 et 2002. Le mĂȘme constat peut ĂȘtre fait concernant Glucodisc.
II. Discussion
203. Aux termes de l'article L. 464-6 du Code de commerce : "lorsque aucune pratique de nature Ă porter atteinte Ă la concurrence sur le marchĂ© n'est Ă©tablie, le Conseil de la concurrence peut dĂ©cider, aprĂšs que l'auteur de la saisine et le commissaire du Gouvernement ont Ă©tĂ© mis Ă mĂȘme de consulter le dossier et de faire valoir leurs observations, qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la procĂ©dure".
A. SUR LE DROIT APPLICABLE
204. Dans leur saisine les parties ont soutenu que les pratiques mises en Ćuvre par les laboratoires Ă©taient contraires aux dispositions des articles 81 CE et 82 CE et des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce.
205. Comme le Conseil de la concurrence a eu notamment l'occasion de le rappeler dans sa dĂ©cision n° 00-MC-14 du 23 octobre 2000 relative Ă une saisine de la sociĂ©tĂ© Pharma-Lab, les produits pharmaceutiques achetĂ©s par les exportateurs sont destinĂ©s Ă ĂȘtre exportĂ©s dans d'autres Etats de l'Union europĂ©enne et, partant, des pratiques anticoncurrentielles qui viendraient perturber cette activitĂ© affecteraient le commerce entre Etats membres.
206. Il ressort en effet d'une jurisprudence constante de la Cour de justice des CommunautĂ©s europĂ©ennes que des accords ou pratiques qui concernent les importations et les exportations peuvent, par leur nature mĂȘme, affecter le commerce entre Etats membres (voir notamment l'arrĂȘt du Tribunal de premiĂšre instance des CommunautĂ©s europĂ©ennes du 6 juillet 2000, Volkswagen, T-62/98, Rec. p. II-2707).
207. Par ailleurs, dans sa décision 00-MC-14 du 23 octobre 2000 relative à la demande de mesures conservatoires présentée par la société Pharma-Lab, le Conseil de la concurrence a considéré que des pratiques concernant la livraison de produits destinés à l'exportation ne sont pas susceptibles d'affecter le marché français et ne sont pas visées par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce.
208. Toutefois, dans ses observations orales en sĂ©ance, le rapporteur gĂ©nĂ©ral a souhaitĂ© que le Conseil rĂ©examine la question du droit applicable et a proposĂ© d'adopter pour la dĂ©cision au fond une solution diffĂ©rente de celle qui avait Ă©tĂ© retenue pour la dĂ©cision de rejet des mesures conservatoires. Sans contester l'application du droit communautaire, il a soutenu qu'il n'Ă©tait pas justifiĂ© d'Ă©carter l'application du droit national de la concurrence au seul motif de l'absence d'effet sur le marchĂ© de dĂ©tail français. Il a indiquĂ©, d'une part, que d'autres critĂšres que celui des effets pouvaient ĂȘtre utilisĂ©s par une autoritĂ© nationale pour appliquer son droit national et, d'autre part, que, dans l'hypothĂšse oĂč le Conseil souhaiterait appliquer la thĂ©orie des effets, l'on ne pouvait exclure que les pratiques restrictives des laboratoires puissent avoir des effets sur la structure du ou des marchĂ©s de gros des mĂ©dicaments en France, notamment en empĂȘchant ou en retardant l'apparition de nouveaux grossistes. Il a rappelĂ©, Ă l'appui de sa position, deux dĂ©cisions rĂ©centes du Conseil, 04-D-45 du 16 septembre 2004 et 04-D-74 du 21 dĂ©cembre 2004 qui, selon lui, devaient ĂȘtre prises en compte dans la prĂ©sente dĂ©cision.
209. Dans la décision n° 04-D-45, relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société Export Press à l'encontre du groupe des Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP), le Conseil, aprÚs avoir conclu qu'il n'était pas compétent pour connaßtre des effets éventuellement anticoncurrentiels sur les marchés de la Nouvelle- Calédonie et de la Polynésie Française, du fait de la non application du livre IV du Code de commerce à ces territoires, avait considéré qu'il "reste compétent pour examiner les pratiques d'entreprises françaises agissant en France métropolitaine dans le but de s'ouvrir les marchés d'exportation".
210. Dans la dĂ©cision n° 04-D-74, relative au marchĂ© des liaisons maritimes entre la France et les Ăźles anglo-normandes, le Conseil a directement fait rĂ©fĂ©rence Ă la dĂ©cision 00-MC-14 en cause dans la prĂ©sente affaire et a rappelĂ© que l'examen des effets n'Ă©tait pas la seule façon de justifier l'application du droit national : "Le Conseil de la concurrence, dans sa dĂ©cision n° 00-MC-14 du 23 octobre 2000, a considĂ©rĂ© que des pratiques concernant la livraison de produits destinĂ©s Ă l'exportation ne sont pas susceptibles d'affecter le marchĂ© français et ne sont pas visĂ©es par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce. Mais l'application de la lĂ©gislation nationale de concurrence est possible par un Ătat si les pratiques restrictives ont pris naissance sur son territoire ou si leurs effets ont lieu sur son territoire". A cet Ă©gard, il a Ă©galement constatĂ© que "les faits sont localisĂ©s sur le territoire français et le grief d'entente a Ă©tĂ© retenu au regard de moyens de preuves constituĂ©es en France", pour conclure qu'il Ă©tait compĂ©tent pour appliquer le droit national de la concurrence, nonobstant le fait que le chiffre d'affaires de la seule entreprise française en cause Ă©tait uniquement constituĂ© d'activitĂ©s Ă l'exportation.
211. Interrogées sur la position exprimée par le rapporteur général, les parties ont souhaité disposer d'un délai pour présenter, par une note en délibéré, leur point de vue sur cette question qui n'avait pas été soulevée dans le rapport écrit, ce qui leur a été accordé.
212. Par une note en délibéré du 26 octobre 2005, la société Pharma-Lab a considéré que la compétence du Conseil de la concurrence pour connaßtre des pratiques en cause sur le fondement des articles 81 CE et 82 CE ne faisait pas de doute et qu'il convenait de s'en tenir à la solution retenue à l'occasion des multiples décisions de mesures conservatoires intervenues sur ce sujet depuis 2000. Elle a, par ailleurs, considéré que les conditions dans lesquelles les exportateurs "pourraient accéder ou rencontreraient des difficultés pour accéder au statut de grossiste-répartiteur et poursuivre leur activité sous ce statut ne peuvent relever que d'une autre affaire, la société Pharma-Lab n'ayant pas évoqué des circonstances de cette nature dans ses saisines". Toutefois, s'agissant de l'éventualité de l'application par le Conseil du droit national concomitamment avec le droit communautaire, elle a indiqué ne pas avoir "d'observations à faire valoir sur cette éventualité qui ne lui fait pas grief", considérant "qu'elle n'estime pas avoir à prendre position, dans le cadre de cette affaire, sur l'opportunité d'appliquer la théorie de l'origine pour déterminer la compétence territoriale du Conseil".
213. Les autres plaignants n'ont produit aucune observation.
214. Le Conseil de la concurrence considĂšre qu'il est compĂ©tent pour appliquer le droit national Ă des pratiques mises en Ćuvre sur le territoire national et dont l'examen s'appuie sur des Ă©lĂ©ments recueillis en France. A titre subsidiaire et nonobstant le fait que, s'agissant de la consommation finale des produits, seuls les marchĂ©s de dĂ©tail Ă©trangers sont affectĂ©s, il y a lieu de considĂ©rer, conformĂ©ment Ă l'analyse exposĂ©e dans la dĂ©cision 04-D-45 du 16 septembre 2004 mentionnĂ©e ci-dessus, que les restrictions commerciales imposĂ©es par les laboratoires pharmaceutiques aux exportateurs français ont nĂ©cessairement des effets, au moins structurels, sur le ou les marchĂ©s de gros sur lesquels ces entreprises sont actives (voir en ce sens, s'agissant de la question de savoir si une aide Ă l'exportation vers les pays tiers est susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres et de fausser la concurrence intra-communautaire, l'arrĂȘt de la Cour de justice des CommunautĂ©s europĂ©ennes du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C-142/87, Rec. p. I-959, points 31 et suivants). Il convient donc, en l'espĂšce, d'appliquer les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce ainsi que les articles 81 CE et 82 CE.
B. Sur le champ de la saisine
215. Les cinq parties saisissantes à l'origine des treize saisines, enregistrées entre le 11 juillet 2000 et le 24 juin 2003 et jointes dans la présente affaire, sont toutes des exportateurs indépendants relevant du 7° de l'article R.5124-2 du Code de la santé publique qui désigne la catégorie des distributeurs en gros à l'exportation. En conséquence, les griefs allégués portent sur les seuls effets des politiques de distribution des fabricants concernant leurs possibilités de poursuivre normalement leurs activités d'exportation.
216. Mais le Conseil de la concurrence, saisi in rem, peut examiner les pratiques qui lui sont soumises sans ĂȘtre limitĂ© par les termes de la saisine. De mĂȘme, agissant pour la dĂ©fense d'un ordre public Ă©conomique et non pour celle d'intĂ©rĂȘts privĂ©s, il peut apprĂ©cier les effets des pratiques dĂ©noncĂ©es sur les marchĂ©s concernĂ©s sans se limiter aux atteintes portĂ©es aux intĂ©rĂȘts des seules entreprises plaignantes. En l'espĂšce, le dossier contient des Ă©lĂ©ments relatifs aux politiques de contingentement menĂ©es par les fabricants Ă l'Ă©gard de l'ensemble des distributeurs de mĂ©dicaments, y compris les grossistes-rĂ©partiteurs actifs Ă l'exportation et leurs filiales spĂ©cialisĂ©es.
217. Toutefois, il apparaĂźt que d'autres saisines dĂ©nonçant les politiques de restrictions quantitatives menĂ©es par les mĂȘmes laboratoires pharmaceutiques ont Ă©tĂ© dĂ©posĂ©es devant le Conseil par les grossistes-rĂ©partiteurs, notamment celle de la sociĂ©tĂ© Phoenix Pharma, enregistrĂ©e le 20 octobre 2003 sous le numĂ©ro 03-0072 F. Cette saisine assortie d'une demande de mesures conservatoires a donnĂ© lieu Ă une dĂ©cision 04-D-05 du 24 fĂ©vrier 2004 dans laquelle le Conseil a considĂ©rĂ© qu'il ne pouvait ĂȘtre exclu que les systĂšmes de contingentement d'un certain nombre de laboratoires "soient, dans leurs modalitĂ©s de gestion, de nature Ă restreindre le jeu de la concurrence sur le marchĂ© de l'approvisionnement en gros des mĂ©dicaments, notamment en crĂ©ant une barriĂšre Ă l'entrĂ©e, et que leur mise en place par les laboratoires concernĂ©s puisse contrevenir aux dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce". Il a cependant rejetĂ© la demande de mesures conservatoires et renvoyĂ© Ă l'instruction l'examen de la demande au fond.
218. Ces saisines des grossistes-répartiteurs n'ont pas été jointes à celles des exportateurs examinées dans la présente affaire et font l'objet d'une instruction séparée. Il convient donc de limiter le champ de la présente affaire aux seules pratiques dénoncées par les exportateurs sans se prononcer sur les pratiques dénoncées à l'égard des grossistes répartiteurs qui feront l'objet d'un examen ultérieur.
C. Sur l'existence d'une entente entre les laboratoires
219. Les entreprises saisissantes soutiennent, dans leur plainte, que les laboratoires ont pu se concerter pour dĂ©cider de restreindre leurs livraisons aux exportateurs afin de freiner puis empĂȘcher leur activitĂ© Ă partir du territoire français.
220. Mais si l'on observe, Ă partir de 1999, un certain parallĂ©lisme de comportement des grands laboratoires, consistant Ă restreindre progressivement leurs livraisons aux exportateurs puis Ă cesser ces livraisons, alors que les grossistes-rĂ©partiteurs nationaux continuaient d'ĂȘtre approvisionnĂ©s y compris lorsqu'ils livraient Ă l'exportation par l'intermĂ©diaire de leurs filiales spĂ©cialisĂ©es, on doit Ă©galement noter que ces pratiques et leur Ă©volution n'ont Ă©tĂ© identiques ni dans leurs modalitĂ©s ni dans leur calendrier de mise en Ćuvre.
221. Il ressort en effet des éléments du dossier que les contingentements dénoncés ont été introduits à des périodes différentes, s'échelonnant de 1996 à novembre 2002. De plus, dans leurs modalités, les systÚmes varient selon les laboratoires. On relÚve ainsi que plusieurs laboratoires ont présenté ces restrictions comme les conséquences de l'adoption de nouveaux systÚmes de distribution sélective qui ont donné lieu à des notifications auprÚs de la Commission européenne, principalement entre 2000 et 2002, alors que d'autres ont fait évoluer progressivement leurs pratiques sans notifier l'existence d'un systÚme de distribution particulier.
222. Le parallĂ©lisme de comportement se rĂ©duit donc Ă la seule constatation de la mise en Ćuvre d'un contingentement individualisĂ© par grossiste.
223. En tout Ă©tat de cause, quand bien mĂȘme un tel parallĂ©lisme serait constatĂ©, il ne saurait suffire Ă lui seul Ă dĂ©montrer l'existence d'une entente anticoncurrentielle mais doit ĂȘtre Ă©tayĂ© d'indices graves, prĂ©cis et concordants prouvant celle-ci. Ainsi, la cour d'appel de Paris, dans un arrĂȘt du 16 juillet 2002 relatif aux politiques d'approvisionnement de laboratoires pharmaceutiques vis-Ă -vis de grossistes-exportateurs, considĂšre "qu'un simple parallĂ©lisme de comportement ne suffit pas Ă rĂ©vĂ©ler l'existence d'une concertation frauduleuse, que les dĂ©cisions ont Ă©tĂ© prises Ă des dates diffĂ©rentes, allant du 21 dĂ©cembre 2000 au 7 fĂ©vrier 2002, pour des motifs propres Ă chaque fabricant dont rien ne dĂ©montre l'absence manifeste de pertinence".
224. DĂšs lors que l'instruction n'a permis de recueillir aucun autre Ă©lĂ©ment de nature Ă Ă©tablir une entente entre les laboratoires pour appliquer une politique commerciale commune en matiĂšre d'exportation, il y a lieu de constater qu'aucun grief ne peut ĂȘtre retenu Ă leur encontre sur ce point.
D. Sur l'existence d'une entente entre les laboratoires et les grossistes-répartiteurs nationaux
225. Les entreprises saisissantes dénoncent une entente verticale entre les laboratoires et les grossistes-répartiteurs nationaux visant à restreindre les exportations parallÚles et, à tout le moins, à appliquer des conditions de livraisons discriminatoires aux exportateurs afin de les exclure progressivement du marché.
226. Il est de jurisprudence constante, tant en droit national qu'en droit communautaire, que la preuve d'une entente entre entreprises doit reposer sur la constatation directe ou indirecte d'un accord de volonté entre ces opérateurs économiques sur la mise en pratique d'une politique, la recherche d'un objectif ou l'adoption d'un comportement déterminé sur le marché.
227. Mais aucun élément du dossier ne permet de démontrer l'existence d'un accord de volonté entre les laboratoires mis en cause et un ou plusieurs des grossistes-répartiteurs, en vue de limiter les livraisons de médicaments aux exportateurs. En particulier, il ne ressort pas du comportement des grossistes-répartiteurs que ceux-ci aient volontairement adhéré au systÚme de distribution mis en place par les laboratoires, notamment en diminuant leurs commandes.
228. Bien au contraire, certains ont indiquĂ© qu'ils subissaient ces contingentements et ont manifestĂ© leur dĂ©saccord aux laboratoires concernĂ©s, tout en poursuivant leurs relations commerciales. A cet Ă©gard, le Tribunal de premiĂšre instance des CommunautĂ©s europĂ©ennes a considĂ©rĂ©, dans l'arrĂȘt du 26 octobre 2000, Bayer AG/Commission (T-41-96, Rec. p. II-3383, point 173), que l'on mĂ©connaĂźt la notion de concordance de volontĂ©s "en estimant que la poursuite des relations commerciales avec le fabricant, lorsque celui-ci adopte une nouvelle politique qu'il met en pratique unilatĂ©ralement, Ă©quivaut Ă un acquiescement des grossistes Ă celle-ci, alors que leur comportement est de facto clairement contraire Ă ladite politique".
229. DĂšs lors que les systĂšmes et les modalitĂ©s de distribution mis en Ćuvre par les laboratoires ont Ă©tĂ© Ă©laborĂ©s et adoptĂ©s par ces derniers de maniĂšre unilatĂ©rale, il y a lieu de rechercher si les grossistes-rĂ©partiteurs ont pu approuver au moins tacitement la nouvelle politique des laboratoires, notamment en ce qui concerne les exportateurs.
230. Dans l'arrĂȘt du 6 janvier 2004, Bundesverband der Arzneimittel-Importeure e.a / Bayer AG (C-2-01P et C-3-01P, Rec. p. I-23), rendu sur pourvoi des associations d'importateurs et d'exportateurs de mĂ©dicaments Ă l'encontre de l'arrĂȘt du Tribunal citĂ© ci-dessus, la Cour de justice des CommunautĂ©s europĂ©ennes a indiquĂ© : "Pour qu'un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traitĂ© puisse ĂȘtre rĂ©putĂ© conclu au moyen d'une acceptation tacite, il est nĂ©cessaire que la manifestation de volontĂ© de l'une des parties contractantes visant un but anticoncurrentiel constitue une invitation Ă l'autre partie, qu'elle soit expresse ou implicite, Ă la rĂ©alisation commune d'un tel but, et ce d'autant plus qu'un tel accord n'est pas, comme en l'espĂšce, Ă premiĂšre vue, dans l'intĂ©rĂȘt de l'autre partie, Ă savoir les grossistes" (point 102 de l'arrĂȘt).
231. Or, il ne résulte pas non plus des éléments recueillis, notamment auprÚs des différents interlocuteurs des laboratoires, qu'une interdiction d'exporter ait été demandée par l'un des vingt et un laboratoires visés par les parties plaignantes et a fortiori que les grossistes répartiteurs aient pu répondre favorablement à une telle invitation.
232. Dans ces conditions, l'existence d'un accord, mĂȘme tacite, n'est pas Ă©tablie entre les laboratoires mis en cause et les grossistes-rĂ©partiteurs avec lesquels ils maintiennent des relations commerciales.
233. A cet Ă©gard, il y a lieu de souligner que, contrairement Ă ce que soutient en substance la sociĂ©tĂ© Pharma-Lab, un accord de volontĂ© entre les laboratoires et les grossistes rĂ©partiteurs ne saurait ĂȘtre prĂ©sumĂ© ou Ă©tabli sur le fondement du raisonnement tenu par la Cour de justice des CommunautĂ©s europĂ©ennes dans l'arrĂȘt du 25 octobre 1983, AEG/Commission (107-82, Rec. p. 3151), Ă l'Ă©gard d'un systĂšme de distribution sĂ©lective, et dans lequel la Cour a jugĂ© :
"37. [la mise en Ćuvre d'un systĂšme de distribution sĂ©lective] doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme illicite [au regard de l'article 81, paragraphe 1, CE] lorsque le fabricant, en vue de maintenir un niveau de prix Ă©levĂ© ou d'exclure certaines voies de commercialisation modernes, refuse d'agrĂ©er des distributeurs qui rĂ©pondent aux critĂšres qualitatifs du systĂšme.
38. Une pareille attitude de la part du fabricant ne constitue pas un comportement unilatĂ©ral de l'entreprise qui (...) Ă©chapperait Ă l'interdiction de [l'article 81, paragraphe 1, CE]. Elle s'insĂšre, par contre, dans les relations contractuelles que l'entreprise entretient avec les revendeurs. En effet, dans le cas d'admission d'un distributeur, l'agrĂ©ment se fonde sur l'acceptation expresse ou tacite, de la part des contractants, de la politique suivie [par le fabricant] exigeant, entre autres, l'exclusion du rĂ©seau de distributeurs ayant les qualitĂ©s pour y ĂȘtre admis, mais n'Ă©tant pas disposĂ©s Ă adhĂ©rer Ă cette politique".
234. En effet, ce raisonnement partait de la prémisse de l'existence d'un réseau de distribution sélective organisé de maniÚre contractuelle entre le fabricant et les membres dudit réseau.
235. Or, dans la prĂ©sente affaire, il suffit de relever qu'il ne ressort d'aucun Ă©lĂ©ment du dossier que les grossistes rĂ©partiteurs appartiendraient Ă des rĂ©seaux de distribution sĂ©lective organisĂ©s par les laboratoires. Les grossistes-rĂ©partiteurs sont en effet habilitĂ©s Ă exercer leur activitĂ© sur la seule base d'une autorisation dĂ©livrĂ©e par les pouvoirs publics en fonction de critĂšres d'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral et il sont tous dans la mĂȘme position, indĂ©pendante, Ă l'Ă©gard des laboratoires. Ces derniers sont tenus d'entrer en relations d'affaires avec l'ensemble d'entre eux.
236. A cet égard, les systÚmes de distribution notifiés par certains laboratoires à la Commission européenne, qui ont été évoqués par la société Pharma-Lab, ne visent nullement les grossistes-répartiteurs en tant que parties à ces systÚmes. Ils ne régissent en fait que les relations internes aux groupes pharmaceutiques, notamment l'activité de leurs différentes filiales nationales en Europe.
237. Dans ces conditions, la grille d'analyse Ă retenir dans la prĂ©sente affaire est bien celle suivie dans les arrĂȘts Bayer A.G./Commission, prĂ©citĂ©s.
238. Au surplus, s'agissant de l'existence d'une discrimination entre les exportateurs et les grossistes-rĂ©partiteurs telle qu'elle est allĂ©guĂ©e, il y a lieu de constater que celle-ci n'est en tout Ă©tat de cause pas Ă©tablie. Les deux catĂ©gories d'opĂ©rateurs interviennent en effet sur les marchĂ©s de gros des mĂ©dicaments sous des rĂ©gimes juridiques diffĂ©rents qui comportent, notamment, des obligations de service public trĂšs fortes que doivent respecter les grossistes-rĂ©partiteurs, et qui ne s'appliquent pas aux exportateurs. L'importance de ces diffĂ©rences de situation sur le marchĂ© ne permet pas de conclure que toute diffĂ©rence dans les modalitĂ©s de livraison pourrait ĂȘtre qualifiĂ©e de pratique discriminatoire des laboratoires. Or, ces derniers ont donnĂ© des raisons objectives pour justifier ces diffĂ©rences de traitement entre exportateurs et grossistes-rĂ©partiteurs .
239. Par exemple, le laboratoire GSK a expliquĂ© le traitement diffĂ©renciĂ© qu'il a d'abord opĂ©rĂ© entre exportateurs et grossistes-rĂ©partiteurs, par le fait que ces derniers ont une obligation lĂ©gale d'approvisionner "de maniĂšre permanente le marchĂ© français". De mĂȘme, le laboratoire Janssen Cilag a indiquĂ© qu'il livrait en prioritĂ© les grossistes-rĂ©partiteurs eu Ă©gard Ă leurs obligations de service public. Le laboratoire Ferring a Ă©galement indiquĂ© qu'il livre en prioritĂ© les grossistes-rĂ©partiteurs eu Ă©gard Ă leurs obligations de service public et qu'il ne livre aussi les exportateurs que dans la mesure oĂč "les quantitĂ©s commandĂ©es ne mettent pas en pĂ©ril l'approvisionnement en France".
240. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les Ă©lĂ©ments du dossier montrent que, dans de nombreux cas, le fait que les grossistes-rĂ©partiteurs ont obtenu des allocations de produits supĂ©rieures Ă celles des exportateurs est dĂ» Ă leur historique de commandes plus important. Les diffĂ©rences de traitement entre exportateurs, notamment sur les quantitĂ©s livrĂ©es, s'expliquent de la mĂȘme façon par leur historique de commandes.
241. Dans d'autres cas, des difficultés ponctuelles de livraisons dénoncées par les exportateurs à l'encontre de certains laboratoires ont été expliquées par des contraintes de gestion de stock peu adaptées aux demandes erratiques et parfois massives des exportateurs.
242. Ainsi, le laboratoire Novo Nordisk justifie son incapacité à fournir plus de 240 boßtes par mois de produit NovoRapidPenfill à Ad Pharm, par la transformation en allocations mensuelles des quantités commandées durant l'exercice précédent. Novo Nordisk étant un fournisseur régulier de Ad Pharm, les problÚmes rencontrés par cette société ne peuvent s'expliquer que par une rupture des stocks, justifiée par l'arrivée du produit NovoRapidPenfill sur le segment des analogues ultra-rapides, et les difficultés consécutives de prévision de la demande.
243. Le laboratoire Aventis indique que son circuit de distribution fonctionne suivant des prĂ©visions de ventes et l'optimisation des stocks, ce qui rend complexe la rĂ©action des services de la production face aux commandes ponctuelles et importantes en volumes des exportateurs. DĂšs lors, en fonction des " contraintes produits ", le laboratoire peut ĂȘtre conduit Ă ne rĂ©pondre que partiellement Ă leurs commandes. Il diffĂ©rencie les flux exportateurs et rĂ©partiteurs, bien qu'aucune ligne directrice de sa politique commerciale n'impose d'exclure les exportateurs, ni les nouveaux clients. Cependant la politique d'optimisation des stocks du laboratoire met ces derniers potentiellement Ă la merci de ruptures de produits.
244. Le laboratoire Astra Zeneca justifie les difficultĂ©s d'approvisionnement rencontrĂ©es par la sociĂ©tĂ© Ad Pharm Ă propos des spĂ©cialitĂ©s Symbicort et Pulmicort, par sa dĂ©pendance envers sa structure de production des Turbuhaler, ce qui accroĂźt le risque de rupture d'approvisionnement de produits, et par la politique de prĂ©vision de la production et d'allocations mensuelles indexĂ©es sur l'historique des commandes de l'exercice prĂ©cĂ©dent. Cette politique est appliquĂ©e Ă tous les clients exportateurs ou grossistes-rĂ©partiteurs, mĂȘme si la prioritĂ© est donnĂ©e aux rĂ©partiteurs.
245. Enfin, s'il est avéré qu'il existe une différence de traitement entre les grossistes-répartiteurs et les exportateurs de la part des laboratoires, en réponse à la mise en place d'un systÚme de distribution, ou à cause d'une pénurie momentanée de produits, cette différenciation tient avant tout au statut de chaque intervenant et à l'obligation d'approvisionnement du marché français pesant sur les grossistes-répartiteurs. Les éléments recueillis n'établissent pas qu'une discrimination soit opérée par les laboratoires entre des intervenants dans une situation comparable.
Conclusion sur les pratiques d'ententes
246. Au vu des éléments ci-dessus exposés, il n'est pas établi que les pratiques dénoncées à l'encontre des laboratoires MSD, GSK, Lilly France, Sanofi-Synthelabo, Novartis Pharma, Boehringer Ingelheim, Pfizer, Norgine Pharma, Janssen Cilag, Ferring, Fournier, Léo, Médisense, Smith & Nephew, Wyeth Lederlé, LifeScan, Shering Plough, Novo Nordisk, Aventis, Astra Zeneca et Bayer Diagnostics, entrent dans les prévisions des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81, paragraphe 1, CE.
E. Sur l'existence d'un abus de position dominante
1. En ce qui concerne le marché pertinent
247. Les sociétés saisissantes soutiennent que les demandes exprimées par les grossistes étrangers qui s'adressent à elles portent sur des médicaments clairement identifiés pour lesquels ils disposent d'une licence d'importation et non sur une spécialité thérapeutique pour laquelle pourraient exister des substituts. Ainsi, pour l'approvisionnement des exportateurs français, chacune des spécialités pharmaceutiques faisant l'objet d'un quota constituerait un marché pertinent sur lequel le laboratoire qui assure la fourniture du marché domestique serait en position dominante.
248. Il y a lieu de noter à titre liminaire que cette demande spécifique des grossistes étrangers ne se distingue pas de leur demande globale pour se procurer des médicaments, y compris auprÚs des filiales domestiques des fabricants de ces médicaments. Les importations parallÚles en provenance d'un pays donné sont non seulement substituables avec les importations parallÚles en provenance d'autres pays, mais l'ensemble de ces importations parallÚles se présente, de maniÚre générale, comme une solution alternative à la fourniture directe sur le marché domestique. L'exportation parallÚle n'est qu'un canal de distribution spécifique et non un marché pertinent au sens du droit de la concurrence. Or, le commerce parallÚle étant largement minoritaire, il est peu probable que l'on puisse, par son canal, se doter d'une position dominante pour l'approvisionnement d'un marché étranger.
249. Selon la pratique décisionnelle du Conseil, illustrée notamment par ses décisions 96-D-12 du 5 mars 1996 "Lilly France" et 03-D-35 du 24 juillet 2003 "Sandoz Novartis", confirmées par la cour d'appel de Paris, les marchés de médicaments sont généralement définis par référence à l'usage thérapeutique. La définition du marché consiste à partir du troisiÚme niveau de classification dite "Anatomical Therapeutic Chemical Classification System (ATC)" regroupant les spécialités selon leurs indications, à analyser la substituabilité du médicament du point de vue des prescripteurs pour restreindre le marché pertinent au niveau 4 ou au niveau 5 de la classification ATC.
250. En l'espÚce, au vu du nombre de laboratoires et de molécules concernées, il semble opportun d'examiner le point de savoir si les pratiques relevées pourraient constituer un abus d'une éventuelle position dominante et de n'examiner que dans un second temps et au besoin, la position de chaque laboratoire sur les différents marchés de médicaments selon la classification ATC sommairement décrite au point précédent.
2. En ce qui concerne l'abus d'une Ă©ventuelle position dominante
251. Les parties saisissantes soutiennent que les restrictions de livraisons et les refus de vente qui leurs sont opposĂ©s par les laboratoires constituent des abus de position dominante dĂšs lors que ces pratiques ont pour objet et pour effet de restreindre les Ă©changes entre les Etats membres au dĂ©triment des consommateurs ainsi empĂȘchĂ©s d'accĂ©der aux mĂ©dicaments aux meilleurs prix et soulignent que de nombreux Etats encouragent les importations parallĂšles afin de soulager le budget de leur systĂšme de sĂ©curitĂ© sociale. Enfin, elles mentionnent la condamnation de telles restrictions par d'autres autoritĂ©s de concurrence, notamment la condamnation par la Commission europĂ©enne des pratiques du laboratoire GSK sur le marchĂ© espagnol.
252. Il convient d'observer, en premier lieu, que les seules pratiques condamnées jusqu'à présent l'ont été sur le fondement de l'article 81, paragraphe 1, CE mais qu'aucune autorité de concurrence ne s'est encore prononcée, par une décision de fond, sur une qualification d'abus de position dominante au sens de son droit national ou de l'article 82 CE.
253. Il convient, en second lieu, de rappeler que la seule constatation d'un refus de vente ne suffit pas Ă caractĂ©riser un abus de position dominante. Selon une jurisprudence bien Ă©tablie, une entreprise dominante n'exploite sa position de façon abusive que lorsqu'elle refuse de fournir des biens ou des services dans le but de limiter ou d'exclure ses concurrents rĂ©els ou potentiels d'un marchĂ© dĂ©terminĂ© et de renforcer sa position sur ce marchĂ©, sans que ce refus puisse ĂȘtre objectivement justifiĂ©.
254. Ainsi, la Cour de justice des CommunautĂ©s europĂ©ennes, suivant ses arrĂȘts antĂ©rieurs (Commercial Solvents du 6 mars 1974 et Telemarketing du 3 octobre 1985), a rappelĂ©, dans son arrĂȘt du 26 novembre 1998, Bronner (C-7-97, Rec. p. I-7791), que pour qu'un refus de fournir Ă un concurrent des marchandises ou des services nĂ©cessaires Ă l'exercice de ses activitĂ©s soit considĂ©rĂ© comme abusif, il fallait que ce refus soit de nature Ă Ă©liminer toute concurrence, qu'il ne puisse ĂȘtre objectivement justifiĂ©, mais Ă©galement que le produit ou le service sollicitĂ© soit indispensable Ă l'exercice de l'activitĂ© des concurrents, en ce sens qu'il n'existe aucun substitut rĂ©el ou potentiel.
255. S'agissant des raisons objectives qui pouvaient justifier un refus de vente, la Cour a estimĂ©, dans son arrĂȘt du 14 fĂ©vrier 1978, United Brands (22-76, Rec. p. 173), qu'une entreprise, mĂȘme dominante, a le droit de prendre les mesures raisonnables qu'elle estime appropriĂ©es pour protĂ©ger ses intĂ©rĂȘts commerciaux, Ă condition que son comportement soit proportionnĂ© Ă la menace et ne vise pas Ă renforcer sa position dominante ou Ă en abuser.
256. Dans l'arrĂȘt du 29 juin 1978, Benzine en Petroleum Handelsmaatschappij BV et autres (BP) (77-77, Rec. p. 1513), elle a ainsi jugĂ© qu'une entreprise en position dominante devait rĂ©partir Ă©quitablement les quantitĂ©s disponibles de son produit entre tous ses clients, sous rĂ©serve des particularitĂ©s ou diffĂ©rences dans leur situation commerciale, et qu'en cas de crise gĂ©nĂ©ralisĂ©e d'approvisionnement, une telle entreprise pouvait servir prioritairement ses clients habituels.
257. De mĂȘme, dans sa dĂ©cision 2001-D-70T du 24 octobre 2001 relative Ă des pratiques mises en Ćuvre dans le secteur de la mĂ©lasse et du rhum Ă la RĂ©union, le Conseil a considĂ©rĂ© "(...) qu'il est loisible Ă un groupe dont une filiale produit un bien intermĂ©diaire qui pour la plus grande partie alimente une autre filiale fabriquant un produit fini, de rĂ©server Ă cette seconde filiale la partie de sa production amont qui lui est nĂ©cessaire ; que, de mĂȘme, lorsque des contrats d'approvisionnement de long terme ont Ă©tĂ© passĂ©s avec des clients, il est licite pour un producteur mĂȘme en position dominante de refuser de rĂ©pondre Ă une nouvelle demande qui excĂšde ses capacitĂ©s de production restant disponibles".
258. Il importe encore de rappeler que les facteurs qui permettent de déterminer si le comportement d'une entreprise qui refuse de livrer a un caractÚre abusif dépendent fortement du contexte économique et réglementaire particulier de l'affaire (voir en ce sens les conclusions de l'avocat général Jacobs du 28 octobre 2004 dans l'affaire Syfait, C-53-03, en particulier le point 68, et la décision de la Commission du 24 mars 2004, COMP/C-3-37.792, Microsoft, en particulier le point 564).
259. Il convient donc d'examiner, au regard de ces analyses, si les conditions concrÚtes de fonctionnement du marché du médicament permettent de qualifier les refus de vente observés au regard du droit de la concurrence.
260. A cet égard, la situation dans laquelle se trouvent les parties saisissantes sur le marché du médicament est particuliÚre.
261. En effet, comme cela a Ă©tĂ© indiquĂ© aux points 6 Ă 11, les exportateurs sont des entreprises appartenant Ă la catĂ©gorie des distributeurs en gros Ă l'exportation se livrant Ă l'achat et au stockage de mĂ©dicaments en vue de leur exportation en l'Ă©tat, mais qui, en application du cadre lĂ©gislatif et rĂ©glementaire national, ont choisi un statut qui les autorise seulement Ă procĂ©der Ă des exportations de mĂ©dicaments et ne leur permet pas de les vendre sur le territoire national, oĂč ils sont Ă©tablis. Par ailleurs, lesdits exportateurs ne sont soumis Ă aucune obligation de service public en vue d'assurer la sĂ©curitĂ© d'approvisionnement en mĂ©dicaments pour les besoins de la consommation domestique. Enfin, contrairement aux grossistes-rĂ©partiteurs qui entretiennent des relations continues et rĂ©guliĂšres avec l'ensemble des laboratoires pharmaceutiques et pour au moins les neuf dixiĂšmes des mĂ©dicaments effectivement exploitĂ©s en France, les exportateurs concentrent leurs achats sur un petit nombre de laboratoires et pour chacun d'eux sur un petit nombre de produits.
262. La situation des exportateurs est donc clairement distincte de celle des autres opérateurs actifs sur le territoire national dont l'exportation n'est qu'une partie de l'activité, tels les grossistes-répartiteurs. La catégorie des exportateurs indépendants semble d'ailleurs constituer une spécificité française au sein de l'Union européenne.
263. Les développements qui suivent concernent donc uniquement la situation des saisissantes, exclusivement exportatrices.
264. Le marché du médicament, en France, est caractérisé par une réglementation des prix. L'objet de cette réglementation est de faire contrepoids au fait que la demande des patients est rendue solvable, et donc peu sensible au prix, par l'existence d'un systÚme d'assurance maladie financé par des prélÚvements obligatoires. Il existe donc un lien étroit entre le caractÚre de médicament remboursable par le systÚme de sécurité sociale, la fixation par les pouvoirs publics d'un prix de vente du médicament remboursable et l'obligation de livrer ces médicaments aux officines pour satisfaire les besoins des assurés sociaux, dans le cadre de circuits de distribution soumis à des obligations de service public destinées à assurer la sécurité des approvisionnements.
265. Autrement dit, non seulement le prix des médicaments livrés aux officines n'est pas un prix de marché, mais il est fondamentalement un prix qui a été fixé, en vue d'une consommation nationale, à un niveau jugé compatible avec l'équilibre budgétaire du systÚme national de sécurité sociale.
266. Or, les exportateurs ne souhaitent pas seulement ĂȘtre livrĂ©s. Ils veulent aussi l'ĂȘtre Ă un certain prix. Le prix qu'ils recherchent, alors mĂȘme qu'ils ne disposent d'aucune autorisation administrative pour vendre sur le territoire national, est le prix administrĂ©. Ce n'est pas un prix de marchĂ© qui rĂ©sulterait de leurs nĂ©gociations commerciales avec les laboratoires mais le prix fixĂ© par les pouvoirs publics pour la consommation nationale.
267. Cependant, on ne voit pas quelle justification permettrait Ă un opĂ©rateur Ă©conomique d'imposer Ă un producteur qui ne dispose pas de la libertĂ© de fixer ses prix pour les produits destinĂ©s Ă ĂȘtre utilisĂ©s sur un territoire, d'appliquer d'une maniĂšre gĂ©nĂ©rale les mĂȘmes conditions de vente pour des produits destinĂ©s exclusivement Ă d'autres territoires oĂč les conditions de marchĂ© sont diffĂ©rentes. Certes, en l'occurrence, les grossistes-rĂ©partiteurs peuvent quant Ă eux s'approvisionner Ă des prix administrĂ©s alors mĂȘme qu'ils fournissent le cas Ă©chĂ©ant Ă l'exportation. Toutefois, cette facultĂ© provient du fait qu'ils doivent garantir la sĂ©curitĂ© d'approvisionnement domestique et, pour cela, livrer prioritairement le marchĂ© national pour lequel le prix administrĂ© a Ă©tĂ© fixĂ©. Leur situation n'est donc, ainsi qu'il a Ă©tĂ© exposĂ© prĂ©cĂ©demment, pas comparable Ă celle des exportateurs.
268. Les saisissantes contestent cependant les consĂ©quences tirĂ©es du fait qu'un rĂ©gime de concurrence strict ne prĂ©vaut pas dans le secteur pharmaceutique et estiment que le fait que dans chaque Ătat, Ă des degrĂ©s divers, les pouvoirs publics interviennent pour limiter le prix des mĂ©dicaments sur leurs territoires respectifs ne suffit pas pour Ă©carter l'application des rĂšgles de concurrence.
269. Mais si l'existence d'une rĂ©glementation sectorielle n'empĂȘche pas un certain fonctionnement concurrentiel du marchĂ© et donc l'applicabilitĂ© du droit de la concurrence, il faut relever qu'une rĂ©glementation des prix a un caractĂšre exceptionnel qui touche aux mĂ©canismes mĂȘme de fonctionnement des marchĂ©s en empĂȘchant les ajustements des prix et qui va donc bien au-delĂ , par exemple, d'une simple rĂšgle de sĂ©curitĂ© ou d'une autorisation administrative d'exercer. La bonne application du droit de la concurrence nĂ©cessite de prendre pleinement en compte l'existence d'une rĂ©glementation des prix, notamment pour qualifier un abus. En effet, les critĂšres pour qualifier une pratique commerciale d'abusive et donc, dans une certaine mesure, d'anormale sont nĂ©cessairement diffĂ©rents lorsque cette pratique a lieu sur un marchĂ© pour lequel les mĂ©canismes normaux de la concurrence ne fonctionnent pas.
270. En l'espĂšce, il n'apparaĂźt pas abusif pour un laboratoire, quel qu'il soit, de dĂ©fendre ses intĂ©rĂȘts commerciaux en refusant de livrer un de ses produits Ă un prix administrĂ© Ă un opĂ©rateur qui ne vend aucun produit sur le marchĂ© national pour lequel la rĂ©glementation des prix a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e et ne recherche ce produit qu'Ă la condition que le prix fixĂ© par les pouvoirs publics en vue d'un usage sur le territoire national lui permette de le revendre sur un marchĂ© Ă©tranger avec profit.
271. Les saisissantes soutiennent Ă©galement que, quand bien mĂȘme on admettrait qu'une restriction de l'approvisionnement des exportateurs par les laboratoires constitue une mesure raisonnable et appropriĂ©e de leur part pour dĂ©fendre leurs intĂ©rĂȘts commerciaux, le refus absolu de vente est une mesure disproportionnĂ©e et donc abusive au regard de la jurisprudence communautaire puisqu'elle conduit Ă empĂȘcher l'activitĂ© d'exportation parallĂšle et Ă Ă©liminer la pression concurrentielle qu'ils exercent. Ils demandent en consĂ©quence Ă bĂ©nĂ©ficier de quotas pour chaque exportateur.
272. L'application d'Ă©ventuels quotas en faveur des exportateurs n'est pas justifiĂ©e sur le plan Ă©conomique et au regard des rĂšgles de concurrence puisque les exportateurs n'ont, par dĂ©finition, aucune activitĂ© de vente en France alors que les contingentements appliquĂ©s aux grossistes-rĂ©partiteurs sont prĂ©cisĂ©ment calculĂ©s Ă partir des quantitĂ©s vendues sur le territoire national, parts de marchĂ© qui rĂ©sultent elles-mĂȘmes de la concurrence qui s'exerce entre eux. Fixer discrĂ©tionnairement des quotas pour une pure activitĂ© d'exportation reviendrait Ă rĂ©partir les marchĂ©s et Ă y figer les parts. En particulier, dans l'hypothĂšse de quotas fixĂ©s ex ante, rien ne justifierait que les exportateurs actuels soient les seuls Ă en bĂ©nĂ©ficier, car ils seraient ainsi protĂ©gĂ©s de l'arrivĂ©e sur le marchĂ© de nouveaux entrants. Mais garantir des quantitĂ©s Ă tout nouvel entrant reviendrait Ă renoncer, en pratique, Ă la notion mĂȘme de contingentement et Ă Ă©tablir Ă l'encontre des laboratoires une obligation de vendre sans limite au prix administrĂ©.
273. Par ailleurs, il ressort des Ă©lĂ©ments du dossier prĂ©sentĂ©s aux points 15 Ă 29 ci-dessus, que l'arrĂȘt de l'activitĂ© de certains exportateurs français ne mettrait pas fin au commerce parallĂšle qui est majoritairement assurĂ©, pour les exportations au dĂ©part de la France, par les grossistes-rĂ©partiteurs et leurs filiales.
274. Enfin, les entreprises saisissantes font observer que les refus de vente qui leur sont opposés créent une distorsion de concurrence avec les filiales export des grossistes-répartiteurs qui peuvent continuer à s'approvisionner auprÚs de leur maison mÚre envers lesquelles les laboratoires ont une obligation de livraison à des prix administrés et ne subissent donc que l'effet d'éventuels contingentements nationaux.
275. En complĂ©ment de ce qui a dĂ©jĂ Ă©tĂ© indiquĂ© au point 267 de la prĂ©sente dĂ©cision, on peut relever qu'il est loisible aux exportateurs indĂ©pendants de s'adresser Ă©galement aux grossistes-rĂ©partiteurs pour ĂȘtre livrĂ©s, quand bien mĂȘme ils seraient contraints de supporter un prix d'achat des produits plus Ă©levĂ© qu'en se fournissant directement auprĂšs des laboratoires, ce qui n'est pas un obstacle insurmontable Ă leur activitĂ©. Ils peuvent Ă©galement adopter eux-mĂȘmes le statut de grossistes-rĂ©partiteurs s'ils en acceptent les contraintes.
276. A cet égard, le Conseil rappelle que l'examen des pratiques de contingentement des laboratoires vis à vis des grossistes-répartiteurs aura lieu dans le cadre d'autres dossiers encore en cours d'instruction.
277. Au vu des Ă©lĂ©ments exposĂ©s ci-dessus, les pratiques des laboratoires dĂ©noncĂ©es par les exportateurs, Ă supposer que la position dominante d'un ou plusieurs des laboratoires mis en cause soit Ă©tablie, ne peuvent ĂȘtre qualifiĂ©es d'abus d'une telle position au sens des dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce et de l'article 82 du TraitĂ© CE.
278. En conséquence, il convient de faire application des dispositions de l'article L. 464-6 du Code de commerce et de prononcer un non-lieu à poursuivre la procédure.
DĂ©cision
Article unique. - Il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure.