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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 29 juin 2005, n° 04-00010

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Devenir 2F (SARL) ; EcoGaz Distribution (SARL)

Défendeur :

Butagaz (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Conseillers :

M. Roche, Mme Kermina

Avoués :

SCP Ribaut Alain, Vincent, Me Teytaud

Avocats :

Mes Bourguet, Pitron

T. com. Paris, du 29 sept. 2003

29 septembre 2003

La société Butagaz, qui a pour activité la distribution de gaz de pétrole liquéfié et confie la commercialisation et la livraison de ses produits à un réseau de mandataires répartis sur le territoire français, a conclu en 1969 un premier contrat de mandat avec la société Electro Comptoir de l'Ouest (Eco) successivement dirigée par M. Albert Ravet, puis à partir de 1974 par son fils M. Ravet, enfin à partir de 1984 par la veuve de ce dernier, Danielle Ravet qui s'est remariée en 1990 avec M. Alain Faveau. La société Eco a étendu sa zone de distribution en 1986 à la Charente Maritime, la logistique de distribution ayant été confiée à cette occasion à une filiale de la société Eco, la société EcoGaz Distribution (ci-après société EcoGaz) constituée à cette fin le 18 février 1986.

M. et Mme Faveau ont constitué une nouvelle société dénommée 2F, qui a racheté par acte sous seing privé du 28 février 1992 au prix d'environ 5 000 000 F, les parts que détenaient la société Eco, Mme Faveau anciennement veuve Ravet et ses belles-soeurs dans le capital de la société EcoGaz. Un nouveau contrat de mandat a été conclu le même jour puis à nouveau le 25 juin 1992 entre La société Butagaz et la société 2F représentée par les époux Faveau en qualité de gérants. Enfin, le 9 janvier 1995, la société 2F a également racheté les parts détenues par les enfants Ravet dans la société EcoGaz.

Les relations entre la société Butagaz et son nouveau mandataire se sont rapidement dégradées, entraînant l'envoi par le mandant de divers courriers de rappels et d'avertissements dès l'année 1993. Après plusieurs courriers adressés à son mandataire les 17 novembre 1995, 16 février 1996 et 6 septembre 1996 pour le mettre en demeure d'exécuter ses obligations contractuelles, la société Butagaz a fait effectuer un audit fin 1996, au vu duquel un délai de six mois a été imparti à la société 2F par courrier RAR du 18 décembre 1996 pour faire connaître les mesures qui seraient mises en œuvre pour pallier les dysfonctionnements constatés.

Ce courrier n'ayant fait l'objet d'aucune réponse, la société Butagaz a résilié le mandat par lettre RAR du 30 juin 1997, sans indemnité mais avec un préavis de trois mois, la résiliation prenant effet le 30 septembre 1997.

C'est dans ces conditions que la société 2F a assigné le 12 septembre 1997 la société Butagaz devant le Tribunal de commerce de Paris, en paiement d'une indemnité de cessation de son mandat d'agent commercial chiffrée à 25 575 000 F correspondant à deux années de commissions brutes, de 300 000 F au titre d'un solde de commissions, de 6 652 000 F en remboursement des moyens d'exploitation et de 3 000 000 F de dommages-intérêts au titre du préjudice résultant de la résiliation abusive du contrat. La société EcoGaz est intervenue volontairement à l'instance pour demander 727 432 F de dommages-intérêts en réparation de son propre préjudice. La société Butagaz a demandé reconventionnellement la condamnation de la société 2F à lui payer des arriérés s'élevant à 661 234 F et opposé une fin de non-recevoir à l'intervention volontaire de la société EcoGaz.

Par jugement contradictoire du 29 septembre 2003, le tribunal saisi a :

- donné acte à la société EcoGaz de son intervention volontaire,

- dit cette intervention recevable mais mal fondée,

- condamné la société Butagaz à payer à la société 2F 974 339,78 euro avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 1997,

- condamné la société 2F à payer à la société Butagaz 100 904,51 euro avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 1997,

- ordonné la compensation à due concurrence entre ces deux sommes,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et condamné la société Butagaz aux dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 20 avril 2005, la SARL Devenir 2F anciennement dénommée 2F et la SARL EcoGaz Distribution, appelantes, prient la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a déclaré l'appel de la société EcoGaz irrecevable,

- dire et juger que la société EcoGaz a subi un préjudice personnel du fait de la rupture du contrat conclu entre la société 2F et Butagaz puisque cette rupture la mettait dans l'impossibilité de poursuivre son activité alors qu'elle venait conjointement avec 2F un an à peine auparavant de faire des efforts et des investissements importants pour la développer,

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré la faute grave comme non établie, et que la société Butagaz était bien tenue d'indemniser son mandataire pour le préjudice causé par cette résiliation abusive.

- réformer le jugement quant à l'évaluation des différents chefs de préjudice,

En conséquence,

- dire et juger que les usages de la profession prévoyant qu'en l'absence de faute du mandataire, le mandant doit indemniser celui-ci sur la base de deux années de commissions brutes, il incombait à la société Butagaz de rapporter la preuve, pour combattre cette présomption, qu'une telle indemnité serait supérieure au préjudice réellement subi par 2F,

- dire et juger que la société Butagaz n'a pu rapporter une telle preuve, et la condamner en conséquence à payer à la société 2F, en réparation du préjudice résultant directement de la résiliation du contrat de mandat en l'absence de faute grave de sa part, la somme de 3 897 359,13 euro HT avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- très subsidiairement et pour le cas seulement où la cour n'admettrait pas le droit à une indemnisation forfaitaire de la société 2F, dire et juger que la réparation de son préjudice doit tenir compte

* du montant des commissions dont elle a été privée du fait de la résiliation et dont l'exécution normale du contrat lui aurait permis de bénéficier,

* des avantages substantiels obtenus par la société Butagaz liés à l'activité de 2F,

* des frais et dépenses engagés par 2F pour l'exécution du contrat sur les recommandations de Butagaz,

* et du préjudice résultant des procédures pénales utilisés pour faire pression, sur 2F et retarder son indemnisation,

- constater que l'article 12.1 du contrat du 25 juin 1992 reconnaissait à 2F, en l'absence de faute grave, une indemnité minimum correspondant à 6 mois de commissions brutes et condamner en conséquence la société Butagaz à lui payer 974 339,78 euro HT avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 1997,

- dire et juger que ce minimum conventionnel ne peut réparer l'intégralité du préjudice de 2F, compte tenu de l'ancienneté de ses relations commerciales - comme de celles de la société Eco dont elle avait assuré la succession - avec Butagaz,

- dire et juger que la société 2F a droit à une indemnisation complémentaire à concurrence de la valeur de la majorité des parts d'EcoGaz rachetées par 2F à la société Eco et à la famille de Mme Faveau, et condamner en conséquence la société Butagaz à lui payer à ce titre la somme de 837 385,68 euro HT avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 1997,

- dire et juger qu'à la suite de la résiliation, la société Butagaz a obtenu des avantages substantiels, compte tenu du développement considérable de sa clientèle et de la durée des relations entre les parties, largement supérieur à ceux des autres mandataires de a région, à l'apport important résultant de l'investissement de M. Faveau ès qualités, dans ses travaux du groupe de travail national qui, dès avant la signature du nouveau contrat le 25 juin 1992, avait réfléchi aux modalités de développement de l'activité des mandataires et fait des propositions dont la société Butagaz profite aujourd'hui, et de la mission supplémentaire accomplie par 2F en testant les logiciels de gestion que la société Butagaz a finalement imposé à l'ensemble de ses mandataires,

- dire et juger qu'en outre l'impact commercial et publicitaire de la création de nouveaux locaux par la société 2F en juin 1996, a apporté à la société Butagaz un avantage supplémentaire,

- accorder en conséquence à la société 2F, au titre de ces avantages, 460 000 euro HT,

- condamner la société Butagaz à payer à la société EcoGaz, en remboursement de la somme qu'elle a dû régler à la société Chaussade du fait de l'obligation où elle a été de résilier son contrat avec cette dernière, avec intérêts au taux légal à compter du " 1er octobre 1997 " (sic), au titre des frais et dépenses engagés par elle pour l'exécution du contrat sur ses recommandations, les sommes de 133 741,05 euro HT.

- condamner la société Butagaz à payer à la société 2F

* 133 741,05 euro HT au cas où cette somme ne serait pas accordée à la société EcoGaz,

* 149 776,89 euro HT en remboursement des taxes professionnelles qu'a dû régler la société 2F après la résiliation du contrat, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

* 523 951,11 euro HT pour la reprise des terrains, constructions et installations techniques achetés ou réalisés par la société 2F en 1996,

* 180 316,95 euro HT au titre des pertes des loyers consécutifs à la rupture,

- dire et juger qu'en déposant abusivement plainte contre les dirigeants de la société 2F, M. et Mme Faveau, qui devaient être ultérieurement relaxés, dans le but reconnu par elle de faire pression sur la société 2F pour l'amener à payer des sommes qu'elle aurait pu légitimement conserver compte tenu du caractère abusif de la résiliation, la société Butagaz a causé à la société 2F un préjudice important et la condamner, pour le réparer, à payer 450 000 euro HT,

- plus subsidiairement encore, et pour le cas seulement où la cour croirait devoir ordonner une expertise,

- condamner la société Butagaz à payer à la société 2F, compte tenu des sommes incontestablement dues (indemnité contractuelle minimum, valeur des parts d'EcoGaz rachetées par 2F, perte sur loyers, indemnité réglée à la société Chaussade et remboursement des taxes professionnelles) une provision de 1 500 000 euro,

- condamner la société Butagaz à payer 7 600 euro HT à la société 2F et 2 000 euro HT à la société EcoGaz au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions du 6 mai 2005, la société Butagaz, intimée, demande à la cour de :

A titre principal,

- constater l'existence d'une faute grave commise par la société 2F dans l'exécution de son contrat de mandat du 25 juin 1992,

- en conséquence, débouter la société 2F de sa demande d'indemnité au titre de la résiliation de son contrat,

- dire la société EcoGaz irrecevable et à tout le moins mal fondée à réclamer à la société Butagaz 133 741,05 euro HT suite à la rupture du contrat existant entre 2F et Butagaz,

A titre subsidiaire,

- allouer à la société 2F, à titre d'indemnité de résiliation, le montant contractuellement prévu, soit 974 339,78 euro HT, avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 1997, et la débouter du surplus de ses demandes à ce titre.

En tout état de cause,

- condamner la société 2F à lui payer 661 234,22 F soit 100 904,51 euro avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 1997,

- condamner les sociétés 2F et EcoGaz à lui payer 10 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens.

Sur ce,

Sur les fautes reprochées à la société Devenir 2F et la résiliation du mandat

Considérant qu'il résulte des articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce, que si l'agent commercial a droit, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, cette indemnité n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent; qu'en l'absence de définition légale, il appartient au seul juge, et non à la convention des parties, de qualifier de faute grave les faits qui lui sont soumis ; que sont sans portée les dispositions de l'article 12.2.1. du contrat, prévoyant sa résiliation " en cas d'inexécution d'une des dispositions du contrat et en particulier de l'article 7.4. " stipulant un engagement de développement minimum de vente ; qu'une telle faute, qui doit être telle qu'elle porte atteinte à la finalité du mandat d'intérêt commun liant les deux parties et rende impossible le maintien du lien contractuel, peut résulter de manquements répétés et persistants de cet agent, qui constituent, ensemble et par leur accumulation, un motif légitime de révocation du mandat;

Considérant que les fautes reprochées par la société Butagaz à son ancien mandataire tiennent:

- en premier lieu, aux défaillances réitérées constatées dans l'établissement des dossiers clients qui incombait au mandataire ayant conduit à un taux important d'échecs dans les mouvements de citernes, malgré des rappels à l'ordre adressés au mandataire par un premier courrier du 23 septembre 1993, ainsi que dans l'approvisionnement de la clientèle au cours des hivers 1996 et 1997, que constatent les courriers des 16 février, 9 avril, et 6 septembre 1996 et du 6 février 1997 de Butagaz,

- en second lieu, aux méthodes déloyales dont le mandataire a usé auprès de cette clientèle pour augmenter sa trésorerie, en multipliant inutilement les visites de sécurité, en retenant indûment les paiements mensualisés dit fonds " Gazaumois " prélevés pour le compte de Butagaz et en imputant indûment sur les comptes clients les livraisons à venir ainsi que le constate le courrier RAR du 17 novembre 1995 et ce malgré les protestations des clients concernés (lettre du 12 juillet 1996 versée aux débats), en ayant également recours à des facturations anticipées cette fois manuelles pour le règlement de la consignation des citernes alors que le mandataire devait attendre leur mise en place pour établir cette facturation et que le logiciel VAX, utilisé par les mandataires est programmé pour établir la facturation lors de cette mise en place, deux comptabilités l'une manuelle, l'autre informatique ayant ainsi été simultanément tenues par le mandataire ainsi que le constate à nouveau le rapport d'audit établi le 18 octobre 1996, relevant le caractère "tout à fait anormal" d'une telle anticipation qui a concerné 15 clients et rappelant " que toute écriture comptable concernant Butagaz doit être passée par le VAX ", ce rapport constatant également une augmentation sensible des soldes positifs des comptes de clients non restitués à ces derniers après clôture de leurs comptes, qui sont passés de 2 687 F en 1991 à un montant cumulé de 215 000 F en 1996,

- en troisième lieu, à la dégradation du chiffre d'affaires qui s'en est suivie, en baisse de 24 % fin 1997 par rapport à 1996,

- en quatrième lieu, au non-respect de la politique commerciale du mandant, la société 2F ayant lancé une opération de promotion avec le groupe Leclerc qui appartient à la grande distribution et constitue un " client à points de vente ou de consommation multiples pour lesquels le mandant négocie directement les conditions de prix, de remise et de délais de règlement " expressément écarté de l'exclusivité consentie au mandataire par l'article 3 du contrat, sans en référer à la société Butagaz alors que cette dernière se réservait toute négociation commerciale avec ce type de clientèle et que le mandataire doit "organiser son activité de représentation dans le cadre préconisé par le mandant " ainsi que le rappellent les dispositions des articles 7.2 et 8.2 du contrat, la société Devenir 2F ayant aussi limité systématiquement les points de vente contrairement encore aux instructions du mandant, et réduit abusivement le nombre de ses attachés commerciaux et ce alors que la contribution financière versée par Butagaz pour ce poste de charge était proportionnelle à la clientèle traitée,

- en cinquième lieu, au non-respect des règles essentielles de sécurité en matière de transport du gaz qui est un produit dangereux, règles rappelées par l'article 7.3 du contrat, la société 2F n'ayant ni contrôlé l'accomplissement des stages de recyclage des chauffeurs pourtant obligatoires ainsi qu'elle le reconnaissait lors d'une visite " contrôle sécurité " organisée par le mandant le 13 novembre 1996 dont le compte-rendu est versé aux débats, ni respecté la réglementation des temps de conduite applicable aux chauffeurs routiers ainsi que le constate le courrier du 17 novembre 1995 (dépassements atteignant 6 heures par semaine, et 3 heures par jour pour une limite réglementaire journalière de 9 heures selon ce courrier), ni ainsi que le rappelle le rapport d'audit du 18 octobre 1996 informé automatiquement son mandant des accidents survenus, dont le nombre en 1996 soit deux par semestre a représenté le quart de celui de tous les mandataires Butagaz pour la France; qu'il résulte d'un courrier adressé le 23 décembre 1997 à la société Butagaz par la société Rousselot Energies qui avait repris l'activité de la société Devenir 2 F, qu'un chauffeur roulait depuis juin 1996 sans disposer du permis APTH, son stage de recyclage obligatoire pour le transport de matières dangereuses n'ayant pas été effectué;

Considérant que selon l'article 7.10.3 du contrat "le mandant peut, à tout moment, procéder à un audit de la situation comptable et financière ainsi que des conditions d'exploitation logistiques et commerciales du mandataire; celui-ci s'engage à apporter son concours au mandant, notamment en lui fournissant tout document qui lui serait demandé à cet effet. Le mandataire s'engage également à mettre en œuvre l'ensemble des recommandations qui suivraient ledit audit du mandant ";

Que la société Devenir 2F n'est pas fondée à se prévaloir de ce que le rapport d'audit du 18 octobre 1986 ne met pas lui-même en cause la pérennité du contrat, dès lors qu'il est constant que le mandataire, invité par lettre recommandée avec avis de réception du 18 décembre 1996 à faire connaître à son mandant, dans un délai de six mois, quelles mesures seraient prises pour porter remède aux anomalies constatées lors de l'audit, n'a donné aucune suite à cette demande et ce alors qu'un précédent courrier du 17 novembre 1995, relevant des fautes analogues commises vis-à-vis des clients (facturations anticipées, rétention indue de sommes), dans l'organisation des transports (dépassements des horaires de conduite, défaut d'information sur les accidents survenus) notamment, l'avait déjà mis en demeure de prendre les mesures nécessaires pour se mettre en conformité avec ses obligations, que cet avertissement avait été suivi d'un nouveau courrier du 16 février 1996 constatant vingt nouvelles ruptures d'approvisionnement dont la liste était jointe à ce courrier, et qu'aucune suite n'a été donnée aux mises en garde expresses formulées par le mandant ; qu'il est relevé par la société Butagaz et non contesté que la société Devenir 2F a connu le plus fort taux de réclamations de la part de la clientèle enregistrées dans la région, soit 30 % en 1995 et au 1er semestre 1996, une part significative d'entre elles (88,2 en 1995) étant restées sans réponse ; que la décision de relaxe dont les dirigeants de la société Devenir 2F ont bénéficié sur la plainte déposée à leur encontre du chef d'abus de confiance par la société Butagaz est sans influence sur la qualification des fautes contractuelles reprochées au mandataire ; que l'allégation d'une " immixtion " de la société Butagaz dans l'activité du mandataire, outre qu'elle serait en contradiction avec les anomalies constatées notamment dans la facturation et dans la tenue de la comptabilité du mandataire, n'est pas établie par ce dernier; que les courriers d'avertissements et de mise en demeure susvisés ont été adressés à la société Devenir 2F prise en la personne de ses représentants à l'exception du seul courrier du 23 septembre 1993, les contestations soulevées à cet égard par l'appelante n'étant pas fondées ;

Que ces manquements de la société Devenir 2F à ses obligations professionnelles et contractuelles, parmi lesquels ceux mentionnés aux points 2 et 5 apparaissent d'une gravité certaine, manquements renouvelés et persistants en dépit des mises en demeure réitérées que lui a adressé son mandant, constituent, ensemble ou séparément, un motif légitime de révocation sans indemnité du mandat d'agent commercial qui lui avait été consenti;

Qu'il suit que la société Devenir 2F ne peut qu'être déboutée de toutes ses demandes, et la société EcoGaz Distribution des siennes en ce qu'elles sont exclusivement fondées sur le préjudice qui serait résulté pour elle du caractère prétendument abusif de cette résiliation;

Que la créance de la société Butagaz ne fait pas l'objet de contestations ;

Considérant qu'il y a lieu d'infirmer partiellement la décision entreprise;

Qu'il est équitable que la société Butagaz soit indemnisée de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel dans les conditions fixées au dispositif;

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels principal et incident jugés réguliers en la forme, Au fond, Infirme le jugement en ce qu'il a considéré que les fautes commises par la société 2F n'avaient pas un caractère de gravité justifiant la privation de l'indemnité de rupture due à l'agent commercial, et condamné la société Butagaz à lui payer une indemnité de 974 339,78 euro ainsi qu'aux dépens, Réformant de ces chefs et ajoutant. Déboute la société Devenir 2F et la société EcoGaz de toutes leurs demandes, Condamne la société Devenir 2F à payer à la société Butagaz 3 000 euro pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct pour Maître Teytaud, avoué.