Livv
Décisions

Cass. crim., 18 octobre 2005, n° 05-80.491

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Pez

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme Degorce

Avocat général :

M. Finielz

Avocats :

SCP Bouzidi, Bouhanna

Aix-en-Provence, 5e ch., du 1er déc. 200…

1 décembre 2004

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X Caroline, contre l'arrêt n° 874 de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 1er décembre 2004, qui, pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue et publicité mensongère, l'a condamnée à 3 000 euro d'amende, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils; - Vu le mémoire produit; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 et suivants du Code de la consommation, L. 213-1 et suivants du Code de la consommation, 388 et 2 du Code de procédure pénale, 591 et 593 du Code de procédure pénale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la demanderesse coupable des faits qui lui étaient reprochés, en répression l'a condamnée au paiement d'une amende de 3 000 euro outre la publication par extraits de la condamnation dans le quotidien régional La Provence et confirmant le jugement en toutes ses dispositions civiles, a condamné la demanderesse à payer diverses sommes à Christine Pez;

"aux motifs que sur la culpabilité qu'il ressort de l'examen de la procédure, et notamment des deux lettres de Christine Pez, des 4 mai 2001 et 8 janvier 2002 que, si le véhicule acquis aux enchères a bien été acheté et immatriculé au nom de Gérard Pez, Christine Pez a bien assisté et participé aux enchères en compagnie de Gérard Pez et qu'elle produit la facture de réparation du véhicule à la suite de cet achat; qu'en outre, la signature de Christine Pez figure sur l'original de la facture pro forma éditée le jour même de la vente et produite par Caroline X; qu'elle peut donc être considérée comme victime des faits reprochés à Caroline X, gérante de la SARL Y; que par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, il y a lieu d'écarter le moyen d'irrecevabilité des poursuites, qu'était apposée sur le véhicule litigieux, une feuille faisant une description complète du véhicule - marque, modèle, date de première mise en circulation, année, modèle, énergie, puissance, kilométrage, équipements divers - et comportant également la mention "première main" et l'abréviation AE; qu'il n'est pas contesté que le véhicule ainsi présenté était un véhicule d'auto-école, mis en circulation par une auto-école un an plus tôt; qu'ainsi il a été manipulé par de nombreux conducteurs différents et ne pouvait être qualifié de "première main", même si ce véhicule n'a été vendu qu'une fois; que l'abréviation AE censée informer selon Caroline X, les acheteurs qu'il s'agissait d'un véhicule d'auto-école, n'est pas assez explicite pour informer le public non-professionnel de cette caractéristique; que, sur la liste mise à la disposition des acheteurs récapitulant les 150 à 200 véhicules mis en vente le même jour et leurs caractéristiques, il n'est porté aucunement mention du fait qu'il s'agit d'un véhicule d'auto-école, ni qu'il était équipé d'un double pédalier, fait invoqué par Caroline X dans ses conclusions, alors qu'il y est indiqué le détail des divers équipements: vitres électriques, fermetures centralisées, ABS, airbag, direction assistée, coupe-circuits et radio ; que Christine Pez a exposé dans sa lettre qu'ils se sont déterminés sur la base du document récapitulatif pour enchérir, car ils n'ont pas visité le véhicule, leur choix s'étant porté au départ sur un autre véhicule qui a été vendu à une autre personne, et qu'ils n'auraient pas acheté ce véhicule s'ils avaient connu son origine; que dans le cadre d'une vente portant sur un nombre aussi important de véhicules compte tenu des conditions dans lesquelles se déroulent de telles ventes, ouvertes à des non-professionnels, une mention relative à une qualité substantielle aussi déterminante que le fait que le véhicule vendu est un véhicule d'auto-école et à ses caractéristiques aurait dû figurer sur le document récapitulatif mis à la disposition des acheteurs; que l'on ne saurait faire grief à Christine Pez de ne pas avoir constaté l'état du véhicule lors de l'exposition des véhicules le matin, visite qui n'est pas obligatoire, d'autant que les indications figurant sur la feuille apposée sur le véhicule étaient erronées ou incompréhensibles ; que le commissaire priseur, entendu par les services de police, bien que n'ayant gardé aucun souvenir particulier de cette vente, a affirmé avoir lu à haute voix, lors de la vente, les caractéristiques techniques du véhicule figurant sur la fiche du véhicule; qu'il a précisé que cette fiche lui est remise par la salle des ventes, ce dernier point étant confirmé par la déclaration de Caroline X aux services de police, selon laquelle "en ce qui concerne la mention première main, nous l'appliquons car le certificat d'immatriculation comporte la mention neuf" ; que Caroline X a admis à l'audience que la liste récapitulative des véhicules mis en vente est établie par le personnel de sa société et dans ses locaux en collaboration avec le personnel du commissaire priseur; qu'ainsi, si le commissaire priseur est seul responsable de la vente proprement dite, Caroline X est intervenue directement dans les faits, dans le cadre de son rôle d'organisateur de la vente, par la mise à disposition de ses locaux et par la confection et la mise à disposition des acheteurs, de documents, soit comportant une information fausse en l'espèce "première main", soit omettant de préciser que ce véhicule était à usage d'auto-école; que l'élément intentionnel se déduit de la connaissance qu'avait Caroline X des caractéristiques du véhicule portant sur les qualités substantielles et du caractère déterminant qu'elles étaient susceptibles d'avoir pour les acheteurs potentiels; qu'elle ne saurait dans ces conditions s'exonérer de sa responsabilité en arguant du fait que les voitures sont vendues sans garantie; qu'il convient de réformer la décision sur le montant de la peine d'amende qui sera ramenée à 3 000 euro et ordonner la publication de l'arrêt aux frais de la condamnée dans le quotidien régional La Provence ; - Sur l'action civile : que le tribunal a équitablement apprécié le préjudice subi par la partie civile ; que cette décision sera confirmée en toutes ses dispositions;

"alors, d'une part, qu'une personne autre que le cocontractant ne peut être victime du délit de tromperie prévu par l'article 213-1 du Code de la consommation; qu'en l'état de la citation visant le fait d'avoir le 21 mai 2001 "trompé Christine Pez sur les qualités substantielles d'un véhicule en mettant en vente un véhicule automobile Renault qualifié de "première main", sans avoir préalablement informé le contractant que ce véhicule avait en réalité été affecté à un usage d'auto-école", la cour d'appel ne pouvait, après avoir constaté que le véhicule litigieux avait été acheté par Gérard Pez et non par Christine Pez et immatriculé au nom de ce dernier, déclarer la demanderesse coupable des faits visés à la prévention, c'est-à-dire d'avoir "trompé Christine Pez", au seul motif que celle-ci aurait été victime dès lors qu'elle aurait assisté et participé aux enchères en compagnie de Gérard Pez;

"alors, d'autre part, que l'action civile en réparation du dommage causé par un délit n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; qu'en déclarant recevable la constitution de partie civile de Christine Pez et en condamnant la demanderesse au paiement de diverses sommes à son profit en réparation du préjudice né du délit de tromperie, tout en retenant par ailleurs les circonstances d'où il ressortait que Christine Pez n'était pas l'acquéreur du véhicule litigieux, la chambre des appels correctionnels a violé les textes susvisés";

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de la citation, en ce qu'elle désignait, comme victime, Christine Pez et non l'acquéreur du véhicule, Gérard Pez, déclarer Caroline X coupable du délit de tromperie et la condamner à verser des dommages-intérêts à Christine Pez, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, retient que cette dernière a été victime des faits reprochés à Caroline X;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors que, d'une part, toute personne, qu'elle soit ou non partie au contrat, peut être reconnue coupable du délit si elle a trompé le contractant, que celui-ci soit ou non attrait dans la cause, et que, d'autre part, des dommages-intérêts peuvent être alloués à tous ceux ayant personnellement souffert de l'infraction; d'où il suit que le moyen doit être écarté;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 213-1 et suivants du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la demanderesse coupable des faits qui lui étaient reprochés, en répression l'a condamnée au paiement d'une amende de 3 000 euro outre la publication par extraits de la condamnation dans le quotidien régional La Provence et confirmant le jugement en toutes ses dispositions civiles, a condamné la demanderesse à payer diverses sommes à Christine Pez;

"aux motifs que sur la culpabilité qu'il ressort de l'examen de la procédure, et notamment des deux lettres de Christine Pez, des 4 mai 2001 et 8 janvier 2002 que, si le véhicule acquis aux enchères a bien été acheté et immatriculé au nom de Gérard Pez, Christine Pez a bien assisté et participé aux enchères en compagnie de Gérard Pez et qu'elle produit la facture de réparation du véhicule à la suite de cet achat; qu'en outre, la signature de Christine Pez figure sur l'original de la facture pro forma éditée le jour même de la vente et produite par Caroline X; qu'elle peut donc être considérée comme victime des faits reprochés à Caroline X, gérante de la SARL Y; que par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, il y a lieu d'écarter le moyen d'irrecevabilité des poursuites, qu'était apposée sur le véhicule litigieux, une feuille faisant une description complète du véhicule - marque, modèle, date de première mise en circulation, année, modèle, énergie, puissance, kilométrage, équipements divers - et comportant également la mention "première main" et l'abréviation AE ; qu'il n'est pas contesté que le véhicule ainsi présenté était un véhicule d'auto-école, mis en circulation par une auto-école un an plus tôt; qu'ainsi il a été manipulé par de nombreux conducteurs différents et ne pouvait être qualifié de "première main ", même si ce véhicule n'a été vendu qu'une fois; que l'abréviation AE censée informer selon Caroline X, les acheteurs qu'il s'agissait d'un véhicule d'auto-école, n'est pas assez explicite pour informer le public non-professionnel de cette caractéristique; que, sur la liste mise à la disposition des acheteurs récapitulant les 150 à 200 véhicules mis en vente le même jour et leurs caractéristiques, il n'est porté aucunement mention du fait qu'il s'agit d'un véhicule d'auto-école, ni qu'il était équipé d'un double pédalier, fait invoqué par Caroline X dans ses conclusions, alors qu'il y est indiqué le détail des divers équipements: vitres électriques, fermetures centralisées, ABS, airbag, direction assistée, coupe-circuits et radio ; que Christine Pez a exposé dans sa lettre qu'ils se sont déterminés sur la base du document récapitulatif pour enchérir, car ils n'ont pas visité le véhicule, leur choix s'étant porté au départ sur un autre véhicule qui a été vendu à une autre personne, et qu'ils n'auraient pas acheté ce véhicule s'ils avaient connu son origine; que dans le cadre d'une vente portant sur un nombre aussi important de véhicules compte tenu des conditions dans lesquelles se déroulent de telles ventes, ouvertes à des non-professionnels, une mention relative à une qualité substantielle aussi déterminante que le fait que le véhicule vendu est un véhicule d'auto-école et à ses caractéristiques aurait dû figurer sur le document récapitulatif mis à la disposition des acheteurs; que l'on ne saurait faire grief à Christine Pez de ne pas avoir constaté l'état du véhicule lors de l'exposition des véhicules le matin, visite qui n'est pas obligatoire, d'autant que les indications figurant sur la feuille apposée sur le véhicule étaient erronées ou incompréhensibles ; que le commissaire priseur, entendu par les services de police, bien que n'ayant gardé aucun souvenir particulier de cette vente, a affirmé avoir lu à haute voix, lors de la vente, les caractéristiques techniques du véhicule figurant sur la fiche du véhicule; qu'il a précisé que cette fiche lui est remise par la salle des ventes, ce dernier point étant confirmé par la déclaration de Caroline X aux services de police, selon laquelle "en ce qui concerne la mention première main, nous l'appliquons car le certificat d'immatriculation comporte la mention neuf" ; que Caroline X a admis à l'audience que la liste récapitulative des véhicules mis en vente est établie par le personnel de sa société et dans ses locaux en collaboration avec le personnel du commissaire priseur; qu'ainsi, si le commissaire priseur est seul responsable de la vente proprement dite, Caroline X est intervenue directement dans les faits, dans le cadre de son rôle d'organisateur de la vente, par la mise à disposition de ses locaux et par la confection et la mise à disposition des acheteurs, de documents, soit comportant une information fausse en l'espèce "première main", soit omettant de préciser que ce véhicule était à usage d'auto-école; que l'élément intentionnel se déduit de la connaissance qu'avait Caroline X des caractéristiques du véhicule portant sur les qualités substantielles et du caractère déterminant qu'elles étaient susceptibles d'avoir pour les acheteurs potentiels; qu'elle ne saurait dans ces conditions s'exonérer de sa responsabilité en arguant du fait que les voitures sont vendues sans garantie; qu'il convient de réformer la décision sur le montant de la peine d'amende qui sera ramenée à 3 000 euro et ordonner la publication de l'arrêt aux frais de la condamnée dans le quotidien régional La Provence ; Sur l'action civile : que le tribunal a équitablement apprécié le préjudice subi par la partie civile que cette décision sera confirmée en toutes ses dispositions;

"alors, d'une part, que la contradiction de motifs équivaut à son absence; que pour caractériser l'élément matériel des délits dont elle a déclaré la demanderesse coupable, la cour d'appel qui énonce que le véhicule ne pouvait être qualifié de "première main" même s'il n'avait été vendu qu'une fois dès lors qu'il s'agissait d'un véhicule mis en circulation par une auto-école un an plus tôt, s'est prononcée par des motifs contradictoires en violation des textes susvisés;

"alors, d'autre part, que l'élément matériel des délits de publicité trompeuse et de tromperie n'est caractérisé qu'en l'état d'une information erronée portant sur une qualité substantielle du produit; qu'en retenant que les délits de tromperie et de publicité trompeuse étaient établis au seul regard du fait que n'aurait pas été porté à la connaissance de l'acquéreur le fait que le véhicule litigieux, effectivement mis en circulation un an auparavant par son vendeur, avait été utilisé pendant cette période à usage d'auto-école, la cour d'appel n'a pas caractérisé la qualité substantielle du produit sur laquelle aurait porté le défaut d'information et n'a pas légalement justifié sa décision;

"alors de troisième part, que la tromperie et le caractère trompeur de la publicité s'apprécient in abstracto, par référence à un consommateur moyen normalement diligent et attentif; qu'ayant expressément constaté que le véhicule litigieux faisait l'objet d'une fiche de description portant notamment la mention "première main" et l'abréviation AE, la cour d'appel ne pouvait pour déclarer la demanderesse coupable des faits qui lui étaient reprochés, se borner à indiquer que l'abréviation AE sensée informer l'acheteur potentiel qu'il s'agissait d'un véhicule auto-école n'était pas assez explicite et que l'on ne saurait faire grief à Christine Pez de ne pas avoir constaté l'état du véhicule lors de l'exposition de celui-ci le matin, sans nullement rechercher ni apprécier, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si le fait que tout acquéreur potentiel ait été mis en mesure, à l'occasion de l'exposition du véhicule antérieurement à la vente, de constater que celui-ci était équipé d'un second pédalier ne le renseignait pas pleinement et suffisamment sur l'utilisation antérieure du véhicule et sur la signification de l'abréviation AE portée sur la fiche de description, n'a pas suffisamment caractérisé l'élément matériel des infractions dont elle a déclaré la demanderesse coupable et n'a pas légalement justifié sa décision;

"alors, enfin, que la demanderesse avait fait valoir qu'en tout état de cause, le commissaire priseur, seul responsable de la vente aux enchères publiques qu'il organisait, "avait solennellement déclaré aux enquêteurs qu'il avait bien énoncé l'ensemble des particularités concernant ce véhicule lors de sa présentation préalable à la vente et avait signalé que ce véhicule précisément appartenait à une auto-école" (conclusions d'appel p. 7 § 8) ce qui était de nature à exclure l'élément matériel des infractions poursuivies ; qu'en se bornant à constater que le commissaire priseur, entendu par les services de police, avait affirmé avoir lu à haute voix, lors de la vente, les caractéristiques techniques du véhicule figurant sur la fiche de véhicule, sans nullement rechercher ni préciser si à cette occasion il n'avait pas renseigné les candidats acquéreurs sur la signification de la mention AE figurant sur la fiche du véhicule, la chambre des appels correctionnels a délaissé le chef péremptoire des conclusions d'appel dont elle était saisie";

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré la prévenue coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant; d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.