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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 22 juin 2005, n° 04-05904

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Diramode (SA), Promotion du Prêt à Porter (SAS)

Défendeur :

Stock J. Boutique Jennyfer (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Carré-Pierrat

Conseillers :

Mmes Magueur, Rosenthal-Rolland

Avoués :

Me Teytaud, SCP Baskal-Chalut-Natal

Avocats :

Mes Bertrand, Hoffman-Attias

T. com. Bobigny, du 11 mars 2004

11 mars 2004

Vu l'appel interjeté le 26 mars 2004, par la société Diramode et la société Promotion du Prêt-à-Porter d'un jugement rendu le 11 mars 2004 par le Tribunal de commerce de Bobigny qui a :

* déclaré valable le rapport d'expertise de Monsieur Grusca,

* condamné les sociétés Diramode et Promotion du Prêt-à-Porter à payer solidairement à la société Stock J. Boutique la somme de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts,

* débouté les parties de toutes leurs prétentions incompatibles avec la motivation retenue et le dispositif,

* condamné les sociétés Diramode et Promotion du prêt à Porter à payer à la société Stock J. Boutique la somme de 10 000 euro au titre des frais irrépétibles et aux dépens ;

Vu les dernières écritures en date du 20 mai 2005, par lesquelles les sociétés Diramode et Promotion du Prêt-à-Porter, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, demandent à la cour de :

* dire que la société Jennyfer s'est rendue coupable d'actes de parasitisme économique, de concurrence déloyale par confusion dans l'esprit du public, ainsi que d'actes de concurrence déloyale par vente à vil prix de 18 produits servilement reproduits et offerts à la vente,

* annuler ou à tout le moins écarter des débats le rapport d'expertise rendu par Monsieur Gruska,

* interdire à la société Jennyfer de reproduire, fabriquer, faire fabriquer, importer, détenir, commercialiser, distribuer et exposer les articles incriminés sous astreinte de 1 500 euro par infraction constatée,

* ordonner sous astreinte et aux frais de la société Jennyfer la destruction de l'ensemble des articles vestimentaires objet des présents débats et ce, sous contrôle d'huissier,

* condamner la société Jennyfer au paiement de :

- la somme de 164 486 euro au titre des ventes manquées sur le modèle manteau caban Réf. 201049,

- la somme de 265 305,97 euro au titre des ventes manquées sur le modèle de jupe Réf. 694011,

- la somme de 154 520,58 euro au titre des ventes manquées sur le modèle de jupe Réf. 646396,

- la somme de 134 953,95 euro au titre des ventes manquées sur le modèle de chemisier Réf. 536042,

- la somme de 95 300,35 euro au titre des ventes manquées sur le modèle de manteau Réf. 226093,

- la somme de 55 807,84 euro au titre des ventes manquées sur le modèle de bustier Réf. 458566,

- la somme de 191 520 euro au titre des ventes manquées sur le modèle de blouson Réf. 246078,

- la somme de 724 794,96 euro au titre des ventes manquées sur le modèle de manteau Réf. 246068,

- la somme de 6 965,76 euro au titre des ventes manquées sur le modèle de jupe Réf. 645054,

- la somme de 197 040,90 euro au titre des ventes manquées sur le modèle de Tee-shirt Réf. Col bateau Séri,

- la somme de 488 127,92 euro au titre des ventes manquées sur le modèle de Tee-Shirt Réf. 456391,

- la somme de 310 023,30 euro au titre des ventes manquées sur le modèle de Tee-Shirt Réf. 454450,

- la somme de 66 227,62 euro titre des ventes manquées sur le modèle de Tee-Shirt Réf. 454422,

- la somme de 135 001,56 euro au titre des ventes manquées sur le modèle de pull-over Réf. 479 161,

- la somme de 369 880,63 euro au titre des ventes manquées sur le modèle de pull Réf. 484959,

- la somme de 86 577,25 euro au titre des ventes manquées sur le modèle de Tee-Shirt Réf. 457857,

- la somme de 244 137,28 euro au titre des ventes manquées sur le modèle de Tee-Shirt Manga.

- la somme de 41 305,24 euro au titre des ventes manquées sur le modèle de Tee-Shirt (dossier 18),

* dire que la société Jennyfer a porté atteinte aux investissements qui consiste dans le référencement des produits, les frais marketing, de promotion, de publicité,

* condamner la société Jennyfer à payer de ce fait aux appelantes la somme de 25 000 euro en réparation de l'atteinte particulière à leurs investissements,

* dire que les actes de commercialisation massifs de produits identiques, servilement reproduits, et à proximité même des enseignes Pimkie, portent une atteinte grave et irrémédiable à l'image commerciale des sociétés Diramode et PPP et réduisent la portée de leurs investissements,

* condamner la société Jennyfer à verser aux sociétés appelantes la somme de 45 000 euro en réparation de cette atteinte,

* condamner la société Jennyfer au versement de la somme de 15 000 euro de dommages et intérêts au titre de la violation de ses engagements protocolaires,

* condamner la société Jennyfer au paiement de la somme de 15 000 euro de dommages et intérêts au titre des faits de publicités mensongères et/ou trompeuses,

* ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir dans dix revues périodiques au choix des appelantes et ce aux frais de la société Jennyfer à hauteur d'une somme de 85 000 euro HT,

* les autoriser à publier à titre complémentaire et à leurs frais l'arrêt à intervenir, en partie ou in extenso dans toutes revues de leur choix dans la limite d'une année à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

* ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir sur le website de la société Jennyfer à l'adresse "http://jennyfer.com" pendant une durée d'une année à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, cette publication devant figurer sur la page d'accueil dudit site,

* dire que le texte des publications pourra être accompagné des photographies des articles incriminés,

* ordonner le remboursement des frais d'expertise exposés par les sociétés Diramode et PPP,

* condamner la société Jennyfer à payer aux sociétés Diramode et PPP la somme de 35 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Vu les dernières écritures en date du 13 mai 2005, aux termes desquelles la société Stock J. Boutique, exerçant sous l'enseigne Jennyfer, prie la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant, condamner solidairement les sociétés Diramode et Promotion du Prêt-à-Porter au versement de la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Sur ce, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il suffit de rappeler que :

* la société Diramode, créée en 1974, a pour activité la commercialisation d'articles vestimentaires destinés à une clientèle composée d'adolescentes et de jeunes femmes,

* ses produits sont distribués sous la marque Pimkie à travers plus de 220 boutiques en France exploitées par la société Promotion du Prêt-à-Porter,

* la société Stock J. Boutique, commercialise également dans plus de 200 magasins à l'enseigne Jennyfer, des vêtements de Prêt-à-Porter s'adressant à une clientèle de jeunes filles et de jeunes femmes,

* selon un protocole d'accord signé le 14 novembre 1998, entre la société Diramode et la société Stock J. Boutique, ces parties sont convenues de rappeler que "dans le but d'établir des relations de concurrence saine, sont entendus comme comportements inacceptables toutes formes de copie et/ou imitation des produits commercialisés dans les magasins de l'autre partie, étant entendu que ne sont concernés que les produits susceptibles de protection au sens du Code de la propriété intellectuelle et que la création dans l'activité des parties s'entend non seulement comme l'invention proprement dite de nouveaux modèles mais aussi comme la combinaison originale d'éléments connus",

* aux termes de cet accord, les parties, reconnaissant opérer sur un segment concurrentiel proche, présenter leurs enseignes dans les mêmes sites, se sont interdit "tout comportement de nature à porter préjudice à l'autre partie dans le cadre ou à l'occasion de leurs activités et en particulier toute action susceptible de fausser ou restreindre le libre jeu de la concurrence sur le marché",

* reprochant à la société Stock J. Boutique, d'avoir violé ce protocole en proposant à la vente au cours de l'année 2001, dans un souci de moindre économie et par un comportement parasitaire, des vêtements reproduisant de manière quasi-servile toute une gamme de leurs produits, les sociétés Diramode et Promotion du Prêt-à-Porter, régulièrement autorisées par ordonnance présidentielle du 4 octobre 2001, ont fait procéder le 12 octobre 2001 à un procès verbal de constat par la SCP Dellatana-Langle, huissiers de justice, au siège social de la société Stock J. Boutique,

* par ordonnance de référé du 31 octobre 2001, le président du tribunal de commerce de Bobigny, prenant acte de l'accord des parties a nommé la SCP Dellatana et Langle, huissiers de justice, afin de :

- recevoir les documents et pièces devant être échangés entre les parties,

- dresser procès verbal du dépôt de ces documents et pièces dans lequel l'huissier commis en fera l'analyse sans révéler les éléments dont le maintien de la confidentialité aura été requis,

* ce constat a été établi le 8 juillet 2002,

* les sociétés Diramode et Promotion du Prêt à Porter ont ainsi assigné la société Stock J. Boutique en concurrence déloyale devant le Tribunal de commerce de Bobigny,

* par jugement du 30 janvier 2003, ce tribunal, avant dire droit, a commis Monsieur Grusca en qualité d'expert avec mission de :

- se faire communiquer tous documents et pièces utiles à sa mission,

- exécuter sa mission à l'aide des documents et pièces remis par les parties, qu'il s'agisse des vêtements incriminés ou du protocole d'accord signé en 1988,

- se faire communiquer le procès verbal de constat du 8 juillet 2002 et vérifier le bien fondé de l'examen des comptes des demanderesses,

- rechercher les antériorités des modèles incriminés et vérifier si ces modèles ou des modèles présentant des caractéristiques voisines n'étaient pas commercialisés auparavant par d'autres concurrents,

- replacer les sociétés en cause sur le marché des vêtements querellés, notamment face aux enseignes ETAM, GAP, NAF NAF, KOOKAI, ZARA, H&M,

- procéder à une étude circonstanciée de la notoriété des deux magasins Pimkie et Jennyfer,

- fournir tous éléments techniques de nature à déterminer les responsabilités encourues,

* l'expert a clôturé son rapport le 9 mai 2003,

* c'est dans ces conditions qu'est intervenue la décision déférée ;

Sur la concurrence déloyale et parasitaire :

Considérant qu'en dépit des vives critiques apportées par la société Diramode et la société Promotion du Prêt-à-Porter au rapport d'expertise de Monsieur Grusca, ce rapport n'a lieu ni d'être annulé, ni d'être écarté des débats, la discussion de ses conclusions restant ouverte devant la cour ; Considérant en droit, d'une part, que le simple fait de commercialiser un produit concurrent qui n'est pas protégé par des droits privatifs de propriété intellectuelle ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale, en l'absence d'un risque de confusion dans l'esprit des consommateurs sur l'origine du produit ;

Que d'autre part, la recherche d'une économie au détriment d'un concurrent n'est pas en tant que telle fautive et procède de la liberté du commerce et de la libre concurrence ;

Qu'il n'en est pas de même lorsque ces actes traduisent un comportement fautif engendrant pour celui qui en est l'objet un préjudice ;

Considérant en l'espèce, qu'il n'est pas contesté d'une part, que les enseignes Pimkie et Jennyfer visent la même clientèle à savoir des adolescentes ou des jeunes femmes, pour des produits vendus dans une gamme de prix équivalente, d'autre part, qu'elles ont de nombreuses boutiques situées à proximité, enfin que leurs offres s'inscrivent pareillement dans les tendances de la mode;

Que par suite d'un jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 25 septembre 1998, condamnant la société Stock J. Boutique Jennyfer pour contrefaçon d'un modèle de pantalon, cette dernière et la société Diramode ont signé, le 14 novembre 1998, le protocole précité aux termes duquel, reconnaissant opérer sur un segment concurrentiel proche, présenter leurs enseignes dans les mêmes sites, elles se sont interdit tout comportement de nature à porter préjudice à l'autre partie dans le cadre ou à l'occasion de leurs activités et en particulier toute action susceptible de fausser ou restreindre le libre jeu de la concurrence sur le marché;

Considérant que les sociétés Diramode et Promotion du Prêt-à-Porter, invoquant les dispositions de l'article 10 bis de la Convention de Paris qui prohibe "tout acte de concurrence contraire aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale", soutiennent qu'en méconnaissance de ce protocole d'accord, la société Stock J. Boutique a porté atteinte à leurs activités par sa politique commerciale fondée sur le parasitisme et la copie déloyale, en faisant fabriquer et en revendant à moindre coût, en raison de leur succès, 18 vêtements, copies serviles de ceux qu'elle ont précédemment référencés et proposés à la vente;

Considérant que la société Stock J. Boutique ne conteste pas que sur ces dix huit modèles, un seul a été acheté auprès du même fabricant, les autres articles ayant été confectionnés à sa demande par d'autres façonniers;

Que l'examen de ces modèles auquel la cour a procédé, et les éléments comptables portés à la connaissance de la SCP Dellatana-Langle, dont le constat est annexé au rapport d'expertise, révèlent que:

* le modèle de manteau caban référencé 2010049, caractérisé par sa forme 3/4, une fermeture zippée, la présence d'une capuche, vendu par la société Promotion du Prêt-à-Porter, dès le mois de juin 2000, à 13 665 exemplaires jusqu'au mois de novembre 2001, a été reproduit par la société Stock J. Boutique le 17 juillet 2001 et vendu en 4 274 exemplaires;

* 3 725 modèles de jupe référencée 694011, à la coupe longue et droite, comportant une bande intégrée en bas et une broderie chinoise et une fente sur le côté, acquis par la société Diramode, ont été vendus du 21 septembre 2000 au mois de novembre 2001 par la société Promotion du Prêt-à-Porter,

* le 21 juillet 2001, la société Stock J. Boutique a proposé à la vente et vendu à 11 592 exemplaires un modèle de jupe, reproduisant la même coupe longue et droite, la même bande intégrée en bas du vêtement, une broderie et une fente identique,

* les caractéristiques du modèle de jupe référencé 646396 acquis par la société Diramode et mis en vente par la société Promotion du Prêt-à-Porter dès le mois de septembre 2000, commercialisé à 7 100 exemplaires jusqu'au mois de novembre 2001, forme mi-longue, fentes sur le côté, bandes contrastantes sur le bas, broderie chinoise sur la hanche, sont reproduites sur le modèle de jupe proposé à la vente par la société Stock J. Boutique le 15 juillet 2001 et vendu à 6 823 exemplaires,

* la société Stock J. Boutique a fait fabriquer et vendu le 17 août 2001 un chemisier en crépon, comportant une encolure ronde, des manches longues et en forme pagode, reproduisant les éléments essentiels du chemisier référencé 536042 proposé à la vente par la société Promotion du Prêt-à-Porter le 11 mars 1999,

* du mois de décembre 2000 jusqu'au mois de décembre 2001, la société Promotion du Prêt-à-Porter a commercialisé un manteau en faux cuir, référencé 226093, acquis par la société Diramode, caractérisé par une encolure carrée, une piqûre au niveau de la taille, des surpiqûres latérales, deux fentes sur le devant,

* ce même modèle a été vendu par la société Stock J. Boutique à compter du 22 octobre 2001, à 3 732 exemplaires,

* la société Stock J. Boutique a offert à la vente un bustier au mois d'août 2001, reproduisant les caractéristiques d'un modèle vendu par la société Promotion du Prêt-à-Porter, sous la référence 458560, dès le mois de juillet 2000 et jusqu'au mois de novembre 2001,

* un modèle de blouson, portant la référence 246078, à la forme courte et cintrée, agrémenté d'un col de fourrure, comportant deux poches en biais, mis en vente par la société Promotion du Prêt-à-Porter au mois de juillet 2000 et vendu à 5 200 exemplaires jusqu'au mois de novembre 2001, a été pareillement commercialisé par la société Stock J. Boutique au mois d'août 2001,

* cette société a fait fabriquer un modèle de manteau au mois de juillet 2001, reprenant les éléments essentiels de celui vendu et référencé sous le numéro 246068, par les sociétés appelantes depuis le mois de juillet 2000 et jusqu'au mois de novembre 2001, à savoir la même forme cintrée, l'apposition d'une fourrure sur les poignets, le col et le devant du vêtement,

* la société Promotion du Prêt à Porter a mis en vente au mois de janvier 2000 et vendu jusqu'au mois de septembre 2001, un modèle de jupe courte, référencé 654054 par la société Diramode, à la forme trapézoïdale, comportant une broderie chinoise sur le côté et une bande contrastante au bas de la jupe,

* ce même modèle a été proposé à la vente par la société Stock J. Boutique au mois d'août 2001,

* un modèle de tee-shirt, référencé "Col Bateau Ser", caractérisé par une encolure bateau, une impression sérigraphiée sur le devant, en forme de dragon stylisé, vendu par la société Promotion du Prêt-à-Porter du mois de mai 2000 au mois de septembre 2001, a été également proposé à la vente par la société Stock J Boutique au mois de juillet 2001,

* la société Stock J. Boutique a également mis en vente au mois de juillet 2001 un modèle de tee-shirt à manches longues, au col en V en faux doublé, comportant sur le devant une sérigraphie chinoise, reproduisant les caractéristiques du tee-shirt vendu dans les magasins Pimkie , référence 456391, du mois d'octobre 2000 au mois de d'octobre 2001,

* la société Promotion du Prêt à Porter a vendu du mois de juillet 2000 au mois de septembre 2001 un tee-shirt à manches courtes, référencé 454450, caractérisé par des broderies cousues sur les manches,

* un modèle reprenant les mêmes broderies a été proposé à la vente par la société Stock J Boutique au cours du mois de juillet 2001,

* la société Promotion du Prêt-à-Porter a mis en vente en novembre 2000 jusqu'au mois de septembre 2001, un tee-shirt acquis par la société Diramode, portant la référence 454422, comportant une encolure bateau, sur le devant et des manches mi-longues, des motifs chinois et la représentation d'un dragon stylisé,

* un modèle similaire a été proposé à la vente par la société Stock J Boutique le 5 juillet 2001,

* les sociétés Diramode et Promotion du Prêt-à-Porter ont commercialisé du mois de septembre 1999 au mois de septembre 2001 un pull-over à col roulé, muni d'un stretch en bas du vêtement et des manches, sous la référence 479161,

* le même pull-over a été offert à la vente par la société Stock J. Boutique au mois d'août 2000,

* un pull-over référencé "Rizette", caractérisé par une forme déstructurée, une encolure bateau, des manches pagodes, une large trame rayée, a été vendu dans les magasins Pimkie du mois de février 2000 au mois de juin 2001 à 9 196 exemplaires,

* ce même modèle de pull a été mis en vente par la société Stock J. Boutique au mois de juin 2001 et vendu à 24 914 exemplaires,

* un chemisier à volant et frisottis, comportant un col en V, des manches 3/4 à finitions frisottis, une fermeture à lacets située sur le devant, a été commercialisé par les sociétés appelantes du mois d'avril 2000 au mois d'août 2001,

* un modèle de chemisier similaire, col en V, manches 3/4, fermeture à lacets sur le devant, frisottis aux manches, a été offert à la vente par la société Stock J. Boutique au mois d'avril 2001,

* la société Promotion du Prêt à Porter a vendu du mois de juillet 2000 au mois de juin 2002, un tee-shirt "Manga", acquis par la société Diramode, dont le motif central représente une jeune fille stylisée, au large sourire, coiffée de nattes, sur fond de fleurs,

* la société Stock J. Boutique a commercialisé au mois de juillet 2001, un tee-shirt comportant également un motif central représentant une jeune fille au large sourire, coiffée de couettes, sur fond de fleurs,

* au mois de juillet 2000 et jusqu'au mois de juin 2002, a été mis en vente dans les boutiques Pimkie un tee-shirt à manches longues, comportant un motif de forme ovale où figure une arborescence de lettrines chinoises sur le devant et les manches, * au cours du mois de février 2001, la société Stock J. Boutique a fait fabriquer et a vendu un tee-shirt reproduisant ces caractéristiques;

Considérant qu'il est établi et non contesté que la société Stock J. Boutique a offert à la vente les vêtements litigieux à des prix largement inférieurs à ceux pratiqués par les sociétés appelantes:

* manteau caban : 45,58 euro / 76,07 euro,

* jupe 694011 : 15,09 euro / 25,76 euro,

* jupe 646396 : 12, 04 euro / 22,71 euro,

* chemisier 536042 : 12,04 euro / 28, 20 euro,

* manteau 22609 : 37,96 euro / 53,20 euro,

* bustier : 8,38 euro / 13,56 euro,

* blouson : 30,34 euro / 53,20 euro,

* manteau 246068 : 37,96 euro / 76,07 euro,

* jupe 645054 : 15,09 euro / 18,14 euro,

* tee-shirt Seri : 5,95 euro / 13,56 euro,

* tee-shirt 456391 : 6,86 euro / 19,66 euro,

* tee-shirt 454450 : 5,34 euro / 13,56 euro,

* tee-shirt 454422 : 8,99 euro / 12,04 euro,

* pull 479161 : 12, 04 euro / 19,56 euro,

* pull 484959 : 19,67 euro / 25,76 euro,

* tee-shirt 457857 : 12,04 euro / 21,19 euro,

* tee-shirt manga : 7,47 euro / 19,67 euro,

* tee-shirt manches longues : 7,49 euro / 21,19 euro;

Considérant qu'il ressort de ces éléments que la société Stock J. Boutique, a commercialisé, à moindre coût, les dix-huit modèles litigieux postérieurement à leur référencement et à leur mise en vente par les sociétés appelantes; qu'ils ont été offerts à la vente durant une période concomitante dans les magasins Pimkie et Jennyfer, au segment de marché concurrentiel proche et dont la proximité des enseignes sur l'ensemble du territoire national n'est pas contestée ;

Que cette commercialisation n'a pu que créer un risque de confusion dans l'esprit du consommateur sur l'origine des produits ;

Considérant que la société Stock J. Boutique ne démontre aucunement, malgré les quelques coupures de presse produits aux débats, (magazines Vogue, Elle, La Redoute) que ces dix-huit modèles seraient basiques ou auraient été vendus dans d'autres enseignes de prêt à porter s'adressant à la même clientèle, telles que notamment les boutiques ETAM, ZARA, GAP, H&M, CAMAIEU, PROMOD, LA CITY ;

Qu'en dépit des tendances de la mode, le choix particulier de la société Stock J. Boutique de commercialiser ces dix-huit vêtements, dont le succès commercial n'est pas démenti, identiques ou similaires à ceux précédemment sélectionnés et vendus sous l'enseigne Pimkie n'est pas fortuit et procède au contraire de la volonté délibérée de se placer dans le sillage d'une société concurrente sur le même segment de marché ;

Qu'en faisant reproduire les dix huit articles incriminés, la société Stock J. Boutique a minimisé la prise de risque sur la commercialisation de ces vêtements, profité des frais de prospection et de référencement des sociétés appelantes et a ainsi manqué à la loyauté qui doit régir les rapports commerciaux ;

Qu'en outre, cet agissement déloyal contrevient aux termes du protocole signé entre la société Stock J. Boutique et la société Diramode qui se sont interdit tout comportement de nature à porter préjudice à l'autre partie dans le cadre ou à l'occasion de leurs activités et en particulier toute action susceptible de fausser ou restreindre le libre jeu de la concurrence sur le marché;

Considérant de sorte, qu'infirmant la décision entreprise en toutes ses dispositions, il convient de retenir à l'encontre de la société Stock J Boutique des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;

Sur la publicité mensongère :

Considérant en droit qu'aux termes de l'article L. 121-1 du Code de la consommation sont interdites les publicités comportant des indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur "la nature, la composition, les qualités substantielles du produit"; Considérant que les sociétés Diramode et Promotion du Prêt-à-Porter reprochent à la société Stock J. Boutique d'avoir apposé sur les étiquettes des vêtements qu'elle a commercialisés la mention "modèle déposé" ;

Que les premiers juges n'ont pas répondu à ce grief ;

Considérant que la mention critiquée ne porte nullement sur la nature, la composition ou la qualité substantielle du produit, de sorte que ce grief sera écarté ;

Sur les mesures réparatrices

Considérant que les agissements déloyaux ont porté sur dix-huit vêtements commercialisés à près de 300 000 exemplaires ;

Que ces faits de concurrence déloyale et parasitaire, au mépris des termes du protocole signé le 14 novembre 1998, ont nécessairement causé aux sociétés Diramode et Promotion du Prêt-à-Porter un préjudice résultant d'un manque à gagner et d'un trouble commercial ;

Qu'en revanche, il n'est pas démontré une atteinte portée à l'image du réseau de vente des magasins Pimkie ;

Que de sorte, les préjudices subis par la société Diramode et la société Promotion du Prêt-à-Porter seront entièrement réparés par l'allocation de la somme de 300 000 euro à titre de dommages et intérêts ;

Qu'il sera fait droit, aux mesures d'interdiction et de publication sollicitées ainsi qu'il est précisé au dispositif de la présente décision ;

Qu'en revanche, eu égard à la date des faits reprochés, il n'y a pas lieu d'ordonner la destruction des articles incriminés, leur mise en vente n'étant plus actuellement démontrée

Sur les autres demandes ;

Considérant que la solution du litige commande d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les sociétés Diramode et Promotion du Prêt-à-Porter au paiement de la somme de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de rejeter la demande reconventionnelle de la société Stock J. Boutique tendant au versement d'une indemnité complémentaire ;

Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier aux sociétés Diramode et Promotion du Prêt-à-Porter ; qu'il leur sera alloué à ce titre la somme de 20 000 euro ; que la société Stock J. Boutique qui succombe en ses prétentions doit être déboutée de sa demande formée sur ce même fondement; Que la société Stock J. Boutique sera condamnée aux dépens de première

instance et d'appel lesquels comprennent les frais d'expertise;

Par ces motifs, Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, Statuant à nouveau ; Dit que la société Stock J. Boutique a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre des sociétés Diramode et Promotion du Prêt-à-Porter, La condamne en conséquence à payer aux sociétés Diramode et Promotion du Prêt-à-Porter la somme de 300 000 euro à titre de dommages et intérêts, Interdit à la société Stock J. Boutique de reproduire, fabriquer, faire fabriquer, détenir, commercialiser les vêtements incriminés sous astreinte de 500 euro par infraction constatée, passée la signification du présent arrêt, Ordonne la publication de la présente décision dans trois revues au choix des sociétés Diramode et Promotion du Prêt-à-Porter, aux frais de la société Stock J. Boutique, dans la limite de la somme de 3 000 euro HT par insertion, Rejette toutes autres demandes, Condamne la société Stock J. Boutique à payer aux sociétés Diramode et Promotion du Prêt-à-Porter la somme de 20 000 euro au titre des frais irrépétibles, Condamne la société Stock J. Boutique aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise, et dit que ces dépens pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.