CCE, 11 décembre 2001, n° 2002-581
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Aides d'État mis en œuvre par l'Italie en faveur des banques
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir donné aux parties intéressées, conformément à l'article susmentionné, la possibilité de présenter leurs observations et vu les observations transmises (1), considérant ce qui suit:
I. PROCÉDURE
(1) Après avoir reçu une question parlementaire à ce sujet, la Commission a, par lettre du 24 mars 1999, demandé aux autorités italiennes de lui fournir des informations pour évaluer la portée et les effets de la loi 461 du 23 décembre 1998 (ci-après dénommée "loi 461-98"). Par lettres datées du 24 juin et du 2 juillet 1999, les autorités italiennes ont fourni à la Commission des informations sur la loi précitée et sur le décret législatif 153-99 du 17 mai 1999 (ci-après dénommé "décret 153-99") relatif à celle-ci. Après avoir examiné les informations reçues, la Commission a, par lettre du 23 mars 2000, avisé les autorités italiennes que la loi et le décret précités pouvaient contenir des éléments d'aide et les a invitées à ne pas mettre à exécution les mesures en question. Les autorités italiennes ont communiqué par lettre du 12 avril 2000 qu'elles avaient suspendu l'application de ces mesures. Elles ont fourni des renseignements complémentaires par lettre du 14 juin 2000.
(2) Par lettre du 25 octobre 2000, la Commission a notifié au Gouvernement italien sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité, concernant l'aide susmentionnée.
(3) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (2). La Commission a invité les parties intéressées à présenter d'éventuelles observations sur les mesures en question.
(4) La Commission a reçu des informations en la matière de la part des parties intéressées. Le 18 juin 2001, elle a transmis ces observations aux autorités italiennes en leur fournissant la possibilité de les commenter, et elle a reçu ces commentaires par lettre du 25 juin 2001.
II. DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE L'AIDE
(5) La loi 461-98 et le décret 153-99 introduisent les avantages fiscaux suivants pour la consolidation du secteur bancaire:
1) la réduction à 12,5 % du taux d'impôt sur le revenu (IRPEG) pour les banques qui entreprennent une fusion ou une restructuration semblable, pendant cinq périodes d'imposition consécutives, à condition que les bénéfices soient affectés à une réserve spéciale soumise à une contrainte de non-répartition pendant une période de trois ans. Les bénéfices qui peuvent être affectés à la réserve spéciale ne peuvent dépasser 1,2 % de la différence entre la somme totale des crédits et des débits des banques qui ont participé à la fusion et l'agrégat analogue de la plus grande banque qui a participé à cette opération (article 22, paragraphe 1, et article 23, paragraphe 1, du décret 153-99);
2) la neutralité fiscale pour les opérations de rétrocession à l'organisme apporteur des biens et des actifs non indispensables pour réaliser l'objet social, transférés précédemment aux banques conformément à la loi 218 du 30 juillet 1990 (article 16, troisième alinéa, du décret 153-99);
3) l'application d'une taxe fixe au lieu des impôts dus en relation avec les opérations visées aux points 1 et 2 (article 24, paragraphe 1, et article 16, paragraphe 5, du décret 153-99);
4) la neutralité fiscale, aux fins de l'impôt communal sur les plus-values immobilières, en relation avec les opérations visées aux points 1 et 2 (article 24, paragraphe 1, et article 16, paragraphe 5, du décret 153-99);
5) l'exonération d'impôt pour le transfert des sociétés bénéficiaires des apports aux fondations bancaires des participations au capital de la Banca d'Italia (article 27, paragraphe 2, du décret 153-99).
(6) La loi 461-98 et le décret 153-99 introduisent des avantages fiscaux également pour les fondations bancaires. Les mesures destinées aux fondations bancaires ne sont pas examinées dans la présente décision.
(7) Le décret 153-99 accorde des avantages fiscaux pour les opérations de fusion réalisées durant les années 1998 à 2004 incluse. Vu que l'application des mesures a été suspendue en 2000, les économies fiscales ne devraient concerner que les opérations conclues en 1998, 1999 et 2000. Cependant, s'il devait apparaître que certaines opérations, effectuées après la suspension, ont tout de même bénéficié de ces mesures, ces opérations devraient être traitées de manière analogue aux opérations effectuées avant la suspension, particulièrement pour ce qui concerne l'exécution de la présente décision.
(8) Sur la base des 76 opérations effectuées en 1998, 1999 et 2000, les autorités italiennes estiment à 5358 milliards de lires italiennes (ITL) - soit 2767 millions d'euro - le montant maximal théorique des avantages fiscaux que les bénéficiaires de la mesure visée au considérant 5, point 1, pourraient avoir retirés durant la période de cinq ans préétablie. Ce calcul n'inclut pas les avantages fiscaux concédés par le biais des mesures visées au considérant 5, points 2 à 5.
(9) En Italie, les banques anciennement propriété de l'État, qui ne revêtaient pas la forme de sociétés anonymes, ont été graduellement transformées en sociétés anonymes, et puis contraintes par la loi à cette transformation en 1993. Leurs actions ont été soit placées sur le marché, soit attribuées à des organismes sans but lucratif dénommés fondations bancaires (fondazione bancarie). La loi 218 du 30 juillet 1990 a introduit des dispositions fiscales spéciales sur la base desquelles les fondations bancaires (organismes apporteurs) qui possédaient ou contrôlaient les banques de constitution récente (sociétés anonymes bénéficiaires des apports) pouvaient transférer à ces dernières des actifs déterminés. Les mesures indiquées au considérant 5, points 2 et 5, se réfèrent à ces mêmes actifs et définissent les conditions de rétrocession à l'organisme apporteur (soit la fondation bancaire).
(10) La Commission a considéré provisoirement que l'aide accordée en application de la loi 461-98 et du décret 153-99 pour les fusions bancaires pouvait être incompatible avec le Marché commun au sens de l'article 87 et ce, pour les motifs suivants:
- La loi 461-98 et le décret 153-99 octroient des avantages fiscaux pour les fusions bancaires qui favorisent certaines entreprises - en particulier celles qui réalisent des opérations de fusion
- en leur permettant d'atteindre une plus grande dimension et de réaliser des économies d'échelle à un coût réduit. Puisqu'il est réservé au secteur bancaire, le régime constitue un régime sectoriel et entre ainsi dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité.
- L'avantage est octroyé par le biais de la renonciation à la perception de recettes, soit par le biais des ressources d'État. L'aide influe sur les échanges entre États membres puisqu'elle facilite l'expansion des banques italiennes à l'étranger et rend plus difficile l'entrée des banques étrangères en Italie.
- L'aide aux banques ne rentre pas dans les limites de la règle de minimis. Les autorités italiennes soutiennent que les avantages fiscaux pour les banques sont justifiés par le fait qu'ils sont nécessaires à la consolidation et à la modernisation du secteur bancaire. La Commission avait des doutes sur le fait que cela puisse permettre de considérer l'aide compatible sur la base de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité. Le traité reconnaît à la Commission la compétence exclusive de vérifier que les projets d'aide satisfont à ce critère de compatibilité, et pour ce motif, il requiert la notification préliminaire. Par ailleurs, l'aide ne satisfait pas non plus aux conditions établies dans les lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (3). Les mesures en question peuvent aussi constituer des aides au fonctionnement, dans la mesure où elles ne sont pas liées à la réalisation de projets spécifiques et où elles réduisent les dépenses courantes des entreprises. La Commission n'était pas en mesure d'en évaluer le montant exact dans le cadre de l'examen préventif.
Pour ces motifs, la Commission a entamé la procédure visée à l'article 88, paragraphe 2, du traité.
III. OBSERVATIONS DES PARTIES INTÉRESSÉES
(11) La Commission a reçu une série d'observations de la part des bénéficiaires de l'aide, semblables pour la plupart à celles qu'ont présentées les autorités italiennes.
(12) D'une manière générale, il est précisé dans les observations que même si la Commission devait considérer les mesures comme des aides incompatibles, des motifs suffisants permettraient d'exclure que l'aide soit récupérée et ce, à cause des attentes légitimes des bénéficiaires.
(13) Ces attentes seraient justifiées par le fait que la Commission n'a pas remis en question la loi 218 du 30 juillet 1990, qui accordait des avantages similaires. En effet, dans sa communication adressée conformément à l'article 88, paragraphe 3, du traité, relative aux aides décidées par l'Italie en faveur du Banco di Napoli (4), la Commission a observé ce qui suit: "En permettant la réévaluation des actifs en régime d'exemption fiscale partielle et en prévoyant la recapitalisation de certaines banques historiquement sous-capitalisées [...] afin de respecter les niveaux minimaux de fonds propres qui ont été relevés par les nouvelles directives communautaires dans le domaine bancaire, la loi 'Amato' a permis de remplacer une garantie d'État illimitée en faveur des banques publiques par des apports de fonds propres d'un montant limité. De cette façon a été mis en marche le processus destiné à soumettre les banques publiques et les banques privées à un traitement identique, ce qui limite les distorsions de concurrence. [...] Par conséquent, l'augmentation de capital en faveur du Banco prévue conformément à la loi 'Amato' ne constitue pas une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE."
(14) En outre, les opérations avaient été autorisées par la Banca d'Italia, qui est l'autorité compétente pour le secteur du crédit.
(15) La récupération de l'aide serait en outre contraire au principe de proportionnalité. Les opérations de fusion ont été réalisées en considérant l'incitation fiscale; la récupération pourrait causer une instabilité financière pour les bénéficiaires et altérer les conditions sur lesquelles ils avaient basé leur décision de procéder à la fusion.
IV. OBSERVATIONS DE L'ITALIE
(16) Dans la réponse qu'il a donnée au début de la procédure, le Gouvernement italien a affirmé que, en Italie, le secteur bancaire avait été soumis dès 1936 à un contrôle public attentif et à l'intervention directe du gouvernement dans la gestion de nombreuses banques. Les banques avaient été subdivisées en diverses catégories institutionnelles et soumises à différentes contraintes opérationnelles (principe de la spécialisation du crédit). Cela avait eu une influence négative sur l'opérationnalité et la compétitivité des banques. Pour cette raison, les autorités ont adopté différentes mesures dès la fin des années quatre-vingt, afin d'abandonner le principe de la spécialisation, de privatiser les banques appartenant à l'État et de promouvoir l'augmentation de la dimension moyenne des banques italiennes. La loi 218 du 30 juillet 1990 avait précédemment octroyé aux banques des avantages fiscaux analogues à ceux qui font l'objet de la présente décision. La loi 461-98 et le décret 153-99 devraient être considérés comme faisant partie du même processus tendant à la modernisation du secteur bancaire.
(17) Parallèlement à ce processus, le Gouvernement italien a également entrepris la réforme générale du système fiscal. La réforme fiscale a porté à l'introduction, en 1997, de la Dual Income Tax (DIT) (5) et de l'impôt régional sur les activités de production (IRAP) (6). Ces deux impôts ont été appliqués aux banques à des conditions moins favorables qu'aux autres secteurs économiques, compte tenu des autres mesures d'allégement plus spécifiques prévues pour les banques.
(18) Ces mesures ne doivent donc pas être vues comme des dispositions de dérogation au régime fiscal général, mais bien comme des mesures extraordinaires et temporaires justifiées par le processus de consolidation du secteur bancaire. Les autorités italiennes soutiennent que le Tribunal de première instance des Communautés européennes a déclaré qu'un système spécial de prélèvements, qui ne constitue pas une dérogation au système fiscal généralement appliqué aux autres activités, doit être évalué uniquement dans le cadre du système fiscal spécifique du secteur (7). Il est donc légitime pour le législateur italien de chercher à adapter le système fiscal aux particularités du secteur bancaire si - comme dans le cas d'espèce - cela ne comporte pas une réduction de la charge fiscale générale par rapport au reste de l'économie.
(19) Les autorités italiennes soutiennent en outre que l'application des dispositions sur les aides d'État ne peut représenter un obstacle à l'adaptation au principe d'égalité substantielle et à l'accroissement de la cohérence interne du système d'imposition, là où l'on peut démontrer que la situation de départ était pénalisante pour des entreprises ou des secteurs déterminés. Elles joignent des données indiquant que le secteur bancaire contribue à raison de 20 % à la recette totale de l'impôt sur le revenu des personnes morales, alors qu'il ne produit que 5 % de la valeur ajoutée du pays. D'autres données confirment cette pression fiscale plus importante pour les banques. Alors qu'il pouvait réduire cette charge fiscale en appliquant aux banques le traitement fiscal ordinaire des autres secteurs, le gouvernement a décidé au contraire d'offrir aux banques des incitations pour la consolidation du secteur.
(20) Les mesures examinées doivent être considérées comme étant de nature générale. Toutes les banques, y compris les filiales italiennes de banques étrangères, peuvent bénéficier des allégements fiscaux. La différence de traitement par rapport à d'autres secteurs est justifiée par la nature et la structure du système général. Le secteur bancaire fait l'objet d'une réglementation spécifique; les banques représentent donc une catégorie particulière de contribuables. Les banques sont soumises à beaucoup d'autres obligations par rapport aux autres entreprises. La différence de traitement fiscal est par conséquent justifiée objectivement et elle est propre à ce secteur (8).
(21) Les mesures visées au considérant 5, points 2 et 5, et en partie points 3 et 4, concernent la rétrocession à l'organisme apporteur des biens et actifs non indispensables à la réalisation de l'objet social qui avaient été transférés aux banques sur la base de la loi 218 du 30 juillet 1990. Au moment de la transformation des banques publiques en sociétés anonymes détenues par les fondations bancaires, les opérateurs ont attribué ces participations à la banque plutôt qu'à la fondation, pour éviter la taxation des plus-values relatives à ces actifs. Par la suite, dans le cas des participations au capital de la Banca d'Italia, il n'y a même pas eu de possibilité d'attribuer ces participations à la fondation. Conformément à la loi 141 du 7 mars 1938, les fondations ne rentraient pas dans le groupe des institutions autorisées à détenir des parts dans le capital de la Banca d'Italia. Le décret 153-99 a modifié ces dispositions et a permis aux fondations d'acquérir les participations. Alors qu'elles augmentent le patrimoine de la banque, les participations non indispensables à la réalisation de l'objet social ne contribuent pas à son activité et elles en réduisent les indices de rentabilité. Les mesures mentionnées rendent possible le transfert de ces actifs aux fondations sans charges fiscales, afin de ne pas pénaliser les banques à la suite du processus de privatisation.
(22) Les mesures mentionnées ne faussent pas la concurrence. Il n'y a pas de distorsion de concurrence entre les banques opérant en Italie, y compris celles des autres États membres. Il n'y a pas de distorsion entre les banques opérant en Italie et les banques opérant à l'étranger vu que la situation initiale est très défavorable pour les banques situées en Italie.
(23) Les mesures n'ont pas d'effets sur les échanges entre États membres. Elles ne facilitent pas l'expansion à l'étranger des banques italiennes et elles ne rendent pas plus difficile l'entrée des banques étrangères en Italie. Au contraire, les banques de la Communauté peuvent participer à des fusions et bénéficier des allégements fiscaux.
(24) Les mesures n'impliquent pas le recours à des ressources d'État. L'avantage fiscal n'est pas automatique, mais il est subordonné à l'exécution d'opérations spécifiques. En ce qui concerne les mesures visées au considérant 5, points 2 à 5, il est improbable que ces opérations soient effectuées en l'absence de l'allégement fiscal, dans le cas où elles sont grevées fiscalement. Quant à la mesure visée au considérant 5, point 1, la réduction temporaire de l'impôt sur les sociétés est compensée à long terme par l'augmentation probable de la rentabilité - et donc de l'imposition - des banques intéressées.
(25) Dans l'hypothèse, rejetée, où ils devaient constituer des aides d'État, les allégements fiscaux devraient de toute façon être considérés comme compatibles avec le Marché commun au sens de l'article 87, paragraphe 3, point b), du traité. La consolidation du système bancaire s'insère dans l'important projet communautaire de réalisation de la zone euro et de création du marché intérieur des services bancaires. En outre, il est important de consolider le secteur bancaire pour éviter une éventuelle crise généralisée du système, dont on avait pu observer un premier symptôme dans les difficultés financières rencontrées par le Banco di Sicilia et le Banco di Napoli.
(26) La qualification des mesures d'aide au "fonctionnement" n'est pas correcte. Les avantages fiscaux sont concédés uniquement pour un projet spécifique et bien identifiable: l'opération de fusion. Le montant de l'aide peut être déterminé sur la base de critères objectifs et transparents. Les mesures ne réduisent pas les dépenses courantes mais, plutôt, les dépenses liées à une opération à caractère exceptionnel.
(27) Les mesures fiscales pourraient en outre être considérées compatibles avec l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité, dans la mesure où elles sont destinées à faciliter le développement de l'activité bancaire sans altérer pour autant les conditions des échanges d'une manière contraire à l'intérêt commun. La possibilité d'appliquer l'article 87, paragraphe 3, point c), ne peut pas se limiter aux circonstances indiquées dans les actuelles lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté. En d'autres occasions, la Commission a reconnu que la consolidation du secteur bancaire est inévitable dans la situation actuelle.
(28) Si elle ne reconnaît pas la thèse générale qui vient d'être exposée en faveur de la conformité à l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité, la Commission doit alors vérifier, cas par cas, soit pour chacun des bénéficiaires des mesures, si les conditions sont réunies pour l'application de l'article 87, paragraphe 3, point c).
V. APPRÉCIATION DE L'AIDE
(29) L'analyse de la Commission porte sur un régime d'aides, c'est-à-dire l'instrument par lequel l'État membre offre des avantages fiscaux à chaque institution financière qui répond aux conditions préétablies. L'État membre n'a pas octroyé d'avantages sur une base individuelle, et il n'a pas notifié chaque cas individuel à la Commission. Par conséquent, et à la lumière de la nature même de la mesure, la Commission est tenue d'effectuer un examen général et abstrait du régime, tant du point de vue de sa qualification comme aide d'État que du point de vue de sa compatibilité. Elle est compétente pour un tel examen, conformément au traité, au règlement (CE) n° 659-1999 et à la jurisprudence de la Cour (9). La Commission n'examine pas l'application du régime à chacune des 76 opérations de fusion ou acquisition visées plus haut, ni au nombre non précisé d'opérations de transfert d'actifs entre banques et fondations bancaires.
(30) Le régime a été conçu et réalisé par l'État membre dans le but d'obtenir un effet précis et explicite: la consolidation du secteur bancaire italien. Tous les éléments nécessaires pour évaluer si le régime comporte des aides d'État et s'il est compatible avec le Marché commun doivent donc être recherchés dans le régime lui-même. En outre, au vu des circonstances spécifiques du cas présent, l'évaluation de l'aide prévue par le régime resterait, selon toute probabilité, inchangée dans les cas individuels. En effet, en raison de leur nature, les bénéficiaires doivent normalement être considérés comme des entreprises au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité. À la suite de l'ouverture du secteur bancaire communautaire, les avantages attribués à un établissement de crédit particulier influent inévitablement sur les échanges entre États membres et faussent la concurrence. En outre, vu les conditions prescrites dans le cas d'espèce (et en particulier la condition relative à l'existence préalable d'un plan de restructuration), il est improbable que les opérations, considérées individuellement, puissent être qualifiées de restructurations d'entreprises en difficulté au sens des lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté (10). Il est encore moins probable que les allégements qui ne concernent pas les investissements initiaux puissent, de manière exceptionnelle, être jugés compatibles avec les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale (11). À ce propos, on peut ajouter que les opérations de consolidation sont rarement limitées à des banques présentes uniquement dans les zones éligibles à l'aide régionale. Enfin, aucun autre élément n'indique qu'une aide individuelle puisse être jugée compatible sur la base d'autres motivations.
(31) La Commission constate que les autorités italiennes ont demandé que chaque aide soit analysée individuellement. Elle ne s'estime toutefois pas tenue, pour ce simple motif, d'effectuer une telle analyse dans la phase actuelle de la procédure. La Commission considère qu'une telle demande devrait, pour le moins, être accompagnée de toutes les informations nécessaires pour l'évaluation des cas individuels, c'est-à-dire de toutes les informations qui doivent être normalement fournies à la Commission dans le contexte d'une notification complète d'une aide individuelle au sens de l'article 88, paragraphe 3, du traité. Les autorités italiennes avaient connaissance des doutes nourris par la Commission concernant le régime à l'examen. Si elles avaient estimé que des cas particuliers déterminés devaient être évalués individuellement en raison de leurs éléments spécifiques, il aurait été de leur devoir d'informer la Commission de ces éléments et de fournir toutes les informations nécessaires pour l'examen individuel.
(32) La Commission reconnaît que la nature particulière de l'activité bancaire pourrait, en principe, justifier l'introduction de dispositions fiscales spécifiques pour le secteur. Toutefois, les mesures à l'examen ne représentent pas une adaptation du système général aux caractéristiques particulières de l'activité bancaire, mais elles constituent une aide ad hoc ayant pour effet d'améliorer la compétitivité de certaines entreprises, à savoir les banques qui prennent part à des fusions, et seulement pour certaines opérations. Le fait que le secteur bancaire puisse se trouver dans la nécessité de se restructurer à un moment particulier de son histoire est un fait extrinsèque, qui n'a rien à voir avec le fonctionnement normal du système fiscal dans le cadre du secteur bancaire. Il n'implique donc pas que, en fonction de la nature ou de la structure générale du système, l'activité bancaire doive bénéficier de dispositions plus favorables en matière de fusions. Pour ces motifs, la thèse selon laquelle les mesures en question sont justifiées par la nature ou la structure générale du système ne peut être admise. Elles représentent une dérogation au régime fiscal en vigueur. "Selon la jurisprudence de la Cour, d'une part, des aides en forme d'un programme d'aides peuvent concerner tout un secteur économique et relever néanmoins de l'article 92, paragraphe 1, du traité (maintenant article 87, paragraphe 1) et, d'autre part, une mesure destinée à exempter partiellement les entreprises d'un secteur industriel particulier des charges pécuniaires découlant de l'application normale du système général de prévoyance sociale, sans que cette exemption se justifie par la nature ou l'économie de ce système, doit être considérée comme une aide."(12) Il apparaît tout aussi clairement que le caractère fiscal de la mesure en question n'est pas suffisant pour la soustraire à l'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité (13).
(33) Les mesures avantagent les banques en leur permettant d'atteindre une plus grande dimension et de bénéficier d'économies d'échelle à un coût réduit. Cet avantage est sélectif, également par rapport aux banques à l'intérieur du secteur, vu qu'il se limite uniquement aux entreprises qui participent à des fusions ou des opérations de consolidation. En outre, la mesure d'aide visée au considérant 5, point 1, n'est pas neutre du point de vue de la dimension relative des entreprises impliquées. Si l'on considère par exemple simplement une opération d'acquisition qui implique deux banques, les avantages fiscaux seront directement liés à la dimension (somme des crédits et des débits) de la banque la plus petite. Donc, si l'acquéreur est de dimension inférieure à celle de l'entreprise acquise, son avantage fiscal sera moindre que celui qui serait accordé à l'acquéreur potentiel, de la même banque, qui serait de dimension plus importante. Cela pourrait défavoriser les acquéreurs plus petits par rapport aux plus grands.
(34) En outre, dans la mesure où les acquéreurs plus petits sont désavantagés, et à partir du moment où les bénéfices s'appliquent aux entreprises communautaires seulement pour les succursales établies sur le territoire de l'État, succursales qui tendent à avoir des dimensions réduites, il peut y avoir un élément de sélectivité non seulement à l'intérieur du secteur, mais également entre les banques étrangères et les banques italiennes. Le fait que l'aide soit accessible également à des succursales de banques étrangères ne suffit pas à éliminer la discrimination en faveur des fusions entre opérateurs italiens.
(35) Même si l'aide devait s'appliquer à tous les opérateurs bancaires de manière indifférenciée, les mesures constitueraient une aide au secteur. Il est en effet possible que, dans d'autres secteurs ne bénéficiant pas de l'aide, des opérations de fusion avec les mêmes perspectives de rentabilité ne soient pas réalisées. Le fait que le secteur bancaire en général est plus lourdement imposé n'enlève rien à ces éléments de sélectivité. Si la discrimination fiscale des banques est justifiée par la nature de leur activité, elle ne nécessite pas de compensation; dans le cas contraire, c'est la discrimination elle-même qui devrait être corrigée. Une mesure sélective pourrait être justifiée par la spécificité de l'activité à laquelle elle est destinée, mais non par la présence d'autres mesures sélectives.
(36) En outre, les mesures permettent aux banques l'acquisition à un prix inférieur de participations dans d'autres entreprises dans la mesure où elles sont la propriété d'autres banques participant à l'opération. Comme l'indique la réponse des autorités italiennes, les opérations de consolidation pourraient intéresser également des entreprises différentes, par exemple des sociétés financières ou des compagnies d'assurances, bien que les allégements fiscaux soient accordés uniquement aux banques participant aux opérations et soient adaptés à l'activité bancaire.
(37) Les considérations formulées à propos de la mesure visée au considérant 5, point 1, exception faite du manque de neutralité vis-à-vis de la dimension des entreprises participantes, s'appliquent également, mutatis mutandis, aux autres allégements fiscaux visés au même considérant 5, points 2, 3 et 4. Ils sont eux aussi destinés uniquement à des banques participant à des opérations de fusion ou de consolidation ou de transfert d'actifs, et ils représentent eux aussi une aide au secteur. Des opérations analogues effectuées dans d'autres secteurs ne bénéficient pas des mêmes dispositions fiscales. Par conséquent, les mesures sont de nature générale et attribuent un avantage sélectif aux bénéficiaires.
(38) Des considérations en partie différentes s'imposent en ce qui concerne les mesures visées au considérant 5, point 5, concernant les participations au capital de la Banca d'Italia. Dans ce cas, on peut soutenir que l'exemption fiscale sur le transfert des actifs ne représente pas une dérogation au régime d'imposition normal, vu que le placement initial des participations dans la banque constituait une opération temporaire à laquelle il n'y avait pas de possibilité alternative à ce moment et qui ne reflétait pas un choix commercial des opérateurs.
(39) L'argumentation avancée au considérant 38 ne s'applique cependant pas si les participations au capital de la Banca d'Italia ont été obtenues à titre gratuit et transférées aux fondations à titre onéreux ou soumises à une réévaluation. Si le placement des participations dans la banque doit être vu comme une opération purement temporaire, concernant la période pendant laquelle la solution préférée - consistant à attribuer les actifs à la fondation - n'était pas encore autorisée, alors, la banque ne doit en retirer aucun bénéfice par rapport à l'hypothèse dans laquelle les participations auraient été placées initialement dans la fondation. En d'autres termes, les banques ne doivent pas être pénalisées par l'imposition d'une opération qui corrige un transfert non volontaire, mais elles ne doivent pas non plus pouvoir bénéficier d'une exemption fiscale pour une opération qui leur permet de réaliser la valeur des participations ou d'augmenter leur propre capital. Il faut donc considérer que l'exemption fiscale du transfert des parts de la Banca d'Italia ne constitue pas une aide seulement dans le cas où la double opération, consistant en l'attribution des participations à la banque et en leur transfert subséquent à la fondation, ne produit pas d'effets sur le bilan de la banque.
(40) La situation des parts dans la Banca d'Italia est différente de celle des autres actifs, qui pouvaient être attribués aussi bien à la banque qu'à la fondation. À l'époque, le choix s'est fait en tenant compte des différentes conséquences dérivant des deux solutions concernant le patrimoine et les charges fiscales des deux institutions. Les changements de propriété ultérieurs n'ont pas pour but de corriger un transfert non volontaire antérieur, mais sont simplement le résultat d'un choix commercial: un traitement fiscal spécial ne se justifie donc aucunement pour eux. En outre, l'exonération fiscale du transfert de ces actifs de la banque à la fondation représente un avantage sélectif pour les opérateurs qui ont opté pour le placement dans la banque pour éviter la taxation des plus-values.
(41) L'argumentation du considérant 34 indique qu'il peut y avoir des effets sur les échanges entre États membres. Il faut observer de manière plus générale qu'une aide qui avantage les entreprises dans un secteur exposé à des échanges transfrontaliers doit être considérée comme étant de nature à avoir une influence sur ceux-ci. La Cour de justice a déclaré que "lorsqu'une aide financière accordée par l'État renforce la position d'une entreprise par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme étant influencés par l'aide"(14). À ce propos, il ne fait aucun doute que, depuis de nombreuses années, aussi bien les services financiers que les fournisseurs et les utilisateurs de ces services ont, directement et indirectement, potentiellement et concrètement, traversé les frontières entre les États membres. La libéralisation des services financiers et l'intégration des marchés financiers ont pour effet de rendre les échanges intracommunautaires toujours plus sensibles aux distorsions de concurrence. L'aide accordée à un établissement de crédit, qui offre des services financiers en concurrence avec d'autres opérateurs européens du secteur, a selon toute probabilité un effet de distorsion sur le commerce intracommunautaire. Cette tendance sera renforcée par l'introduction de la monnaie unique et l'ouverture définitive des marchés, qui accroîtront la pression de la concurrence à l'intérieur des pays de la Communauté. Il faut en outre considérer que, bien qu'elles aient la possibilité d'exercer leur activité, laquelle consiste principalement dans la collecte de dépôts et l'octroi de prêts, sans frontières, les banques rencontrent souvent des obstacles à leur expansion à l'étranger. Ces obstacles sont souvent liés à l'enracinement local des banques nationales, qui rend plus coûteuse l'entrée sur le marché de concurrents étrangers. Vu que la libéralisation accroîtra toujours plus pour les banques la possibilité d'offrir des services dans les autres États membres, l'aide d'État accordée à une banque, qu'elle soit internationale ou nationale, est de nature à constituer un obstacle à cette possibilité. Les aides destinées à garantir la survie de banques locales qui seraient, autrement, obligées de quitter le marché en raison de leur moindre efficacité et capacité concurrentielles, risquent donc de fausser le jeu de la concurrence au niveau communautaire, en ce qu'elles rendent plus difficile l'entrée sur le marché italien des banques étrangères. Même une aide de faible ampleur et/ou destinée à de petits opérateurs bancaires a des effets potentiels sur le commerce entre États membres. Comme l'a déclaré la Cour de justice: "les aides d'une importance relativement faible sont, néanmoins, de nature à affecter les échanges entre États membres lorsque le secteur en question est marqué par une vive concurrence"(15).
(42) L'avantage est octroyé moyennant la renonciation à certaines recettes fiscales, c'est-à-dire à l'aide de ressources d'État. La Cour de justice a affirmé à plusieurs reprises que: "une mesure par laquelle les autorités publiques accordent à certaines entreprises une exonération fiscale qui, bien que ne comportant pas un transfert de ressources d'État, place les bénéficiaires dans une situation financière plus favorable que les autres contribuables constitue une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1 (maintenant article 87, paragraphe 1), du traité"(16). La thèse selon laquelle les opérations en question n'auraient pas eu lieu en l'absence de ces mesures, raison pour laquelle, en fin de compte, l'aide augmente les recettes de l'État, ne peut être accueillie. Avant toute chose, on ne peut exclure que des opérations telles que celles envisagées dans le régime à l'examen auraient été, de toute façon, réalisées. Deuxièmement, cette thèse implique que les dispositions fiscales ordinaires, qui s'appliquent aux fusions dans d'autres secteurs, sont davantage destinées à décourager les opérations de fusion qu'à augmenter les recettes de l'État. Le fait que, au total, un régime d'aide augmente le nombre et le montant des opérations imposables et induit donc des recettes supplémentaires pour l'État, n'est pas pertinent dans ce contexte.
(43) Pour les motifs exposés ci-dessus, les mesures en question constituent une aide d'État.
(44) Les aides destinées aux banques dépassent généralement le seuil de minimis. On ne peut toutefois exclure que, dans certains cas déterminés, certaines des mesures, en particulier les mesures visées au considérant 5, points 2, 3, 4 et 5, puissent rentrer dans les seuils de minimis. Dans tous ces cas particuliers, les mesures seraient considérées comme sortant du cadre de l'article 87, paragraphe 1, du traité.
(45) Les aides ne sont pas compatibles au sens de l'article 87, paragraphe 2, du traité. Il ne s'agit pas d'aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, d'aides destinées à remédier aux dommages causés par des calamités naturelles ou d'autres événements extraordinaires ou d'aides octroyées à l'économie de certaines régions de la République fédérale d'Allemagne affectées par la division de l'Allemagne. Et ces aides ne sont pas compatibles non plus au sens de l'article 87, paragraphe 3, point d) (aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine) ou point e) (autres catégories d'aide déterminées par décision du Conseil). D'autre part, l'État membre n'a invoqué aucune de ces dérogations. Le renforcement du système bancaire italien ne peut être considéré comme un "projet d'intérêt européen commun", vu qu'il avantagera principalement les opérateurs économiques d'un État membre et non la Communauté dans son ensemble et qu'il ne promouvra pas un projet concret, précis et bien défini. Il n'est pas destiné non plus à "remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre", vu que rien ne prouve que le système bancaire italien traversait une crise systémique.
(46) L'aide concerne le territoire de l'État tout entier et elle ne peut donc être jugée compatible sur la base de l'article 87, paragraphe 3, points a) ou c), du traité (avec référence au développement économique de certaines régions). En outre, en ce qui concerne la qualification des mesures d'"aides au fonctionnement", il faut noter que, aux fins de l'appréciation effectuée selon les lignes directrices concernant les aides régionales, cette catégorie se réfère à tous les types de dépenses qui ne sont pas inhérents aux investissements initiaux, c'est-à-dire aux investissements en capital fixe relatifs à la création d'un nouvel établissement, à l'agrandissement d'un établissement existant ou à la mise en place d'une activité qui implique un changement fondamental du produit ou du processus de production d'un établissement existant (17). Par conséquent, même si elle visait une dépense relative à un projet spécifique de fusion et d'acquisition dans une région assistée, la mesure dont il s'agit serait de toute façon considérée comme une "aide au fonctionnement", généralement interdite.
(47) Quant à la compatibilité au titre de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité (avec référence au développement de certaines activités économiques) (18), il faut noter que les conditions ne sont pas réunies pour appliquer les lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté. Le régime n'est pas limité aux petites et moyennes entreprises. Les aides n'ont pas été notifiées individuellement à la Commission, et aucun plan de restructuration n'a été présenté. En général, les banques qui bénéficient de l'aide ne sont pas en difficulté, et l'aide n'est pas destinée à rétablir une rentabilité économico-financière à long terme. Les orientations exigent l'adoption de mesures tendant à compenser, dans la mesure du possible, d'éventuelles répercussions négatives de l'aide sur les concurrents. Dans le cas présent, l'aide est en fait destinée à renforcer la position des bénéficiaires par rapport aux concurrents qui n'en bénéficient pas. En ce qui concerne les aides destinées aux petites et moyennes entreprises, la Commission constate que le régime ne s'applique pas seulement aux PME et que les mesures d'allégement ne peuvent être qualifiées d'aides à l'investissement ou d'aides pour d'autres types de dépenses qui pourraient autrement être jugées compatibles. Aucune autre caractéristique du régime ne permet à la Commission de le juger compatible pour d'autres motifs au sens de l'article 87, paragraphe 3, point c). En outre, cette disposition exige que les aides "n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun", condition que la Commission n'estime pas remplie en l'espèce. En effet, par rapport à des mesures précédentes (19) qui peuvent avoir facilité par les banques publiques de la forme de sociétés anonymes, en réduisant, du point de vue de la concurrence, les déséquilibres avec les autres banques (considérants 51 à 54), les présentes mesures ont eu essentiellement pour effet d'améliorer la compétitivité des bénéficiaires dans un secteur caractérisé par une concurrence internationale intense.
(48) L'hypothèse des aides de minimis mise à part, il n'apparaît pas qu'il y ait d'autres circonstances dans lesquelles les mesures en question puissent être considérées compatibles dans des cas individuels. Quoi qu'il en soit, ces derniers auraient dû être notifiés individuellement à la Commission, conformément à l'article 88, paragraphe 3, du traité et l'État italien n'a d'ailleurs pas fourni d'éléments tendant à justifier la compatibilité de l'aide dans des cas individuels.
(49) Selon l'article 14 du règlement (CE) n° 659-1999 (20), dans le cas de décisions négatives relatives à des cas d'aides illégales, la Commission adopte une décision par laquelle elle impose à l'État membre intéressé de prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide auprès du bénéficiaire. La Commission n'impose pas la récupération de l'aide si une telle mesure est en opposition avec un principe général du droit communautaire.
(50) La Commission estime qu'aucun principe général du droit communautaire ne s'oppose à la récupération. Plus particulièrement, en ce qui concerne les attentes légitimes, la Cour a déclaré que, "compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides étatiques opéré par la Commission au titre de l'article 87 du traité, les entreprises bénéficiaires d'une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l'aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue par ledit article. En effet, un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s'assurer que cette procédure a été respectée"(21). L'aide dont il est question a été octroyée sans notification préalable.
(51) Quant au fait que la Commission n'a pas remis en question la loi 218 du 30 juillet 1990, il faut remarquer que cette loi n'a pas été notifiée par le Gouvernement italien. La Commission a examiné seulement certains aspects de la loi en rapport avec des cas individuels (22). Son évaluation a porté en particulier sur les apports de capitaux, élément qui n'est pas à l'examen actuellement. La Commission a estimé que les apports de capitaux prévus par la loi 281-90 permettraient la recapitalisation de certaines banques publiques. Cette opération et les autres avantages qui y étaient liés permettaient d'éliminer, à travers des apports de fonds d'un montant défini, la garantie illimitée de l'État en faveur de banques publiques, jusqu'alors en vigueur. Il était dans l'intérêt de la concurrence de transformer les banques et les organismes d'intérêt public en sociétés anonymes et d'en assurer l'équivalence avec les banques privées.
(52) La justification mentionnée ci-dessus ne s'applique toutefois pas au cas présent. Comme il a été indiqué dans la réponse des autorités italiennes, déjà à la fin de 1992, les banques publiques, à quelques rares exceptions, avaient été transformées en sociétés anonymes. Cette transformation avait été rendue obligatoire par la loi 489 du 26 novembre 1993.
(53) En outre, le fait que, à l'époque, la Commission n'a pas soulevé d'objections sur les autres mesures, peut-être plus semblables à celles introduites par le décret 153-99, n'implique pas que la Commission doive considérer favorablement ces dernières. Une exonération fiscale des transferts d'actifs de la fondation bancaire à la banque destinataire de l'apport ne doit pas nécessairement être évaluée de la même façon qu'une opération analogue de rétrocession de la banque destinataire à la fondation. En effet, l'apport, une fois pour toutes, des actifs à la banque pourrait avoir pour effet de faciliter la transformation des banques publiques en sociétés anonymes. La rétrocession de ces actifs aux fondations, éventuellement réévalués, en exonération d'impôt, a pour objectif (et pour effet) d'améliorer les indices de rentabilité de la banque.
(54) Enfin, même en admettant (ce qui reste à prouver) qu'elle ait eu le même mécanisme et les mêmes effets que les mesures actuellement à l'examen, la loi 218-90 reste de toute façon une mesure ad hoc. En tant que telle, elle pourrait être justifiée, en principe, par les circonstances spécifiques relatives à son introduction, mais à aucun moment, de telles mesures ne peuvent être jugées compatibles avec le Marché commun.
(55) Quant au fait que les opérations ont été autorisées par la Banca d'Italia, qui est l'autorité compétente pour le secteur du crédit en Italie, il faut noter que la Banca d'Italia n'a aucune compétence pour les questions relatives aux aides d'État.
(56) Pour les motifs susmentionnés, les bénéficiaires de l'aide ne pouvaient pas nourrir l'attente légitime que les mesures seraient compatibles avec le Marché commun. En décidant de réaliser l'opération de fusion subventionnée, n'importe quel opérateur diligent aurait dû tenir compte de l'éventualité que l'aide soit déclarée incompatible. Si l'avantage fiscal avait représenté une condition sine qua non pour la rentabilité de la fusion, aucun opérateur prudent n'aurait conclu l'opération. Pour ces motifs, on ne peut prétendre que la récupération de l'aide est contraire au principe de proportionnalité.
(57) Il faut ajouter à l'aide à récupérer les intérêts qui, selon la pratique administrative de la Commission, sont déterminés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention équivalente dans le domaine des aides régionales.
VI. CONCLUSION
(58) La Commission constate que l'Italie a mis à exécution de manière illicite la loi 461-98 et le décret 153-99, en violation de l'article 88, paragraphe 3, du traité. De telles mesures confèrent un avantage aux banques en ce qu'elles leur permettent d'augmenter leur propre dimension et de bénéficier d'économies d'échelle à un coût réduit. La loi 461-98 et le décret 153-99 introduisent des avantages fiscaux également pour les fondations bancaires. Les mesures destinées aux fondations bancaires ne font pas l'objet de la présente décision et elles seront examinées séparément.
(59) L'avantage est octroyé par le biais d'une renonciation à des recettes fiscales, c'est-à-dire par le biais de ressources d'État. L'aide octroyée aux banques est sélective. Elle est en effet discriminatoire à l'intérieur du secteur et vis-à-vis des autres secteurs. Les mesures examinées ne représentent pas une adaptation du système général aux caractéristiques spécifiques de l'activité bancaire, mais bien une aide ad hoc ayant pour effet d'améliorer la compétitivité de certaines entreprises, et plus précisément des banques participant à des opérations de fusion. Les mesures ne sont pas justifiées par la nature ou la structure générale du système, à la seule exception de l'exonération fiscale pour les transferts aux fondations bancaires des participations au capital de la Banca d'Italia (article 27, paragraphe 2, du décret 153-99), dans la mesure où la double opération que constituent l'attribution des parts à la banque et leur transfert subséquent à la fondation ne produit pas d'effets sur le bilan de la banque.
(60) L'aide avantage les entreprises qui opèrent dans un secteur caractérisé par une activité transfrontalière. Il faut donc considérer que l'aide a une influence sur ladite activité.
(61) L'aide aux banques dépasse le seuil de minimis et n'est pas compatible avec l'article 87, paragraphe 3, du traité.
(62) La Commission doit constater que l'aide d'État est incompatible avec le Marché commun et enjoindre l'État membre à la récupérer. La Commission considère en outre que les bénéficiaires de l'aide n'ont aucun motif de nourrir des attentes légitimes quant à la compatibilité des mesures en question avec le Marché commun.
(63) La présente décision concerne le régime d'aides et doit être exécutée sans retard, en particulier en ce qui concerne la récupération de chacune des aides individuelles accordées dans le cadre du régime. La Commission rappelle en outre qu'une décision relative à un régime d'aides ne préjuge pas de la possibilité qu'une aide individuelle déterminée soit jugée, entièrement ou partiellement, compatible avec le Marché commun, pour des raisons intrinsèques, dans le contexte d'une décision future de la Commission ou conformément à un règlement d'exemption. Toutefois, à la lumière des considérations qui précèdent, la compatibilité éventuelle d'une aide individuelle apparaît hautement improbable dans les circonstances présentes,
A arrêté la présente décision :
Article premier
À l'exception des mesures visées à l'article 2, le régime d'aides d'État que l'Italie a mis à exécution sur la base de la loi 461 du 23 décembre 1998 et du décret législatif 153 du 17 mai 1999, en particulier sur la base de l'article 16, paragraphes 3 et 5, de l'article 22, paragraphe 1, de l'article 23, paragraphe 1, de l'article 24, paragraphe 1, et de l'article 27, paragraphe 2, du décret législatif 153 du 17 mai 1999, est incompatible avec le Marché commun.
Article 2
Les mesures d'allégement visées à l'article 27, paragraphe 2, du décret législatif 153 du 17 mai 1999 ne constituent pas des aides d'État dans la mesure où la double opération que constituent l'attribution des participations au capital de la Banca d'Italia à la société bénéficiaire de l'apport et leur transfert subséquent à la fondation ne produit pas d'effets sur le budget de ladite société.
Article 3
L'Italie supprime le régime d'aides visé à l'article 1er.
Article 4
1. L'Italie adopte toutes les mesures nécessaires afin de récupérer auprès des bénéficiaires les aides octroyées sur la base du régime visé à l'article 1er et déjà mises illégalement à leur disposition.
2. La récupération est exécutée sans retard selon les procédures de droit interne, à condition que celles-ci permettent l'exécution immédiate et effective de la décision. L'aide à récupérer comprend les intérêts, qui vont de la date où l'aide est devenue disponible pour les bénéficiaires à celle de la récupération effective. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale.
Article 5
Dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, l'Italie informe la Commission des mesures prises pour s'y conformer.
Article 6
La République italienne est destinataire de la présente décision.
(1) JO C 44 du 10.2.2001, p. 2.
(2) Voir note 1 de bas de page.
(3) JO C 288 du 9.10.1999, p. 2.
(4) Communication de la Commission adressée conformément à l'article 93, paragraphe 2, du traité aux autres États membres et autres intéressés concernant l'aide que l'Italie a décidé d'accorder au Banco di Napoli, affaire C-40-96 (JO C 328 du 1.11.1996, p. 23).
(5) Décret législatif 466 du 18 décembre 1997.
(6) Décret législatif 446 du 15 décembre 1997.
(7) Arrêt du Tribunal de première instance du 27 janvier 1998 dans l'affaire T-67-94: Ladbroke Racing Ltd contre Commission, Rec. 1998, p. II-1.
(8) Arrêt du Tribunal de première instance du 29 septembre 2000 dans l'affaire T-55-99: Confederación Española de Transporte de Mercancías (CETM) contre Commission, Rec. II-2000, page 3207, point 52 des motifs.
(9) Arrêts de la Cour de justice du 14 octobre 1987 dans l'affaire 248-84: Allemagne contre Commission, Rec. 4013, points 17-18 des motifs; du 5 octobre 1994 dans l'affaire C-47-91: Italie contre Commission, Rec. I-4635, points 20-21 des motifs; du 17 juin 1999 dans l'affaire C-75-97: Royaume de Belgique contre Commission, Rec. I-3671, point 48 des motifs; du 19 octobre 2000 dans les affaires jointes C-15-98 et C-105-99: République italienne et Sardegna Lines contre Commission, Rec. I-8855, point 51 des motifs.
(10) JO C 288 du 9.10.1999. Étant donné qu'une partie de l'aide a été octroyée après le 9 octobre 1999, ces lignes directrices s'appliquent, en vertu de la section 7.5, point 101.
(11) JO C 74 du 10.3.1998, p. 9.
(12) Arrêt de la Cour de justice du 17 juin 1999 dans l'affaire C-75-97: Royaume de Belgique contre Commission - Opération "Maribel bis/ter", Rec. I-3671, point 33 des motifs.
(13) Arrêt de la Cour de justice du 2 juillet 1974 dans l'affaire C-173-73: République italienne contre Commission, Rec. 709, point 28 des motifs.
(14) Arrêt de la Cour de justice du 17 septembre 1980 dans l'affaire 730-79: Philip Morris Holland contre Commission, Rec. 2671, point 11 des motifs.
(15) Arrêt de la Cour de justice du 21 mars 1991 dans l'affaire C-303-88: République italienne contre Commission, Rec. I-1433, point 27 des motifs.
(16) Arrêt de la Cour de justice du 19 mai 1999 dans l'affaire C-6-97: République italienne contre Commission, Rec. I-2981, point 16 des motifs.
(17) Lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale (JO C 74 du 10.3.1998, p. 9). En particulier les sections 4.1, 4.4 et 4.15.
(18) JO C 288 du 9.10.1999. Vu qu'une partie de l'aide a été octroyée après le 9 octobre 1999, ces orientations s'appliquent conformément à la section 7.5, point 101.
(19) En particulier la loi 218 du 30 juillet 1990.
(20) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.
(21) Arrêt de la Cour de justice du 14 janvier 1997 dans l'affaire C-169-95: Royaume d'Espagne contre Commission, Rec. I-135, point 51 des motifs.
(22) Décision de la Commission du 20 mai 1992 concernant la recapitalisation de deux importantes banques siciliennes (JO C 160 du 26.6.1992, p. 8), et communication de la Commission adressée conformément à l'article 93, paragraphe 2, du traité concernant l'aide que l'Italie a décidé d'accorder au Banco di Napoli (JO C 328 du 1.11.1996, p. 23). Voir également les décisions de la Commission du 29 juillet 1998 portant approbation conditionnée de l'aide accordée par l'Italie à Banco di Napoli (JO L 116 du 4.5.1999, p. 36) et du 10 novembre 1999 portant autorisation conditionnelle de l'aide accordée par l'Italie aux banques publiques siciliennes Banco di Sicilia et Sicilcassa (JO L 256 du 10.10.2000, p. 21).