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Décisions

CJCE, 15 février 2001, n° C-239/99

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Nachi Europe GmbH

Défendeur :

Hauptzollamt Krefeld

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rodríguez Iglesias

Présidents de chambre :

MM. Gulmann, La Pergola, M. Wathelet, Skouris

Avocat général :

M. Jacobs

Juges :

MM. Edward, Puissochet, Jann, Sevón, Schintgen, Mme Macken

Avocats :

Mes Polley, Scheffler, Berrisch, Kamann

CJCE n° C-239/99

15 février 2001

LA COUR,

1. Par ordonnance du 21 juin 1999, parvenue à la Cour le 24 juin suivant, le Finanzgericht Düsseldorf a posé, en application de l'article 234 CE, deux questions préjudicielles relatives à la validité de l'article 1er, point 2, du règlement (CEE) n° 2849-92 du Conseil, du 28 septembre 1992, modifiant le droit antidumping définitif institué par le règlement (CEE) n° 1739-85 sur les importations de roulements à billes originaires du Japon dont le plus grand diamètre extérieur excède 30 millimètres (JO L 286, p. 2).

2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Nachi Europe GmbH (ci-après "Nachi Europe") au Hauptzollamt Krefeld (ci-après le "Hauptzollamt"), à la suite de la décision de ce dernier de rejeter la demande de Nachi Europe tendant au remboursement de droits antidumping acquittés en application du règlement n° 2849-92.

Le cadre juridique

Le règlement n° 2849-92

3. Le règlement (CEE) n° 1739-85 du Conseil, du 24 juin 1985, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains roulements à billes et à rouleaux coniques originaires du Japon (JO L 167, p. 3), a instauré des droits antidumping définitifs sur les importations de roulements à billes originaires du Japon dont le plus grand diamètre extérieur excède 30 millimètres. En particulier, le règlement n° 1739-85 frappait les roulements à billes fabriqués par NTN Toyo Bearing Ltd (ci-après "NTN"), Koyo Seiko Co. Ltd (ci-après "Koyo Seiko") et Nachi Fujikoshi Corporation (ci-après "Nachi Fujikoshi") de droits antidumping définitifs s'élevant, respectivement, à 3,2 %, 5,5 % et 13,9 % du prix net, franco frontière communautaire, du produit non dédouané.

4. Ces droits ont été modifiés par le règlement n° 2849-92, adopté sur le fondement du règlement (CEE) n° 2423-88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 209, p. 1), et entré en vigueur à compter du 2 octobre 1992.

5. Il ressort notamment des motifs du règlement n° 2849-92 que le Conseil a estimé que la suppression des mesures antidumping existantes conduirait à la résurgence d'un préjudice important pour l'industrie communautaire (point 39 des motifs) et que la Communauté avait manifestement intérêt à continuer à protéger son industrie de roulements à billes contre la concurrence déloyale des importations effectuées en dumping (point 44 des motifs). Après avoir comparé les niveaux de prix (points 45 à 52 des motifs), le règlement n° 2849-92 a modifié les droits définitifs existants, en fixant notamment ceux-ci, dans son article 1er, point 2, à 11,6 % pour NTN, 13,7 % pour Koyo Seiko et 7,7 % pour Nachi Fujikoshi.

L'arrêt du Tribunal NTN Corporation et Koyo Seiko-Conseil et l'arrêt de la Cour Commission-NTN et Koyo Seiko

6. Saisi par NTN et Koyo Seiko d'un recours en annulation du règlement n° 2849-92, le Tribunal de première instance des Communautés européennes a, par arrêt du 2 mai 1995, NTN Corporation et Koyo Seiko-Conseil (T-163-94 et T-165-94, Rec. p. II-1381), annulé l'article 1er du règlement n° 2849-92 "dans la mesure où il impose un droit antidumping aux requérantes".

7. Il ressort de l'arrêt NTN Corporation et Koyo Seiko-Conseil, précité, que le Tribunal a considéré que plusieurs points des motifs du règlement n° 2849-92 comportaient des constatations qui étaient entachées d'erreurs de fait ou de droit, ou qui étaient trompeuses de par leur caractère incomplet. Le Tribunal en a conclu que l'affirmation figurant au point 39 des motifs de ce règlement, selon laquelle les importations en dumping menaçaient de causer un préjudice important à la production des roulements à billes de la Communauté, était elle-même erronée en droit et en fait.

8. Par son arrêt du 10 février 1998, Commission-NTN et Koyo Seiko (C-245-95 P, Rec. p. I-401), la Cour a rejeté le pourvoi formé par la Commission contre l'arrêt NTN Corporation et Koyo Seiko-Conseil, précité. La Cour a notamment relevé que l'omission du Conseil, constatée par le Tribunal, d'établir un préjudice ou une menace de préjudice au sens de l'article 4 du règlement n° 2423-88 suffisait à entraîner l'annulation de l'article 1er du règlement n° 2849-92.

9. Tirant les conséquences des arrêts NTN Corporation et Koyo Seiko-Conseil et Commission-NTN et Koyo Seiko, précités, la Commission a, le 3 juin 1998, publié la communication 98-C 168-04, intitulée "Note relative aux importations de roulements à billes d'un diamètre extérieur excédant 30 mm originaires du Japon" (JO C 168, p. 6), dans laquelle elle indique que les importateurs peuvent réclamer le remboursement par les autorités douanières nationales des droits définitifs perçus après l'entrée en vigueur du règlement n° 2849-92, pour ce qui a trait aux produits manufacturés par Koyo Seiko et NTN.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10. Nachi Europe, qui est une filiale de Nachi Fujikoshi, a importé en novembre et en décembre 1995 des roulements à billes originaires du Japon, fabriqués par sa société mère, et les a mis en libre pratique au poste de douane de Mönchengladbach, qui dépend du Hauptzollamt.

11. Nachi Europe a acquitté à ce titre des droits antidumping d'un montant total de 58 891,51 DEM qui lui avaient été réclamés par avis de paiement des 17 novembre 1995 et 29 décembre 1995.

12. Par lettre parvenue au Hauptzollamt le 19 novembre 1998, Nachi Europe a demandé le remboursement des droits antidumping qu'elle avait payés, en invoquant l'illégalité du règlement n° 2849-92, découlant des arrêts NTN Corporation et Koyo Seiko-Conseil et Commission-NTN et Koyo Seiko, précités.

13. Le Hauptzollamt a rejeté la demande de remboursement par décision du 11 janvier 1999. Il a également rejeté la réclamation introduite par Nachi Europe contre cette décision.

14. À l'appui du recours qu'elle a alors formé auprès du Finanzgericht Düsseldorf, Nachi Europe a fait valoir que le règlement n° 2849-92 impose des droits antidumping sur les roulements à billes qu'elle a importés et que, dans les arrêts NTN Corporation et Koyo Seiko-Conseil et Commission-NTN et Koyo Seiko, précités, il a été fait droit aux recours en annulation d'autres importateurs.

15. Le Finanzgericht a relevé que, si les arrêts NTN Corporation et Koyo Seiko-Conseil et Commission-NTN et Koyo Seiko, précités, n'ont déclaré le règlement n° 2849-92 invalide qu'à l'égard des requérantes dans ces affaires, et non à l'égard de Nachi Europe, les motifs de ces arrêts portent néanmoins à conclure que l'article 1er, point 2, dudit règlement est totalement invalide.

16. Dans ces circonstances, le Finanzgericht Düsseldorf a décidé de surseoir à statuer et de soumettre à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) L'article 1er, point 2, du règlement (CEE) n° 2849-92 est-il invalide?

2) En cas de réponse affirmative à la première question, à quelle date l'invalidité de l'article 1er, point 2, du règlement (CEE) n° 2849-92 prend-elle effet au profit de la demanderesse?"

Sur la première question

17. Il ressort de l'ordonnance de renvoi que, par sa première question, la juridiction de renvoi cherche à savoir non pas si l'article 1er, point 2, du règlement n° 2849-92 est invalide dans son ensemble, mais seulement si cette disposition est invalide en tant qu'elle impose un droit antidumping applicable aux roulements à billes fabriqués par Nachi Fujikoshi et importés par sa filiale, Nachi Europe, seuls produits en cause dans le litige au principal.

18. À cet égard, il y a lieu d'examiner, d'une part, si les arrêts NTN Corporation et Koyo Seiko-Conseil et Commission-NTN et Koyo Seiko, précités, ont eu pour effet d'affecter la validité de l'article 1er, point 2, du règlement n° 2849-92, en tant que cette disposition fixe un droit antidumping applicable aux roulements à billes fabriqués par Nachi Fujikoshi, et, d'autre part, si, en l'absence d'un tel effet, Nachi Europe peut invoquer l'invalidité de ce droit antidumping à l'occasion d'un litige devant une juridiction nationale.

Sur l'effet des arrêts NTN Corporation et Koyo Seiko-Conseil et Commission-NTN et Koyo Seiko, précités, sur la validité du droit antidumping applicable aux roulements à billes fabriqués par Nachi Fujikoshi

19. Il convient au préalable de rappeler les conditions dans lesquelles un particulier est recevable à introduire un recours en annulation contre un règlement instituant un droit antidumping tel que le règlement n° 2849-92.

20. L'article 230, quatrième alinéa, CE subordonne la recevabilité d'un recours en annulation formé par une personne physique ou morale à la condition que l'acte attaqué, même s'il a été pris sous l'apparence d'un règlement, la concerne directement et individuellement.

21. Or, selon une jurisprudence constante, les règlements instituant un droit antidumping, bien qu'ils aient, par leur nature et leur portée, un caractère normatif, sont de nature à concerner directement et individuellement, entre autres, celles des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu'elles ont été identifiées dans les actes de la Commission ou du Conseil ou concernées par les enquêtes préparatoires (voir, notamment, arrêt du 21 février 1984, Allied Corporation e.a.-Commission, 239-82 et 275-82, Rec. p. 1005, point 12), ou encore ceux des importateurs dont les prix de revente des marchandises en cause sont à la base de la construction du prix à l'exportation, en cas d'association entre l'exportateur et l'importateur (voir, notamment, arrêt du 11 juillet 1990, Neotype Techmashexport-Commission et Conseil, C-305-86 et C-160-87, Rec. p. I-2945, point 19).

22. La Cour a précisé que, lorsqu'un règlement instituant un droit antidumping impose des droits différents à une série de sociétés, une société n'est individuellement concernée que par les seules dispositions qui lui imposent un droit antidumping particulier et en fixent le montant, et non par celles qui imposent des droits antidumping à d'autres sociétés, de telle sorte que le recours de cette société n'est recevable que dans la mesure où il tend à l'annulation du règlement dans celles de ses dispositions qui la concernent exclusivement (voir arrêts du 7 mai 1987, Toyo-Conseil, 240-84, Rec. p. 1809, points 6 et 7; Nachi Fujikoshi-Conseil, 255-84, Rec. p. 1861, points 7 et 8; Koyo Seiko-Conseil, 256-84, Rec. p. 1899, points 6 et 7, et Nippon Seiko-Conseil, 258-84, Rec. p. 1923, points 7 et 8).

23. C'est dans le cadre de cette jurisprudence que NTN et Koyo Seiko, entreprises productrices de roulements à billes nommément désignées dans le règlement n° 2849-92, ont introduit chacune auprès du Tribunal un recours tendant à l'annulation de ce règlement en tant qu'il affectait chacune d'entre elles.

24. Par son arrêt NTN Corporation et Koyo Seiko-Conseil, précité, le Tribunal a fait droit aux recours de ces sociétés, dans la limite des conclusions dont il était saisi, c'est-à-dire en annulant l'article 1er du règlement n° 2849-92 uniquement en tant qu'il imposait un droit antidumping aux sociétés NTN Corporation et Koyo Seiko, ceci conformément à la jurisprudence selon laquelle, le juge communautaire de l'excès de pouvoir nepouvant statuer ultra petita (voir arrêts du 14 décembre 1962, Meroni-Haute Autorité, 46-59 et 47-59, Rec. p. 783, 801, et du 28 juin 1972, Jamet-Commission, 37-71, Rec. p. 483, point 12), l'annulation qu'il prononce ne saurait excéder celle sollicitée par le requérant (arrêt du 14 septembre 1999, Commission-AssiDomän Kraft Products e.a., C-310-97 P, Rec. p. I-5363, point 52).

25. La Cour a précisé à cet égard que, si un destinataire d'une décision décide d'introduire un recours en annulation, le juge communautaire n'est saisi que des éléments de la décision le concernant, alors que ceux concernant d'autres destinataires, qui n'ont pas été attaqués, n'entrent pas dans l'objet du litige que le juge communautaire est appelé à trancher (arrêt Commission-AssiDomän Kraft Products e.a., précité, point 53).

26. Par ailleurs, la Cour a jugé que, si l'autorité absolue dont jouit un arrêt d'annulation d'une juridiction communautaire s'attache tant au dispositif de l'arrêt qu'aux motifs qui en constituent le soutien nécessaire, elle ne peut entraîner l'annulation d'un acte non déféré à la censure du juge communautaire qui serait entaché de la même illégalité (arrêt Commission-AssiDomän Kraft Products e.a., précité, point 54).

27. Dans ces conditions, il y a lieu de constater que l'annulation par le Tribunal, dans son arrêt NTN Corporation et Koyo Seiko-Conseil, précité, confirmé par la Cour dans son arrêt Commission-NTN et Koyo Seiko, précité, de l'article 1er du règlement n° 2849-92, en tant qu'il impose un droit antidumping aux sociétés NTN et Koyo Seiko, n'affecte pas la validité des autres éléments de ce règlement, et notamment du droit antidumping applicable aux roulements à billes fabriqués par Nachi Fujikoshi, dès lors que ces éléments n'entraient pas dans l'objet du litige que le juge communautaire était appelé à trancher.

Sur la possibilité pour Nachi Europe d'invoquer l'invalidité du droit antidumping à l'occasion d'un litige devant une juridiction nationale

28. Indépendamment des effets de l'annulation partielle prononcée par le Tribunal dans son arrêt NTN Corporation et Koyo Seiko-Conseil, précité, il convient d'examiner si Nachi Europe est recevable à invoquer l'invalidité du droit antidumping applicable aux roulements à billes fabriqués par Nachi Fujikoshi à l'occasion d'un litige devant une juridiction nationale.

29. Il y a lieu de rappeler tout d'abord que, selon une jurisprudence constante, une décision adoptée par les institutions communautaires qui n'a pas été attaquée par son destinataire dans le délai prévu par l'article 230, cinquième alinéa, CE devient définitive à son égard (voir, notamment, arrêts du 12 octobre 1978, Commission-Belgique, 156-77, Rec. p. 1881, points 20 à 24; du 10 juin 1993, Commission-Grèce, C-183-91, Rec. p. I-3131, points 9 et 10, et du 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf, C-188-92, Rec. p. I-833, point 13). Une telle jurisprudence est fondée notamment sur la considération que les délais de recours visent à sauvegarder la sécurité juridique en évitant la remise en cause indéfinie desactes communautaires entraînant des effets de droit (arrêt du 30 janvier 1997, Wiljo, C-178-95, Rec. p. I-585, point 19).

30. La Cour a également jugé que les mêmes exigences de sécurité juridique conduisent à exclure la possibilité, pour le bénéficiaire d'une aide d'État, objet d'une décision de la Commission adressée directement au seul État membre dont relevait ce bénéficiaire, qui aurait pu sans aucun doute attaquer cette décision et qui a laissé s'écouler le délai impératif prévu à cet égard par l'article 230, cinquième alinéa, CE, de remettre en cause la légalité de celle-ci devant les juridictions nationales à l'occasion d'un recours dirigé contre les mesures d'exécution de cette décision, prises par les autorités nationales (arrêts précités TWD Textilwerke Deggendorf, points 17 et 24, et Wiljo, points 20 et 21). La Cour a en effet considéré qu'adopter la solution contraire reviendrait à reconnaître au bénéficiaire de l'aide la faculté de contourner le caractère définitif qui, en vertu du principe de sécurité juridique, doit s'attacher à une décision après l'expiration des délais de recours (arrêts précités TWD Textilwerke Deggendorf, point 18, et Wiljo, point 21).

31. Il convient d'examiner si, comme le soutiennent le Conseil et la Commission, la solution retenue dans l'arrêt TWD Textilwerke Deggendorf, précité, peut être étendue au cas où, comme dans le litige au principal, c'est l'invalidité d'un règlement antidumping qui est invoquée, à l'occasion d'un litige devant une juridiction nationale, par une entreprise se trouvant dans une situation telle que celle de Nachi Europe.

32. Sur ce point, Nachi Europe a soutenu à l'audience que la solution retenue dans l'arrêt TWD Textilwerke Deggendorf, précité, ne pouvait être appliquée dans le cas où l'invalidité d'un règlement est invoquée à titre incident, dès lors que l'article 241 CE permet à toute partie d'invoquer à titre incident l'inapplicabilité d'un règlement, en dépit de l'expiration du délai de recours prévu à l'article 230, cinquième alinéa, CE.

33. À cet égard, il convient de rappeler tout d'abord que, selon une jurisprudence constante, la possibilité que donne l'article 241 CE d'invoquer l'inapplicabilité d'un règlement ne constitue pas un droit d'action autonome et ne peut être exercée que de manière incidente à l'occasion d'une procédure poursuivie devant la Cour elle-même sur le fondement d'une autre disposition du traité (arrêts du 14 décembre 1962, Wöhrmann et Lütticke, 31-62 et 33-62, Rec. p. 965, 979; du 16 juillet 1981, Albini-Conseil et Commission, 33-80, Rec. p. 2141, point 17; du 11 juillet 1985, Salerno e.a.-Commission et Conseil, 87-77, 130-77, 22-83, 9-84 et 10-84, Rec. p. 2523, point 36, et ordonnance du 28 juin 1993, Donatab e.a.-Commission, C-64-93, Rec. p. I-3595, point 19).

34. L'article 241 CE ne pouvant être invoqué devant la Cour en l'absence de recours principal dont celle-ci serait saisie, cette disposition ne saurait, en tant que telle, être appliquée dans le cadre de la procédure de renvoi préjudiciel prévue à l'article 234 CE. Ainsi que l'a observé M. l'avocat général au point 62 de ses conclusions, l'article 234 CE prévoit lui-même une procédure permettant de trancher une question qui se poseau sujet de la validité d'un acte communautaire, lorsqu'une telle question se pose à titre incident à l'occasion d'un litige devant une juridiction nationale.

35. Il est vrai, cependant, que l'article 241 CE exprime un principe général du droit qui assure au demandeur le droit, dans le cadre d'un recours formé selon le droit national contre le rejet de sa demande, d'exciper de l'illégalité d'un acte communautaire qui sert de fondement à la décision nationale prise à son encontre, la question de la validité de cet acte communautaire pouvant dès lors être déférée à la Cour dans le cadre d'une procédure préjudicielle (arrêt du 27 septembre 1983, Universität Hamburg, 216-82, Rec. p. 2771, points 10 et 12).

36. La Cour a indiqué également que ce principe général assure à toute partie le droit de contester, en vue d'obtenir l'annulation d'une décision qui la concerne directement et individuellement, la validité des actes institutionnels antérieurs, constituant la base juridique de la décision attaquée, si cette partie ne disposait pas du droit d'introduire, en vertu de l'article 230 CE, un recours direct contre ces actes, dont elle subit les conséquences sans avoir été en mesure d'en demander l'annulation (arrêts du 6 mars 1979, Simmenthal-Commission, 92-78, Rec. p. 777, point 39, et TWD Textilwerke Deggendorf, précité, point 23).

37. Toutefois, ce principe général, qui tend à garantir que toute personne dispose ou ait disposé d'une possibilité de contester un acte communautaire qui sert de fondement à une décision qui lui est opposée, ne s'oppose nullement à ce qu'un règlement devienne définitif pour un particulier, à l'égard duquel il doit être regardé comme une décision individuelle et qui aurait pu sans aucun doute en demander l'annulation en vertu de l'article 230 CE, ce qui empêche ce particulier d'exciper devant la juridiction nationale de l'illégalité de ce règlement (voir, pour ce qui concerne une décision de la Commission, arrêt TWD Textilwerke Deggendorf, précité, points 24 et 25). Une telle conclusion s'applique aux règlements instituant des droits antidumping, en raison de leur double nature, relevée par la Cour dans la jurisprudence mentionnée au point 21 du présent arrêt, d'actes à caractère normatif et d'actes susceptibles de concerner directement et individuellement certains opérateurs économiques.

38. Or, dans la présente affaire, Nachi Europe, la requérante au principal, aurait pu sans aucun doute demander l'annulation de l'article 1er, point 2, du règlement n° 2849-92, en tant qu'il fixe un droit antidumping applicable aux roulements à billes fabriqués par Nachi Fujikoshi.

39. En effet, ainsi que M. l'avocat général l'a relevé aux points 32 à 34 de ses conclusions, Nachi Europe est un importateur associé à Nachi Fujikoshi et dont les prix de revente des marchandises en cause ont été à la base de la construction du prix à l'exportation retenu par le règlement n° 2849-92 pour établir les marges de dumping concernant Nachi Fujikoshi. Or, conformément à la jurisprudence mentionnée aux points 21 et 22 du présent arrêt, cette circonstance permettait de considérer Nachi Europe comme directement et individuellement concernée par les dispositions de ce règlement qui imposaient un droit antidumping particulier aux produits fabriqués par Nachi Fujikoshi.

40. Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent qu'il convient de répondre à la première question que ni l'arrêt du Tribunal NTN Corporation et Koyo Seiko-Conseil, précité, ni celui de la Cour Commission-NTN et Koyo Seiko, précité, n'ont eu pour effet d'affecter la validité de l'article 1er, point 2, du règlement n° 2849-92, en tant qu'il fixe un droit antidumping applicable aux roulements à billes fabriqués par Nachi Fujikoshi.

Un importateur de ces produits, tel Nachi Europe, qui disposait sans aucun doute d'un droit de recours devant le Tribunal en vue d'obtenir l'annulation du droit antidumping frappant ces produits, mais n'a pas exercé un tel recours, ne peut par la suite invoquer l'invalidité de ce droit antidumping devant une juridiction nationale. Dans un tel cas, la juridiction nationale est liée par le caractère définitif du droit antidumping applicable en vertu de l'article 1er, point 2, du règlement n° 2849-92 aux roulements à billes fabriqués par Nachi Fujikoshi et importés par Nachi Europe.

Sur la seconde question

41. La seconde question n'ayant été posée par la juridiction de renvoi que dans l'hypothèse où une réponse affirmative serait apportée à la première question, il n'y a pas lieu d'y répondre.

Sur les dépens

42. Les frais exposés par le Conseil et la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur les questions à elle soumises par le Finanzgericht Düsseldorf, par ordonnance du 21 juin 1999, dit pour droit:

Ni l'arrêt du Tribunal de première instance du 2 mai 1995, NTN Corporation et Koyo Seiko-Conseil (T-163-94 et T-165-94), ni celui de la Cour de justice du 10 février 1998, Commission-NTN et Koyo Seiko (C-245-95 P), n'ont eu pour effet d'affecter la validité de l'article 1er, point 2, du règlement (CEE) n° 2849-92 du Conseil, du 28 septembre 1992, modifiant le droit antidumping définitif instituépar le règlement (CEE) n° 1739-85 sur les importations de roulements à billes originaires du Japon dont le plus grand diamètre extérieur excède 30 millimètres, en tant qu'il fixe un droit antidumping applicable aux roulements à billes fabriqués par Nachi Fujikoshi Corporation.

Un importateur de ces produits, tel Nachi Europe GmbH, qui disposait sans aucun doute d'un droit de recours devant le Tribunal en vue d'obtenir l'annulation du droit antidumping frappant ces produits, mais n'a pas exercé un tel recours, ne peut par la suite invoquer l'invalidité de ce droit antidumping devant une juridiction nationale. Dans un tel cas, la juridiction nationale est liée par le caractère définitif du droit antidumping applicable en vertu de l'article 1er, point 2, du règlement n° 2849-92 aux roulements à billes fabriqués par Nachi Fujikoshi Corporation et importés par Nachi Europe GmbH.