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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 18 juin 1997, n° 93-3075

GRENOBLE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Industriels Drome Véhicules (SARL)

Défendeur :

Delhomme ; Pegaso (SA) ; Franfinance Bail (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beraudo

Conseillers :

M. Baumet, Mme Comte

Avoués :

Mes Ramillon, Grimaud, Perret & Pougnand, Calas, Balayn

Avocats :

Mes Mure, Champion, Leblond, Jullien-Palletier

Grenoble, du 31 mai 1995

31 mai 1995

Les faits et la procédure

Le 2 octobre 1989, Monsieur Gérard Delhomme a signé un bon de commande à la SARL Drome Véhicules Industriels -ci-après DVI- concessionnaire de la marque de poids lourds Pegaso à Valence portant sur un camion tracteur Pegaso, type 1231 T, avec référence au tarif n° 16 du 02 janvier 1989 équipé de trois options (prise de force, pont auto-bloquant, équipement hydraulique) ainsi que sur une "semi-remorque à définir",

Le bon de commande prévoit la reprise d'un camion benne Pegaso, de l'année 1989, type 2331 K, encore immatriculé en WW, ainsi qu'un financement par leasing,

Le 24 octobre 1989, Monsieur Delhomme prit possession de l'attelage comprenant une semi-remorque de marque Kaiser, pour un prix total de 540 906 F, et signa le procès-verbal de livraison, sans formuler de réserves,

Le 25 octobre 1989, DVI factura, pour cette somme, le tracteur Pegaso et une semi-remorque "Trailor",

Dans le cartouche prévu à cet effet, Auxibail n'a mentionné que le tracteur Pegaso comme objet de la convention de crédit-bail alors que les demandes de crédit-bail rédigées par DVI comme par Monsieur Delhomme mentionnent, à la fois, tracteur et semi-remorque,

Le financement fut assuré par la société Auxibail, devenue Franfinance, selon contrat de crédit-bail daté du 29 novembre 1989, prévoyant quarante-huit mensualités de 14 417,08 F, du 5 novembre 1989 au 5 octobre 1993,

Le 29 avril 1991, la société DVI a obtenu une ordonnance enjoignant à Monsieur Delhomme de lui payer la somme de 85 863,68 F, montant de diverses factures de réparation,

Opposition a été formée par Monsieur Delhomme, le 3 juin 1991,

Le 1er juillet 1991, la société Franfinance a obtenu une ordonnance l'autorisant à saisir le matériel donné à bail après résiliation de la convention consécutive à la défaillance du locataire dans le paiement des loyers,

La société Franfinance a assigné Monsieur Delhomme en paiement de l'arriéré locatif et lui réclame, à titre principal, le paiement de la somme de 587 109,59 F,

Monsieur Delhomme dénonça cette assignation à la société DVI et sollicite la résolution de la vente pour défaut de conformité du véhicule et la résiliation du contrat de crédit-bail, ainsi que la condamnation solidaire des sociétés DVI et Franfinance à lui rembourser les loyers payés par lui, soit 173 004,96 F.

Il demande, également, la condamnation de la société DVI à le relever indemne de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge au profit de la société Franfinance,

La société Franfinance appela en garantie la société DVI laquelle dénonça l'ensemble des assignations à la société Pegaso France pour le cas où elle-même serait condamnée,

En référé, Monsieur Delhomme avait obtenu l'institution d'une expertise confiée à Monsieur Dautricourt avec la mission principale de rechercher si le tracteur était conforme à la commande et si les factures de réparation étaient justifiées,

Dans son rapport daté du 17 février 1992, l'expert conclut que le véhicule livré est conforme au modèle commandé et que les factures de réparation, établies par DVI, correspondent à des travaux effectués dans les règles de l'art,

Par jugement contradictoirement rendu le 2 juin 1993, le Tribunal de commerce de Romans, après jonction des procédures, a :

- débouté Monsieur Delhomme de ses demandes de résolution de la vente et de résiliation du crédit-bail,

- condamné la société DVI à rembourser à Monsieur Delhomme, la somme de 20 000 F, montant de la remise consentie par la société Pegaso à son concessionnaire sur la vente du véhicule litigieux,

- constaté la résiliation de plein droit de la convention de crédit-bail "du fait de Monsieur Delhomme et de DVI",

- condamné solidairement Monsieur Delhomme et DVI à payer à Franfinance, en principal, la somme de 587 109,59 F,

- condamné la société Pegaso à payer à Monsieur Delhomme la somme de 23 720 F,

- condamné Monsieur Delhomme à payer à DVI la somme de 85 863,68 F,

Par arrêt contradictoirement rendu le 31 mai 1995 et frappé d'un pourvoi, la Cour d'appel de Grenoble a infirmé le jugement en toutes ses dispositions, a annulé la vente intervenue entre la société Drome Véhicules Industriels et la société Auxibail, relative au camion Pegaso Type 1231 T, immatriculé 3329 SQ 26, ainsi qu'à la semi-remorque de marque Kaiser, a dit que la première société devait procéder à l'enlèvement des deux véhicules et a renvoyé les parties à conclure pour le surplus,

Par requête, la société DVI sollicite la rectification d'une erreur matérielle affectant cet arrêt pour le faire compléter sur sa demande de garantie portée contre la société Pegaso France,

La société DVI, appelante, conclut, encore, au sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir sur le pourvoi porté par la société Pegaso France ; au débouté des demandes formulées par Monsieur Delhomme et par la société Franfinance et à la condamnation de Monsieur Delhomme à lui verser une indemnité de 10 000 F pour procédure abusive, la somme de 5 000 F, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'au recouvrement direct des dépens ; à titre subsidiaire, à l'irrecevabilité des demandes formées à son encontre par la société Pegaso France,

La société appelante sollicite le paiement des travaux de réparation et d'entretien exécutés sur le véhicule tracteur, par ses soins, en raison de leur utilité pour Monsieur Delhomme, ou au titre de la répétition de l'indû ou de l'enrichissement sans cause, avec intérêts au taux légal depuis l'ordonnance d'injonction de payer,

Elle ajoute qu'elle ne peut être condamnée à garantir Monsieur Delhomme des conséquences de la résiliation du contrat de crédit-bail, laquelle est intervenue avant la demande de résolution judiciaire, ce qui impose l'application des dispositions de l'article 13 du contrat de crédit-bail,

Elle souligne que le contrat ne prévoit pas le versement d'une indemnité de résiliation dans le cas de résolution du contrat de vente,

Elle fait encore valoir que par l'effet de la résolution de la vente, le contrat de crédit-bail est résilié, ce qui interdit de faire application de ses clauses,

Elle soutient que seule la restitution du prix pouvait lui être demandée,

Elle sollicite une indemnité pour tenir compte de la dépréciation du véhicule et de l'absence d'entretien, évaluée à la somme de 346 000 F HT, différence entre le prix d'achat (366 075 F) et la valeur de reprise (20 000 F),

A l'encontre des demandes de Monsieur Delhomme, elle souligne que ce dernier est de mauvaise foi,

A titre subsidiaire, elle demande à être garantie de toute condamnation par la société Pegaso, ce qui a déjà été tranché dans l'arrêt rendu le 31 mai 1995, et ce qui rend irrecevable les demandes reconventionnelles formées à son encontre par la société Pegaso,

Monsieur Gérard Delhomme, intimé, conclut à la condamnation des sociétés Pegaso et DVI à lui verser une indemnité totale de 1 444 926 F, ou bien à ce que la première société garantisse la seconde du montant de cette condamnation, avec intérêts moratoires au taux légal depuis l'ordonnance de référé ; à ce que la société Franfinance lui verse une indemnité de 100 000 F, pour avoir pris et maintenu une hypothèque sur ses biens, pour un montant bien supérieur à sa prétendue créance ; à ce qu'elle lui rembourse les 173 004 F, de loyers payés par lui, avec intérêts à compter du 31 mai 1995, et à ce qu'elle procède à la main-levée de cette hypothèque,

Monsieur Delhomme fait valoir que la société DVI lui a livré deux véhicules, non conforme au bon de commande, alors qu'il lui fut livré un véhicule tracteur d'occasion, ce dont il ne s'est pas rendu immédiatement compte et alors qu'ensuite, il a dû continuer à faire usage de ce matériel pour conserver sa clientèle, exécutant ses propres contrats de transport passés par cette dernière,

Il ajoute que la société Pegaso a, elle aussi, manqué à ses obligations contractuelles,

Il soutient, enfin, que le contrat de crédit-bail support du contrat de vente est censé n'avoir jamais existé, ce qui justifie la restitution de la totalité des acomptes versés -173 004 F-

Il conteste l'évaluation de la dépréciation du véhicule résultant de son utilisation parce que le montant du prix facturé est inexact -s'agissant d'un véhicule d'occasion, de l'année précédente- et parce que, lors de la restitution le véhicule n'avait parcouru que 120 000 Km, ce qui est loin du million de kilomètres qu'un camion peut normalement parcourir,

Il dénonce l'hypothèque inscrite par la société Franfinance, sûreté qui le priva de la libre disposition de ses terres et qui ne lui permit point d'apurer différents crédits,

La société Pegaso France, intimée, conclut pour une bonne administration de la justice à un sursis à statuer dans l'attente de la décision qui sera rendue par la Cour de cassation ; à titre subsidiaire, au débouté de Monsieur Delhomme et de la société Franfinance et de la société DVI ; au rejet des demandes fantaisistes d'indemnisations ; enfin, à la condamnation de Monsieur Delhomme et de la société DVI à lui verser la somme de 10 000 F, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'au recouvrement direct des dépens,

La société Pegaso fait valoir que le crédit-preneur n'a payé que douze mensualités, le dernier versement étant intervenu le 5 novembre 1991, si bien que la résiliation du contrat de crédit-bail ne saurait être la conséquence de l'annulation du contrat de vente des matériels,

Elle ajoute qu'en toute transparence, elle a vendu à la société, DVI professionnel avisé un véhicule de démonstration, conformément au bon de commande de cette société, lequel mentionne "VND", soit véhicule neuf de démonstration, notion qui ne peut être assimilée à un véhicule parfaitement neuf,

Elle souligne que la facture mentionne également "véhicule industriel de démonstration", avec une remise exceptionnelle de 20 000 F, soit 7 % du prix hors taxe du véhicule, et que tout professionnel pouvait se rendre compte qu'il ne s'agissait point d'un véhicule tout à fait neuf, par un simple examen superficiel,

Elle affirme qu'elle n'a donc commis aucune faute à l'égard de la société DVI ou de toute autre partie à l'instance, ce qui l'exonère de toute condamnation directe ou indirecte à répondre des manquements imputables à la seule société DVI,

La société Pegaso fait, encore, valoir qu'elle n'a pas à assumer les conséquences de la vente de la semi-remorque, à laquelle elle est étrangère, et dont Monsieur Delhomme a, d'ailleurs, accepté la livraison, sans objection,

A titre subsidiaire, la société Pegaso dénonce de façon globale, l'absence de justification des préjudices allégués par Monsieur Delhomme qui devait assurer le gardiennage du matériel utilisé par lui, qui a, en fait, utilisé la matériel et en a tiré profit, en parcourant un kilométrage conforme aux normes de la profession,

La société Pegaso ajoute que rien ne démontre que Monsieur Delhomme aurait exercé son option d'achat, en fin de contrat,

La société Franfinance, intimée, conclut à la condamnation de Monsieur Delhomme à lui payer les loyers échus avant la résiliation du crédit-bail, soit 587 109,55 F, avec intérêts au taux légal depuis l'assignation ; à titre subsidiaire, si la résiliation judiciaire du crédit-bail était prononcée en conséquence de la résolution du contrat de vente, à la condamnation de Monsieur Delhomme à lui payer les sommes de :

- 331 592,84 F, représentant le montant de vingt-trois loyers impayés jusqu'à la demande de résolution judiciaire, soit d'octobre 1990 à septembre 1992,

- 33 159,28 F, indemnité contractuelle de 10 %,

- 233 665,58 F, représentant l'indemnité de résiliation, (13 loyers, plus la valeur de rachat 27 501,32 F, plus une indemnité de 10 %),

A titre principal, la société Franfinance fait valoir que la demande judiciaire de résolution est postérieure à la résiliation contractuelle du crédit-bail si bien que Monsieur Delhomme lui est redevable de l'intégralité des loyers impayés,

A titre subsidiaire, elle réclame le paiement de diverses sommes si la résiliation du crédit-bail était prononcée en conséquence de l'annulation du contrat de vente,

En outre, la société Franfinance fait grief à Monsieur Delhomme d'avoir réceptionné un matériel non conforme ainsi qu'une semi-remorque d'une autre marque que celle mentionnée dans le contrat de crédit-bail,

Elle souligne que l'utilisateur a conservé le matériel jusqu'au 03 juillet 1995 et qu'elle n'a récupéré qu'un matériel pillé, dans un état déplorable,

Elle conteste les préjudices dont l'utilisateur réclame la réparation,

La société Franfinance conclut, encore, à titre subsidiaire, à ce que les sociétés Pegaso et DVI relèvent et garantissent Monsieur Delhomme de ses condamnations ou à ce qu'elle lui restituent le prix d'achat du matériel, soit 540 905,60 F, avec intérêts moratoires au taux légal depuis le 25 octobre 1989,

Sur ce

a) Attendu qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer, s'agissant de l'annulation de ventes intervenues en 1989,

b) Attendu que l'arrêt du 31 mai 1995 a annulé la vente des matériels conclue entre les sociétés DVI et Auxibail et expressément sursis à l'examen des autres demandes,

Qu'il n'y a donc pas eu omission de statuer,

Attendu que la société Pegaso France, est, par suite, recevable à contester les demandes tendant à le faire condamner avec la société DVI ou avec Monsieur Delhomme, ou bien à la faire relever et garantir ces derniers des conséquences de l'annulation de la vente,

Attendu que la société Pegaso France soutient avoir, en toute transparence, vendu à son concessionnaire un " véhicule neuf de démonstration " ce qui, selon ses conclusions, implique un certain kilométrage,

Que les mentions portées dans le bon de commande et la facture confirment, selon elle, l'accord des parties sur la nature exacte du véhicule tracteur lequel a vu son prix faire l'objet d'une remise de 20 000 F et fut pris sur parc, sans objection du concessionnaire,

Mais attendu que si le bon de commande adressé par DVI à Pegaso France, daté du 13 novembre 1989, porté sur un tracteur Pegaso, avec la mention "VND", véhicule neuf de démonstration, la société DVI n'avait pas, à ce moment-là, examiné le véhicule lequel se trouvait sur parc, à Rognac, près d'Aix-en-Provence,

Qu'il ne peut donc être utilement tiré argument de ce que la société DVI connaissait l'état du véhicule, lors de la commande,

Attendu, au contraire, ainsi qu'il résulte de l'arrêt du 31 mai 1995, le véhicule tracteur avait, avant de quitter Rognac, parcouru au moins 1418 kilomètres entre l'étalonnage d'un premier disque tachygraphique, le 1er décembre 1988, et l'enlèvement du tracteur à Rognac, en octobre 1989, par DVI,

Attendu que, contrairement à la réalité, la société Pegaso a attesté à DVI, par fax du 30 avril 1991, lui avoir vendu un véhicule neuf, chassis 764, "qui n'avait jamais circulé",

Que la preuve n'est donc pas rapportée de ce que la société Pegaso avait informé son concessionnaire du kilométrage réellement parcouru, dont nul ne prétend d'ailleurs qu'il apparaissait au tableau de bord,

Attendu que, vainement, la société Pegaso argumente sur la facturation, postérieure à l'accord intervenu, laquelle reproduit la mention "VND", sans précision supplémentaire,

Que si le bon de commande mentionne une remise de 20 000 F, nécessairement négociée avec l'importateur avant la rédaction du document, cette remise constitue expressément une "aide sur affaire difficile reprise 2331 K de 1989" ; que le 2 octobre 1989, Monsieur Delhomme avait, en effet, obtenu la reprise d'un tracteur PE 6ASU, de la même année, encore immatriculé WW, ce qui explique la démarche du concessionnaire auprès de l'importateur,

Qu'il ne s'agit donc point d'une remise sur le prix, fondée sur le kilométrage du tracteur vendu, mais d'une participation de l'importateur à l'effort commercial consenti par le concessionnaire à l'occasion de la reprise d'un autre tracteur,

Attendu, enfin, que du mauvais état de la peinture du tracteurn constaté par la société DVI lorsqu'elle prit possession du tracteur à Rognac et relaté par la succursale Pegaso Marseille dans un fax daté du 9 novembre 1989 décrivant une peinture complètement passée et rouillée, ainsi que des points de rouille sur le pare-choc et la calandre avant, il ne peut être déduit que le concessionnaire savait que le véhicule avait roulé ; que ces dégradations, pour la réparation desquelles il factura 1 300 F, le 31 janvier 1990 à Pegaso France, pouvait s'expliquer par le garage du véhicule en plein air et par la situation climatique à Rognac,

Attendu que, pour ces raisons, la vente conclue entre les sociétés Pegaso et DVI est annulée, le véhicule livré n'étant point conforme aux stipulations du bon de commande en raison du trop grand kilométrage parcouru,

Attendu que la société Pegaso est sans lien de droit avec Monsieur Delhomme ou avec la société Franfinance,

Attendu que les manquements à l'obligation de délivrance commis par les sociétés Pegaso et DVI ne sont point de même nature ; que la première s'était engagée à livrer un véhicule neuf de démonstration, la seconde un véhicule neuf,

Que le manquement imputable à la société Pegaso est ainsi sans lien direct avec le préjudice causé lors de la revente du tracteur,

Que la demande de condamnation solidaire des sociétés Pegaso et DVI est pour cette raison écartée,

Attendu, en revanche, que la société Pegaso devra garantir son concessionnaire des conséquences de l'annulation de la revente du tracteur, et de lui seul,

Que l'importateur est, en effet, étranger à la vente de la semi-remorque,

c) Attendu que la société Franfinance a vainement mis en demeure Monsieur Delhomme de lui régler l'arriéré de loyers les 14 mars et 02 mai 1991, dans un délai de huit jours, conformément aux stipulations du contrat de crédit-bail,

Qu'en raison de la carence de l'utilisateur, le crédit-bail fut résilié, conformément à l'article 13 de la convention, à l'expiration de ce délai,

Attendu que par ordonnance rendue le 29 août 1991, la société Franfinance fut autorisée à saisir, revendiquer et enlever le matériel,

Attendu que la société Franfinance est fondée à obtenir de Monsieur Delhomme le paiement de l'indemnité conventionnellement fixée en cas de résiliation, soit la somme de 587 109,59 F avec intérêts moratoires au taux légal à compter du 23 avril 1992, date de délivrance de l'assignation,

d) Attendu que s'il est de principe, désormais, que la résolution du contrat de vente entraîne nécessairement, la résiliation du contrat de crédit-bail, cette conséquence suppose que ce dernier contrat soit en cours au moment où la demande de résolution est formulée en justice,

Que tel ne fut pas le cas, la demande reconventionnelle de Monsieur Delhomme étant portée après la résiliation conventionnelle du crédit-bail,

Qu'il s'ensuit que Monsieur Delhomme n'est pas fondé à obtenir la restitution des loyers payés par lui d'autant que le paiement de ces derniers avait eu, pour contrepartie, la délivrance des matériels mis à disposition, et qu'en toute hypothèse, la résiliation du crédit-bail n'aurait produit effet que postérieurement à la demande judiciaire de résolution,

Attendu que la société Franfinance n'a pas commis de faute en prenant hypothèque sur les immeubles de l'utilisateur pour garantir du paiement de l'indemnité conventionnelle,

Qu'il n'y a donc point lieu à indemnisation de Monsieur Delhomme par la société Franfinance,

Attendu, en revanche, que Monsieur Delhomme a droit à obtenir la réparation du préjudice résultant de l'annulation du contrat de vente,

Attendu que, par l'effet des dispositions de l'article 3 de la convention de crédit-bail, Monsieur Delhomme est cessionnaire de la créance de Franfinance à l'endroit de DVI en garantie et en responsabilité née de la vente,

Attendu que la société DVI oppose, vainement, la résiliation antérieure du crédit-bail,

Qu'en effet, la cession de créance consentie au crédit-preneur pour l'exercice des recours contre le vendeur (Com. 04 juin 1996 RJDA 1996 n° 1223) a pour contrepartie la renonciation du preneur au bénéfice de la garantie du crédit-bailleur,

Qu'en l'absence de stipulation contraire, cette cession demeure acquise au preneur, même après la résiliation du crédit-bail (Com. 8.12.1992 Bull IV n° 396),

Attendu qu'au titre de cette cession de créance, Monsieur Delhomme a droit à obtenir la restitution du prix des véhicules, soit la somme de 456 075 F HT avec intérêts au taux légal depuis le 20 octobre 1992, date d'appel en cause de DVI,

Attendu que la société DVI doit encore réparer le préjudice prévisible directement subi par Monsieur Delhomme du fait de la délivrance non conforme du tracteur ;

Attendu que la société DVI connaissait l'existence d'un financement par crédit-bail, ainsi qu'il résulte de la vente des matériels consentis à la société Franfinance,

Qu'à titre d'indemnité, la société DVI devra verser le complément de la condamnation de Monsieur Delhomme prononcée au profit de la société Franfinance, soit la somme de (587 109,59 - 456 075) 131 034,59 F, avec intérêts au taux légal depuis le 20 octobre 1992, date d'appel en cause de DVI,

Attendu, en revanche, que Monsieur Delhomme n'a droit à aucune autre réparation complémentaire dès lors qu'il ne démontre point que les préjudices allégués par lui sont la conséquence d'une délivrance des matériels non conforme aux stipulations du contrat de vente,

Qu'il n'est pas établi, en effet, que les pannes subies par le tracteur serait résultée du kilométrage initial,

Qu'au contraire, les pannes constatées provenaient initialement d'un vice caché, tenant au circuit de lubrification du haut moteur, ainsi qu'il résulte du courrier daté du 9 avril 1990 adressé par DVI à Monsieur Delhomme, et, ensuite, du type de matériel (expertise judiciaire n° 2),

Attendu que l'expert judiciaire a exactement relevé que Monsieur Delhomme avait toujours fait exécuter les réparations au titre de la garantie conventionnelle et que les conditions de vente écartaient toute indemnisation du fait de l'immobilisation du véhicule,

Attendu que rien ne démontre que l'utilisateur aurait fait l'acquisition du matériel en fin de contrat ; que l'état de ce dernier, constaté par huissier le 3 juillet 1995, révèle qu'au contraire, l'utilisateur entendait en faire abandon à son propriétaire,

Attendu que seul est établi le préjudice moral résultant de la démarche du concessionnaire ; qu'à ce titre Monsieur Delhomme recevra une indemnité de 10 000 F,

e) Attendu que, l'effet rétroactif de la résolution du contrat de vente fait obligation à Monsieur Delhomme d'indemniser DVI pour l'usage de matériel dont il eut la disposition de novembre 1989 jusqu'à juillet 1995,

Qu'à ce titre, la société DVI recevra une indemnité de 250 000 F, eu égard aux loyers mensuels de 11 854,57 F HT et au 170 000 Km parcourus,

Attendu que la société DVI a, encore, droit à la rémunération des ordres de travaux passés par Monsieur Delhomme pour l'entretien et les réparations des matériels dont il avait l'usage,

Que l'article 7 de la convention de crédit-bail mettait, d'ailleurs, à la charge du locataire les frais d'entretien des matériels,

Qu'à ce titre, DVI recevra de Monsieur Delhomme la somme de 85 863,68 F, proposition de l'expert judiciaire non discutée,

f) Attendu que DVI a le droit d'obtenir de son vendeur, Pegaso France, la réparation du préjudice prévisible résultant directement de l'annulation de la vente du tracteur,

Attendu que DVI recevra la somme de 270 160 F HT, en remboursement du prix du tracteur porté dans le bon de commande du 13 novembre 1989,

Attendu, s'agissant de matériels à usage professionnel, qu'il est prévisible, pour l'importateur, que le matériel soit acquis avec recours à un financement par un tiers,

Que la semi-remorque représentant le quart de la facturation adressée à Franfinance, Pegaso devra supporter les trois quarts de l'indemnisation complémentaire mise à la charge de DVI, soit (131 034 x 3/4) 98 275,50 F,

g) Attendu qu'il ne peut être déduit du seul rejet d'une argumentation, même réitéré, la commission d'un quelconque abus ; qu'il n'est donc pas fait droit aux demandes d'indemnisation,

Attendu que la nature professionnelle du litige rendrait inéquitable toute application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Attendu que les frais d'expertise exposés pour établir l'origine du tracteur ainsi que le bien-fondé des factures de réparation, seront partagés à parts égales entre Monsieur Delhomme et la société DVI,

Attendu que les autres dépens seront partagés, à parts égales, entre Monsieur Delhomme, la société DVI et la société Pegaso,

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, Joint la procédure numéro 97-666 à celle numéro 93-3075, Dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer, Annule la vente du tracteur Pegaso intervenue entre la société Pegaso France et la société DVI, en novembre 1989, Condamne Monsieur Gérard Delhomme à payer à la société Franfinance la somme de 587 109,55 F, avec intérêts moratoires au taux légal depuis le 23 avril 1992, Condamne la société DVI à payer à Monsieur Gérard Delhomme les sommes de 456 075 F, de 131 034,59 F, ces sommes avec intérêts moratoires depuis le 20 octobre 1992, et celle de 10 000 F, Condamne Monsieur Gérard Delhomme à payer à la société DVI les sommes de 250 000 F et de 85 863,68 F, cette dernière avec intérêts moratoires depuis la date de signification de l'ordonnance d'injonction de payer, Condamne la société Pegaso France à payer à la société DVI les sommes de 270 160 et de 98 275,50 F, Déboute les parties de leurs autres demandes, Partage les frais d'expertise par moitié entre Monsieur Delhomme et la société DVI, Partage les autres dépens par tiers entre Monsieur Delhomme, la société DVI et la société Pegaso France avec, pour ceux d'appel droit de recouvrement direct au profit des avoués.