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Décisions

CA Nîmes, 2e ch. com., 21 avril 2005, n° 03-00331

NÎMES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Société Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SAS), Organisation Services et Transports (SARL)

Défendeur :

Octave (GIE)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Conseillers :

M. Bertrand, Mme Brissy-Prouvost

Avoués :

SCP Curat-Jarricot, SCP Tardieu

Avocats :

SCP Bollet, Associés, SCP Beraud Combe Lecat Chemel

T. com. Avignon, du 20 déc. 2002

20 décembre 2002

Vu l'assignation devant le Tribunal de commerce d'Avignon, en date du 23 mai 2002, délivrée à la requête de la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) ainsi que de la SARL Organisation Services et Transports (OST) ayant toutes les deux une activité de transporteur routier, et tendant notamment, au visa des dispositions de l'article L. 442-6-1 5° du Code de commerce à :

- faire juger que les relations d'affaires ayant existé entre le GIE Octave et elles-mêmes s'analyse en un contrat de sous-traitance au sens du "contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants" ;

- faire juger que le GIE Octave a "rompu brutalement ses relations commerciales avec SMTRT et OST, sans respecter le préavis en vigueur dans le contrat type sous-traitance" ;

Faire condamner le GIE Octave au versement à la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) d'une somme de 79 529,50 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture ;

- faire condamner le GIE Octave au versement à la SARL Organisation Services et Transports (OST) d'une somme de 79 529,50 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture ;

- faire condamner le GIE Octave au versement d'une somme de 2 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- faire ordonner l'exécution provisoire ;

- faire condamner le GIE Octave aux entiers dépens ;

Vu le jugement rendu contradictoirement le 20 décembre 2002 par le Tribunal de commerce d'Avignon et qui notamment :

- a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par le GIE Octave ;

- a relevé que le GIE Octave a en réalité une activité commerciale qui est le prolongement de l'activité commerciale de ses membres ;

- a relevé que "SMTRT a présenté un successeur pour le département 13, que Rush (non présent à l'instance) a été agréé le 01/06/2001 puis résilié le 31/08/2001" ;

- a relevé que "SMTRT ne peut se prévaloir d'aucun préjudice, ayant abandonné volontairement cette activité et n'apportant aucun élément prouvant une perte de chiffre d'affaires ni de marge brute dont le GIE Octave serait directement responsable" ;

- a relevé que "OST n'a bénéficié que d'une semaine de préavis après trois ans de collaboration" ;

- a procédé à la qualification en droit des relations d'affaires ayant existé entre la SARL OST et le GIE Octave ;

- a jugé qu'il n'y a pas eu contrat de sous-traitance ni avec le GIE Octave ni avec les autres sociétés membres du GIE ;

- a jugé qu'il y avait eu un "courant d'affaires croisées, l'accès à la plate-forme étant une facilité mise à disposition pour la rapidité et le coût des échanges, le chiffre d'affaires attendu ne provenant que de la confiance des autres membres dans la fiabilité des prestations confiées" ;

- a relevé que "dans les documents versés aux débats et non contredits, il est apparent que les incidents ont mis en évidence une incapacité à traiter les litiges conforme à la déontologie et à la procédure de règlement des litiges convenue entre les membres" ;

- a relevé que "cette carence était de nature à faire perdre des clients aux autres membres et compromettre l'objet du GIE" ;

- a relevé que "si le préavis peut paraître court, il a été procédé par des mises en garde sans équivoque qui n'ont pas obtenu de réponse" ;

- a jugé que "c'est à bon droit que le GIE a pris la mesure de lui substituer un autre transporteur" ;

- a jugé que "les demandeurs ne justifiant pas d'un préjudice dûment établi, il convient pour le tribunal de les débouter" ;

- a débouté la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) de toutes leurs demandes à l'encontre du GIE Octave ;

- a condamné "solidairement" la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) à verser au GIE Octave une somme de 1 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- a condamné "solidairement" la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) aux dépens ;

Vu l'appel interjeté le 14 janvier 2003 par la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et par la SARL Organisation Services et Transports (OST) à l'encontre du jugement du 20 décembre 2002 et enrôlé sous le numéro 03-331 ;

Vu les dernières conclusions en date du 16 janvier 2004, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens et par lesquelles la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST), appelants, demandent notamment à la cour :

- de déclarer recevable leur appel ;

- de confirmer le jugement déféré en ce que le Tribunal de commerce d'Avignon a rejeté l'exception d'incompétence invoquée par le GIE Octave ;

- d'infirmer la décision déférée pour le surplus ;

- de retenir que le premier juge a dénaturé les faits de l'espèce et fait une application erronée de la loi ;

- de rejeter comme non fondés les moyens de fait et de droit invoqués par le GIE Octave ;

- de faire application des dispositions de l'article L. 442-6-1.5° du Code de commerce ;

- de juger que les relations d'affaires ayant existé entre le GIE Octave et elles-mêmes s'analysent en un contrat de sous-traitance au sens du "contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants" ;

- de juger que le GIE Octave a "rompu brutalement ses relations commerciales avec SMTRT et OST, sans respecter le préavis en vigueur dans le contrat type sous-traitance" ;

- de condamner le GIE Octave au versement à la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) d'une somme de 79 529,50 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture ;

- de condamner le GIE Octave au versement à la SARL Organisation Services et Transports (OST) d'une somme de 79 357,60 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture ;

- de condamner le GIE Octave au versement d'une somme de 4 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- de condamner le GIE Octave aux entiers dépens avec distraction de ceux d'appel au profit de la société civile professionnelle Curat-Jarricot, titulaire d'un office d'avoué ;

Vu le bordereau de communication des pièces annexé aux écritures déposées le 16 janvier 2004 par la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et par la SARL Organisation Services et Transports (OST) ;

Vu les dernières conclusions en date du 1er septembre 2003, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens et par lesquelles le GIE Octave, intimé, demande notamment à la cour ;

- de confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions ;

- de retenir que le premier juge a procédé à une exacte analyse des faits de l'espèce et appliqué de façon pertinente la loi ;

- de rejeter comme non fondés tous les moyens de fait et de droit invoqués par la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et par la SARL Organisation Transports et Services (OST) ;

- de débouter la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) de toutes leurs prétentions ;

- de juger que l'objet du GIE Octave n'est pas de conclure des contrats de transport ni de commission de transport ;

- de constater que l'objet du GIE est de "faciliter les contacts et les rapprochements entre adhérents afin que des expéditions soient plus rapidement confiées par les uns aux autres" ;

- de juger que la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Transports et Services (OST) ont commis des fautes qui ont justifié la fin des relations d'affaires avec le GIE ;

- de juger que les dispositions de l'article L. 442-6-1,4e du Code de commerce ne sont pas applicables à un GIE ;

- de juger que les relations d'affaires entre le GIE et la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) ne sont pas des relations de sous-traitance au sens du contrat type de sous-traitance du décret n° 2001-659 du 10 juillet 2001 ;

- de juger qu'il n'a jamais été chargé d'opérations de transport se contentant de rapprocher des transporteurs qui concluent en ce qui les concerne des contrats de sous-traitance entre eux ;

- de juger qu'il n'a jamais eu d'activité de groupeur-commissionnaire de transport au sens des dispositions du décret n° 90-200 du 5 mars 1990 ;

- de juger qu'il n'a commis aucune faute dans ses rapports avec la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et avec la SARL Organisation Services et Transports(OST) ;

- de juger que la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) ne rapportent pas la preuve d'un quelconque préjudice ;

- de lui allouer une somme de 6 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- de condamner la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) aux entiers dépens dont distraction de ceux d'appel au profit de la société civile professionnelle Tardieu, titulaire d'un office d'avoué ;

Vu le bordereau de communication de pièces annexé aux écritures déposées le 1er septembre par le GIE Octave ;

Vu la clôture de la mise en état de la procédure ;

Motifs de la décision

Sur la recevabilité de l'appel interjeté par la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et par la SARL Organisation Services et Transports (OST)

Attendu que la recevabilité de l'appel interjeté par la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et par la SARL Organisation Services et Transports (OST) n'est ni contesté ni contestable ;

Sur les faits à l'origine du litige opposant la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) au GIE Octave :

Attendu qu'il résulte effectivement des pièces régulièrement soumises à la contradiction des parties et celles que mentionnées aux bordereaux de communication annexés aux dernières écritures de chacune d'elles :

Qu'en 1985, trois importants transporteurs régionaux, la société Mazet, la Société Nouvelle des Transports Bouveret et la société Transports Messgeries TI ont constitué un groupement d'intérêt économique, le GIE Octave, également connu sous le nom de "Reseau Octave" dans les milieux professionnels du transport ;

- que l'objet du GIE Octave est de "permettre à tous les adhérents de distribuer rapidement et à prix intéressants sur l'ensemble du territoire national" (article 3 des statuts du GIE Octave) ;

- que le GIE Octave comprend des membres ainsi que des sociétés de transport qui ont été agréées par le GIE pour utiliser ses facilités ;

- que le GIE Octave a organisé à Avignon une plate-forme de groupage et de transit tendant à faciliter la distribution du fret transporté par ses différents membres ou sociétés agréées dans le Sud-Est de la France ;

- que la plate-forme du GIE Octave est une plate-forme de groupage et de transit où chaque société membre ou chaque société agréée apporte le fret qu'elle souhaite voir distribuer par les sociétés du GIE et prendre le fret à distribuer dans son secteur ;

- qu'en novembre 1998, la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) ont été admises en qualité de sociétés agréées mais non pas en tant que membre à bénéficier de la plate-forme de groupage et de transit d'Avignon ;

- que par une lettre en date du 31 décembre 2001, le GIE Octave a informé la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) de la fin de leurs relations d'affaires à compter du 7 janvier 2002 ;

- que par un courrier en date du 31 décembre 2001, la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) ont contesté la rupture des relations commerciales décidées par le GIE Octave ;

- que par un courrier en date du 2 janvier 2002, le GIE Octave a informé la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) des motifs de la rupture de leurs relations d'affaires ;

- que par une lettre recommandée en date du 4 janvier 2002, la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) ont récusé tous les motifs de rupture avancés par le GIE Octave ;

- que la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) et le GIE Octave n'ont pu trouver une solution amiable à leur litige ;

- que le 23 mai 2002, la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) ont fait délivrer au GIE Octave l'assignation sur laquelle le tribunal de commerce a statué par la décision déférée ;

Sur la compétence du Tribunal de commerce d'Avignon :

Attendu que le GIE Octave n'a pas invoqué en cause d'appel l'incompétence du juge commercial pour connaître de son litige l'opposant à la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et à la SARL Organisation Services et Transports (OST) ;

Sur les dispositions de l'article L. 442-6-1 du Code de commerce :

Attendu que la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) fondent en droit leur demande d'indemnisation sur les dispositions de l'article L. 442-6-1 5° du Code de commerce ;

Attendu que le GIE Octave soutient que les dispositions de l'article L. 442-6-1 du Code de commerce ne peuvent trouver application dans des relations commerciales nouées avec un groupement d'intérêt économique et ce, en raison de la nature civile de ce dernier ;

Attendu que l'article L. 442-6-1 5° dispose : "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan : ....5° (L. n° 2001-420 du 15 mai 2001) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure" ;

Attendu qu'il est de principe :

- que les dispositions de l'article L. 442-6-1 5° du Code de commerce s'appliquent à toute relation commerciale établie, quelle qu'en soit la qualification juridique ;

- que les dispositions de l'article L. 442-6-1 5° du Code de commerce s'appliquent à toute relation commerciale établie existant entre tous les opérateurs économiques inscrits au Registre du Commerce et des Sociétés ;

- que les dispositions de l'article L. 442-6-1 5° du Code de commerce s'appliquent aux relations commerciales qui portent tant sur la fourniture de produits que de prestations de service ;

Sur l'existence d'une relation commerciale établie entre la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) et le GIE Octave :

Attendu qu'en l'état des débats, il y a lieu de constater l'existence entre la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) d'une part et le GIE Octave d'autre part d'une relation commerciale établie au sens des dispositions de l'article L. 442-6-1 5° du Code de commerce ; qu'il y a lieu de relever :

- que l'objet du GIE Octave est de nature commerciale et consiste à favoriser par la mise à disposition d'une plate-forme de groupage et de transit, l'activité commerciale des sociétés qui en sont membres ou qui bénéficient d'un agrément leur donnant la faculté d'utiliser la plate-forme et ses services ;

- que de novembre 1998 au 7 janvier 2002, la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) ont entretenu avec le GIE Octave une relation commerciale établie ;

- que la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) ont été agréées par le GIE Octave ce qui leur donnait le droit d'utiliser et de bénéficier des différents services de la plate-forme de groupe et de transit et de participer au réseau Octave de transporteurs ;

- que les prestations de service que le GIE Octave offrait aux sociétés qui avaient reçu un agrément n'étaient pas gratuites et avaient pour contrepartie le versement de cotisations variant en fonction du volume d'activité sur la plate-forme ;

- qu'en outre les sociétés agréées, telle que la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST), devaient respecter un cahier des charges précisant les diverses obligations pesant sur elles et dont le but était d'assurer une meilleure efficacité commerciale au réseau de transporteurs Octave ;

- que la relation commerciale entre la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) et le GIE Octave a duré de novembre 1998 à janvier 2002 ;

- que de novembre 1998 à janvier 2002, la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) ont effectivement eu recours aux prestations de service du GIE Octave et ont participé au fonctionnement du réseau Octave ;

Attendu que dès lors que l'existence d'une relation commerciale établie au sens des dispositions de l'article L. 442-6-1 5° du Code de commerce a été caractérisée, il est superfétatoire de procéder à la qualification précise de cette relation commerciale ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 442-6-1 5° du Code de commerce à la relation commerciale avec le GIE Octave :

Attendu qu'il est de principe que les dispositions de l'article L. 442-6-1 5° du Code de commerce s'appliquent à toute relation commerciale établie avec une personne morale ayant un objet commercial et inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés ;

Attendu qu'il y a lieu de relever en l'espèce :

- que le GIE Octave a un objet social statutaire de nature commerciale ;

- que le GIE Octave a pour activité effective une activité commerciale, à savoir la fourniture de prestations de service par l'intermédiaire de sa plate-forme de groupage et de transit ;

- que le GIE Octave est régulièrement inscrit au Registre du Commerce et des Sociétés d'Avignon ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 442-6-1 5° du Code de commerce à la relation commerciale entretenue entre la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT), la SARL Organisation Services et Transports (OST) et le GIE Octave :

Attendu qu'il s'ensuit que la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) sont fondées à soutenir que les dispositions de l'article L. 442-6-1 5° du Code de commerce s'appliquent à la relation commerciale établie qu'elles ont entretenue avec le GIE Octave ;

Sur la rupture brutale de la relation commerciale établie et ayant existé entre la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) et le GIE Octave :

Attendu qu'il est de principe :

- qu'est fautive la rupture brutale d'une relation commerciale établie ;

- que constitue une rupture brutale une rupture qui a été faite sans préavis ou qui n'a pas été faite avec un préavis suffisant ;

Attendu qu'en l'espèce, les parties n'ont pas invoqué l'existence d'usages commerciaux ou d'accords professionnels concernant la rupture de relations de prestations de service en matière de plate-forme de groupage et de transit ; qu'il n'existe en la matière aucun arrêté ministériel au sens des dispositions de l'article L. 442-6-1 5° du Code de commerce ;

Attendu qu'il y a lieu de constater que le délai de préavis donné par le GIE Octave à la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et à la SARL Organisation Services et Transports (OST) a été de sept jours ;

Attendu qu'en raison de la durée de la relation commerciale établie (plus de deux ans) et de la nature de ces relations concernant des prestations de service dans le domaine du transport terrestre, la durée du préavis de sept jours donnée par le GIE Octave à la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et à la SARL Organisation Services et Transports (OST) n'est pas suffisante au sens des dispositions de l'article L. 442-6-1 5° du Code de commerce ; qu'en effet l'impossibilité d'utiliser la plate-forme pour les sociétés SMTRT et OST impliquait pour elles une réorganisation de leurs circuits de distribution, de groupage et de transit ; qu'une telle réorganisation n'était pas techniquement possible en sept jours et ce alors même que ces deux sociétés étaient de taille modeste ;

Sur l'exception d'inexécution invoquée par le GIE Octave à l'encontre de la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et de la SARL Organisation Services et Transports (OST) :

Attendu que le GIE Octave invoque les fautes contractuelles qu'auraient commises la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) ;

Attendu que le dernier alinéa du cinquième paragraphe in fine de l'article L. 442-6-1 5° du Code de commerce dispose : "Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure" ;

Attendu qu'il incombe à la partie qui invoque une inexécution d'en rapporter la preuve ;

Attendu qu'en l'état des pièces produites, le GIE Octave ne rapporte pas la preuve de fautes commises par la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) et qui auraient justifié un préavis de seulement sept jours alors même que la relation commerciale a duré plus de deux ans et que la fin des relations avec le GIE allait entraîner la nécessité d'une importante réorganisation pour les deux sociétés SMTRT et OST ; qu'il y a lieu de relever à cet égard :

- que l'intervention de la société Rush avait été agréée par le GIE Octave ;

- que les difficultés de fonctionnement de la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) justifiaient certes la rupture des relations commerciales mais n'étaient pas suffisamment graves pour justifier un délai de préavis de sept jours seulement et ce alors même que les relations commerciales avaient duré deux ans et que ce délai de sept jours ne permettait pas une réorganisation de leurs circuits de distribution par les deux SMTRT et OST ;

Sur la faute commise par le GIE Octave :

Attendu qu'en rompant sa relation commerciale établie avec la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et avec la SARL Organisation Services et Transports (OST) avec un délai de préavis insuffisant, le GIE Octave a commis une faute ;

Attendu qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer la décision déférée dans toutes ses dispositions ;

Sur le préjudice subi par la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) :

Attendu qu'en l'état des pièces produites, la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) ont rapporté la preuve qu'elles ont subi, à la suite de la rupture fautive par le GIE Octave de leur relation commerciale, un préjudice économique et commercial résultant de leur désorganisation qui en a suivi et de la perte de certains clients ;

Attendu qu'il y a lieu de chiffrer à :

- 10 000 euro le préjudice de la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) ;

- 5 000 euro le préjudice de la SARL Organisation Services et Transports (OST) ;

Sur l'infirmation de la décision déférée :

Attendu en conséquence qu'il convient d'infirmer la décision déférée dans toutes ses dispositions et, statuant à nouveau de :

- juger que le GIE Octave a commis une faute au sens des dispositions de l'article L. 442-6-1 5° du Code de commerce ;

- condamner le GIE Octave à verser à la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) une somme de 10 000 euro à titre de dommages-intérêts ;

Condamner le GIE Octave à verser à la SARL Organisation Services et Transports (OST) une somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts ;

Sur l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu qu'il y a lieu de condamner le GIE Octave, qui succombe, à payer à la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et la SARL Organisation Services et Transports (OST) une somme de 4 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Sur les dépens :

Attendu qu'il y a lieu de condamner le GIE Octave, qui succombe, à supporter les entiers dépens ;

Sur la distraction des dépens :

Attendu qu'il y a lieu de faire droit à la demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile au profit de la société civile professionnelle Curat-Jarricot, titulaire d'un office d'avoué ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement en matière commerciale par décision contradictoire, Déclare recevable l'appel interjeté par la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et par la SARL Organisation Services et Transports (OST) ; Au fond Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau Dit que le GIE Octave a commis une faute au sens des dispositions de l'article L. 442-6-1 5° du Code de commerce ; Condamne le GIE Octave à verser à la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) une somme de 10 000 euro à titre de dommages-intérêts ; Condamne le GIE Octave à verser à la SARL Organisation Services et Transports (OST) la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts ; Condamne le GIE Octave à payer à la société SAS Marseillaise de Transports Routiers et Transit (SMTRT) et à la SARL Organisation Services et Transports (OST) la somme de 4 000 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne le GIE Octave aux dépens et autorise la société civile professionnelle Curat-Jarricot, titulaire d'un office d'avoué, à en recouvrer le montant aux formes et conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.