Cass. com., 6 décembre 2005, n° 03-20.510
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Schrall
Défendeur :
Dubosq ; Bernard
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
M. Pietton
Avocat général :
M. LAfortune
Avocats :
SCP Laugier, Caston, SCP Delaporte, Briard, Trichet
LA COUR : - Donne acte à M. Schrall de son désistement de pourvoi envers M. Bernard ; - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 11 juin 2003), que M. Dubosq, gérant de l'EURL Dubosq (l'EURL), société ayant pour activité le conseil en conversion professionnelle et qui était liée par un contrat de concession à M. Bernard (le franchiseur), a cédé, par acte du 5 juillet 1991, la totalité de ses parts à M. Schrall ; que cette cession, acceptée par M. Bernard, n'a cependant pas été suivie par la signature d'un contrat de franchise avec M. Schrall ; que ce dernier, alléguant une perte importante de chiffre d'affaires et invoquant des faits constitutifs de dol, a demandé la nullité de la cession de parts sociales et la condamnation de MM. Dubosq et Bernard à lui payer des dommages-intérêts ;
Attendu que M. Schrall fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes, alors, selon le moyen : 1°) que le cocontractant qui se prétend victime d'un dol par réticence n'a pas à prouver le fait négatif de ladite réticence ; que la cour d'appel qui a rejeté la demande en annulation du contrat soulevée par M. Schrall en retenant qu'il ne rapportait pas la preuve de la dissimulation à son endroit des poursuites dirigées contre M. Bernard quand il n'avait pas à rapporter cette preuve d'un fait négatif, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve au profit de M. Dubosq, défendeur à l'action en annulation et a violé, par suite, les articles 1116 et 1315 du Code civil ; 2°) que le caractère dubitatif des motifs équivaut à une absence de motifs ; que la cour d'appel qui, ayant à statuer sur l'existence d'un dol commis par réticence dolosive, s'est bornée à retenir que M. Schrall "disposait nécessairement d'une bonne connaissance de l'activité et il ne pouvait dès lors ignorer l'existence de cette difficulté", la difficulté dont il s'agit étant constituée par les poursuites pénales dirigées contre M. Bernard sans constater que M. Schrall avait été effectivement informé de l'état des poursuites pénales dirigées contre M. Bernard, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 3°) que M. Schrall avait soutenu à l'appui de son action en nullité sur le fondement du dol que, n'ayant exercé au sein de l'entreprise que les seules fonctions d'agent commercial, il n'avait reçu aucune formation de la part de M. Dubosq, la cour d'appel n'a pu retenir qu'il disposait nécessairement d'une bonne connaissance de l'activité de la société et qu'il ne pouvait ignorer la difficulté relative aux poursuites pénales engagées contre M. Bernard ; que, faute de répondre à ce moyen péremptoire quand il appartenait à M. Dubosq d'établir qu'il avait donné, dans le cadre du contrat de franchise, la formation nécessaire en vue de la reprise de ladite activité, l'arrêt attaqué a entaché sa décision d'un défaut de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 4°) que la cour d'appel ne pouvait retenir qu'il n'était pas établi que les difficultés relatives aux poursuites pénales exercées contre le franchiseur auraient eu une influence négative sur le chiffre d'affaires de l'EURL Dubosq et que celui-ci aurait été maintenu pendant les cinq premiers mois de l'année 1991 au même niveau qu'en 1990 quand les conclusions d'appel de M. Schrall invoquaient l'existence d'un bilan comptable du premier semestre 1991 révélant une forte baisse du chiffre d'affaires, soit de 30 %, document dont il n'avait pas eu connaissance antérieurement à la cession ; que, partant, l'arrêt attaqué, qui n'a pas analysé ce document, et a rejeté les prétentions de M. Schrall, a violé les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 5°) que le dol, même par réticence, est constitué de manœuvres, qui auraient empêché l'un des parties de contracter si elle avait eu connaissance desdites manœuvres, doivent être appréciées au jour de l'acceptation du contrat de sorte que les conditions d'exécution de la convention n'exercent aucune influence sur la validité du contrat ; que M. Schrall faisait valoir que s'il avait su que M. Bernard, concédant de la franchise en vertu de laquelle la société reprise exerçait son activité, avait fait l'objet de poursuites pénales, il n'aurait pas accepté la cession de l'EURL Dubosq ; que, dès lors, la cour d'appel, qui, s'attachant à considérer que l'exécution défectueuse du contrat ne serait pas due aux poursuites pénales, n'a pas recherché si le consentement de M. Schrall avait été vicié, et s'est prononcée sur la validité du contrat en fonction de ses conditions d'exécution, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé que le dol ne se présume pas et doit être prouvé par celui qui s'en prévaut, l'arrêt retient que M. Schrall, seul agent commercial de l'EURL qui avait reçu une formation au sein de l'entreprise préalablement à son engagement et qui avait reconnu avoir reçu tous les documents, archives de l'entreprise, disposait nécessairement d'une bonne connaissance de l'activité de la société et ne pouvait dès lors ignorer l'existence des poursuites pénales qui avaient été engagées à l'encontre du franchiseur ; qu'il relève encore qu'il n'est pas établi que ces poursuites, achevées par une décision de relaxe intervenue antérieurement à la signature de l'acte de cession litigieux, auraient eu une influence négative sur le chiffre d'affaires de l'EURL, celui-ci ayant été maintenu pendant les cinq premiers mois de l'année 1991 puis ayant diminué à partir du second semestre 1991, du fait de nombreuses carences imputables à M. Schrall ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, qui n'a statué ni par un motif hypothétique ni en inversant la charge de la preuve, et qui pouvait faire état, pour se prononcer sur l'existence d'un vice du consentement en la personne de M. Schrall au moment de la formation du contrat, d'éléments d'appréciation postérieurs à cette date, a pu déduire que M. Schrall n'apportait pas la preuve d'une dissimulation par M. Dubosq; qu'elle a ainsi, sans être tenue ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de s'expliquer sur les documents qu'elle décidait d'écarter, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.